i scream

Ne voyez pas dans le titre de ce billet un cri de détresse subliminal, car je l’utilise plutôt pour le jeu de mot avec “ice cream” qui me paraissait plutôt bien convenir à la glace qui recouvre une grande partie de la chute d’eau Hossawa dans le village de Hinohara. Et aussi, parce que je viens de réaliser récemment en regardant le concert Air Pocket que Sheena Ringo utilisait ce jeu de mot dans le morceau Oishii Kisetsu (おいしい季節). Il faudra d’ailleurs que je parle un peu de ce concert dans un prochain billet. Nous sommes déjà venu plusieurs fois au village de Hinohara, qui est sur le territoire de la ville de Tokyo, bien que nous sommes ici dans les montagnes à environ 1h30 de voiture du centre ville. Mari voulait voir une cascade prise dans la glace. Il arrive régulièrement qu’elle lance une idée comme celle-ci dès le réveil. La mission du jour était donc de trouver un endroit accessible depuis le centre de Tokyo où on pourrait voir ce genre de glace géante. Nous connaissons bien cette cascade à Hinohara car ça doit être la troisième fois que nous y allons. La première fois était en 2017 et nous y sommes également allés en 2019. Le sentier dans la forêt n’est pas très long depuis la route jusqu’à la cascade, mais agréable et bien aménagé tout en restant naturel. Il a été creusé à flanc de montagne et longe la rivière qui coule en contrebas. Il restait sur le sentier un peu de neige mélangée aux feuilles mortes, qui nous rappelait la neige qui avait recouvert le Kanto quelques jours auparavant. Cette neige avait même envahi le centre de Tokyo en tombant tout un après-midi jusqu’au soir, mais avait vite disparu le lendemain. Je n’ai malheureusement pas eu la possibilité de prendre des photos de ce Tokyo enneigé, mais on en a beaucoup vu sur Instagram. Je me rattrape (un peu) avec celle du village Hinohara car après tout, nous sommes ici toujours à Tokyo. On peut s’approcher tout près de la cascade après avoir grimpé quelques marches faites de rochers. Alors que nous nous laissons hypnotiser par le son continu du flot de la cascade, un bloc de glace se détache soudainement d’une partie de la cascade. Je regrette de ne pas avoir filmé avec l’iPhone à ce moment là. Outre la cascade, nous aimons également venir dans ce coin de Hinahara pour le petit vendeur de tofu Chitoseya. On y vend également des doughnuts au tofu qui valent le déplacement.

vers la cascade

Ce n’est pas la première fois que nous allons au village de Hinohara, la seule et unique bourgade à l’appellation de village dans la préfecture de Tokyo. Nous sommes bien sûr bien loin du centre ville de Tokyo, à 1h20 environ en voiture. L’autoroute Chuo nous y amène. Il faut sortir un peu après Hachioji au niveau de la petite ville de Akiruno. Le père de Mari est enterré dans un grand cimetière près de la ville de Fussa, donc nous nous y rendons régulièrement, au moins une fois tous les trois mois. Nous en profitons souvent pour faire un petit détour vers Hinohara, se trouvant un peu plus dans les montagnes découpées par quelques petites rivières. Autant les villes de Akiruno et de Fussa n’ont pas beaucoup d’interêt, autant j’aime beaucoup aller à Hinohara. Hinohara est réputé pour ses cascades se déversant dans la rivière de Akigawa. Il y a une douzaine de cascades réputées, mais nous ne connaissons que celle de Hossawa, certainement la plus connue de toutes. Quand on entre à l’intérieur du village par la route unique qui le désert, on tombe sur un vendeur de Tofu appelé Chitoseya. Ils préparent et vendent également des donuts qui sont à se rouler par terre. En fait, on prétexte d’aller à Hinohara pour aller voir les cascades, mais en fait, on fait le déplacement pour les donuts de Chitoseya. J’exagère à peine.

L’entrée du chemin pédestre menant à la cascade de Hossawa se trouve à quelques mètres seulement du magasin Chitoseya. Le chemin longe en hauteur la mince rivière. Il est assez étroit mais très bien aménagé. On arrive au pied de la cascade en une petite vingtaine de minutes, en escaladant gentiment quelques rochers sur les derniers mètres. L’endroit est très reposant, d’autant plus qu’il n’y a pas grand monde en cette saison. La dernière fois que nous sommes venus ici, c’était en Novembre 2017. C’était à la fin de la saison des feuilles rouges d’automne, donc un nombre de visiteurs plus important qu’aujourd’hui. On apprécie le silence, le bruit de la rivière. Je pense soudainement au nouveau roman de Haruki Murakami, le Meurtre du Commandeur, dont je viens seulement de commencer la lecture des toutes premières pages. Une partie de l’histoire semble se passer en montagne et inconsciemment, je me mets à réfléchir à cet endroit dans l’ambiance « murakamienne ». La solitude des personnages de Murakami trouve écho dans ces lieux vides de monde, dans ces lieux propices aux réflexions intérieures. Ma réflexion intérieure, à moi, ne durera que quelques minutes. Parfois, j’aimerais avoir un peu plus de temps pour être dans la lune, rêvasser dans le vide ou presque, réfléchir dans le but unique de réfléchir, mais ce n’est pas le bon moment.

