僕の電脳魂はまだ生きてる

Je suis finalement allé jeter un œil à la nouvelle longue tour de 225m de haut pour 48 étages à Shinjuku. La Tokyu Kabukicho Tower (東急歌舞伎町タワー), située comme son nom l’indique à Kabukichō, se voit de loin. Elle se détache carrément du paysage urbain lorsqu’on la voit par exemple en entrant dans Shinjuku depuis l’avenue Meiji. Je suis passé plusieurs fois autour pendant sa construction, mais c’est la première fois que je rentre à l’intérieur depuis son ouverture récente cette année. La tour a été conçue par Yuko Nagayama & Associates et construite par Shimizu Corporation. Cette tour me paraît excessivement haute mais il ne s’agit pourtant que de la 13ème plus haute tour de Tokyo. Certainement que sa minceur et son détachement par rapport aux autres buildings du quartier jouent sur cet effet de démesure. L’intérieur au deuxième étage accessible depuis un escalier est rempli de néons colorés et de cafés-restaurants. Une salle de jeux se trouve à l’étage au dessus. L’endroit me fait tout de suite penser à un piège à touristes. Il y a foule lors de mon passage, et il est fort peu probable que j’y retourne prochainement.

Je suis également passé voir l’exposition Space Traveler d’Hajime Sorayama, quelques jours avant sa fermeture le 28 Mai 2023. Elle se déroulait dans la petite galerie Nanzuka Underground à Jingūmae. Au rez-de-chaussée, on pouvait voir plusieurs robots féminins argentés enfermés dans des sas de verre, comme dans des capsules cryogéniques. Ces formes futuristes sont immédiatement reconnaissables et typiques de Sorayama. La mise en scène dans une salle sombre et entourée de miroirs mettait vraiment en valeur ces sculptures métalliques. L’étage montrant des toiles de l’artiste était en comparaison plus classique. J’ai déjà montré ces quatre photos sur mon compte Instagram mais je me devais de les montrer également sur ce blog.

Je n’oublie pas de revenir vers la musique d’4s4ki avec le morceau Dennōgō (電脳郷) sur son dernier album Killer in Neverland sorti en Août 2022. J’avais déjà évoqué quelques morceaux de cet album, notamment l’excellent Paranoïa mais je n’ai pas encore écouté son album en entier. En fait, j’adore revenir vers sa musique lorsque je ressens le besoin d’une dose d’Hyperpop japonaise. Et puis je suis à l’affût des nouveaux morceaux de son prochain album CODE GE4SS, qu’elle pourrait diffuser avant la sortie officielle le 28 Juin 2023. Mais on ne peut en écouter qu’une courte bande annonce. En attendant, je reviens donc vers son deuxième album. J’aime tout de suite beaucoup l’ambiance de Dennōgō et la vidéo dans un style qui me semble bien représenter l’image que je me fais de l’Hyperpop. Comme pour beaucoup de morceaux d’4s4ki, Yusuke Oikawa (及川佑介) réalise cette vidéo qui évolue dans un monde imaginaire de rêves cybernétiques. 4s4ki y apparaît parfois modifiée et accompagnée de certains personnages vus dans des vidéos précédentes. La dénomination Hyperpop pour la musique d’4s4ki ne veut en fait pas dire grand chose car elle ne répond pas à un style unique. Dennōgō n’est par exemple pas aussi détonnant qu’un morceau comme 35.5 (dont la vidéo est également dirigée par Yusuke Oikawa), et est beaucoup plus enveloppant. 4s4ki au centre de la vidéo arrive, je trouve, à donner une âme à ce monde cybernétique hyper-dense.

