suivre les signes de la rue

Made in Tokyo a tout juste 19 ans. A l’état civil, sa naissance est enregistrée le 22 Mai 2003. Si on regarde la page des archives du blog, on voit que des billets sont publiés dès Mars 1999, mais il s’agit des entrées du journal de bord de ce site web alors qu’il ne s’appelait pas encore Made in Tokyo, mais Okaeri. J’avais longtemps hésité avant d’intégrer dans Made in Tokyo ces anciens messages de Mars 1999 jusqu’à Mai 2003, car je pensais qu’ils viendraient brouiller l’historique du blog. Mais comme ils étaient tous datés, j’ai trouvé une certaine logique à faire coïncider ces anciens messages avec les dates réelles auxquelles je les avais écrit. J’ai aussi tendance à utiliser ce blog comme une aide mémoire, ce qui me permet ainsi de revenir jusqu’à mes premières années à Tokyo. Ces premières années sont bien sûr loin d’être complètes car il me reste quelques pages à intégrer. Je me suis souvent demandé si j’aurais le courage de continuer aussi longtemps. Je me posais la question sur le premier billet de Made in Tokyo si j’allais trouver des choses intéressantes à dire et si j’allais trouver le temps de publier régulièrement des nouveaux billets. Force est de constater que j’ai dû trouver des choses intéressantes à raconter pour continuer jusqu’à maintenant à suivre sans discontinuer les signes que me font la rue.

Depuis que j’utilise mon objectif fixe 40mm sur mon Canon 50D, je me concentre sur les affiches (notamment celles des abribus), sur les illustrations et les stickers de toutes sortes ornant les murs. Le traitement de l’image est volontairement un peu différent des photographies que je prends avec mon grand-angle. Le contraste y est légèrement plus accentué, assez pour que ces photographies m’apparaissent comme différentes, mais certainement pas assez pour qu’on le remarque franchement. Nous sommes ici et là dans différents quartiers de Shibuya à la périphérie du centre, devant les grandes barres d’immeubles d’habitation en phase de déconstruction au delà d’Ikejiri, derrière la tour Hikarie, dans la zone des Love Hotels à Maruyamachō ou dans les quartiers autour du grand stade olympique à Sendagaya. J’aime beaucoup prendre en photo ce brouhaha visuel mélangeant couleurs et noir et blanc et tous ces signes que me font la rue.

La première photo est extraite de la présentation en directe sur YouTube du nouvel album our hope de Hitsuji Bungaku par les trois membres du groupe, de gauche à droite: le très chevelu Hiroa Fukuda (フクダヒロア) à la batterie et aux chœurs, Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) au chant et à la guitare et Yurika Kasai (河西ゆりか) à la basse et aux chœurs. Cette vidéo n’a pas été conservée dans les archives de YouTube, il n’y a donc pas de lien disponible. La deuxième photo est extraite de la session The First Take du morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ). Les deux dernières photos sont extraite de la vidéo du morceau OOPARTS présent sur l’album our hope.

