死神の目に負けず

Les premières photographies de ce billet sont prises un jour de pluie où il fallait inévitablement sortir le parapluie. Sous un pont ferroviaire près de la station d’Ebisu, les graffitis sont sans cesse effacés mais réapparaissent rapidement sous d’autres formes et couleurs. Celui de la deuxième photographie est intéressant car on a l’impression qu’il a été à moitié effacé. C’est certainement le cas mais je préfère imaginer que cette coupure franche est volontaire et participe au design du graphisme mural. A Daikanyama, j’ai remarqué depuis plusieurs semaines une affiche publicitaire géante pour le magazine féminin Spur. La personne qui pose sur cette photo ressemble étrangement à Michelle Zauner du groupe Japanese Breakfast. J’ai d’abord eu un doute car le groupe n’est pas, à ma connaissance, particulièrement connu au Japon, mais une recherche rapide m’a vite confirmé qu’il s’agissait bien d’elle. De Japanese Breakfast, je ne connais qu’un album, le deuxième intitulé Soft sounds from Another Planet que j’avais beaucoup écouté pendant l’été 2018. Le groupe a sorti un nouvel album intitulé Jubilee sorti il a tout juste un an, mais je ne l’ai pas encore écouté. Il faudrait que j’y jette une oreille curieuse. Michelle Zauner n’a pas une voix fabuleuse mais l’ambiance des morceaux que compose le groupe est souvent assez profonde pour me plaire. En ce moment, j’ai quelques doutes sur la qualité des photos que je peux prendre, mais j’aimerais en prendre plus dans l’esprit de la quatrième montrant des affiches mouillées par la pluie avec des perruques blondes qui interrogent. Les photos suivantes reviennent vers les quartiers proches du pont Rainbow Bridge avec notamment une autre vue de la tour Yokoso dont j’avais déjà parlé.