Le nouveau morceau Sign (サイン) du groupe d’idoles alternatives RAY est une vrai surprise car il s’éloigne complètement du style rock et shoegazing habituel pour adopter un style électronique très inspiré. Ce qui est particulièrement intéressant est qu’elles conservent par contre leur style de chant vaporeux, qui se laisse normalement emporter par le son des guitares, mais qui vient ici contraster habilement avec le rythme rapide du beat électronique. Les nappes sonores qui donnent de l’espace au morceau contribuent à la beauté de l’ensemble. Il est assez long, plus six minutes, car les séquences musicales prennent leur temps à se mettre en place avant que les filles commencent à chanter. La chorégraphie sur scène est assez évoluée, adaptée au rythme soutenu du morceau. Ce single ne semble pas être sorti en single et la version que l’on peut voir sur YouTube a été filmée live le 3 Mai 2023 dans la salle de Shibuya, Spotify O-West. Le travail vidéo me fait penser qu’il pourrait très bien s’agir d’une vidéo officielle. J’espère que ce nouveau single sortira sur iTunes car cette nouvelle direction électronique fonctionne vraiment très bien.

play with (the) street (and buildings sometimes).

Cette série démarre par Yoyogi-Uehara pour revenir ensuite vers le centre de Shibuya et se terminer le soir dans les rues de Shinjuku à la frontière de Kabukichō. La petite maison de béton de la première photographie se trouve à Nishihara, un quartier proche de la station de Yoyogi-Uehara. Elle s’appelle Nishihara Wall et a été conçue en 2013 par l’atelier d’architecture Sabaoarch. Elle est placée sur un petit terrain de 40m2, pour une surface habitable de 78m2 arrangée sur trois étages, subdivisés avec des niveaux intermédiaires. Elle est étroite, entre 2.6m et 3.5 mètres de large pour environ 12m de long, et entourée de trois routes. Le vis-à-vis est évité par des ouvertures restant étroites lorsqu’elles donnent directement sur la rue, et des ouvertures beaucoup plus large aux étages, fournissant la lumière à l’ensemble. Depuis Yoyogi-Uehara, je rejoins ensuite la station de Yoyogi-Hachiman en empruntant volontairement des petites rues que je ne connais pas, longeant de loin la voie ferrée. Marcher dans les rues d’Okushibu (les quartiers à l’arrière de Shibuya) m’amène ensuite vers Kamiyamachō, puis Udagawachō qui conserve encore maintenant un certain désordre visuel.

À Udagawachō, les stickers s’amoncellent sur les vieilles cabines téléphoniques n’ayant plus grande utilité et les figures inquiétantes d’un groupe de filles appelé Tokyo Psychopath (東京サイコパス) m’intriguent un peu. En regardant par hasard quelques vidéos du groupe, leur musique n’a rien de vraiment transcendant ou d’original. Le morceau I’m a Kuzu Ningen (I’m a クズ人間) me plait en fait assez. Le fait que la vidéo soit tournée en partie à Udagawachō devant la Live house avec leur affiche et dans la cabine téléphonique que j’ai pris en photo est en tout cas une coïncidence intéressante. En revenant vers la longue avenue Meiji entre Shibuya et Ebisu, j’ai le plaisir de voir cette grande affiche montrant les personnages dessinées représentant Sheena Ringo et d’Ado pour le single Missing dont j’ai déjà longuement parlé. Le pont pour piétons sur la photographie suivante va bientôt disparaître, à priori avant la fin de l’année. J’y reviens donc avant qu’il ne disparaisse et en me disant qu’il faudrait que je cherche si quelqu’un a déjà eu l’idée de lister toutes les scènes de drama, vidéo musicales ou publicités qui ont tournées sur cette passerelle de métal. Un marquage écrit en blanc a fait son apparition et j’imagine qu’ils vont se multiplier avant que la passerelle soit démolie. Et pour prendre les deux dernières photographies, j’ai fait le déplacement à vélo jusqu’à Shinjuku, au pied de la nouvelle grande tour Tokyu Kabukicho Tower qui contiendra deux hôtels (Bellustar Tokyo et Hotel Groove Shinjuku), des salles de cinéma (109 Cinemas Premium Shinjuku), un théâtre (Milano-Za) et une salle de concerts (Zepp Shinjuku) sur un total de 47 étages et 4 sous-sols.