Côté musique, j’écoute beaucoup en ce moment le dernier album du groupe rock Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé our hope. Il s’agit de leur troisième album. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de la musique rock indé de ce groupe, mais c’est la première que j’écoute un de leurs albums en entier. En fait, je l’aime tellement que j’ai eu envie d’aller les voir en concert sur une de leurs deux dates de Tokyo (à Odaiba DiverCity, tout près du grand Gundam). Je m’étais même préparé pour essayer de réserver une place dès l’ouverture du guichet sur le site web de Pia, un samedi à 10h du matin. Mais entre le site qui ne répond pas et les demandes qui semblaient être nombreuses, je n’ai pas réussi à acheter un billet malgré de nombreux essais successifs. Tous les billets ont été réservés en moins de 30 minutes (le guichet était fermé un peu avant 10h30). Je ne me doutais pas que Hitsuji Bungaku était aussi populaire, mais j’ai bien l’impression que le groupe a gagné une certaine notoriété car ils vont passer le lundi 23 Mai dans l’émission musicale télévisée CDTV Live Live (CountDown TV ライブライブ), au côté de groupes comme King Gnu. J’ai toujours pensé qu’il était compliqué d’acheter des places de concert au Japon pour un groupe connu lorsqu’on ne fait pas partie du fan club (c’est la raison pour laquelle je suis membre de Ringohan bien que comme par hasard, il n’y ait toujours pas de concerts annoncés). La relative facilité avec laquelle j’avais pu obtenir une place pour le concert de Tricot m’avait pourtant donné un peu d’optimisme. Tout ça me rappelle un peu la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment eu en tête d’aller voir des concerts ces dernières années. Mais la crise sanitaire m’a aussi fait prendre conscience d’un manque que je n’avais pourtant pas jusqu’à maintenant. Pour revenir à ce nouvel album de Hitsuji Bungaku, je trouve tous les morceaux très bons avec quelques pépites comme par exemple OOPARTS ou Hikaru Toki (光る時). D’autres morceaux comme Kudaranai (くだらない) se révèlent vraiment après plusieurs écoutes. Mais dans l’ensemble, les morceaux de l’album nous accrochent dès la première écoute et ne nous lâchent pas de sitôt. A vrai dire, c’est difficile à expliquer mais je ressens un respect certain pour la compositrice et chanteuse du groupe, Moeka Shiotsuka, car elle n’est pas démonstrative en interview mais montre beaucoup de passion et de conviction dans son chant lors des morceaux et concerts que j’ai pu voir sur internet. Je me souviens en particulier de leur prestation lors du festival Fuji Rock et plus récemment pour le morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ) sur la chaîne YouTube The First Take. J’avais déjà parlé de ce morceau dans un précédent billet mais il n’est pas présent sur ce nouvel album, mais sur le précédent Powers. Le rock japonais est très loin d’être mort et est même très présent sur la scène musicale japonaise, par rapport aux scènes internationales. Ce n’est pas pour me déplaire bien entendu, même s’il ne s’agit pas du seul style qui m’intéresse.

obscure, la force est noire …

… noir comme le château où flotte l’étendard, notre drapeau. Ce building couvert de plaques de métal noir à Jinbōchō (神田神保町) me fascine tout comme le building Yasuyo Building de Nobumichi Akashi à Shinjuku. Il s’agit du Jimbocho Theater conçu par Nikken Sekkei, utilisé comme salle de spectacle Manzai par l’agence de comédiens Yoshimoto Kogyo. On y trouve également une école de comédie aux derniers étages et une salle de cinéma au sous-sol opérée par la maison d’édition Shogakukan. J’ai toujours trouvé étrange d’avoir choisi un design aussi agressif pour une agence de comédie. J’aurais pu comprendre si l’humour qu’on y pratiquait était incisif, mais ce n’est pas vraiment le cas de Yoshimoto, à ma connaissance. Le building n’a pas changé depuis la première fois que je l’ai vu en 2007, mais je m’attendais à voir certaines plaques noires repeintes en orange éclatant. Je suis en fait revenu voir Jimbocho Theater pour voir ce mélange de couleurs mais la couleur orange avait déjà disparu. Peut-être que cette touche de couleur était une tentative d’adoucir l’aspect visuellement inhospitalier du lieu. Ce building fait vraiment figure d’anomalie dans le quartier des librairies plutôt composé de vieux immeubles. Il ressemble à un objet spatial non-identifié qui aurait soudainement atterri dans le quartier. On me souffle même sur Instagram qu’il ressemble au casque de Dark Vador, mais qui clignerait de l’oeil comme pour nous signifier qu’il a bien conscience de ne pas être à sa place ici mais prend un malin plaisir à être disruptif. Le quartier de Jinbōchō était autrefois le domaine du samouraï Nagaharu Jinbō, le design de ce building est peut-être inspiré par les formes d’un casque de samouraï, en version modernisée. Ces formes aiguës défensives me font en tout cas penser à un château noir, une version moderne de ceux de la période guerrière de Sengoku. Juste à côté du Jimbocho Theater, je ne manque pas d’aller faire un petit tour dans la librairie spécialisée en architecture Nanyodo. Une grande quantité de livres y est condensée sur deux étages. Quelques ouvrages me font bien envie mais on n’a plus beaucoup de place à la maison pour de nouveaux livres. Notre petite bibliothèque, un meuble au style chinois acheté dans une brocante il y a très longtemps, est plein à craquer et j’ai peur qu’il s’affaisse un jour où l’autre sous le poids des livres. Le dernier gros bouquin que j’ai acheté est le recueil de photographies de Mika Ninagawa et il se trouve toujours en apparence sur la table basse du salon. J’ai une attirance pour les gros livres, comme ceux du making of des trois premiers Star Wars posés en apparence dans un coin du salon, mais c’est maintenant devenu difficile d’en ajouter un discrètement sans attirer l’attention.

