à la poursuite du mikoshi d’or (3)

Revenons, pour une troisième et dernière série photographique, à l’intérieur du Sanja Matsuri d’Asakusa, au milieu d’une foule dense accompagnant les mouvements du mikoshi. Je rejoins sans m’en rendre compte la gare d’Asakusa pour apercevoir un autre mikoshi sortant d’une de ses entrées. L’avenue principale passant devant la porte Kaminarimon est fermée aux voitures mais elle n’est pas encore trop encombrée par la foule. La grande lanterne du Kaminarimon est remontée pour laisser passer en dessous les mikoshi. La vue sur ce spectacle en mouvement avec la fine tour Tokyo Sky Tree en fond rend ce paysage urbain assez iconique. Je préfère tout de même et sans hésiter la tour de Tokyo dont les illuminations rouges en pleine nuit lui donne une présence incontestable dans le paysage urbain tokyoïte. La tour Tokyo Sky Tree devient par contre un monument glacial la nuit.

à la poursuite du mikoshi d’or (2)

Je quitte le mikoshi que je suivais sur plusieurs centaines de mètres pour en trouver rapidement un autre dans des rues proches du hall principal du temple Sensō-ji (浅草寺) à Asakusa. Les temples portatifs mikoshi sont relativement facile à trouver car on peut se laisser guider par les sons des tambours taiko et les mouvements de foule que l’on peut voir au loin traverser les carrefours. Pendant que certains convois font une pause déjeuner, je marche près de Sensō-ji. La foule des touristes étrangers ou japonais est de retour en force, les bus de tourisme Hato Bus également. Asakusa est clairement un lieu de visite privilégié. Alors que je descends une petite rue piétonne parallèle à Nakamise, un mikoshi et ses porteurs enthousiastes accaparent une nouvelle fois mon attention. Nous sommes tout près de Sensō-ji et la foule est donc plus dense qu’ailleurs. Je les suis sur plusieurs dizaines de mètres. J’essaie de les dépasser pour prendre en photo de face les porteurs du mikoshi, mais la foule et les mouvements parfois chaotiques du mikoshi rendent la tâche difficile. Il me faut emprunter des rues perpendiculaires et parallèles pour prendre de l’avance sur le trajet du mikoshi. Il faut un peu de stratégie géographique pour parvenir à se placer au bon endroit, et un peu de chance. Mais en ce qui me concerne, la chance ne fait malheureusement jamais partie de mon équation.

à la poursuite du mikoshi d’or (1)

Ce sanctuaire portatif appelé mikoshi en partie couvert d’or que je poursuis sans relâche dans les rues d’Asakusa est de sortie à l’occasion du festival Sanja Matsuri (三社祭). C’est la première fois que je me rends au Sanja Matsuri dans le quartier d’Asakusa, un des plus grands festivals de Tokyo. Il se déroule sur trois jours, du Vendredi 19 Mai au Dimanche 21 Mai 2023. C’est en fait la première fois depuis quatre ans qu’il a lieu normalement, signe que le Japon a finalement tourné la page de cette crise sanitaire. Si j’en avais eu le temps, j’aurais aimé y passer la journée entière mais je n’y suis passé que quelques heures en début d’après-midi le Dimanche. De ce matsuri, on voit régulièrement des photos de yakuza tatoués sur tout le corps, et c’est certainement une des raisons pour lesquelles je n’avais pas particulièrement envie d’y aller jusqu’à maintenant. Ayant passé ces quelques heures dans différentes rues du quartier d’Asakusa, autour du grand temple Sensōji et plus loin, je n’en ai vu aucun. Soient ils se cachent très bien, soient ils ne sont pas aussi nombreux et présents que les photographies que l’on voit sur internet pourrait nous le suggérer. Je penche pour la deuxième option qui correspond je pense mieux à la réalité de cette fête de quartiers. Il s’agit en effet d’une fête de quartiers, sauf qu’elle a une taille des plus conséquentes, attirant de très nombreux visiteurs comme moi en ce Dimanche après-midi. J’ai suivi plusieurs mikoshi en prenant de nombreuses photographies au plus près du convoi. Il était ensuite difficile de choisir lesquelles conserver pour les montrer sur ce blog. J’aime particulièrement les visages des porteurs de mikoshi mélangeant les grimaces dues à l’effort et, l’alcool aidant aussi un peu, l’excitation de participer à un tel événement. L’ambiance n’est pas différente d’autres matsuri auxquels j’ai pu assisté à Tokyo ou ailleurs, mais sa taille est imposante. Le nombre important de mikoshi, et autres mini-sanctuaires portés parfois par des enfants, en circulation au même moment rendent ce festival particulièrement remarquable. Vu le nombre de photos prises, je publierai trois billets sur le Sanja Matsuri en commençant par celui-ci. Je montre également quelques courtes vidéos et photos sur mon compte Instagram.