J’ai beaucoup réfléchi sur l’utilisation de cette dernière photographie prise il y a plusieurs mois dans un des immeubles de la galerie TERRADA près de Toyosu. Cet espace se trouve au dernier étage. Il y a plusieurs espaces pouvant être utilisés comme des galeries mais seulement une était occupée. L’ascenseur qui amène à cet étage est lent et peu pratique car il ne s’arrête qu’à un seul étage à la fois. Il s’agit plutôt d’un monte-charge reconverti en ascenseur pour les besoins de cet ensemble de galeries d’art. Cet immeuble était initialement un entrepôt, ce qui explique cette configuration. J’étais seul à m’aventurer jusqu’à ce dernier étage, un jour de semaine alors que j’avais pris une journée de congé. Cet étage n’était en fait pas ouvert à la visite mais je n’ai vu qu’après le petit écriteau en japonais qui l’indiquait. En arrivant à cet étage quasiment vide, j’ai d’abord pensé faire demi-tour mais les lumières dans une des pièces parfaitement agencée ont tout de suite attiré mon regard et ma curiosité. Les autres pièces délimitées par des baies vitrées étaient vides. Ce vide était même oppressant au point où je ne pouvais détourner mon regard de la pièce lumineuse agrémentée de meubles soigneusement choisis. Je m’imagine tout de suite assis sur ce long fauteuil éclairé par la lumière tamisée du gigantesque soleil placé en orbite au milieu de la pièce. Le silence donne de la consistance au bruit de mes pas alors que je m’approche de cette pièce. La porte vitrée doit être fermée. Il suffirait de la pousser pour vérifier, mais elle est certainement restée fermée pour une bonne raison. J’observe d’abord à travers le vitrage s’il y a une ou des personnes à l’intérieur. La pièce est vide tout comme l’immense espace ouvert où je me trouve. Je ressens une étrange sensation en regardant l’intérieur de la pièce comme si le temps s’y était arrêté. Tout est parfaitement immobile, rien ne bouge sauf une vapeur diffuse s’échappant d’une petite tasse blanche posée sur la table basse. Si on se fit à la couleur du liquide qui remplit cette tasse, je dirais qu’il s’agit d’un café encore chaud. Je ne remarque que maintenant qu’un petit mot est posé sur cette table juste à côté de la tasse. On peut lire en gros caractère le mot anglais « Welcome ». Une ou deux phrases sont écrites en plus petit dessous ce mot de bienvenue mais je n’arrive pas à les lire d’où je me trouve. Est ce que ce message et cette tasse de café me sont destinés, j’en doute fortement mais la disposition de l’ensemble m’invite à rentrer et à m’asseoir. Je pourrais toujours dire que j’ai pensé que cette tasse m’était destinée si on me surprend soudainement assis sur le long fauteuil. Je réfléchis à ce que je dois faire, mais je me persuade rapidement de rentrer à l’intérieur car cette pièce m’a intrigué dès que je l’ai vu à la sortie de l’ascenseur. Je pousse doucement la porte vitrée en évitant de faire le moindre bruit. Elle n’est bien sûr pas fermée. J’en étais sûr. Pourquoi aurait elle été fermée si un message de bienvenue nous invite clairement à entrer. L’intérieur de la pièce me semble encore plus silencieux que l’espace ouvert à l’extérieur. L’air y est sec et un peu frais, mais pas assez pour avoir froid. Un tableau de Tomoo Gokita est posé sur un des murs de la pièce, devant le fauteuil. Comme souvent, les peintures de Gokita représentent des personnages sans visage en noir et blanc. Celui-ci, rempli de couleurs noires, ressemble étrangement à un visage que je connais mais je ne parviens pas à l’identifier de manière claire. Le petit message posé sur la table est écrit en petits caractères à l’encre noire. On peut y lire la phrase suivante 「どうぞ、アームチェアに座って、コーヒーを飲んで、想像力を駆使してください」qui recommande de s’assoir sur le fauteuil, de boire un peu de café et de laisser aller son imagination. Il est également écrit en plus petit comme une signature: 「パラレル東京観測委員会」, le Comité d’observation du Tokyo parallèle. Mon visage, si quelqu’un pouvait le voir, doit certainement trahir l’appréhension certaine qui me saisit à la lecture de cette signature. Je la reconnais, c’est la même que celle de l’oeil de Shinjuku et du télescope d’Aoyama. Je regarde autour de moi mais rien n’attire mon attention à part cette lampe en forme de soleil en orbite et le tableau noir de Gokita. Il y a bien un petit télescope posé derrière le fauteuil mais, pointé vers le mur, il ressemble plus à un objet de décoration. Je décide de m’asseoir quelques instants pour remettre mes idées en ordre. Boire une gorgée de café est tentant mais je ne sais pas d’où il provient. Je regarde plutôt vers le tableau de Gokita. Les couleurs noires sont fascinantes. A qui peut bien me faire penser ce visage. Les cheveux sont mi-longs avec quelques mèches rebelles. On dirait un visage de femme mais je n’en suis pas certain, car son visage est entièrement noir, sans aucuns traits. Il est d’une teinte aussi noire que le café dans la tasse que je saisis sans réfléchir. En boire inconsciemment une gorgée me plonge tout d’un coup dans les ténèbres de ce visage. D’abord d’un noir profond, des lueurs infimes s’y dessinent progressivement. Un décor sombre prend place sur ce visage. Il se fait de plus en plus précis mais ses contours restent flous. On dirait une scène de spectacle. Une foule est devant moi debout entassé dans un espace compact. On devine une chaleur intense et des cris qui restent pourtant inaudibles. La scène qui prend place devant moi à l’intérieur du visage noir de la peinture de Gokita est un concert que je vois à la première personne, à travers mes propres yeux. Je suis moi-même debout derrière un groupe de musiciens. Un des membres tient une guitare des deux mains et se déplace sur la scène de manière saccadée. Ses mouvements incessants m’empêchent d’observer attentivement la foule devant moi. Je reconnais pourtant un visage dans cette foule, derriere ces mouvements confus qui me gênent. Je m’approche doucement en me concentrant sur ce visage. La coupe de cheveux mi-longue avec quelques mèches rebelles me rappellent maintenant le visage de Kei, dont je raconte l’histoire depuis quelques années déjà. Cette scène m’est maintenant familière. Je suis sur la scène de la salle de concert Loft à Kabukichō que je décrivais dans un des épisodes de mon histoire. Pourquoi ces images soudaines apparaissent devant moi? J’en ai strictement aucune idée et il me faut le découvrir. Kei, peux tu me donner des réponses? Alors que je m’approche encore un peu plus, accroché à ma tasse de café, les yeux rivés sur cette toile, Kei tourne le regard dans ma direction. Elle me fixe maintenant intensément. Je ne peux me détacher de ses yeux noirs. Son visage se rapproche mais son regard est fixe. Il occupe maintenant la totalité du visage noir de la toile de Gokita. Cette superposition lui donne une réalité inattendue. Le regard de Kei est accusateur. Ces yeux me font penser à deux dagues lancées à l’attaque pour terrasser un ennemi, comme les yeux du Dieu de la Mort. Cette intensité me met mal à l’aise et j’ai du mal à retenir mes forces. Je pose la tasse brusquement et me retient avec mon autre main sur le bord du fauteuil. Qu’est ce qui m’arrive? Les yeux de Kei m’hypnotise et je ne peux pas m’en échapper. Ils me traversent le cerveau et me font perdre l’équilibre en tombant à la renverse la tête la première sur le fauteuil. De l’autre côté du tableau, Kei tombe dans les pommes parmi la foule dans la salle de concert. Son amie Rikako qui l’accompagnait n’est déjà plus dans la salle.