De passage à Jinbōchō, je visite à chaque fois la librairie Komiyama Tokyo, qui vend des livres d’occasion mais ressemble également beaucoup à une galerie d’art avec quelques artistes montrant leurs œuvres un peu partout dans la librairie. J’aime surtout la désorganisation générale du magasin, qui donne l’impression qu’on pourra y trouver des trésors cachés. Les trésors peuvent être parfois très onéreux. Les quatre étages de la librairie sont spécialisés en photographies artistiques, parfois à tendance érotique, mais aussi en illustrations d’artistes japonais actuels comme cette illustration d’Akiakane (秋赤音) que je montre ci-dessus. Les affiches vintage de Star Wars côtoient celles de Tadanori Yokoo ou de la marque de street wear Supreme. J’aurais bien acheté celle avec Kate Moss, mais ça aurait difficilement passé à la maison. Et puis, l’affiche était de toute façon hors de prix. Je comprends un peu mieux pourquoi elles sont vite subtilisées quand elles sont affichées dans les rues de Tokyo. J’avais vu celle de Kate Moss près d’Harajuku il y a tout juste dix ans. On y trouvait également en vente l’affiche Supreme avec Neil Young. Mais de Suprême, je préfère NTM dont je réécoute soudainement l’album Paris sous les bombes (de graffitis, précisons bien). Je ne l’avais pas réécouté depuis plus de 25 ans, et j’avais un peu oublié la violence de certaines paroles. Mais quelle puissance verbale quand même. Dans la librairie Komiyama Tokyo, je suis surpris de voir des illustrations de COOKIE (くっきー!). Je le connaissais comme comédien de l’absurde (chez Yoshimoto Kogyo, d’ailleurs), et en musicien dans le groupe Genie High avec Enon Kawatani et Ikkyu Nakajima (entre autres), mais pas comme artiste graphique. Je ne suis pas sûr qu’il excelle dans tous ces domaines, mais tout n’est pas si facile. Tout ne tient qu’à un fil.