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Le rouge domine dans les rues d’Asakusa (浅草) que je n’ai pas visité depuis longtemps. Les touristes dans la petite rue piétonne commerçante Nakamise (仲見世通り) ne sont pas aussi nombreux qu’avant la crise sanitaire. Lorsque je sors mon appareil photo et prends des photos à Asakusa aux abords de la grande lampe de la porte Kaminarimon (雷門) ou du temple Sensōji (浅草寺), je me demande toujours si on me prend pour un touriste fraîchement débarqué à Tokyo et faisant la découverte des merveilles de cette ville. Et que doit faire un touriste en visite pour la première fois à Asakusa ? Prendre en photo les temples aux couleurs vives et les jeunes filles en yukata. Je suis en ce sens un éternel touriste dans cette ville. Mes pas m’amènent ensuite péniblement (en raison de la chaleur) jusqu’à la station d’Okachimachi (御徒町) en passant par le sanctuaire Shitaya que je ne connaissais pas. Une porte rouge démesurée par rapport à la taille du sanctuaire y est plantée au niveau de la rue. Sa taille est optimisée pour utiliser tout l’espace disponible en ne laissant que quelques petits centimètres de distance avec les deux immeubles autour. Ou ce sont peut-être les immeubles qui ont été construits après la grande porte rouge. J’apprendrais plus tard que ce sanctuaire a été initialement fondé en l’an 730 à l’intérieur de l’actuel parc d’Ueno, mais il a été ensuite déplacé à cet endroit en 1703. Les bâtiments actuels sont plus récents et datent de 1934, ils avaient été détruits par le grand tremblement de terre de Tokyo. Je voulais ensuite passer un peu de temps à parcourir les rues d’Okachimachi mais la chaleur m’a poussé vers la fraîcheur des trains me ramenant à la maison.

Depuis que j’ai lu le billet de mahl sur son blog qui évoquait AAAMYYY, j’ėcoute également beaucoup cette compositrice et interprète originaire de Nagano. En plus de sa carrière solo, elle est connue pour être membre du groupe à tendance rock psychédélique appelé Temparay que je ne connais pas beaucoup. Le vrai nom d’AAAMYYY est Honami Furuhara, mais elle se fait appeler Amy, peut-être est-ce suite à sa vie au Canada pendant quelques années lorsqu’elle avait 20 ans et était à l’Université. Je me suis d’abord mis à écouter son dernier EP sorti le 8 Juillet 2022 intitulé Echo Chamber. J’ai tout de suite aimé sa manière souvent non-conventionnelle de composer et de chanter, et sa voix un peu voilée. J’ai eu très vite envie de découvrir son album sorti en 2021, Annihilation, tellement j’avais aimé le EP. Je suis ensuite passé sur son album précédent Body sorti en 2019 et écouté quelques morceaux sélectionnés des EPs Maborosi Weekend et Etcetra sortis tous les deux en 2018. Je concours tout à fait avec les commentaires que mahl faisait sur son billet au sujet de la musique de AAAMYYY, et sur les commentaires que l’on fait tous les deux sur ce précédent billet 祭りがない間に. Je me trouve maintenant à écouter tous ses albums et EPs à la suite ou dans le désordre, et la musique d’AAAMYYY occupe une grande partie de mon temps disponible d’écoute musicale en ce moment. Ce qui est assez intéressant, c’est que je ne lasse pas vraiment donc je continue l’écoute. On sent l’évolution entre les premiers EPs et son dernier, car les compositions électroniques se font de plus en plus évoluées et prennent plus d’ampleur musicalement et vocalement. Mais AAAMYYY est capable de créer un morceau tout à fait prenant avec une composition plutôt minimaliste. On revient toujours pour sa voix et sa manière de chanter, ainsi que pour ce sens certain à créer des accords légèrement non conventionnels qui nous accrochent et pourraient même devenir légèrement obsédant.

