obscure, la force est noire …

… noir comme le château où flotte l’étendard, notre drapeau. Ce building couvert de plaques de métal noir à Jinbōchō (神田神保町) me fascine tout comme le building Yasuyo Building de Nobumichi Akashi à Shinjuku. Il s’agit du Jimbocho Theater conçu par Nikken Sekkei, utilisé comme salle de spectacle Manzai par l’agence de comédiens Yoshimoto Kogyo. On y trouve également une école de comédie aux derniers étages et une salle de cinéma au sous-sol opérée par la maison d’édition Shogakukan. J’ai toujours trouvé étrange d’avoir choisi un design aussi agressif pour une agence de comédie. J’aurais pu comprendre si l’humour qu’on y pratiquait était incisif, mais ce n’est pas vraiment le cas de Yoshimoto, à ma connaissance. Le building n’a pas changé depuis la première fois que je l’ai vu en 2007, mais je m’attendais à voir certaines plaques noires repeintes en orange éclatant. Je suis en fait revenu voir Jimbocho Theater pour voir ce mélange de couleurs mais la couleur orange avait déjà disparu. Peut-être que cette touche de couleur était une tentative d’adoucir l’aspect visuellement inhospitalier du lieu. Ce building fait vraiment figure d’anomalie dans le quartier des librairies plutôt composé de vieux immeubles. Il ressemble à un objet spatial non-identifié qui aurait soudainement atterri dans le quartier. On me souffle même sur Instagram qu’il ressemble au casque de Dark Vador, mais qui clignerait de l’oeil comme pour nous signifier qu’il a bien conscience de ne pas être à sa place ici mais prend un malin plaisir à être disruptif. Le quartier de Jinbōchō était autrefois le domaine du samouraï Nagaharu Jinbō, le design de ce building est peut-être inspiré par les formes d’un casque de samouraï, en version modernisée. Ces formes aiguës défensives me font en tout cas penser à un château noir, une version moderne de ceux de la période guerrière de Sengoku. Juste à côté du Jimbocho Theater, je ne manque pas d’aller faire un petit tour dans la librairie spécialisée en architecture Nanyodo. Une grande quantité de livres y est condensée sur deux étages. Quelques ouvrages me font bien envie mais on n’a plus beaucoup de place à la maison pour de nouveaux livres. Notre petite bibliothèque, un meuble au style chinois acheté dans une brocante il y a très longtemps, est plein à craquer et j’ai peur qu’il s’affaisse un jour où l’autre sous le poids des livres. Le dernier gros bouquin que j’ai acheté est le recueil de photographies de Mika Ninagawa et il se trouve toujours en apparence sur la table basse du salon. J’ai une attirance pour les gros livres, comme ceux du making of des trois premiers Star Wars posés en apparence dans un coin du salon, mais c’est maintenant devenu difficile d’en ajouter un discrètement sans attirer l’attention.

De passage à Jinbōchō, je visite à chaque fois la librairie Komiyama Tokyo, qui vend des livres d’occasion mais ressemble également beaucoup à une galerie d’art avec quelques artistes montrant leurs œuvres un peu partout dans la librairie. J’aime surtout la désorganisation générale du magasin, qui donne l’impression qu’on pourra y trouver des trésors cachés. Les trésors peuvent être parfois très onéreux. Les quatre étages de la librairie sont spécialisés en photographies artistiques, parfois à tendance érotique, mais aussi en illustrations d’artistes japonais actuels comme cette illustration d’Akiakane (秋赤音) que je montre ci-dessus. Les affiches vintage de Star Wars côtoient celles de Tadanori Yokoo ou de la marque de street wear Supreme. J’aurais bien acheté celle avec Kate Moss, mais ça aurait difficilement passé à la maison. Et puis, l’affiche était de toute façon hors de prix. Je comprends un peu mieux pourquoi elles sont vite subtilisées quand elles sont affichées dans les rues de Tokyo. J’avais vu celle de Kate Moss près d’Harajuku il y a tout juste dix ans. On y trouvait également en vente l’affiche Supreme avec Neil Young. Mais de Suprême, je préfère NTM dont je réécoute soudainement l’album Paris sous les bombes (de graffitis, précisons bien). Je ne l’avais pas réécouté depuis plus de 25 ans, et j’avais un peu oublié la violence de certaines paroles. Mais quelle puissance verbale quand même. Dans la librairie Komiyama Tokyo, je suis surpris de voir des illustrations de COOKIE (くっきー!). Je le connaissais comme comédien de l’absurde (chez Yoshimoto Kogyo, d’ailleurs), et en musicien dans le groupe Genie High avec Enon Kawatani et Ikkyu Nakajima (entre autres), mais pas comme artiste graphique. Je ne suis pas sûr qu’il excelle dans tous ces domaines, mais tout n’est pas si facile. Tout ne tient qu’à un fil.