stairways to heaven and hell

Je reviens avec la première photographie sur la maison de béton Experience in Material 45, également nommée House in Jingumae (pour faire plus simple), par l’architecte Ryoji Suzuki. Je la prends en photographie sous un angle mettant en valeur les mystérieux escaliers semblant monter vers le ciel. À chaque fois que je vois ce bâtiment, je me pose la question de l’organisation intérieure car on ne voit aucune ouverture qui pourrait nous donner quelques pistes. La dernière photographie nous donne par contre l’impression d’une descente dans les bas-fonds. Il s’agit d’un passage souterrain de la station Yotsuya Sanchōme reliant deux quais de la ligne de métro Marunouchi. Cette tuyauterie exagérée est vraiment étonnante et on se demande si tous ces tuyaux sont bien fonctionnels. Cette imagerie de tuyauterie me rappelle la manga Akira, qui m’a beaucoup inspiré pour mes formes futuro-organiques. Je ne suis pas sûr de l’avoir déjà mentionné ici, mais ces formes futuro-organiques que j’ai tant dessiné m’ont en fait été initialement inspirées par le graphisme du mangaka Masakatsu Katsura pour la couverture du premier volume du manga Vidéo Girl Ai (電影少女). J’avais lu assidûment ce manga à l’époque de sa sortie en France de 1994 à 1997 aux éditions Tonkam. J’avais même dessiné une version modifiée en très grand format de cette couverture. Cette illustration m’avait pris beaucoup de temps, mais je me souviens encore bien de ces précieux moments passés à dessiner devant une grande feuille cartonnée en écoutant de la musique. Comme toutes les illustrations que j’ai dessiné à cette époque, j’ai dû écrire au dos du dessin le nom des albums que j’écoutais au moment où je dessinais. J’ai toujours aimé garder une trace de ce que j’écoutais en dessinant et je me rends compte maintenant que je fais exactement la même chose sur ce blog. J’ai également ce besoin de documenter les photographies que je prends avec la musique que j’écoute. La construction de mes billets sur ce blog mélangeant photographies et présentations musicales n’est en fait qu’une retranscription de cela. Je viens de m’en rendre compte en écrivant ces lignes. Pour revenir à ces tuyaux de la station Yotsuya Sanchōme, j’en montre d’autres photos sur mon compte Instagram. Et entre ces escaliers qui semblent monter vers le paradis pour l’un et vers l’enfer pour l’autre, j’en montre d’autres disposés au dessus de voies ferrées près de la station d’Ebisu. Cette passerelle pour piétons que je montre sur la quatrième photographie a l’air ancienne et usée. J’apprends qu’elle va bientôt disparaître dans sa forme actuelle pour être remplacée par une autre à quelques mètres de là. Je ne sais pas pour quelle raison, mais cette passerelle a souvent été utilisée comme lieu de tournage pour des publicités, dramas ou vidéos musicales. Je parlais d’ailleurs récemment d’une vidéo de Tricot tournée à cet endroit pour le morceau Right Brain Left Brain (右脳左脳). Et sur la troisième photographie qui donne l’impression d’être prise à la dérobée, il s’agit de l’actrice et personnalité de télévision Haruna Kawaguchi. J’aime en ce moment prendre en photo les affiches des abribus. Allez savoir pourquoi…

J’ai regardé le Blu-Ray du concert Air Pocket de 2018 depuis déjà plusieurs semaines, mais je n’avais jusqu’à maintenant pas trouvé le temps et le courage d’en écrire un résumé. Je sais qu’écrire sur ces concerts me prend en général beaucoup de temps car l’enthousiasme me fait toujours trop écrire. Je vais essayer de contenir (un peu) mes phrases cette fois-ci. Outre ce concert, il me restera plus tard à évoquer Ringo Expo’14 et j’aurais couvert sur ce blog tous les concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen officiellement sortis en DVD/Blu-ray. Ce concert intitulé Sheena Ringo to Aitsura no iru Shinkū Chitai (椎名林檎と彼奴等の居る真空地帯), plus communément appelé Air Pocket, est sorti le 20 Octobre 2018. Il est tiré d’une tournée nationale en 23 dates couvrant tout le Japon du 2 Mars au 27 Mai 2018. Cette tournée prenant le nom de Hyotto shite Reko Hatsu 2018 (ひょっとしてレコ発2018) accompagne la sortie de l’album de reprises de ses propres morceaux Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~) le 2 Mars 2018 (la date du premier concert de cette tournée). Il faut noter que cette année 2018 était particulièrement chargée pour Sheena Ringo car la tournée Ringo Expo’18 était également programmée plus tard dans l’année en Novembre 2018. La vidéo que l’on peut voir en DVD ou Blu-ray de ce concert Air Pocket à été tournée vers la fin de la tournée, le 17 Mai 2018 au NHK Hall de Tokyo.

