petit voyage de printemps (1)

Je commence là une série de photographies sur nos courtes vacances de printemps à la toute fin du mois de Mars et au début du mois d’Avril. Elles sont courtes car elles n’ont duré que trois jours et deux nuits. Notre objectif premier était d’aller à Matsumoto (松本) pour aller visiter le château, mais nous avons ensuite continué un peu plus loin dans la préfecture de Nagano jusqu’au grand temple Zenkō-ji (善光寺) que je voulais voir depuis très longtemps. J’avais déjà visité le château de Matsumoto il y a 22 ans lors d’une de mes premières années à Tokyo. Il faudrait que je retrouve les photos que j’avais pris à cette époque, en Février 2000 si ma mémoire est bonne. Je montrais déjà quelques photos sur mon site web Okaeri qui existait avant Made in Tokyo. Le château, on pourrait s’en douter, n’a pas beaucoup changé mais mes souvenirs ne sont de toute façon qu’assez peu précis. Il nous a fallu environ trois heures en voiture sur l’autoroute Chuo (l’autoroute que je connais le mieux), sans aucun embouteillage. L’autoroute passe à l’Ouest du lac Suwa (諏訪湖), sur les hauteurs et on peut de ce fait le voir de loin. Je cherche à ce moment là du regard le sanctuaire du film d’animation Kimi no Na Ha (君の名は。), mais je ne le trouve pas. Existe t’il vraiment? En fait, non, le sanctuaire Miyamizu de la famille de Mitsuha dans le film d’animation a été inspiré en partie par le sanctuaire Hie se trouvant à Takayama. Le château de Matsumoto est tellement superbe que je le prends en photo sous tous les angles. Il s’agit d’un château historique dont les origines remontent à l’année 1504. Les tours principales ont été construites plus tard dans les années 1593-1594. On le surnomme “le corbeau” pour sa couleur noire. Mais avant de visiter l’intérieur du château, nous allons faire un tour en ville pour aller déjeuner. Au passage, je remarque un très beau bâtiment de béton conçu par Kiyoshi Sei Takeyama (竹山聖) du groupe Amorphe. Cet immeuble aux formes déstructurées s’appelle Third Millennium Gate et a été construit en 2001. Au même croisement, nous sommes surpris de voir une installation artistique très colorée montrant une grenouille batailleuse. Elle provient de l’école des Beaux Arts de Tokyo et était exhibée pendant une des fêtes de l’école appelées Geisai (芸祭). Nous y sommes allés de nombreuses fois car c’était l’école de Mari et j’ai un très vague souvenir de cette grenouille là. Notre promenade dans les rues de Matsumoto est bien agréable, et je vais la continuer avec d’autres photos dans le prochain épisode.

une série comme les autres (1)

Cette série démarre sur Killer Street puis gagne Kabukichō pour revenir en début de soirée à Sendagaya devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium conçu par Fumihiko Maki. Dans ce gymnase, avait lieu ce soir là, la représentation finale du médaillé olympique Kōhei Uchimura. Il se retire à l’age de 33 ans avec 7 médailles dont 3 d’or et 4 d’argent. Les trois colonnes de béton de la première photographie sont celles du bâtiment brutaliste TERRAZZA conçu par Kiyoshi Sei Takeyama de l’atelier d’architecture Amorphe. Sur la quatrième photographie, on peut voir la gigantesque tour de 225m appelée Tokyu Kabukichō Tower, en cours de construction à l’emplacement de l’ancien Tokyu Milano Theater près de la gare Seibu-Shinjuku. On ne s’en rend pas vraiment compte sur cette vue en contre-plongée mais elle est très haute par rapport aux autres immeubles alentours. Cette tour changera certainement un peu plus l’image du quartier et notamment de la place juste devant qui n’est pas toujours bien fréquentée. Elle ouvrira ses portes au printemps, très bientôt donc. Le site est toujours entouré d’une palissade temporaire blanche imprimée par endroits de photographies de Daido Moriyama. Je pense que toutes ces photos ont été prises la même journée, il y a quelques semaines au mois de Mars. J’essaie d’écrire des billets plus courts en ce moment car une certaine lassitude me gagne ces derniers temps. Je ne sais pas encore si c’est provisoire ou plus profond. Je ne me lasse par contre pas de prendre des photos.