Je me réveille un peu plus tard, allongé sur le fauteuil. La lumière de la lampe en soleil a perdu de son intensité et est désormais beaucoup plus sombre. Je ne reconnais d’abord pas les lieux mais je me rends vite compte que je suis toujours dans la même galerie vide. La tasse et le message ont été enlevé de la table. Est ce un rêve ? Est ce que je me suis simplement assoupi sur ce canapé après avoir longtemps marché dans les rues de Tokyo. Le regard de Kei ne s’imprime plus sur le tableau mais il reste très présent dans mon esprit. Est ce que son regard accusateur me reproche de lui faire subir les histoires que j’écris. Je comprends très bien qu’elle voudrait être une personne normale mais je n’ai pas les pouvoirs de changer son histoire. J’espère qu’elle pourra comprendre que j’essaie simplement de l’aider. Mes jambes sont engourdies mais je parviens tout de même à me lever. En sortant de la pièce, je jette un dernier regard au tableau de Tomoo Gokita qui reste impassible. Il ne reste aucune trace de mon passage. L’ascenseur arrive lentement à mon étage. En appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée, je remarque qu’un petit écriteau indique que l’étage où je me trouve est interdit au public. Je regarde ma montre, il est tard, j’ai passé presque cinq heures dans cette galerie. Avant de sortir de l’ascenseur, je repense à Kei. J’espère que tu m’en veux pas…

(Quelques références pour le texte ci-dessus: des oeuvres de Tomoo Gokita, le texte de l’histoire de Kei, Du songe à la lumière, en cours d’écriture, et les deux autres textes de la série Tokyo Parallèle liés à celui-ci: l’oeil de Shinjuku et le télescope d’Aoyama).

De haut en bas, deux images extraites respectivement des vidéos sur YouTube des morceaux Shinigami Eyes de Grimes et de Iro Iro d’Aya Gloomy.

