une semaine en mars (4ème)

Kanazawa était la deuxième étape de ces petites vacances de Mars 2017. La ville de Kanazawa 金沢市 se trouve à L’Ouest de Tokyo, dans la préfecture de Ishikawa, au bord de la mer du Japon. On s’y rend de préférence en Shinkansen, le Hokuriku, du nom de la région incluant Kanazawa. Je ne connais pas très bien l’Ouest du Japon, mais ce sont des régions que j’ai toujours eu envie de découvrir. On dit de Kanazawa qu’elle est une petite Kyoto, car elle a conservé certains quartiers préservés de l’époque d’Edo (1603-1868), notamment les maisons de thé où l’on trouvait des geisha dans le quartier de Higashi Chaya ou Nishi Chaya. Kanazawa était l’ancienne cité féodale, fief du clan des Maeda 前田 qui ont géré de père en fils cette région.

On y trouve un château, qui ne garde malheureusement que quelques tours et un bâtiment central tout en longueur, et un parc, le Kenrokuen, qui est peut être le plus beau que j’ai pu voir au Japon. Ce parc jardin garde toutes les caractéristiques qu’il possédait à l’époque d’Edo. Il est situé en face du château de Kanazawa et a vu sa surface s’étendre suivant les règnes successifs du clan Maeda. Le jardin est situé sur une colline, il possède plusieurs étangs liés par un petit ruisseau que l’on peut traverser à plusieurs endroits par des ponts de pierre. On l’appelle Kenrokuen 兼六園 (avec le chiffre 6) parce qu’il dispose des six attributs d’un jardin parfait à savoir l’espace, le calme, la beauté antique, l’ingéniosité, l’usage de l’eau et une vue panoramique.

Le jardin est très grand et possède de très nombreux chemins sinueux, ce qui fait que l’on peut s’y perdre volontiers en utilisant différents chemins pour arriver aux mêmes lieux. La construction la plus ancienne du jardin est le Yûgao-tei, datant de 1774, utilisée pour la cérémonie du thé. La forme du toit est très intéressante. Le point de vue le plus populaire du jardin est sans aucun doute celui de la lanterne Kotojiro avec l’étang Kasumigaike en arrière plan et une petite maison de thé sur pilotis avec vue sur une île intérieure à l’étang. Parfois, j’aimerais pouvoir revenir dans le temps pour pouvoir vivre une promenade dans ce jardin à l’époque d’Edo. C’est d’autant plus facile à imaginer que ce jardin est assez peu gêné par le paysage urbain alentour, contrairement à Tokyo où il faut faire force d’abstraction pour ignorer les immeubles qui dépassent au dessus des arbres d’un parc. A Kenrokuen, on garde une ambiance paisible qu’on apprécie à tous moments. Nous sommes restés seulement deux jours à Kanazawa et la première journée était malheureusement pluvieuse. Nous avons visité Kenrokuen la deuxième journée alors que les mousses koke du parc étaient encore humides, ce qui rajoute une certaine beauté à l’ensemble.

une semaine en mars (3ème)

Lorsque passons quelques jours à Ofuna, il n’est pas rare que nous nous rendions à Enoshima, histoire de profiter un peu du bord de l’Océan Pacifique lors d’un après-midi ensoleillé. Nous y allons souvent en monorail depuis la station de Ofuna jusqu’au terminus de Enoshima, car l’accès par la route vers l’île nous fait traverser un pont souvent très encombré. Pendant ce long week-end, nous craignions le pire mais nous avons tout de même tenté notre chance en voiture. La traversée était heureusement assez rapide et nous avons rapidement rejoint les parkings sur la partie gauche de l’île, zone que nous connaissons en fait assez peu. Lorsque l’on monte sur les remparts bétonnés, l’Océan Pacifique apparait tant bien que mal derrière un amas de tetrapods. Ils gâchent bien entendu la vue sur l’océan, mais il y a un certain côté ludique à voir ces tetrapods habilement empilés. On aurait envie d’avoir la force d’en déplacer un pour voir ce que ça donne. Mon côté un peu maniaque parfois me donnerait même l’envie de les aligner proprement en ligne ou d’en faire des structures architecturales géométriques de grande envergure. Il y aurait de quoi faire un beau chef d’oeuvre d’architecture brutaliste avec tous ces objets bruts et massifs.

