le cha-cha-cha de l’art à Toyosu

Dans ma liste des expositions que je souhaitais voir, il y avait celle intitulée ART de Cha Cha Cha (ART de チャチャチャ) qui se déroule du 28 Avril au 27 Août 2023 au WHAT Museum opéré par Terrada à Toyosu (豊洲). A travers 40 œuvres par 33 artistes tirées de la collection privée de Ryutaro Takahashi (高橋龍太郎), cette exposition entend explorer l’ADN de l’art contemporain japonais (日本現代アートのDNAを探る). Ryutaro Takahashi est psychiatre mais également un important collectionneur d’art contemporain. Sa collection commencée en 1997 comprendrait plus de 3000 œuvres. On nous en présentait seulement 40 dans l’espace d’exposition de deux étages du musée, ce qui peut paraître un peu limité, mais certaines pièces sont vraiment imposantes. Il y a beaucoup de grands noms dans sa collection et un certain nombre d’artistes que j’aime beaucoup et que j’ai déjà vu en exposition dans le passé. Il s’agissait donc pour moi d’une bonne rétrospective de l’art contemporain japonais que j’apprécie. On pouvait prendre la quasi totalité des œuvres en photo, ce qui devient petit à petit la norme dans les musées et galeries japonais. On préférerait parfois ne pas pouvoir prendre les œuvres en photo pour éviter de se concentrer sur son smartphone plutôt que sur l’art qu’on a devant nous. L’un n’empêche pas l’autre ceci étant dit.

Une des œuvres les plus impressionnantes de l’exposition était cette large tête de mort entourée de cerfs et de daims dessinés à l’encre japonaise avec des feuilles d’or sur quatre panneaux coulissants (fusuma) par l’artiste Tomoko Konoike (鴻池朋子). Cette imposante tête de mort est tellement marquante qu’elle justifie à elle seule de venir voir l’exposition. Je me suis en fait décidé à aller voir cette exposition après l’avoir vu en photo sur Instagram. De cette artiste, j’avais déjà vu son illustration géante de hibou recouvrant une partie du rocher du Kadokawa Culture Museum conçu par Kengo Kuma.

Hisashi Tenmyouya (天明屋尚) mélange l’imagerie japonaise traditionnelle avec des objets et machines contemporaines voire futuristes. Cette œuvre intitulée Robot Myouou est fidèle à l’image que j’avais des illustrations de Hisashi Tenmyouya. J’ai découvert cet artiste il y a quelques années dans un excellent livre intitulé Basara distribué par la galerie d’art Mizuma dont il fait partie. Sur la droite, il s’agit d’une peinture de l’artiste Erina Matsui (松井えり菜). J’avais déjà vu ses visages étranges, parfois dédoublés, lors de la 19ème édition de l’exposition DOMANI: The Art of Tomorrow au National Art Center Tokyo (NACT) en 2016.

Lors de cette même exposition DOMANI, j’avais également découvert l’art de Tomiyuki Kaneko (金子富之) dont les dragons et autres divinités fantastiques m’avaient beaucoup impressionnés. Je garde d’ailleurs depuis de nombreuses années une photo d’une de ses œuvres en fond d’écran de mon iPad. La fresque que j’avais vu à DOMANI en 2016 était beaucoup plus imposante, mais le dragon présent dans cette exposition n’en reste pas moins fascinant.

Mikiko Kumazawa (熊澤未来子) est également membre de la galerie Mizuma. Cette grande illustration au crayon intitulée Erosion est remplie de détails qui nous feraient perdre la tête. Il y a une densité graphique qui correspond bien à l’urbanisme des villes avalant ses habitants comme un monstre. Cette œuvre est vraiment superbe. Manabu Ikeda de la même galerie créé également ce genre de fresques bourrées de détails où les objets et les êtres se mélangent dans une sorte de confusion générale. Je m’attendais à voir une œuvre de Manabu Ikeda dans cette collection mais il n’y en avait malheureusement pas.

Dans la même salle, on trouve un étrange coq sculpté et peint créé par Hiroki Tashiro (田代裕基) et appelé Entenka (炎天華). Il est très réaliste bien que de grande taille. Il s’impose dans la salle comme une sorte de dieu animal. Dans la salle juste à côté, la réplique d’une pagode par Takahiro Iwasaki (岩崎貴宏) est accrochée au plafond et donne l’impression de montrer sa propre réflection. Ce modèle en cyprès japonais s’appelle Reflection Model (before the fire). Le sous-titre « avant l’incendie » nous fait comprendre qu’il s’agit du Pavillon d’Or à Kyoto. Je l’avais en fait déjà vu récemment au Mori Art Museum en haut de Roppongi Hills, mais je ne souviens plus de quelle exposition il s’agissait exactement.