日曜の午後

A Ginza, tous les dimanches, une des rues principales est fermé à la circulation. La vitrine du grand magasin Wako est toujours très élégamment décorée. Pour le mois de Janvier, il s’agit évidemment de representations canines qui y sont montrées, car nous avons démarré l’année du chien. Au milieu de la grande rue principale de Ginza, un joueur d’un étrange instrument que je ne connais pas est installé au milieu de la voie. Je suis assez surpris par les sonorités douces qui se dégagent de cet instrument à percussion. Il y a quelque chose d’apaisant. En y repensant maintenant, j’aurais dû lui acheté un des disques qu’il vendait dans sa sacoche.

Autre lieu, devant le parc Inokashira à Kichijōji. Nous allons régulièrement chez la grand mère de Mari qui va bientôt avoir 96 ans, mais qui est toujours en grande forme. Dans la maison, j’aime cet endroit sur le tatami où la lumière pénètre et où se dégage une chaleur diffuse. L’espace est souvent agrémenté de quelques fleurs. Lorsque l’on est assis ici sur le tatami, légèrement ébloui par cette lumière, on peut s’évader quelques instants en regardant le petit jardin. Cet après midi là, Mari était partie faire des courses pour sa grand mère dans le centre de Kichijōji près de la gare. je suis resté dans cette maison avec Zoa, qui dessinait sur la table basse, et la grand mère. Nous avons discuté de tout et de rien, en regardant d’un oeil distrait le tournoi de sumo qui passait à ce moment là sur la chaine nationale NHK. Je ne sais pourquoi mais à chaque fois que nous allons chez la grand mère le dimanche après midi, on passe du sumo à la télévision. Cela fait partie en quelque sorte de l’ambiance de cette maison près du parc. Ces instants de conversations lentes et apaisantes mais remémore celles que j’avais il y a très longtemps avec une de mes grands mères, alors que j’étais encore étudiant.

Lorsque Mari est de retour, nous allons faire une promenade au parc Inokashira, que nous connaissons maintenant très bien. L’étang au milieu du parc était vidé de son eau pour l’assainir. Cette opération avait déjà eu lieu il y a quatre ans, c’est un peu surprenant q’elle soit renouvelée aussi rapidement. Je me souviens d’il y a quatre ans, on y avait découvert nombre d’objets, même des bicyclettes, à l’intérieur de l’étang lorsqu’il a été vidé. Cela me rappelle ce personnage monstrueux recouvert de boue dans une des scènes de l’anime « Le voyage de Chihiro », d’où l’on retire toutes sortes d’objets lorsqu’il vient se laver à l’onsen. Au parc Inokashira, il n’y a donc plus d’eau dans l’étang, elle avait déjà été aspirée par un réseau compliqué de tuyauteries tout autour de l’étang.

Le bonhomme de neige de cette photographie ci-dessus n’est pas authentique. La photographie a été prise avant les deux tempêtes de neige qui ont frappé Tokyo ces deux dernières semaines. Je dis « frappé » car la première tempête avait été assez bloquante pour la circulation de la ville. La neige était de retour sur Tokyo ce vendredi, mais elle n’est pas restée sur le sol. Le bonhomme de neige ci-dessus était installé à Jinbōchō, devant des magasins de sport d’hiver.