Comme pour le concert de 2015 (椎名林檎と彼奴等がゆく 百鬼夜行2015), le groupe accompagnant Sheena Ringo se nomme Mangarama, mais les membres sont un peu différents. Midorin (みどりん) de SOIL& »PIMP »SESSIONS prend cette fois-ci le relai à la batterie. C’est un habitué des concerts de Sheena Ringo. Ukigumo (浮雲) n’est pas présent cette fois-ci. Masayuki Hiizumi (ヒイズミマサユ機), aka H Zett M, est présent aux claviers comme sur la tournée 2015 et chante également occasionnellement en accompagnement. On retrouve les autres habitués Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare, Keisuke Torigoe (鳥越啓介) à la basse, Yoichi Murata (村田陽一) au trombone, Kōji Nishimura (西村浩二) à la trompette et Takuo Yamamoto (山本拓夫) au saxophone et à la flûte. Cette formation est relativement classique pour un concert de Sheena Ringo. Le concert en lui-même l’est également. Mais un concert de facture « classique » pour Sheena Ringo a un niveau d’excellence qu’il est difficile d’égaler. Sa performance sur scène avec son groupe est toujours impeccable et la qualité de la mise en scène, en particulier les costumes de scène, est comme toujours excellente. Au fur et à mesure des concerts de Sheena Ringo, cette qualité générale est même devenue comme un acquis et j’imagine donc la pression qu’elle doit se mettre sur les épaules pour ne pas décevoir le public qui n’en attend pas moins. Ceci étant dit, il ne s’agit pas là d’un concert gigantesque comme ceux de la série Expo joué au Saitama Super Arena. L’organisation sur scène pour Air Pocket est beaucoup plus mesurée et se concentre donc sur l’interprétation. Cette interprétation est extrêmement solide, mais on n’y trouvera par contre qu’assez peu de moments de tension vocale comme on a pu en voir sur d’autres concerts de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen. Certains morceaux, comme celui qui termine le set avant les rappels, sont cependant remplis d’une puissance vocale qui nous hypnotise devant notre écran. Il ne s’agit pas là de son meilleur concert mais tout fan ou amateur de Sheena Ringo ne devrait pas passer à côté.

On trouve sur Air Pocket un grand nombre de morceaux extraits du dernier album Reimport vol.2, mais également de nombreux autres piochés dans l’ensemble de sa discographie. Le concert démarre sur un écran vidéo montrant un compte à rebours de 3 mins. Le Ringo Hyoreco Space Center, qui prend clairement la NASA comme inspiration, s’apprête à lancer une navette spatiale pour mettre en orbite dans l’espace le nouvel album Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~) ou Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~. On a l’impression que la livraison de ce nouvel album se fera par voie spatiale pour les acheteurs qui l’ont commandé. Sheena apparaît à ce moment sur scène vêtue d’une robe bleutée, d’une couronne et d’éléments semblant tirés d’une armure. Le reste du groupe est habillé de tenues dont je ne sais l’origine. Peut-être s’agit il de tenues mongoles? Le set démarre par le morceau Jinsei ha Omoidōri qui n’apparait sur aucun album car il s’agit d’une B-side du single Carnation. Le concert ne démarre pas vraiment avec les morceaux que je préfère mais je suis tout de même surpris d’apprécier cette fois-ci le morceau Oishii Kisetsu. Sheena ne mettra pas très longtemps pour se saisir de sa guitare, pour le quatrième morceau du set, Gibs. Nagoshi y effectue des arrangements à la guitare un peu différents de ce que l’on connaissait jusque là. Des années après l’écriture de ce morceau et après de très nombreuses interprétations, Sheena est toujours aussi convaincante. La sauce prend vraiment pour moi à partir de ce quatrième morceau du set. Le morceau Ishiki suit ensuite dans une interprétation sans instruments classiques et en version strictement rock qui gagne en puissance au fur et à mesure que le morceau avance. L’ambiance générale du concert est résolument rock. La présence de Midorin aux percussions, plutôt habitué aux ambiances jazz, m’avait d’abord un peu étonné.