Je n’écoutais plus beaucoup Grimes depuis la sortie de son dernier album et je n’avais pas eu vraiment envie d’écouter ces deux derniers singles car le personnage qu’elle s’est construit ces derniers temps avait fini par m’agacer. Mais je ne sais pour quelle raison je me suis mis à écouter son dernier morceau Shinigami Eyes (les yeux du Dieu de la Mort), une recommandation YouTube peut-être ou peut-être était ce le fait de voir Yeule et Grimes ensemble sur une photo sur Twitter. J’aurais eu tord de ne pas l’écouter car le morceau est assez fantastique, tout comme la vidéo d’ailleurs. L’esthétique est étrange mais a quelque chose d’assez fascinant. Cette esthétique est par moments japonisante, mais semble plutôt mélanger toutes sortes de cultures virtuelles. A noter également l’inclusion d’un brin de K-pop avec la présence dans la vidéo de Jennie Kim du groupe Blackpink aux côtés de Grimes sur un camion japonais Dekotora futuriste. Tout se mélange mais ce n’est pas très grave. Certains parlaient d’appropriation culturelle mais je trouve ce genre de commentaire un peu ridicule. Le morceau a un rythme particulièrement marqué et accrocheur, mélangé aux ambiances sonores et vocales plus éthérées que l’on connaît bien de Grimes. Ça me plaît en fait beaucoup de revenir vers la musique de Grimes et m’inspire même quelques passages du texte que j’ai écrit ci-dessus. Je reviens également vers la musique d’Aya Gloomy car elle vient juste de sortir un nouveau single intitulé Iro Iro, qui est excellent. C’est un autre genre, mais Aya Gloomy évolue dans un monde à part, tout comme Grimes. J’ai beaucoup de mal à décrire ce que j’aime dans la musique et la voix d’Aya Gloomy. L’ambiance lente y est mystérieuse et contient à chaque fois quelque de nostalgique. Les sonorités minimalistes de synthétiser rétro jouent en ce sens, mais c’est aussi le cas de la vidéo du morceau. Aya s’y amuse avec des navettes spatiales d’un jardin pour enfants. On peut très facilement imaginer ce genre d’endroits, qu’on croirait laissé à l’abandon, quelque part au Japon. Je me suis rendu compte du coup que je n’avais pas écouté en entier son dernier album Tokyo Hakai. Je me rattrape en écoutant quelques autres morceaux de cet album comme Saisei(楽) et Turn Off. Cette ambiance musicale est vraiment unique et aux limites de la réalité.

une poignée de petits soleils

On peut ressentir la chaleur sur une photographie à travers les éblouissements de rayons de soleil mais peut-on ressentir le froid sur des photographies comme celles que je montre ci-dessus. Cette marche hivernale me fait d’abord passer dans les zones résidentielles vides de Daikanyama puis vers les zones résidentielles vides de Naka Meguro. Sur les deux premières photographies, j’aime comment les surfaces couvertes de plaquettes fines de bois se répondent. Ces deux photographies se complémentent en quelque sorte. Les formes simples de la maison individuelle sur la première photographie viennent pourtant contrastées avec les formes diverses de la deuxième photographie. Comment expliquer exactement ce qui me plait dans ces deux premières photographies? Je n’arrive pas à le dire exactement car c’est de l’ordre du ressenti que je suis peut être le seul à percevoir. Un peu plus loin à proximité de la rivière Meguro, je découvre un étrange parterre de fleurs. Cette association de couleurs m’est assez inhabituelle. On dirait une poignée de petits soleils venant nous réchauffer lorsqu’on les approche.

La première image est extraite de la vidéo sur YouTube du morceau Delete Forever par Grimes sur son futur nouvel album Miss Anthropocene qui sortira le 21 Février 2020. La deuxième image est extraite de la couverture du tome 4 du manga Akira par Katsuhiro Otomo publié en Juillet 1987.

Le trône, les longues draperies rouges, les piliers en ruine et la vue dégagée à l’arrière sur la vidéo du nouveau morceau Delete Forever de ༺GRIMES༻ rappellent beaucoup la couverture du volume 4 du manga Akira de Katsuhiro Otomo. Claire Boucher s’est très clairement inspirée de l’univers d’Akira sur cette vidéo. En sous-titre, elle décrit que cette vidéo représente les lamentations d’un tyran alors que son empire tombe en ruine. L’univers musical du morceau est par contre très éloigné de la bande sonore d’Akira et est même assez différent des morceaux plus éthérés que l’on connaissait de Grimes jusqu’à maintenant pour son nouvel album Miss Anthropocene qui sortira bientôt, le 21 Février 2020. Il n’empêche que ce morceau à base de guitare acoustique est très bon et viendra certainement diversifier l’ambiance plus sombre musicalement parlant du reste de l’album.

in the blazing sun I saw you

Quand la fin de l’année approche, j’ai tendance à mélanger les photographies que je n’ai pas encore publiées sans forcément les réunir par thème. A ce moment de l’année, mon inspiration pour écrire diminue aussi. Il faut dire que le billet précédent m’a en quelque sorte vidé de toute envie d’écrire pour quelques jours au moins. Le mois de décembre est en général moins actif niveau écriture, mais je me rends compte que l’année dernière avait quand même été assez chargée pour ce qui est du nombre de billets publiés et de la longueur des textes sur chaque billet. Il faut que je fasse quelques efforts pour terminer l’année.