Les plus attentifs auront peut-être trouvé la pomme ajoutée sur une des photographies de ce billet. Je fais de temps en temps ce genre de clins d’oeil, mais ils sont apparemment tellement bien cachés que personne ne les trouve. Il fallait bien que je finisse pas donner quelques pistes. J’avais par exemple également laissé 3 pommes cachées dans les photos du billet 渋やああああっぷる (Juin 2019) ou 3 fantômes cachés dans le texte du billet 幽霊たちがやって来たらどうしょう (Mars 2020). J’ai également créé ces trois dernières années une dizaine de billets cachés que l’on peut accéder à partir des billets suivants dans l’ordre du plus récent au plus ancien: δАrэ чoὖ drivэ мy Ϛrαshed cаг (Octobre 2022), wolves crying at the giant moon (Octobre 2022), between the skies (Mai 2022), derrière une forêt d’immeubles (Mars 2022), every cloud is grey with dreams of yesterday (Novembre 2021), 閏年エンディング ~其ノ七~ (Décembre 2020), 閏年エンディング ~其ノ四~ (Décembre 2020), there is a distance in you (Mars 2020), feeling it in my scars (Mars 2020) et crawling in my skin (Mars 2020). Je laisse maintenant aux visiteurs motivés la mission de trouver ces pages cachées, comme dans une chasse aux trésors, et de me laisser un commentaire si la mission a été accomplie.

Les peintures ci-dessus sont de Teppei Takeda, montrées à la galerie Maho Kubota située à proximité de la rue Killer Street. Elle se déroulait jusqu’au 1er Octobre 2022 et j’ai sauté sur mon vélo ce jour là en me rendant compte que c’était le dernier jour d’exposition. L’artiste base ses portraits déstructurés sur des peintures de portraits qu’il a auparavant exécuté. Il déstructure ensuite les visages sur une nouvelle peinture qui correspond à l’oeuvre finale exposée. La puissance et l’impact de ces portraits sont indéniables. Il y a quelque chose d’organique, et même de viscéral, dans ces visages qui ne sont plus reconnaissables. Ces peintures m’impressionnent vraiment, elles m’hypnotisent même. Je connaissais déjà ces portraits mais je n’ai plus le souvenir d’où j’avais bien pu les voir. Maho Kubota Gallery est une petite galerie perdue dans une rue perpendiculaire à Killer Street. On ne la trouve pas par hasard car elle n’est pas visible depuis la rue principale. Le flux de visiteurs était cependant continu. Je pense que ce genre de peintures ne laissent pas indifférent, mais aimer pourrait facilement se transformer en une sorte d’addiction visuelle.

Je me suis rappelé à moi-même d’écouter l’album solo intitulé Ten no Mikaku (てんのみかく) de Yumi Nakashima (中島優美) qu’elle signe sous son surnom Yū (ゆう). Ce n’est pas un album récent car sorti le 25 Février 2004, mais je l’avais depuis quelques temps dans ma liste mentale d’albums à écouter un jour ou l’autre en attendant que ça soit le bon moment. Et c’est maintenant le bon moment. En fait, je connais la musique de Yū depuis longtemps car elle chante et joue de la guitare dans le groupe de rock alternatif GO!GO!7188 dont j’ai déjà parlé sur ce blog pour l’album Tategami (鬣) sorti le 26 Février 2003, soit trois jours après Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花) de Sheena Ringo sur la même maison de disques Toshiba EMI. Je prends KSK comme référence car l’album solo de Yuu, sorti un an après, le 1er Mars 2004, lui ressemble par certains aspects, notamment dans le melange d’instruments traditionnels et de guitares. Par rapport aux morceaux très axés rock de GO!GO!7188, ceux de Ten no Mikaku prennent parfois des ambiances différentes, comme le jazz qui me rappelle également ce que Sheena Ringo pourrait composer. Les comparaisons s‘arrêtent là car la voix, également très marquée de Yū, est très différente de celle de Sheena Ringo. De ce fait, on ne pense pas à une imitation, mais à des artistes évoluant dans des mouvances rock japonisantes assez similaires. Je trouve la voix de Yū assez proche du chant Enka et cette manière de chanter conjuguée à la force des guitares rend un ensemble assez sublime par moment. On n’atteint pas les grandeurs de KSK, mais l’album s’avère tout de même excellent. Un morceau comme le quatrième intitulé Mitsugetsu (蜜月) est particulièrement brillant, avec la voix tout en complainte de Yū et des sons aux ambiances indiennes. Elle utilise également des instruments chinois sur certains morceaux, dont le premier intitulé Lotus (蓮). On entend également du Sanshin, un instrument d’Okinawa, aux détours d’un morceau. Les morceaux les plus rocks ressemblent beaucoup à ceux qu’on pourrait trouver sur un album de GO!GO!7188, mais avec à chaque fois une touche qui me semble plus personnelle. Alors que j’avais découvert l’album Tategami de GO!GO!7188 en 2003 à sa sortie, alors que je tentais de trouver des groupes ou artistes dans le style de Sheena Ringo, j’aurais aimé découvrir l’album de Yū à cette époque. L’écouter maintenant me ramène inconsciemment à cette époque désormais bien lointaine. J’avais récemment redécouvert l’album Tategami de GO!GO!7188 et parlé de Yū pour sa participation à la guitare au groupe eLopers monté par Sheena Ringo, avec AiNA The End au chant, pour une reprise de Gunjō Biyori (群青日和) lors d’une émission de Music Station. Comme quoi les boucles finissent toujours par se reboucler.