De haut en bas: Images extraites des vidéos YouTube des morceaux I RAVE U de HIYADAM et Queendom de Awich.

Je mentionnais récemment que Sheena Ringo allait sortir un nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし), également intitulé toogood dans son titre en anglais. Il est désormais disponible. Le morceau est assez dépouillé musicalement, se basant principalement sur un piano sur lequel vient se poser la voix de Sheena Ringo. Musicalement, c’est un très joli morceau plutôt académique mais très agréable à l’écoute. Je ne le trouve par contre pas transcendant ou particulièrement engageant. Il n’a pas la carrure d’un single et je le verrais plus comme un morceau concluant un EP.

Dans un style certes complètement différent et même à l’opposé, je suis beaucoup plus intéressé par le nouvel EP de DAOKO intitulé Mad EP, car elle se réinvente musicalement grâce à l’intervention de Yohji Igarashi à la production. Igarashi pousse DAOKO vers des sons de dance floor qui lui vont très bien. Sa manière de chanter proche du hip-hop ne diffère pas vraiment de ce qu’on connaît de DAOKO sur certains de ses morceaux précédemment, mais sa voix est plus franche et présente, certainement pour ne pas se laisser dévorer par les sons électroniques qui l’accompagnent. Les quatre morceaux du EP sont tous très accrocheurs et sont dans un esprit musical similaire. J’ai une préférence pour le troisième morceau intitulé escape, car il est un peu plus agressif que les autres, et pour le premier morceau MAD également single du EP. Musicalement, ça peut être parfois assez attendu mais je trouve que l’association avec la voix de DAOKO fonctionne très bien.

Le journaliste musical Patrick Saint-Michel évoque cet EP de DAOKO sur sa newsletter. Il mentionne un autre morceau également produit par Yohji Igarashi pour l’artiste hip-hop HIYADAM, car on y trouve des points similaires dans le mélange du hip-hop et des sons électroniques. Ce morceau que j’écoute en boucle s’intitule I RAVE U. Je ne connaissais pas ce rappeur appelé HIYADAM, et c’est une belle découverte qui me pousse une nouvelle fois à écouter du hip-hop japonais. Je découvre ensuite d’autres morceaux de HIYADAM, toujours produits par Yohji Igarashi comme Honey. HIYADAM y est accompagné par Yo-Sea qui a une voix très accrocheuse. Je découvre ensuite Yabba dabba doo! interprété cette fois-ci avec le duo Yurufuwa Gang (ゆるふわギャング). Les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être de Yurufuwa Gang, duo composé de NENE et Ryugo Ishida, car j’en ai déjà parlé lorsque j’évoquais le EP solo de NENE et l’album de Kid Fresino sur lequel ils intervenaient. Leurs voix sont très puissantes et typées. Je continue ensuite sur ma lancée en écoutant le morceau One Way de Ryohu avec YONCE, le chanteur de Suchmos. YONCE a vraiment une belle voix qui contraste bien avec les mots rappés de Ryohu, que je découvre. Le dernier morceau de cette petite série musicale hip-hop est un choc. Je connais assez mal la rappeuse Awich, à part pour des collaborations comme celle avec Kirinji ou avec NENE sur son EP. Je découvre le premier morceau intitulé Queendom de son nouvel album du même nom sorti en Mars, et quelle puissance vocale et quelle force d’évocation! Ce morceau nous parle d’une partie de sa vie lorsqu’elle quitte la ville de Naha à Okinawa d’où elle est originaire pour la ville d’Atlanta. Elle se marie avec un mauvais garçon qui fait de la prison et se fait assassiner. Écouter ce morceau la première fois m’a fait un choc qui m’a donné les larmes aux yeux.