Il n’y a qu’une seule reprise d’un autre artiste sur ce concert. Il s’agit du morceau Nature Boy par Nat King Cole. H Zett M l’interprète en solo au début, pendant que Sheena se change une première fois pour un long kimono. Cette reprise de Nature Boy est courte et sert de transition rapide vers le morceau JAL005, qui est un des morceaux que j’ai tout de suite aimé sur l’album Hi Izuru Tokoro. Le groupe joue devant un écran géant montrant des images de nuages et d’océan, des images planantes comme ce vol de la compagnie JAL reliant Tokyo à New York. Reimport vol.2 comprend le morceau Shōjo Robot initialement écrit pour Rie Tomosaka. J’en parlais longtemps dans un billet récent. Je le rappelle pour les quelques visiteurs discrets qui ne l’auraient pas encore lu. Cette version en concert est très différente de celle de Rie Tomosaka, plus jazz par l’intervention aux claviers de H Zett M. J’ai quand même une préférence pour la version originale sur le EP de Rie Tomosaka.

Benkai Debussy, morceau tiré du deuxième album Shōso Strip, détonne ensuite. H Zett M se rapproche du devant de la scène et accompagne Sheena au chant. Cette interprétation est assez géniale. Elle le fait assez souvent, mais j’adore à chaque fois la manière dont Sheena Ringo vient faire traîner son mediator de haut en bas puis de bas en haut sur les cordes de sa guitare, comme si elle y prenait un plaisir sadique (on appellerait cela Itazura en japonais). Le morceau est immédiatement suivi par Yokushitsu ponctué par une forte basse électronique et par des larsens à la guitare de Nagoshi. Sheena tient dans la main un paravant et elle effectue à certains moments des mouvements rapides qui font écho à la scène de découpe de pomme lors du concert Ringo EXPO 08. Elle a heureusement eu la bonne idée de ne pas utiliser un couteau cette fois-ci. Le piano de H Zett M apporte beaucoup sur ce morceau. Sheena lache ensuite son kimono et reste en tenue légère de couleur verte-pomme pour interpréter des morceaux de Reimport Vol2, Usurahishinjū et Anya no Shinjū tate. Elle se laisse emporter par le premier morceau jusqu’à tomber au sol. On voit là quelques similitudes avec des scènes du concert de 2015, Hyakkiyakō 2015 (百鬼夜行). Le deuxième morceau, Anya no Shinjū tate, prend des accents Enka et son interprétation est très convaincante. La reprise des Feuilles Mortes de Jacques Prévert est également un classique des concerts de Sheena Ringo, sauf que son interprétation ne me convainc jamais vraiment car son accent français n’est pas très bon ce qui rend les mots de la chanson très rugueux. Mais il s’agit d’une version courte du morceau qui agit en quelque sorte comme un interlude.

Sheena s’est changée une nouvelle fois pour porter maintenant un large et chaud blouson aux mêmes motifs que ceux du reste du groupe. Ce blouson porte aussi des motifs de léopard. Avec un pantalon en cuir et des chaussures noires à talons hauts, les cheveux courts, c’est une de ses tenues de scènes les plus cool que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Elle chante maintenant Memai, qui est une B-side d’un de ses premiers singles, Koko de Kiss shite. Je n’avais jamais fait trop attention au morceau Otona no Okite, mais il s’avère très bon, notamment quand les cuivres viennent accentuer l’ensemble. Le morceau qui suit, Jūkinzokusei no Onna, dégage beaucoup d’énergie. Sheena a laissé le blouson et se trouve maintenant en t-shirt avec une guitare entres les mains. Des chants bouddhistes précèdent la composition très rock de ce morceau. « Heavy metallic am I », nous chante elle pendant ce morceau qui s’appelait initialement The Heavy Metalic Girl. Sheena Ringo l’avait écrit pour la bande originale intitulée Doku Ichigo de la pièce de théâtre Egg de Noda Map. Comme je l’expliquais en détails dans un précédent billet, la version originale du morceau était chanté en japonais, tandis que la version sur Reimport vol.2 interprétée lors de ce concert est en anglais.