L’ensemble du Enoshima Yatch Harbor se trouve à côté des parkings. Il avait déjà attiré mon regard depuis les hauteurs de l’île lorsque l’on se promenait au niveau du sanctuaire de Enoshima (pour le 1er de l’An notamment). J’avais remarqué au loin les formes ondulées de la toiture blanche du Yatch Harbor. Cette fois-ci, nous approchons de près le bâtiment et entrons à l’intérieur. Des jeunes filles et garçons se préparent à l’intérieur pour leur prochaine leçon de voilier, ou font une pause entre deux sorties en mer. L’intérieur est composée de grands espaces avec un haut plafond qui semble seulement soutenu par de fins pilotis blancs. Les parois murales donnant sur l’extérieur sont toutes en courbes et en verre. A l’étage, on peut sortir sur une terrasse pour atteindre un observatoire sur une partie du toit. L’escalier qui nous y mêne est en colimaçon et vient traverser une partie de la longue nappe courbe qui compose la toiture blanche. On peut admirer ces courbes et les ouvertures depuis l’observatoire du toit. Cette toiture tout en ondulations peut faire penser aux vagues de l’Océan Pacifique. On retrouve également une allusion directe à l’univers maritime dans les ouvertures rondes en forme de hublots au rez de chaussée de l’édifice. Cette nappe ondulée blanche formant la toiture me rappelle un petit peu les formes du petit dôme du Musée d’Art de Teshima par Ryue Nishizawa (du groupe d’architectes de SANAA). Les architectes du Enoshima Yatch Harbor sont Helm+ondesign et leur site internet nous montrent d’autres photos de l’intérieur et des espaces du Yatch Harbor. Ce bâtiment sera utilisé pour les jeux olympiques de Tokyo en 2020 pour certaines compétitions maritimes.

une semaine en mars (2ème)

Une nouvelle importante. J’ai enfin trouvé un digne remplaçant à mon objectif photographique grand angle Sigma 20mm qui m’avait accompagné pendant de très nombreuses années et qui avait rendu l’âme il y a tout juste un an. Vous aviez peut être remarqué que toutes les dernières photographies étaient prises avec un objectif Canon 40mm. J’avais fini par prendre mes habitudes avec cet objectif 40mm, très bon au demeurant, mais avec tout de même une certaine frustration en raison du manque de recul, qui se montre surtout pénalisant pour les photographies d’architecture que j’affectionnent tout particulièrement. A de nombreuses reprises, je n’ai pas pu prendre une photographie correcte en raison de ce manque de recul.

J’ai donc investi dans un objectif Canon EF 17-40mm f/4L USM. C’est un objectif zoom, une fois n’est pas coutume, grand angle et surtout une lentille « L ». La dénomination « L » identifie les objectifs premium chez Canon et c’est le premier que je possède. J’ai toujours eu l’habitude des objectifs à focale fixe, donc la focale variable apportée par le zoom, c’est relativement « nouveau » pour moi. Je pense cependant l’utiliser principalement en grand angle (à 17mm). On dit beaucoup de bien de cet objectif polyvalent sur les sites spécialisés et il reste le moins cher des objectifs « L » chez Canon, à ma connaissance. J’ai eu de bonnes occasions de tester l’objectif à Kamakura et à Kanazawa où nous avons décidé de passer quelques jours (ça sera le sujet des prochains épisodes). Les photographies du billet précédent ainsi que celles de ce billet sont prises avec le 17-40mm. Un des inconvénients est le poids de l’objectif, et je pense continuer à utiliser le très léger objectif fixe Canon 40mm pour mes déplacements non-photographiques en ville (j’ai toujours mon Canon 50D sur moi pendant le week end).

A Kamakura, une marche dans les collines boisées nous appelle. Nous partons de la station de Kita Kamakura, en face du temple Engakuji. Il faut d’abord suivre la route passant devant la gare, direction Kamakura, pour trouver l’entrée de la route piétonne en pente qui nous amènera jusqu’au sanctuaire Zeniarai Benzaiten 銭洗弁財天宇賀福神社 (aussi appelé Zeniarai Benten). Comme la dernière fois, il y a quelques années, on se trompe de chemin, ce qui nous fait passer par un chemin de montagne (ou de colline plutôt). Le chemin est relativement bien indiqué, sauf à quelques endroits, ce qui donne l’impression que c’est fait exprès pour prendre le promeneur. On accède finalement au sanctuaire par un passage creusé dans la roche, comme si ce sanctuaire était caché derrière les montagnes. Ce sanctuaire est populaire pour sa source d’eau à laquelle on attribue la vertu de démultiplier l’argent lorsqu’on vient y laver pièces et billets de monnaie. Nous sommes déjà venus ici quelques fois dans le passé, mais le pouvoir de ces eaux se fait encore et toujours attendre. Le pouvoir légendaire de ces eaux est ancien et remonte à l’année 1257, mais plutôt que de démultiplier les billets de banque, il est censé assurer prospérité à ceux et celles qui suivent le rituel de purification. Un point intéressant de Zeniarai Benten est qu’il fusionne le Shintō au bouddhisme. Alors que l’on peut y voir de nombreux torii (des portes shintō), on trouve également dans ce sanctuaire des statues boudhistes que le sanctuaire a réussi à maintenir à l’ère Meiji contrairement à la majorité des autres sanctuaires.