Rurikōin Byakurengedō par Kiyoshi-Sei Takeyama

Un des objectifs de mon passage récent dans le quartier de Nishi-Shinjuku était d’abord de passer une nouvelle fois devant le hall bouddhiste futuriste près de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Il s’agit du Rurikōin Byakurengendō (新宿瑠璃光院白蓮華堂) conçu en 2014 par Kiyoshi-Sei Takeyama (Amorphe). Ce building de couleur blanche craie est un hall bouddhiste comprenant un cimetière intérieur où sont déposées les cendres des défunts et où ont lieu des cérémonies. Il s’agit d’un établissement de la branche bouddhiste Jōdō Shinshū. Le temple Komyoji (光明寺) se trouvant à Kyoto est le temple principal gérant le Rurikōin Byakurengendō. Sa forme très particulière évoque une fleur de lotus blanc sur le point d’éclore. Une autre particularité est la présence aléatoire d’ouverture sur les façades courbes laissant traverser la lumière à certains endroits. Le bâtiment de béton blanc mélange une image de délicatesse et de solidité. La structure anti-sismique assure qu’il peut résister à un tremblement de terre important d’une intensité sismique de 7 ou plus, et que la durée de vie du bâtiment est estimée à plus de 300 ans. C’est ce qu’indique du moins le site web du temple, mais on peut bien comprendre que pour un cimetière, la longévité est un point primordial.

J’avais déjà montré ce bâtiment dans un billet d’Avril 2018, mais je voulais y revenir pour essayer de mieux le saisir en photo. Le problème est que l’allée pavée qui le dessert est plutôt étroite et on n’a pas beaucoup de recul pour pouvoir le saisir dans sa totalité d’une manière correcte. Ce grand hall futuriste est vraiment encastré dans le milieu urbain et, en y repensant maintenant, les ouvertures des façades ressemblent à des meurtrières de forteresse, comme s’il fallait absolument protéger les cendres des défunts d’un environnement extérieur hostile. C’est la remarque que Wakametamago m’avait fait sur la photo que je montrais sur mon compte Instagram qui m’a donné cette image.

concrete & futuristic temple

Parfois je me demande pourquoi, à travers certains bâtiments comme celui-ci, Tokyo tient tellement à rester fidèle aux clichés et idées reçues qu’on lui donne de ville futuriste. Il ne s’agit bien sûr que de l’un des nombreux aspects de cette ville qui ressemble beaucoup plus à un village en d’autres lieux, mais trouver aux hasards des rues de Shinjuku cet immense vaisseau spatial blanchâtre me rappelle tout ce qu’il y a de passionnant dans les promenades urbaines tokyoïtes.

Ce bloc de béton futuriste aux courbes si élégantes et aux ouvertures elliptiques est un temple bouddhiste de la branche Jōdō Shinshū, considérée comme largement pratiquée au Japon. Il s’agit du Shinjuku Rurikoin Byakurengedo 新宿瑠璃光院白蓮華堂, conçu en 2014 par Kiyoshi-Sei Takeyama du groupe Amorphe. On leur doit également le magnifique et brutaliste TERRAZZA sur Killer Street à Aoyama. Le temple ne se situe pas très loin de la sortie Sud de la station JR de Shinjuku, mais il est bien caché, encastré entre des immeubles de grandes tailles. Malgré sa taille imposante, on ne l’aperçoit qu’au dernier moment lorsqu’on débouche sur la petite rue le desservant. La rue est étroite et il n’est donc pas facile de prendre assez de recul pour le saisir en photo dans son intégralité. Il n’est en fait pas si difficile que ça à trouver car son emplacement est indiqué par une grande pancarte un peu avant les gratte-ciels de Nishi Shinjuku sur la route Kōshū Kaidō, la grande artère qui passe devant la sortie Sud de la gare de Shinjuku.

Une des particularités de cette structure courbe est sa base au sol étroite par rapport au reste du building. Le bâtiment pourrait même faire penser à un réceptacle comme un vase d’autant plus que le toit est ouvert et couvert de végétation, comme pour beaucoup d’immeubles récents à Tokyo. L’immense monolithe semble s’élever au dessus du sol, flotter au dessus du contexte urbain alentour. La structure crée très certainement un espace de calme et de sérénité dans un environnement à l’écart des bruits et de la précipitation de la rue. En contrepartie, l’espace étant assez hermétique et peu ouvert sur l’extérieur, il est beaucoup plus difficile d’y accéder si on le compare à la multitude des temples bouddhistes au Japon. L’espace au sol est par contre plus transparent avec surface vitrée pour ne pas complètement rebuter le futur croyant qui se présenterait pour la première fois devant ce temple.