On approche maintenant du dernier tiers du concert. Sheena et le groupe Mangarama interprètent tout de même 24 morceaux lors de ce concert. Le morceau suivant, Shizuka Naru Gyakushū, voit Sheena jouer de la guitare acoustique, ce qui est plutôt rare. Il s’agit d’un morceau sorti officiellement sur l’album Hi Izuru Tokoro, mais qu’elle a écrit il y a très longtemps à ses debuts sous le titre Kudamono no Heya (果物の部屋). Sur Kareinaru gyakushū (c’est la série des counterback), l’ambiance devient plus pop et les petits drapeaux distribués aux spectateurs sont de sortie. Sheena est particulièrement souriante en entraînant le public avec elle sur des mouvements de drapeaux exagérément amples. L’ambiance se détend toujours un peu lorsqu’on approche de la fin des concerts, comme si la pression commençait à tomber progressivement. Sur Kodoku no Akatsuki, j’aime bien la manière dont la voix de Sheena pousse vers des pointes aiguës. Elle reste à la guitare sur le morceau suivant Jiyū e Michizure, mais la vitesse du morceau semble plus rapide que la normale. Nagoshi est très rapide à la guitare et Sheena pousse le rythme en chantant rapidement avec beaucoup d’énergie. Ce morceau fonctionne excellemment bien. On arrive au morceau final, Jinsei ha Yume darake, qui est un morceau que j’adore et qui révèle tout son talent d’écriture musicale. Il s’agit du single principal de l’album Reimport vol.2 et il est forcément très attendu. Sheena donne beaucoup de force dans sa voix, ce qui donne des frissons. Le public est très réceptif et nous fait entendre son appréciation. Il s’agit à mon avis d’un des grands moments du concert!

Sheena quite ensuite la scène mais reviendra, habillée d’un kimono très formel de couleur verte, pour les rappels avec 3 morceaux. Le détail amusant est que les membres du groupe reviennent scène avec des noms modifiés. Yukio Nagoshi devient ainsi 754 (l’interprétation en chiffre de son nom, syllabe par syllabe: Na = 7, Go = 5 et Shi = 4). Sheena devient bien entendu 417, mais le nouveau nom de Masayuki Hiizumi en Zumori a une origine qui est pour moi beaucoup plus floue. Hiizumi annonce lui-même le démarrage des rappels avec une pointe d’humour dans le ton de sa voix. On le voit toujours sérieux et très concentré derrière ses claviers, donc ça fait plaisir de le voir plus décontracté comme à la (grande) époque de Tokyo Jihen Phase 1 (sur le concert Dynamite Out bien entendu). Le premier morceau des rappels est une version très arrangée de Marunouchi Sadistic chantée en anglais. Ça doit être le morceau de Sheena Ringo qui a eu le plus de versions et d’arrangements différents. Il est désormais trop classique pour étonner mais j’aime quand même beaucoup les petits pas de danse que Sheena ajoute au morceau. Elle reprend ensuite la guitare pour un autre grand classique de Hi Izuru Tokoro, à savoir Nippon. Ce morceau, initialement créé à la demande de la NHK pour supporter l’équipe de football japonaise, est mal-aimé des fans internationaux qui y voient des paroles nationalistes. J’ai toujours pensé que c’était une extrapolation incorrecte de ses intentions, car le langage sportif nous parle en général de bataille et d’un désir de voir son pays remporter la victoire. Adopter ce langage dans les paroles d’un morceau censé supporter l’équipe japonaise n’a rien de vraiment déplacé. Bref, ce morceau n’est certainement pas mon préféré mais le solo de guitare de Sheena penchée en arrière en kimono vaut de toute façon cent fois le détour. Le concert se termine sur un morceau plus calme mais à l’ambiance très rock. Yasei no Dōmei est un des très beaux morceaux de Reimport vol.2. À la toute fin du morceau, Sheena se courbe en avant très formellement pour faire un dernier remerciement au public pendant que Nagoshi nous envahit de ses sons de guitare. Elle montre à chaque fois un grand respect pour le public qui est venu la voir. J’ai toujours l’impression qu’elle remercie le public comme si c’était la dernière fois qu’elle montait sur scène. Mais on sait heureusement que ce concert n’était pas le dernier.