En redescendant de la cascade, nous repassons devant la maison verdâtre. C’est une petite boutique de souvenirs, se faisant appeler bureau de poste. Je ne suis pas certain qu’un véritable bureau de poste se trouvait ici autrefois. Un vieil homme est au guichet mais les clients étant peu nombreux, il a préféré aller à l’extérieur sur le chemin pour couper du bois à la hache. Je ne sais pour quelle raison nous engageons la conversation et par quel chemin nous en arrivons à parler d’activité sportive. Zoa lui dit qu’il aime courir et qu’il fait partie du club de course à l’école. Le vieil homme lui dit d’une manière assez catégorique qu’il faut qu’il s’efforce à courir plus vite que son père, que c’est le sens de l’évolution, que sinon l’homme redeviendrait singe. Ces considérations darwiniennes m’étonnent sur le moment. Je me dis que Zoa n’a pas grand mal à dépasser son père à la course. Le soir, de retour à Tokyo, nous allons nager tous les deux à la piscine du quartier comme tous les week-ends. On fait en général plusieurs séries d’allers et retours à la brasse dans la piscine de 25 mètres de long pour un total d’environ 1200 mètres. Zoa nage toujours devant et je le suis sans trop de difficultés. Ce soir là, j’ai pour la première fois un peu de mal à le suivre. Ça doit être la fatigue de la route qui me ralentit, mais je repense également aux paroles du vieil homme de la cabane de bois. Je me dis que Zoa a également dû y penser alors que nous nagions. Je ne lui poserais pas la question sur le chemin du retour de la piscine dans la nuit noire.

le village de Hinohara

Une journée ensoleillée du dimanche nous donne une nouvelle fois l’envie irrésistible de prendre la route à l’Ouest de Tokyo. En ce dimanche, nous quittons le centre de Tokyo pour rejoindre un autre Tokyo, celui des montagnes de Tama. Nous sommes toujours dans Tokyo, mais bien à l’Ouest, au delà de Hachiōji et de Ome. Notre but était d’aller jusqu’au village de Hinohara. Ce village intriguait Zoa depuis un petit moment pour la simple raison qu’il s’agit du seul village du grand Tokyo. Environ 2100 personnes y vivent, dans les montagnes mais rassemblées pour la plupart le long de la route principale traversant le village. La population y est trop faible pour qu’on puisse appeler Hinohara une ville et ce vaste espace de montagnes n’a pas été intégré à une ville voisine. Cela fait de cette unité administrative du district de Nishitama un village avec une mairie, une école élémentaire et un collège ainsi que quelques commerces comme Chitoseya proposa un excellent tofu fait maison et des doughnuts qui valent le déplacement. Nous nous y sommes régalés, en dégustant tout cela sur le pouce dans le froid mais entourés des feuilles rougies et jaunies par l’automne agrémentant le paysage montagneux et forestier tout autour de nous.

Le matin de ce dimanche, nous étions partis tôt pour pouvoir revenir assez tôt dans l’après-midi (avant 16h) pour éviter les bouchons de fin journée, qui nous avaient bien refroidi à notre retour de Kobuchizawa il y a quelques semaines. Une fois arrivés au village de Hinohara, nous allons d’abord à Kanoto Iwa. A cet endroit, une ouverture dans la roche est creusée par une petite rivière. On peut longer cette rivière sur un minuscule passage où il faut bien s’accrocher. Il s’agissait apparemment d’un ancien passage vers un sanctuaire. La première photographie de ce billet montre cet endroit. Nous nous engageons ensuite sur un chemin de montagne mais nous ne pourrons pas marcher très loin car la route est coupée. Au hasard de notre promenade, nous rencontrons un français qui semble vivre ici dans les montagnes. Il nous apprendra qu’un pont de bois sur cette route a été emporté il y a peu par un typhon.

Nous reprenons alors la voiture pour aller voir les chutes d’eau. Notre promenade nous amènera vers la chute d’eau de Hossawa, à une quinzaine de minutes à pieds du vendeur de tofu dont je parlais plus haut. Un chemin dans la forêt très bien aménagé longeant la rivière nous y amène. L’endroit est vraiment très agréable. Là encore, on peut admirer les feuilles rouges à différents endroits du parcours, dans les arbres ou sur le chemin de montagne. Il y a environ 13 chutes d’eau répertoriées à Hinohara. Nous n’en verrons qu’une seule cette fois-ci, mais on tentera certainement de voir les autres une prochaine fois. Le retour vers Tokyo est cette fois-ci d’une grande fluidité.