des reflets urbains

J’ai remarqué comme une tendance tous les ans au mois de décembre d’un manque général d’inspiration, alors que l’année se termine plus ou moins tranquillement. Sur le billet précédent par exemple, les mots ne me venaient plus pour décrire les photographies et c’est la même chose pour la série de photographies de ce billet. En effet, rien de bien particulier à écrire de plus sur les feuilles jaunes automnales qui colorisent Tokyo ces dernières semaines, comme ci-dessus au bord de la rue Nisseki à Hiroo. Rien de plus à ajouter non plus au sujet de cette photographie de résidence particulière envahie volontairement par une végétation en constante extension, ni sur cette portion d’autoroute intra-urbaine qui me rappelle toujours la première scène du roman 1Q84 de Haruki Murakami lorsque Aomame descend de l’autoroute encombrée par les embouteillages à pieds par un escalier de secours sur la route 3 de Shibuya. Rien à écrire non plus sur l’immeuble Azabu Edge Experience in Material 20 de l’architecte Ryoji Suzuki à Roppongi, déstructuré avec ses formes d’escaliers posés à l’inverse et ses pans de mur semblant avoir été attaqués au burin, ni sur les figures télévisuelles que je ne reconnais pas sur l’immeuble Asahi TV juste en face. Il y a également peu de choses à commenter sur ces photographies de réflexions de la ville qui parlent d’elle même, que ça soient les réflexions dessinées par Daisuke Samejima sur un mur du tunnel le long du musée NACT, ou les réflexions sur les immenses vitrages du Scala par l’architecte Atsushi Kitagawara à Nishi Azabu, ou encore les réflexions de bâtiments quelconques sur immeuble recouvert de verre. Cette Porsche verdâtre rouillée devant une Rolls Royce aurait pu susciter un debout de commencement d’inspiration mais ce billet se termine maintenant, alors terminons le.

alone in the new pollution

L’église Tokyo Yamate est une anomalie dans le décor de Shibuya, coincée entre le Department Store Seibu d’un côté, l’ancien magasin Gap de l’autre côté et l’Apple Store en face. Ce bâtiment blanchâtre aux formes étranges de Bunzo Yamaguchi semble faire résistance dans un environment hostile. Comme vous l’aurez peut être remarqué, je prends beaucoup plus de photographies de nuit ces derniers temps, contrairement à mon habitude. La faute aux journées écourtées par l’hiver certainement.

sur la montagne de Daikan (1)

Comme le titre du billet l’indique, nous sommes ici à Daikanyama, mais aussi à Naka Meguro, en contre-bas de cette montagne qui ressemble plutôt à une colline urbaine. Je vais assez souvent dans ces quartiers car on habite pas très loin d’ici, mais aussi parce que Zoa y a quelques activités extra-scolaires. Bien que je connaisse assez bien ces rues, je me surprends parfois moi-même à découvrir des passages que je n’avais jamais emprunté. Par exemple, un escalier couvert de dessins de formes courbes nous amène vers un tunnel que je connaissais pas sous la rue de Komazawa. Un des murs du tunnel est dessiné d’une fresque d’un cerisier en fleurs. Sur la photographie ci-dessus, le passage de quelques personnes en mouvement me donne l’impression que les fleurs vont soudainement se détacher et s’envoler dans un mouvement similaire.

Une des grandes qualités des espaces à Tokyo, ce sont les dénivelés, les collines et terrains en pente qui rendent l’espace urbain intéressant pour le promeneur. L’irrégularité des terrains évite la monotonie du paysage urbain, quand l’architexture doit s’adapter à un environnement qui ne lui est parfois que peu propice.

À Daikanyama, je passe par l’ensemble Hillside Terrace conçu par étapes sur plusieurs décennies par l’architecte Fumihiko Maki. Il y a un petit espace d’exposition dans un des bâtiments les plus anciens de l’ensemble nous montrant une salle de classe d’une autre époque, avec des chaises prenant leur envol. Alors que la nuit commence à tomber doucement, je passe ensuite un peu de temps au Hillside Forum, de l’autre côté de la rue Kyu-yamate. On y montre une autre exposition, de plusieurs photographes sélectionnés pour le prix Pictet. Je connaissais quelques uns des photographes comme Michael Wolf et sa série Tokyo Compression montrant des passagers du métro tokyoïte comprimés contre les vitrages des portes automatiques. On y voit également deux photographies en grand format de Rinko Kawauchi, notamment une colline prenant feu d’une manière apparemment contrôlée avec un bel effet de symétrie. Finalement, le travail de collage de photographies de Shohei Nishino est très intéressant. Il construit des paysages urbains imaginaires à partir de collages de photographies de buildings et autres décors urbains, formant une nouvelle réalité de la ville. Un fait intéressant de cette exposition est qu’elle mélangeait la photographie pure et le montage photographique.