une série comme les autres (2)

Après avoir visité le quartier de Tsukuda que j’évoquais dans un billet précédent, je continue à marcher en direction de Ginza. Je voulais d’abord revoir l’oeuf de Toyo Ito, nommé Egg of Winds, posé quelque part entre les immeubles de Tsukishima. J’étais déjà passé le voir il y a quinze ans et je voulais vérifier qu’il était toujours là. Marcher vers Ginza me fait d’abord passer par Tsukiji, mais je n’ai pas fait de détour vers l’ancien marché aux poissons. J’aurais pu appelé ce billet “de Toyo Ito à Toyo Ito”, car le bâtiment rosâtre pour la marque de bijoux Mikimoto est également une création architecturale de cet architecte. Sur la devanture du magasin, on reconnaît l’acteur et chanteur Suda Masaki (菅田将暉) même s’il se cache avec ses mains. On le voit souvent dans les dramas mais je connais moins sa musique à part le morceau Sayonara Elegy (さよならエレジー) qui est depuis un petit moment dans ma playlist lorsqu’on part loin en voiture. Je me pose parfois la question de savoir si je pourrais reconnaître des personnalités connues, des musiciens et artistes, au hasard des rues. Mari me dit régulièrement qu’elle a aperçu untel ou unetelle dans les rues de Tokyo, comme par exemple Takuya Kimura à Naka Meguro (il habite par là-bas). C’est plus rare pour moi, mais j’ai eu la surprise d’apercevoir Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella marchant accompagnée dans les sous-sols pourtant très empruntés de la station de Shibuya. Même avec un masque, elle est facilement reconnaissable par sa coupe de cheveux. Je ne pouvais pas me tromper. J’étais sur le moment étonné qu’elle marche normalement à Shibuya sans essayer de trop se cacher, mais en même temps, elle n’est pas encore aussi connue que KOM_I.