Sur ce billet, les premières photographies montrent le village Shonan Kokusai Mura sur les hauteurs de Hayama, dans la préfecture de Kanagawa. Il s’agit d’un village assez récent, sans histoire ni histoires, assez isolé en haut d’une colline. Certains bâtiments ont des formes assez futuristes, comme celui tout en courbe de la première photographie. Il y a aussi des maisons individuelles regroupées dans un quartier résidentiel dont le silence nous fait croire que personne n’y vit. On croise bien des personnes dans ce village mais leur nombre vis à vis de l’étendue des lieux donne un sentiment de vide qui m’a un peu dérangé. Je n’avais pas eu cette impression la dernière fois que nous y étions allés, peut être parce que c’était en plein été, au mois de juillet. Notre dernière visite au Shonan Kokusai Mura date d’il y a 15 ans. Lorsque l’on descend de la colline, on arrive au bord de l’océan et on redécouvre la plage de Zushi. Nous allons souvent à Hayama, mais très peu à Zushi. J’aime beaucoup Hayama, je pourrais, je pense, y vivre (et j’ai d’ailleurs rencontré récemment un français qui y vivait).

La photographie suivante nous ramène vers Tokyo, à Ariake. J’ai pris cette photo après avoir fait le tour du salon de l’automobile. Sur la large allée entre Tokyo Big Sight et la gare la plus proche, avait lieu un spectacle de danse en costumes. A l’arrière, on faisait flotter de grands drapeaux tout en longueur et sur le devant une rangée de photographes saisissait tous les mouvements de la chorégraphie. Plusieurs groupes de danseuses et danseurs se produisaient les uns après les autres, toujours en synchronisation parfaite. Il s’agissait peut être d’un concours.

Les deux photographies qui suivent ont été prises à Shinagawa et Nishi-Magome. A Shinagawa, je suis toujours tenté de prendre en photo l’espace ouvert derrière la gare, notamment la barrière d’immeubles coiffées d’affiches publicitaires. A Nishi-Magome où je vais pour la première fois, je suis attiré par les blocs blancs d’un petit immeuble au bord des voies de Shinkansen. Je ne me suis pas approché pour vérifier si cet immeuble était intéressant d’un point de vue architectural. Il était au moins intéressant visuellement dans son environnement. La dernière photographie de cette série hétéroclite nous ramène dans la préfecture de Kanagawa. Ce petit chat obèse se trouve dans les jardins intérieurs du restaurant japonais Kokonotsuido. C’est un excellent restaurant dont les salles sont posées comme des petits cabanons sur le flanc d’une colline boisée. Un chemin nous fait naviguer sur cette colline et il est bordé de ce genre de petites statues.

Je n’ai pas écouté la musique de l’artiste britannique FKA Twigs (de son vrai nom Tahliah Debrett Barnett) depuis le morceau Water Me de son EP intitulé sobrement EP2, sorti en 2013. L’image digitale qui illustre son deuxième album Magdalene, sorti le 8 novembre 2019, est très étrange et m’a intrigué. Je me souviens avoir écouté l’introduction de chaque morceau sur iTunes le soir de sa sortie, avant de me coucher. J’avais tout de suite été impressionné par la force émotionnelle, dans sa voix notamment, de chacun des morceaux. Je me souviens également avoir été vérifier quelle était l’évaluation donnée par Pitchfork. Je ne suis pas toujours d’accord avec leurs avis, mais la note donnée à l’album m’a décidé à l’acheter dès le lendemain. Pourtant, je n’en ai pas parlé jusqu’à maintenant, car un peu comme l’album Anima de Thom Yorke, il faut être dans de bonnes conditions pour l’écouter, et ces bonnes conditions n’étaient pas toujours réunies ces derniers temps. Il s’avère que l’album est superbe et très prenant, même viscéral, en ce dès le premier morceau. Le sommet se situe au morceau Fallen Alien, qui a une force impressionnante. Du coup, je trouve les trois derniers morceaux qui le suivent un peu moins intéressant. Comme pour Anima, je pense que je reviendrais régulièrement vers cet album.