Je suis rentré dans son univers musical par le morceau Ano Emi (あの笑み), ou Your Smile, qu’elle interprète avec l’ex-idole et également compositrice et interprète Ano (あの). Un point amusant est que le titre devait initialement être Ano AAAMYYY pour reprendre les noms des deux artistes, mais une erreur plutôt bienvenue a transformé ce titre de morceau en celui qu’on connaît actuellement. Depuis que j’écoute ce morceau, je me demande quelles peuvent être les liens entre ces deux artistes car leurs univers sont très différents. J’ai déjà parlé plusieurs fois de la musique aux accents rock parfois agressifs d’Ano qui contraste avec son apparente manière d’être. Elle a une voix très particulière et une personnalité également très particulière. On la voit très régulièrement à la télévision et ses réactions sont la plupart du temps déconcertantes. C’est pour sûr un personnage à part mais qui a une certaine aura, qu’il serait un peu difficile à expliquer. Il s’avère qu’Ano attire les autres musiciens. Je me souviens avoir commencé à écouter la musique de Towa Tei avec son morceau REM en collaboration avec Ano sur son album EMO sorti en 2017. On voyait aussi Ano en photo avec Mukai Shutoku lors d’un festival. Les rumeurs qui sont très certainement fondées prêtent (ou prêtaient) une relation entre Ano et Satoru Iguchi du groupe King Gnu. Ça m’avait d’abord paru plutôt improbable voyant la personnalité atypique d’Ano, mais il s’avère que Satoru Iguchi a une personnalité toute aussi particulière (le groupe n’imaginerait par exemple pas le laisser conduire). Je n’ai pas d’intérêt particulier sur ce genre de rumeurs mais quand elles permettent de comprendre des liens possibles entre des artistes, ça m’intéresse forcément un peu plus. Je crois entrevoir quelques liens entre Daiki Tsuneta du groupe King Gnu et AAAMYYY. Ils sont tous les deux originaires de la préfecture de Nagano et ont à peu près le même âge (31 ans pour AAAMYYY et 30 ans pour Daiki Tsuneta). AAAMYYY emploie Perimetron, le groupe de créatifs fondé par Daiki Tsuneta sur plusieurs de ses vidéos et a joué en concert au Ginza Sony Park au moment où King Gnu et Millenium Parade (l’autre collectif musical de Daiki Tsuneta) investissait les lieux. Il y a forcément des liens entre les deux, du moins leurs univers créatifs s’entrecroisent. Comme AAAMYYY mentionne dans une interview pour Ginza Mag qu’elle a rencontré Ano pour la première fois dans un izakaya avec un groupe d’amis, je parierais que cette première rencontre s’est faite grâce à ses liens avec les groupes tournant autour de Daiki Tsuneta (dont son compère Satoru Iguchi). Enfin, tout ceci n’est que pure supposition de ma part et je me trompe régulièrement, mais je ressens le besoin de noter tout cela ici. Dans cette interview jointe d’AAAMYYY et d’Ano pour Ginza Mag, AAAMYYY précise d’ailleurs qu’elle est fan depuis plusieurs années, de l’époque où Ano était idole dans le groupe ゆるめるモ! (You’ll melt more!). Le morceau Ano Emi (あの笑み) est très différent des autres morceaux que l’on connaît d’AAAMYYY et on ressent bien le fait qu’elle ait voulu correspondre à l’univers plus rock d’Ano. Petit détail amusant de l’interview, AAAMYYY propose à Ano de regarder la saison 4 de Strangers Things ensemble. AAAMYYY semble être amatrice de films de science-fiction, citant dans ses préférés: Interstellar, 2001 Space Odyssey et le film de Luc Besson Le Cinquième Élément. J’avais adoré ce film à sa sortie, d’autant plus que j’étais à cette époque dans une phase musicale trip-hop à beaucoup écouter Tricky qui jouait un petit rôle dans ce film, mais je trouve qu’il a bien mal vieilli. Autre détail amusant, Aya Gloomy (dont je parle régulièrement ici) mentionnait également Le Cinquième Élément comme un de ses films préférés dans une interview récente. Je ne nie pas par contre la force d’évocation du personnage aux cheveux oranges interprété par Milla Jovovich dans le film.