Zeniarai Benten ferme ses portes vers 16h30 et il est temps de redescendre vers le centre de Kamakura. Nous décidons de revenir à pieds vers Kita Kamakura. Sur le chemin du retour, nous croisons un chien très fatigué, une piscine de galerie d’art installée devant un Starbucks et des multitudes de sanctuaires et temples le long des rues. Il fait déjà nuit lorsque nous gagnions la station de Kita Kamakura.

une semaine en mars (1ère)

Je n’ai pas pris de congés depuis plusieurs mois donc ceux de cette fin mars sont les bienvenus. Zoa commence aussi ses vacances du printemps avant la rentrée des classes au tout début du mois d’avril. Ces petites vacances commencent par un long week-end car le lundi 21 mars est férié au Japon. Nous partons pour Ofuna chez la mère de Mari. Ofuna se trouve juste à côté de Kamakura. Depuis Tokyo, la ville s’étend sans interruptions notables jusqu’à Yokohama, puis Totsuka, Ofuna, Fujisawa… jusqu’au bord de l’océan pacifique. Nous nous y rendons en voiture comme d’habitude en empruntant l’autoroute Daisan Keihin depuis la route Kanpachi puis l’autoroute Yokohama Shindō. Week-end de trois jours oblige, il y a pas mal de traffic sur ces autoroutes.

Nous écoutons Suiyōbi no Campanella 水曜日のカンパネラ (anglicisé en Wednesday Campanella) pour prendre notre mal en patience. Depuis leur concert au Nippon Budokan, on voit assez régulièrement ces derniers jours la chanteuse KOM_I コムアイ sur les plateaux de télévision japonaise. J’étais d’abord assez intrigué par la musique de ce groupe par les bribes de morceaux entendus à la télévision, et je me suis soudainement décidé à explorer cette musique à travers les vidéos Youtube du groupe (et elles sont nombreuses). Le groupe se compose de KOM_I au chant et à la performance artistique, de Hidefumi Kenmochi pour la composition musicale, et de Dir.F pour la production, la video, etc. En réalité, KOM_I est la seule membre visible du groupe. Le style musical de Suiyōbi no Campanella (abréviation en Suikan スイカン) est électronique avec beaucoup de rythmes, mais l’intérêt et la nouveauté, ce sont les paroles rappées, souvent pleine de non-sens et d’humour. Il s’agit souvent d’une accumulation de phrases sans liens directs entre elles mais en rapport avec un thème décrit dans le titre du morceau. Par exemple, le morceau intitulé Jeanne D’Arc ジャンヌダルク reprend des messages d’information que pourrait donné un accompagnateur de bus lors d’un voyage organisé. Mais dans le cas de cette chanson, la compagnie de bus s’appelle D’Arc Inc, le guide s’appelle Jeanne et le voyage semble avoir Orléans pour destination (bien qu’il parte du terminal de bus de Shinjuku). Il y a certaines allusions à l’histoire de Jeanne d’Arc dans le morceau mais tout ça est mélangé avec des références à Tokyo, ce qui donne un ensemble irréel, qui est vraiment intéressant à écouter (en plus d’apprécier la musique). Cela peut paraître bizarre, expliqué comme ça, mais la mise en musique et le rythme donné par KOM_I à ces phrases chantées donnent quelque chose de très frais et nouveau, avec l’approche décalée d’ artistes expérimentaux. Beaucoup de morceaux prennent comme thèmes et titres des noms de personnages illustres comme Marie Antoinette マリー・アントワネット, avec une accumulation de mots et expressions françaises prononcées à la japonaise, dans un environnement très japonais, celui de Asakusa dans la vidéo du morceau. Pour donner d’autres exemples, citons Rah ラー dans un décor doré de pyramides, Ikkyū San 一休さん pour une évocation du moine bouddhiste mais dans un décor de boîte de nuit, Aladin アラジン sur une piste de bowling… Le morceau le plus amusant que j’ai pu écouter est certainement l’histoire de Momotaro 桃太郎, inspiré d’un ancien conte populaire. Il vit chez ses grands parents et passe son temps à jouer à la PC Engine en ignorant ses devoirs. Momotaro (le garçon pêche) finit par se faire renvoyer de la maison avec seulement un kibi dango en poche, en se demandant s’il va pouvoir exterminer les démons de l’île aux démons 鬼ヶ島. La mise en chanson très contemporaine d’une vieille légende du folklore japonais est vraiment excellente. Certains morceaux du groupe peuvent être plus expériemtaux dans la musique et la vidéo, comme le très beau Baku バク, dont la vidéo avec ces formes organiques colorées en continuelles mutations est un chef d’oeuvre d’art visuel.

Je pioche différents morceaux par ci par là, dans la discographie déjà assez étendue de Suiyōbi no Campanella (malgré la jeunesse de la formation), entre les mini-albums et le dernier opus intitulé Superman, pour former une compilation que l’on écoute dans la voiture, en route pour Ofuna.