Akira Yamaguchi (山口晃) est un autre artiste mélangeant des images traditionnelles proches de l’ukiyo-e avec des éléments actuels d’urbanisme. Comme on peut le voir sur la peinture intitulée People making things (2001) montrée dans l’exposition, ce mélange se fait par petites touches au point où l’anachronisme ne saute pas forcément immédiatement aux yeux. Le traitement graphique assure une intégration toute naturelle de ces éléments futuristes ayant garder une forte marque passée.

Beaucoup d’autres artistes reconnus couvrant des domaines artistiques variés, comme le photographe Hiroshi Sugimoto, Tadanori Yokoo, Lee Ufan, Yasumasa Morimura entre autres, sont présentés dans cette exposition. Je l’ai tout de même trouver un peu courte pour le prix d’entrée (1500 Yens). L’inflation se fait également ressentir sur les billets d’entrée aux musées. Une fois la visite terminée, j’ai repris mon vélo en direction des autres galeries situées à l’intérieur des anciens entrepôts Terrada, de l’autre côté du canal. C’est la deuxième fois que je visite cet ensemble de galeries sur plusieurs étages. Il faut savoir ce qu’on veut voir à l’avance car le monte-charge servant d’ascenseur est d’une lenteur pouvant décourager les visiteurs. Je me contenterais cette fois-ci des deux premiers étages dont sont extraites les quelques photographies ci-dessus.

le domaine de la boucle infinie

Ceux et celles qui continuent à me suivre, une trentaine de visiteurs par jour selon les statistiques, remarqueront très certainement quelques changements dans le design de Made in Tokyo. J’essaie de nouveau quelques changements, bien que j’aimais beaucoup le design précédent en oblique. Je l’aurais gardé pendant environ un an, ce qui est assez court sachant que j’ai conservé certains des anciens design pendant près de 5 ans. J’avais envie cette fois-ci de retourner à un peu de simplicité. Il n’y plus d’images d’en-tête mais des petits icônes pointant désormais sur les pages « A propos » (Ap), « Photobook » (Ph), « Archives » (Ar) et une nouvelle page intitulée « FuturOrga » (Fo) consacrée à ma série d’illustrations. Il s’agit des plus récentes, organisées autour de courts textes comme des titres, énigmatiques sans aucun doute, accompagnant chacun des dessins. Cette page va être étoffée petit à petit avec mes nouvelles illustrations. Je tente sur cette page d’y apporter un message d’explication ou du moins d’introduction, en dressant un parallèle entre mes illustrations et une forme de représentation de la densité de ville, photo à l’appui. Tokyo forme un labyrinthe sans fin, comme les ramifications de mes formes futuristes et organiques.

Pour revenir à ce nouveau design, toujours en court de construction, j’y ai également ajouté une boucle infinie. C’est à dire que les billets se chargent automatiquement en fin de page, dans un flot continue d’images. La boucle infinie représente bien Made in Tokyo. Après plus de 13 années de vie (bientôt 14), ce site ne semble pas vouloir s’arrêter, malgré les phénomènes de non-inspiration qui guettent et persistent parfois. Toute inspiration dépend en fait de mes sorties photos, de mes découvertes musicales. Le design du site va continuer à évoluer un peu, il faut que je regarde notamment les versions « mobiles » de ce thème. Il s’agit d’une version adaptée par mes soins du thème Serene sur WordPress.

Le 10 décembre démarrait l’exposition de la 19ème édition du programme DOMANI: The Art of Tomorrow lancé il y a environ 50 ans par l’agence des affaires culturelles japonaises pour aider au développement d’artistes en devenir à travers un programme d’etude à l’étranger. L’amie de Mari, Yo Okada, était membre de ce programme et présentait donc ses oeuvres en rétrospective de plus d’une dizaines d’années au National Art Center Tokyo (NACT à Nogizaka). Elle était accompagnée de 12 autres artistes d’âges variés, mais dans la trentaine/quarantaine. Cela peut paraitre un peu surprenant mais les artistes peuvent avoir participé au programme il y a plusieurs années voire 10 ans et ne présenter que maintenant leurs œuvres à cette exposition DOMANI. A chaque fois, les artistes ont passés du temps à l’étranger (c’est un élément du programme) ou même y habiter encore, c’est le cas de Yo qui a fait sa vie à Londres. Parmi les autres découvertes de cette exposition, on trouvait les oeuvres en découpages très colorés de Asae Soya, qui était, par coincidence, de la même année d’école d’art Geidai que Mari et se connaissent donc. Parmi les autres artistes, on peut également y apprécier les grandes peintures de visages, souvent étranges, par Erina Matsui.

J’étais très impressionné par les oeuvres gigantesques de Tomiyuki Kaneko, une peinture de style japonais qui représente des dieux japonais et asiatiques ou des formes de monstres. J’aime beaucoup les artistes membres de la galerie d’art Mizuma, mais bizarrement, je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller. Sur un grand mur, il nous montre des séries de croquis extraits de ses notes, tous très détaillés, qui témoignent de la longue préparation avant une oeuvre. Tout ça est très impressionant.