Je l’ai déjà mentionné auparavant, la musique rock de Tricot est depuis plusieurs semaines ma baseline musicale, c’est à dire que j’écoute les albums et EPs de Tricot la plupart du temps, tout en alternant de temps en temps avec autre chose, comme le hip-hop mentionné dans le billet précédent. Je montre en photo ci-dessus ma collection de CDs du groupe. J’ai maintenant tous les albums et les principaux EPs mais il en reste quelques autres à trouver. Les CDs de Tricot sont moins faciles à trouver que ceux de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen, ce qui m’a amené à commander en ligne sur le site de Disk Union certains CDs pour aller ensuite les chercher au magasin de Shibuya. On peut se faire livrer chez soi, mais je préfère l’occasion qui m’est donnée d’aller faire un tour dans un magasin de disques. Tous les albums sont excellents et mélangent brillamment des morceaux très puissants en guitares et d’autres plus pop. Il y a toujours ce côté inattendu dans la voix d’Ikkyu et dans les guitares, qui fait que les morceaux sont à la fois accrocheurs et intéressants, je dirais même stimulants, à écouter. Les compositions musicales et vocales ont à chaque fois un petit quelque chose d’inhabituel, et c’est ce point particulier que j’aime tant dans la musique du groupe. C’est aussi intéressant de voir que Tricot ne baisse pas sa garde avec les années, car le dernier album Jōdeki (上出来) possède quelques morceaux où les guitares sont très présentes, comme par exemple le morceau Inai (いない). Ceci me fait dire que le groupe n’a pas d’intention nette de basculer dans de la pop plus mainstream. Il y a tout de même un certain nombre de morceaux aux accents volontairement pop, mais toujours avec une certaine dose d’imprévu. Le morceau Kayoko (カヨコ) sur Jōdeki en est un bon exemple. Ça doit être le morceau que je préfère du groupe, car on ressent une sorte d’immédiateté et de liberté qui me plaisent beaucoup. Musicalement, ce que fait Tricot est superbe et sophistiqué. On a le sentiment que c’est du rock sur lequel on doit se creuser les méninges, pour suivre les accords de la guitariste Kida qui partent dans différentes directions. C’est le côté math rock de Tricot. Mais en même temps, la voix et les paroles d’Ikkyu accompagnées des chœurs de Kida et Hiromi ont quelque chose de très spontané. L’esprit général ne diffère pas sur les trois albums que j’écoute plus récemment, à savoir 3 (le troisième album du groupe) puis 10 (le cinquième album sorti lors des dix années de carrière du groupe) et le dernier Jōdeki (avec en photo de couverture le chien d’Ikkyu répondant au nom de Wicket,). Parmi les six albums du groupe, j’aurais beaucoup de mal à dire lequel je préfère. Le son des premiers albums est certes plus brut et l’album A N D reste le plus agressif de tous. Les albums qui suivent dont les trois ci-dessus et Makkuro (真っ黒) que je mentionnais précédemment arrivent à mélanger brillamment des ambiances plus calmes, d’autres plus pop avec la complexité du son des guitares et des percussions. Tricot est devenu en peu de temps le groupe de rock japonais que je préfère juste derrière Tokyo Jihen. Le rapprochement est d’ailleurs intéressant, car la vidéo du morceau Itazura (悪戯) de l’album 10 de Tricot a été tournée au même endroit que la vidéo Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩, ou To Nirvana dans son titre anglais), dans un replica de pavillon de banlieue américaine se trouvant dans la ville de Futtsu à Chiba. Tokyo Jihen a en fait copié Tricot car le morceau Itazura est sorti avant Hotoke Dake Toho. Dans cette même vidéo, Ikkyu porte une petite couronne sur la tête qui me rappelle celle que portait Sheena Ringo à ses débuts sur la tournée Senkō Ecstasy (閃光エクスタシー), qui elle-même me rappelle Courtney Love en photo sur l’album Live Through This de Hole. Et quand on sait que Tokyo Jihen portait le modèle de lunettes de Kurt Cobain dans la vidéo de Hotoke Dake Toho, je ne peux m’empêcher de voir là une convergence d’influences. Ça me plaît forcément beaucoup de trouver des relations entre le rock alternatif américain que j’écoutais dans les années 90 et le rock japonais que j’écoute maintenant.