J’écoute aussi les quelques morceaux de Grimes qu’elle diffuse petit à petit avant la sortie complète de son album Miss Anthropocene en février 2020. Après le morceau Violence que j’aimais beaucoup et dont j’ai parlé sur un billet précédent, Grimes sort à la suite deux très beaux morceaux intitulés So heavy I fell through the earth et My name is dark. J’aime beaucoup l’ambiance sombre et éthérée des morceaux sortis jusqu’à maintenant. J’espère vraiment que le reste de l’album gardera cette unité de style et ne partira pas dans des envolées pop. L’ambiance est d’ailleurs assez différente de son album précédent Art Angels. Bien que j’avais beaucoup aimé Art Angels à l’époque, je préfère la direction qu’elle prend pour son nouvel album. En fait, l’approche artistique autodidacte de Claire Boucher (alias Grimes) est intéressante et même inspirante. Sans être forcément d’accord avec ce qu’elle dit, j’aime toujours lire ses interviews, assez excentriques et décalées parfois, comme cette interview récente de Grimes par Lana Del Rey et un podcast scientifique Sean Carroll’s Mindscape axé Intelligence Artificielle qui a généré quelques discussions et polémiques sur Twitter, comme rapporté ensuite sur Pitchfork. C’est d’ailleurs assez effrayant de voir comment certaines personnes réagissent au quart de tour sur Twitter sans sembler réfléchir aux mots employés. Il faut avoir la peau dure pour survivre aux salves de Twitter, et je comprends cette idée de Grimes de vouloir dissocier sa personnalité privée de celle publique d’artiste en utilisant un personnage avatar qui serait doté d’une intelligence artificielle (c’est le personnage que l’on voit sur les couvertures des morceaux, en images ci-dessus). L’avis scientifique du podcast ci-dessus est intéressant sur le sujet AI et corrige d’ailleurs les pensées parfois un peu trop fantaisistes de Grimes. Personnellement, j’ai été nourri par le manga Ghost in the Shell de Masamune Shirow quand j’étais plus jeune, donc ce type d’anticipation scientifique m’intéresse. Ces nouveaux morceaux de Grimes se combinent bien avec la musique de Yeule que j’écoute régulièrement depuis que j’ai découvert son album Serotonin II. Je ne peux m’empêcher de voir une influence de l’une (Grimes) sur l’autre (Yeule), pour l’ambiance sombre de leur musique et cette même idée de dissociation entre personne privée et personnalité artistique dotée d’une appellation spécifique. Yeule (de son vrai nom Nat Ćmiel) parle d’ailleurs souvent des multiples personnalités qui la caractérisent (des persona), dont celle digitale différente de sa personnalité privée. C’est un thème qui se rapproche de ce qu’évoque Grimes.

Dans un style très différent, j’écoute également deux morceaux de l’artiste japano-britannique Rina Sawayama, notamment le morceau ultra-pop (pour moi) Cherry, qui est extrêmement addictif dès la première écoute. J’aime beaucoup la densité du morceau et il y a une certaine fluidité dans sa construction qui est implacable. Je connaissais en fait cet artiste depuis un petit moment mais je m’étais toujours dit qu’il ne devait pas s’agir d’un style musical que j’apprécierais. Mais je m’autorise parfois des diversions musicales, comme par exemple, les albums Everything is Love de The Carters (Jay Z et Beyonce), Thank U, Next d’Ariana Grande ou ANTI de Rihanna. Ce sont des albums que j’ai beaucoup écouté quand ils sont sortis, sans forcément en parler ici. Ces petits détours font du bien de temps en temps. Rina Sawayama n’a pas tout à fait la voix de Rihanna, d’Ariana Grande ou de Beyonce, mais cela reste je trouve un de ses atouts. Le registre du morceau STFU! (qui veut très aimablement dire « Shut the fuck up! »), que j’ai découvert avant Cherry, est très différent, mélangeant les moments pop avec l’agressivité rock des guitares. La vidéo du morceau vaut le détour, surtout pour son introduction et sa conclusion montrant Rina lors d’un dîner avec un homme de type hipster occidental blanc se montrant assez peu respectueux d’elle et de sa culture, jusqu’à ce qu’elle finisse par péter les plombs (et c’est à ce moment que toute l’agressivité des guitares se déclenche). La situation est exagérée et même caricaturale, mais j’imagine assez bien ce genre de personnages prétendant savoir tout sur tout et coupant la parole des autres à longueur de conversation pour imposer leurs propres discours. J’ai déjà rencontré ce genre de personnages, il y a longtemps, qui après seulement quelques mois de vie à Tokyo, avait déjà tout compris sur ce pays et sa culture, et pouvait déjà donner des lessons complètes sur ce que sont les japonais.