Mon passage à Daikanyama se termine dans la nuit. J’aime en ce moment prendre en photographie les devantures éclairées des boutiques. Ci-dessus, il s’agit de celle de la Maison Kitsune.

une journée à Kobuchizawa: Keith Haring (2)

Les espaces intérieurs du Nakamura Keith Haring Museum à Kobuchizawa, Yamanashi, sont complexes et spécialement adaptées au contenu de l’oeuvre de Keith Haring, avec des espaces sombres lorsque les dessins de Haring représentent les conflits ou des éléments de chaos, et des espaces clairs représentant l’espoir. Keith Haring a beaucoup produit pendant sa vie écourtée par le sida. Il meurt très jeune à l’âge de 31 ans, en 1990. Il créa dans l’urgence à la fin des années 1980, sachant ses années de vie comptées. L’exposition nous apprend que Haring aimait le Japon. L’expo s’appelle d’ailleurs « Pop to Neo-japonism ». On nous montre dans des salles dédiées certaines de ses créations à Tokyo, notamment la mise en place d’une boutique temporaire Pop Shop Tokyo, où il vendra des objets couverts de motifs de sa création, comme des petites céramiques. L’objectif de cette boutique était de rendre accessible son art au plus grand nombre, plutôt que la recherche d’un profit pécuniaire. Il exposera également ses œuvres au musée Watari-Um à Aoyama. Sur deux murs du musée, on nous montre en photographies un petit immeuble qu’il a entièrement recouvert de dessins. Je ne sais pas où il se trouvait, il n’existe plus maintenant, et s’il s’agissait du Pop Shop Tokyo.

Parmi les nombreuses œuvres présentées à cette exposition, on trouve quelques uns des premiers dessins de Street Art qu’il créa dans les couloirs du métro new yorkais, à la craie sur des espaces inoccupés par des affiches publicitaires. On nous montre également des collaborations avec Andy Warhol pour une série de quatre sérigraphies sur papier appelée Andy Mouse (1986), et avec William S. Burroughs sur une série mélangeant textes et sérigraphies appelée Apocalypse (1988). Le musée nous permet de sortir sur le toit pour apprécier un peu plus l’architecture des lieux. J’apprécie dans un musée quand le contenu et le contenant sont remarquables. On termine la visite en sortant sur une terrasse circulaire entourée de murs de béton irréguliers et angulaires, au dessus desquels se dégagent les cimes de arbres aux alentours. En sortant du musée, je ne peux m’empêcher d’aller photographier ces murs. Les formes angulaires et agressives parfois sont vraiment très intéressantes.

A quelques pas du musée, un hôtel est également conçu par le même architecte Atsushi Kitagawara. Il en reprend le même esprit architectural, les formes angulaires des ouvertures notamment et les irrégularités assez futuristes. Ce bâtiment ressemble à un ovni atterri par erreur dans les montagnes des Alpes japonaises. Cet ensemble du Kobuchizawa Art Village fait très clairement contraste avec le reste des bâtiments et maisons que l’on trouve dans les environs. Après un déjeuner dans un chalet restaurant juste à côté, nous reprenons la route à la recherche des feuilles rouges et jaunes de l’automne. Nous nous arrêtons assez vite en chemin vers un autre lieu intéressant, le sanctuaire de Misogi.

une journée à Kobuchizawa: Keith Haring (1)

Cette journée à Kobuchizawa dans la préfecture de Yamanashi était à la fois superbe et éprouvante. Superbe car cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu l’opportunité de sortir de Tokyo et gagner les montagnes de Yamanashi sous un soleil et un air frais des plus plaisants. Éprouvant car le trajet en voiture pour se rendre à Kobuchizawa fut long et fatiguant, surtout la route vers Tokyo en fin de journée. Faute à ce week-end de trois jours quand la foule de retour vers Tokyo se concentre sur les autoroutes.

Comme souvent, nous nous sommes décidés au dernier moment à sortir de Tokyo, ce dimanche matin. Zoa n’avait pas son cours de programmation de robot et nous n’avions pas d’autres obligations. On se décide donc à aller à deux heures en voiture de Tokyo, dans la préfecture de Yamanashi, a Kobuchizawa. Mari avait entendu beaucoup de bien du musée dédié à l’artiste américain Keith Haring, qui se trouve là bas. Le musée appelé Nakamura Keith Haring Museum est situé dans les montagnes des Alpes du Sud, perdu dans les arbres qui commencent à rougir cet automne. L’emplacement dans la verdure et près d’un ruisseau est superbe et d’une grande tranquillité, mais difficile d’accès sans voiture. Le musée en lui-même est à voir. L’architecture irrégulière tout en angles est conçue par l’architecte Atsushi Kitagawara. Le musée a été établi en 2007 par le collectionneur Kazuo Nakamura, chef d’entreprise et passionné de l’art de Keith Haring depuis qu’il a découvert ses dessins de rues lors d’un voyage à New York dans les années 1980. Le musée qui fête cette année ses dix années d’existence est entièrement dédié à Keith Haring et c’est d’ailleurs le seul au monde à lui être uniquement dédié. On trouve bien entendu les œuvres de Haring parsemées un peu partout dans les musées et galeries du monde entier. On se demande au premier abord la raison de l’emplacement d’un musée sur un artiste américain prenant le milieu urbain comme espace de travail, au milieu de « nulle part » dans les montagnes japonaises. Il se trouve que le collectionneur Nakamura est natif de la région, riche culturellement pendant les premières ères de l’histoire de Japon, celle de Jomon en particulier. Nakamura dresse un certain rapprochement entre l’art primitif de la période Jomon et le formes simples et primaires de l’art de rue de Keith Haring. Ceci étant dit, pour peu qu’on puisse faire le déplacement jusqu’ici, découvrir ce bâtiment de béton et ces œuvres dans les montagnes denses en végétation est un véritable bonheur.