Alors que j’écris ces lignes vendredi tard le soir dans la pénombre, j’écoute la musique atmosphérique de Burial, le dernier EP intitulé Subtemple et j’y vois une certaine correspondance avec l’architecture sur laquelle j’écris. Les deux morceaux du EP sont assez différents de la musique que Burial a créé sur les albums et EPs précédents, car il n’y a pas d’éléments rythmiques. On retrouve bien sûr cette ambiance sombre et cinématographique particulière et si magnifique de la musique de cet artiste, mais il joue ici encore plus sur les textures pour créer une ambiance. C’est un peu déroutant au début pour l’amateur de Burial que je suis, mais particulièrement réussi sur le deuxième morceau Beachfires. En écoutant ces nappes sonores, on se croirait entrer dans un temple en pleine méditation, d’où le lien que j’y vois avec l’architecture bouddhiste ci-dessus. J’aurais envie de savoir quelle influence a amené William Bevan (aka Burial) vers ces sons sur ce morceau, mais je ressens quelque chose d’asiatique à certains moments, comme une vague sonorité qui s’évapore assez vite dans le reste de la noirceur des lieux et des voix diluées dans la pénombre. Bien sûr, le temple de béton ci-dessus brille de sa blancheur immaculée, mais j’imagine son intérieur rempli d’obscurité et de mystère.

Cela fait plusieurs semaines que je me suis mis à écouter une série de EPs de cet artiste expérimental et dubstep anglais Burial, tous ceux que je n’avais pas encore écouté. Il y a clairement un son caractéristique de Burial, bien qu’il évolue également de morceaux en morceaux. Cette musique est souvent faite d’un mélange de sons électroniques parfois sourds et de lignes de basse puissantes sur des sons qui crépitent. Ce n’est pas vraiment la musique qui s’accorde le mieux avec Tokyo, trop de lumières et de néons. Elle ressemble plutôt aux backstreets New-yorkaises ou aux villes post industrielles anglaises, du moins l’image que j’en ai. C’est une musique qui accompagne la nuit et ses halos de lumière diffuse.

La musique de Burial est complexe, elle change souvent de direction en cours de route, parfois mélangeant des moments de calme avant une tempête de sons, sur lequel des bribes de voix souvent féminines et modifiées de manière électronique viennent se superposer. Les incursions de voix, les soupirs sont nombreux dans les morceaux. Les nappes musicales y montent puis se calment. On se croirait dans des scènes de films où les personnages doivent fuir ou se cacher. Ce n’est pas un milieu accueillant ou confortable, et l’on ressent à travers cette musique une tentation de l’interdit et du danger. Les bruits de scanner de police viennent parfois entrecouper les morceaux et contribuent à cette impression.

Le EP Rival Dealer sorti en 2013 est certainement une de ses œuvres les plus puissantes émotionnellement. La musique synthétique sur Come down to us est belle à pleurer, comme cette voix asexuée qui se superpose comme une complainte. Ce morceau change d’ailleurs complètement d’esprit en cours de route et c’est déroutant à la première écoute. Cela rend ce morceau très fort en même temps. Dans ces morceaux polymorphes, chacun des sons et des silences semblent sous-pesés. La force et la tonalité des voix est comme contenue. C’est une musique très urbaine, une évocation de la ville en termes sensibles. C’est aussi ce que j’essaie de faire, tant bien que mal, avec mes photographies et mots.

2 HOURS WALK FROM TERRAZZA

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Je reviens sur le bâtiment de béton Terrazza (1991) de Takeyama Kiyoshi Sey (Amorphe) sur Killer street. J’aime beaucoup cette structure imposante et ses trois cheminées creuses. J’ai monté l’escalier sur la façade mais malheureusement l’accès au toit était bloqué par une porte rajoutée. Je continue ensuite ma marche vers Omotesando autour du Omotesando Hills de Tadao Ando. Dans les petites rues de Harajuku, je tombe par hasard sur la Design Festa Gallery (Je ne me souviens jamais exactement où elle se trouve). J’y avais acheté il y a plus de 10 ans un dessin d’une jeune artiste qui exposait.