Pour rester chez les britanniques mais dans un autre style encore, j’écoute un nouveau morceau de Burial (de son vrai nom William Bevan), intitulé Old tape sur la compilation HyperSwim des deux labels Hyperdub et Adult Swim à l’occasion des 15 ans de ce dernier. Un peu comme pour Grimes, je me précipite tout de suite pour écouter les nouveaux morceaux de Burial, car ils arrivent de manière très parsemée. Burial n’a pas sorti de nouvel album depuis son deuxième, Untrue sorti en 2007. Untrue, album culte, et notamment son deuxième morceau Archangel, ont posés les bases musicales de Burial, un style immédiatement reconnaissable qu’il continue à développer sur ses nouveaux morceaux. Burial a sorti de nombreux excellent EPs, dont j’ai régulièrement parlé ici, et il vient de les regrouper sur une compilation appelée Tunes 2011 to 2019. Je ne vais pas l’acheter car je m’étais déjà procuré tous les EPs en CDs ou en digital au moment de leur sortie ou un peu après. Je me suis quand même créé une playlist sur iTunes pour répliquer l’agencement des morceaux de la compilation. Je ne l’ai pas encore écouté car elle dure en tout 2h et 30 mins, mais j’imagine que ce nouvel agencement doit apporter une nouvelle vie à ces morceaux. Le morceau Old Tape de la compilation HyperSwim poursuit également le style Burial. On retrouve les collages de voix R&B sur des sons qui crépitent de synthétiseurs analogiques. Par rapport aux derniers EPs de Burial, ce morceau s’éloigne de l’ambient pour revenir vers une musique plus rythmée. Depuis Untrue, je trouve que Burial perfectionne son style tout en conservant le même univers sombre et pluvieux comme l’Angleterre industrielle.

how to repeat Tokyo endlessly (ζ)

Toujours Shibuya, je pourrais presque renommer ce blog tant le quartier de Shibuya est le sujet et le lieu d’un grand nombre de mes photographies. L’action des photographies ne se passe pas forcément dans le centre du quartier mais dans l’arrondissement tout entier que j’explore continuellement le samedi matin pendant environ 1h30. Je pense avoir emprunté chaque rue au moins une fois, mais le décor changeant souvent, une marche dans ces lieux est un éternel recommencement. Sur un des murs à l’entrée du Tower Records de Shibuya, PEDRO annonce finalement la sortie de son album en CD. C’est étonnant car la version digitale est déjà sortie il y a plusieurs mois et j’en parlais dans un billet précédent. J’ai du mal à comprendre les logiques de distribution de l’agence Wack. Je réécoute cet album Thumb sucker régulièrement et j’y retrouve une certaine authenticité rock que j’aime écouter dans les rues de Shibuya, justement. Il y a une agressivité sonore qu’on retrouve visuellement dans les rues du quartier. D’ailleurs, il est écrit en graffiti sur l’affiche de l’album au Tower Records la mention 渋谷のカリスマ (figure charismatique de Shibuya) à propos de l’interprète Ayuni D du groupe. Je ne pourrais pas dire si ça correspond à une réalité, ou à l’imagination d’un fan.

