super massive concrete

Nous sommes toujours près du parc de Yoyogi sur les deux premières photographies, en fait juste à côté d’un des blocs de toilettes publiques, auparavant transparentes, conçues par Shigeru Ban. L’aspect lisse et massif du béton du nouveau building de l’agence de publicité Meiji Ad Agency, anciennement appelée Nitto et affiliée au groupe Meiji Holdings, m’impressionne beaucoup. J’aime cette idée de mettre en avant l’impact visuel de l’architecture, ce qui ravit forcément le photographe. Le problème est que ce bloc est tellement massif et positionné sur une petite rue, qu’il est difficile à prendre en photo dans son intégralité. Au dessus du socle impénétrable de béton, les étages se détachent franchement au point où on croirait qu’il s’agit d’un bâtiment différent posé derrière le socle. La forme des étages est également intéressante car ils sont posés sur une diagonale et leurs tailles croient lorsque l’on monte en hauteur. Le socle de béton ressemble à un bunker et reste très mystérieux car on n’arrive pas à deviner à quoi ressemble l’espace intérieur. Le petit bâtiment qui suit sur les troisième et quatrième photographies du billet est d’apparence moins massive mais met également en avant le béton qui le compose. Nous sommes ici à Komaba, à quelques dizaines de mètres du campus de l’Université de Tokyo. Cette maison individuelle est située à un croisement de deux rues en Y et, avec sa forme triangulaire, utilise pleinement l’espace disponible. J’aime beaucoup cette forme aiguë et agressive qui pointe comme une lame vers la rue. Dans les rues d’Ebisu, je découvre par hasard le bâtiment de la dernière photographie, qui prend un style plus léger et très différent des autres buildings que je montre sur ce billet. Il s’agit d’une école-workshop destinée aux jeunes architectes et appelée ITO Juku. Elle est affiliée au Toyo Ito Museum of Architecture à Imabari dans la préfecture d’Ehime à Shikoku. La façade avant se compose de portes coulissantes de bois et j’imagine qu’elles doivent s’ouvrir et laisser apparaître l’intérieur lorsque l’école est ouverte. J’y suis passé tôt le matin et tout était malheureusement fermé. Elle se trouve perdue dans un quartier résidentiel et certainement difficile à trouver sans avoir l’adresse. Je suis tombé dessus par hasard, comme souvent lorsqu’il s’agit de nouvelles découvertes architecturales.

Je vois dans l’architecture de béton, même massive comme dans les exemples ci-dessus, une beauté délicate et même poétique. Ça ne me dérange par exemple pas d’associer ce béton avec la musique très délicate et sensible d’Aoba Ichiko (青葉市子) que j’écoute en écrivant ces quelques lignes. Le nom d’Aoba Ichiko m’est familier depuis un moment, et je me suis toujours dit qu’il fallait que je tente une écoute un jour ou l’autre. Ce jour était il y a quelques jours, lorsque j’ai écouté pour la première fois son dernier album sorti l’année dernière Windswept Adan (アダンの風). Il y a un morceau en particulier, le troisième intitulé Porcelain, qui possède une beauté pénétrante. Certaines musiques, à des moments et des circonstances particulières, viennent résonner avec notre être intérieur et nous poussent à la méditation. Ce sont des moments où on baisse la garde et on se laisse tout simplement porter par le flot musical. Je me dis souvent, lorsque j’écoute ce type de morceaux, que je pourrais me contenter de n’écouter que ce morceau pendant un petit moment et faire abstraction de tout le reste. Le premier morceau, Prologue, nous plonge tout de suite dans l’ambiance de l’album, aux bords de l’océan à Okinawa. On entre dans son univers folk plutôt minimaliste, composé principalement de sa voix, d’une guitare classique et de sons naturels, sans avoir envie d’en sortir jusqu’aux dernières notes. On se laisse transporter vers les îles imaginaires du sud du Japon qu’elle évoque. Sa voix résonne parfois comme si elle chantait dans la pénombre d’un espace dépouillé. J’imagine un espace délimité par des murs de béton brut, laissant une ouverture rectangulaire sur un jardin au vert profond humidifié par une pluie fine. A travers son architecture, Tadao Ando nous a montré cette délicatesse du béton quand il conçoit ses bâtiments comme des cadres ouverts sur la nature environnante (les ouvertures donnant sur le vert du jardin de Koshino House) et quand habiter dans son architecture veut dire qu’il faut accepter la présence de l’environnement naturel (la pluie lorsqu’on traverse Row House). Toyo Ito nous a également montré la poésie de son béton lorsque ses formes viennent imiter les arbres zelkova bordant le boulevard d’Omotesando. J’aime imaginer la musique que j’écoute dans les espaces d’architecture que je vois en photographie. Lorsque je réécoute l’album Lavender Edition de Ai Aso, par exemple, je repense toujours à la maison House A de Ryue Nishizawa, car j’avais écrit le billet à son propos tout en écoutant cet album. Je me suis imaginé assis dans la lumière du matin à l’intérieur de la pièce principale de cette maison en train d’écouter cette musique paisible pour l’esprit. Cette situation imaginaire m’a laissé une forte impression et je m’en souviens encore maintenant à chaque écoute. Je pourrais raccrocher chaque morceau ou album que j’ai écouté à un lieu et parfois même à un moment de la journée. Lorsque j’écoute par exemple Sekidō o Koetara (赤道を越えた) de Sheena Ringo sur l’album Hi Izuru Tokoro, je ne suis plus au Japon mais transporté soudainement aux Sables d’Olonne, sur une portion de piste cyclable de la côte sauvage, au bord de l’océan et à côté du Puits d’Enfer. Le souvenir d’un lieu particulier associé à une écoute se révèle souvent bien plus tard, car j’écoute un album et des morceaux a de multiples reprises dans des lieux souvent différents mais il me reste souvent un seul lieu en tête. Est ce que je me souviendrais de Windswept Adan d’Aoba Ichiko comme la musique qui m’accompagnait Samedi matin sous la pluie au bord du cimetière d’Aoyama. Je le saurais peut être dans quelques mois.

marcher jusqu’aux façades argentées

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Parfois ça fait beaucoup de bien de reprendre le reflex. Je me suis un peu forcé au début, d’amener le lourd Canon 50D dans les rues de Uehara pour une promenade de presque deux heures samedi matin. La période est agréable car il fait doux mais un peu frais. J’aurais aimé un ciel un peu plus contrasté, mais il était plutôt blanc comme très souvent à Tokyo. J’ai déjà beaucoup explorer les recoins de Uehara en photos, mais cette fois-ci, j’explore un peu plus loin vers Tomigaya sur la large avenue Yamate. Je mélange un peu les genres en photographies avec cet immeuble fin et argenté sur l’avenue Yamate, venant contrasté avec quelques maisons d’une autre époque dans les rues cachés par la barre d’immeubles de l’avenue. Certaines sont gagnées par les feuillages. C’est agréable de se promener tranquillement en essayant de se perdre, un vrai bol d’air entre deux semaines épuisantes. Après une longue marche, je m’arrête quelques instants dans le café Bondi Coffee, très agréable car les portes fenêtres sont ouvertes et l’on peut s’asseoir en bord de rue.