Je note ci-dessous pour référence ultérieure la liste des morceaux du concert Air Pocket (椎名林檎と彼奴等の居る真空地帯) de 2018:

1. Jinsei ha Omoidōri (人生は思い通り), B-side du single Carnation (カーネーション)
2. Oishii Kisetsu (おいしい季節) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
3. Irokoizata (色恋沙汰) de l’album Sanmon Gossip (三文ゴシップ)
4. Gibs (ギブス) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
5. Ishiki (意識) de l’album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
6. Nature Boy (真理の人), reprise d’un morceau de Nat King Cole sorti en 1948
7. JL005-bin de (JL005便で) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
8. Shōjo Robot (少女ロボット) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
9. Benkai Debussy (弁解ドビュッシー), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
10. Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
11. Usurahishinjū (薄ら氷心中) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
12. Anya no Shinjū tate (暗夜の心中立て) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
13. Kareha (枯葉), reprise du morceau Les feuilles mortes écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma, présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
14. Memai (眩暈), B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
15. Otona no Okite (おとなの掟) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
16. Jūkinzokusei no Onna (重金属製の女) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
17. Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
18. Kareinaru gyakushū (華麗なる逆襲) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
19. Kodoku no Akatsuki (孤独のあかつき) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
20. Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
21. Jinsei ha Yume darake (人生は夢だらけ) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
22. Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), version largement modifiée et en anglais du morceau de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
23. NIPPON de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
24. Yasei no Dōmei (野性の同盟) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)

between the skies

Le ciel nuageux prend parfois le dessus sur le paysage urbain. Sur cette série photographique, je mélange volontairement ces nuages avec les fils électriques qui tanguent au dessus des petites rues. Il serait bien dommage que ces fils électriques disparaissent complètement du paysage, car ils font part intégrante de l’environment urbain. Au milieu de ces câbles qui font des noeuds, une petite maison aux lignes obliques conçue par l’Atelier Tekuto. J’adore cette maison de béton et ses grandes baies vitrées qui reflètent le ciel se trouvant autour sur les autres photographies. Cette position centrale entre les ciels est volontaire, comme s’il s’agissait d’un centre ouvrant une porte sur un autre monde intérieur. Ces lignes électriques me rappellent aussi l’association que j’en avais fait avec des kanji il y à longtemps. Les traits des kanji se mélangeaient avec les fils électriques et semblaient flotter dans les airs.

Les ciels nuageux des photographies ci-dessus me rappellent celui, certes plus cosmique, de la couverture du dernier album de Minakekke intitulé Memorabilia. Le titre de cet album reprend celui du huitième morceau déjà sorti en single et dont j’avais déjà parlé. Ce single était déjà très bon, mais pas aussi sublime que l’album dans son intégralité et en particulier les cinq premiers morceaux. Minakekke fait évoluer légèrement son style depuis le EP Oblivion mais ses envolées de voix maintiennent un esprit similaire empreint de mélancolie. Je réécoute d’ailleurs cet EP Oblivion en écrivant ces lignes, ce qui me fait dire que Minakekke est vraiment une artiste malheureusement trop méconnue. Comme le morceau Luminous sur le EP Oblivion, le morceau Butterfly sur Memorabilia nous fait tout de suite rentrer dans cet album aux atmosphères sombres. On ressent son chant comme une complainte, mais sans résignation tant elle mène ses morceaux sans temps morts. On ressent une passion qui transparait dans sa voix jusqu’à la faire trembler par moment (sur un morceau comme Bones). L’émotion qui s’en dégage est pour sûr très forte. Musicalement, c’est aussi très dense, avec des ambiances parfois proches du gothique de The Cure. Et je me mets maintenant à réécouter le chef d’oeuvre qu’est Disintegration.