Je vais de temps en temps à la galerie de la boutique Diesel de Shibuya, située au sous-sol. On y montre plutôt de l’art contemporain, de la culture pop, cette même culture pop que je vois dans les rues de Shibuya et que j’aime tant photographier. L’artiste s’appelle MAD DOG JONES et il s’agit d’un Instagramer que je ne connaissais pas (les réseaux sociaux créent tellement de célébrités qu’on a du mal à toutes les connaître). Ça doit être la première fois que je vois une exposition provenant d’Instagram, si on exclut le projet de Richard Prince il y a quelques années. Cet artiste canadien crée des œuvres digitales très colorées et d’inspiration cyberpunk. On y voit des décors pseudo futuristes, pseudo Tokyoïtes, où les morceaux de villes s’entremêlent. Associer Tokyo à l’image cyberpunk de Blade Runner n’a rien de nouveau, mais je suis sensible à ces imbrications urbaines improbables qui rendent une représentation de ville irréelle. Ces dessins sont en plus très bien exécutés et très cinématographiques. J’ai pensé un moment prendre une photo à l’iPhone d’une des œuvres et la poster sur mon compte Instagram, mais je me suis vite rendu compte du ridicule de la situation. A quoi bon montrer sur Instagram une photographie qui vient initialement d’instagram. C’est comme mettre deux miroirs l’un en face de l’autre et créer des espaces infinis où on pourrait se perdre. On peut donc voir la plupart des œuvres sur le compte Instagram de l’auteur. Cette exposition intitulée AFTERL-IFE se déroule jusqu’au 14 novembre 2019.

Alors qu’on attend son prochain album Miss Anthropocene avec une certaine impatience, Claire Boucher alias Grimes ༺GRIM ≡゚S༻(⧖) nous fait patienter avec des morceaux au compte-goutte. Après We appreciate Power sorti en 2018, le nouveau morceau de Grimes s’appelle Violence. C’est le genre de morceau qui fait table rase sur toutes les autres musiques que j’écoute à ce moment là. Après avoir écouté le morceau, j’ai comme une perte d’envie d’écouter autre chose, car le reste me paraît soudain un peu fade. Ce n’est bien sûr qu’un sentiment illusoire et temporaire, car cette impression ne dure pas. Elle se reproduit pourtant de temps en temps pour des musiques qui correspondent exactement à ce que j’ai envie d’écouter au moment où je l’écoute. Sur le morceau Violence, on retrouve l’ambiance éthérée assez caractéristique du chant de Grimes. Les sons électroniques tout d’abord assez sourds voire industriels, montent assez rapidement en rythme. La voix de Grimes se fait également de plus en plus claire au fur et à mesure que le son monte jusqu’aux répétitions électroniques de la fin du morceau. J’aime toujours ces répétitions quand elles donnent l’impression d’un décrochage involontaire des machines, quand les AI toutes puissantes ne fonctionnaient plus comme prévu (pour reprendre un thème de son morceau précédent). La vidéo est également superbe surtout quand elle se concentre sur le visage de Grimes car on a du mal à deviner si son sourire est angélique ou au contraire diabolique. Cette dualité est intéressante, tout comme la chorégraphie assez saccadée par moment. D’après Pitchfork, on n’est pas sûr que ce morceau soit présent sur l’album. Moi, j’espère que tout l’album sera dans ce style là.

Hitting North

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Leave Them All Behind, le sous-titre du billet précédent est également le titre de l’album Going Blank Again de Ride, datant du début des années 90. Encore un disque que j’aurais pu découvrir à l’époque de mes quinze ans. Un peu en dessous du monument qu’est Nowhere, j’aime quand même beaucoup cet album Going Blank Again. Comme beaucoup, je pensais que le Shoegaze se limitait à Loveless de My Bloody Valentine, mais je découvre Ride et Slowdive. Ces derniers temps, j’achète ma musique en CDs comme au bon vieux temps, plutôt que sur iTunes. J’écoute toujours sur mon iPod Touch, mais j’aime aussi conduire en musique. Je me suis procuré dernièrement en CDs: Souvlaki de Slowdive, Visions de Grimes, Veckatimest de Grizzly Bear, dans trois styles très différents.

Sur la série de photographies ci-dessus, l’appareil photo saute de lieux en lieux de Shibuya vers Shimo Kitazawa en passant par Mejiro et Akasaka.