Mais je m’éloigne de mon sujet qui est la discographie d’AAAMYYY. J’aime la totalité des morceaux que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant, mais certains sont tout simplement sublimes comme Fiction, Takes Time et After Life de l’album Annihilation, Over My Dead Body (屍を越えてゆけ) sur Body, Maborosi sur Maborosi Weekend, Hail (雨) feat. (sic)boy sur Echo Chamber. Ça peut parfois tenir à des détails comme le rythme électronique apparemment bancal au début du morceau Maborosi ou la manière avec laquelle elle ne prononce pas Maboroshi mais Maborosi (sans le h). La vidéo de Over My Dead Body (屍を越えてゆけ) a été, je pense, tournée à Nagano car je crois reconnaître la grande allée naturelle du sanctuaire Togakuchi que nous n’avions pas pu voir lors de notre passage en Mars. On y retournera très certainement un de ces jours. La vidéo de Hail (雨) a par contre été tournée dans les forêts d’Hinode, à l’Ouest de Tokyo. Sur ce morceau comme sur de nombreux autres, AAAMYYY fait souvent intervenir des invités venant la plupart du temps du monde du hip-hop japonais. A vrai dire, je ne connais pas beaucoup tous ces invités, à part Ryohu sur le morceau Bluev. J’aime beaucoup sa manière exagérément marquée de rapper, qui s’accorde bien avec l’approche beaucoup plus mélodique de chanter d’AAAMYYY. Un morceau comme All by Myself sur l’album Body s’est vraiment développé pour moi après plusieurs écoutes, notamment pour l’intervention vocale très douce à mi-morceau de JIL. Le morceau est particulièrement beau quand leurs voix s’additionnent puis se dépareillent vers la fin. Il y a ces petits quelques choses très subtils dans la musique d’AAAMYYY et elle est pour sûr une artiste à suivre de près.

閏年エンディング ~其ノ七~

Je conclus cette petite série avec un septième épisode qui sera le dernier de cette série et le dernier billet de cette année bissextile qui s’achève. Il me reste bien d’autres photographies que je n’ai pas encore montré mais elles attendront bien l’année prochaine si l’envie me vient de les montrer. Les photographies à partir de la troisième sont prises dans le quartier de Yoshiwara, près d’Asakusa. Yoshiwara était le quartier des courtisanes de haut rang appelées Oiran, à l’époque Edo. Il ne reste malheureusement plus grand chose de cette époque, mais je voulais venir dans ce quartier car j’ai revu le film Sakuran de Mika Ninagawa il y a quelques semaines. Sakuran est d’abord un manga de Moyoco Anno, mais également un film interprété par Anna Tsuchiya et dont Sheena Ringo signe la bande originale que l’on retrouve dans l’album Heisei Fūzoku. Nous sommes d’abord passé au sanctuaire Yoshiwara car le goshuin est très particulier, se composant d’un dessin de serpent. Un peu plus loin, les dernières photographies montrent le sanctuaire Ōtori. Un étrange visage de femme nous attend à l’entrée d’une des dépendances du sanctuaire. Elle a l’air de nous inviter à entrer à l’intérieur mais à nos risques et périls. Dernier billet de cette année difficile, que je finis d’écrire après le passage de Tokyo Jihen à Kōhaku. Nikaidō Fumi, qui présente l’émission avec Uchimura et qu’on a vu tous les matins dans le drama de la NHK, nous dit avec ferveur qu’elle est fan de Sheena Ringo, d’une manière qui me rappelle un peu Yoshioka Riho en plus mesuré. C’était une très belle performance du groupe qui termine bien l’année bissextile.