Lorsque je suis allé voir Tricot dans la salle de concert Toyosu Pit pour la finale de leur tournée Walking x Walking, le groupe annonçait que leur tournée européenne serait reportée et que, pour patienter, trois concerts seraient organisés dans des petites salles de Tokyo à des heures européennes pour une retransmission internet. J’ai regardé en direct le concert du dimanche 10 Avril qui passait à 4h du matin heure de Tokyo (ce qui doit faire 21h en France). Le principe était intéressant. Le public était très limité car le concert se passait dans une toute petite salle appelée Flowers Loft à Shimokitazawa. Chaque spectateur devenait streaming staff et avait pour mission de filmer le concert au smartphone en live sur Instagram. Les adresses Instagram des comptes de chaque spectateur étaient inscrites sur une page spécifique sur le site web de Tricot. On pouvait donc sélectionner le compte Instagram qu’on souhaitait suivre parmi ceux disponibles. On final, j’ai regardé ce concert depuis chez moi avec mon iPhone, mon iPad et mon iPod en simultané pour avoir différents points de vue. Les membres du groupe se filmaient également par moment, notamment Ikkyu sur le final. Cette manière de faire non-professionnelle était très intéressante et l’accès était donc gratuit. Cette mini-tournée de trois concerts s’appelle STOPxSTEP tour 2022 et chacun des concerts a un concept différent. Le premier épisode s’appelait Himitsu. Chaque membre du groupe était habillé en noir, comme à la période de l’album Makkuro et le public devait resté silencieux. Le concert que j’ai regardé en streaming s’intitulait Bakurestu (爆裂), ce qu’on peut traduire par Explosion. Le concert se concentrait donc sur les morceaux rock les plus riches en guitares, comme Tokyo Vampire Hotel sur l’album 3, Noradrenaline sur A N D, Inai sur Jōdeki, Itazura sur 10 ou encore Pool sur le premier album THE. Pendant un des moments où Ikkyu s’adressait au public, elle faisait d’ailleurs remarquer que ce concert aurait dû plutôt s’appeler Pool, car la vidéo de ce morceau montrait justement des personnes filmant le groupe au smartphone comme lors du concert. Comme le concert était principalement destiné au public étranger hors Japon, Ikkyu et Kida ont parlé un peu en anglais mais le niveau d’Ikkyu est plus que moyen (Montifour Kida avait l’air de mieux maîtriser). Le morceau Dogs and Ducks sur le dernier album Jōdeki est d’ailleurs une référence à son pénible apprentissage de l’anglais car elle avait apparemment du mal à faire la distinction entre les mots Dogs et Ducks. Le concert Bakurestu comportait en tout 18 morceaux (incluant 3 en rappel) pour un total de plus d’une heure sur scène. La playlist était très variée reprenant des morceaux de tous les albums. Le son retransmi à travers les smartphones était d’assez bonne qualité, ce qui m’a d’abord surpris, mais les spectateurs étaient vraiment au plus près de la scène. Sinon. Le concert était impeccable et il n’y avait rien à redire. Ikkyu fourmille d’idées originales, ce qui fait aussi que ce groupe est intéressant à suivre. Tricot et Ikkyu sont aussi très présents sur YouTube, pour des vidéos parfois humoristiques comme cette interview en partie fausse d’Ikkyu où elle nous énonce des phrases comme 自分は自分であって自分ではない (je suis moi-même sans être moi-même) en parlant d’elle-même. Je ne sais pas vraiment comment traduire correctement cette phrase à vrai dire, mais elle nous dit qu’elle se répète cette phrase deux cents fois tous les matins et soirs, et qu’après une période de folie, cette phrase finit par prendre sens. Bref, tout ceci est plein de non-sens mais sa manière convaincante d’évoquer cela est très amusant. D’autres vidéos nous font part de ces voyages au Japon, comme par exemple à Aomori sous la neige. L’accompagner dans des paysages enneigés a quelque chose de très plaisant et apaisant. Pour revenir au concert Bakuretsu, j’ai saisi plusieurs copies d’écrans ci-dessus. Les esprits éveillés auront tout de suite remarqué le t-shirt du batteur Yosuke Yoshida, tirée de l’album Washing Machine de Sonic Youth. Et ceci le ramène sur les liens entre le rock américain des années 90 et le rock japonais actuel. J’ai également évoqué que la partie expérimentale bruitiste du morceau Himitsu de l’album Makkuro me rappelait Sonic Youth. Ce genre de liens me satisfait forcément beaucoup.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux interprétés par Tricot pendant ce concert STOPxSTEP tour 2002 Day 2 Bakuretsu:

1. Bakuretsu Panie San (爆裂パニエさん) du EP Bakuretsu Tricot San (爆裂トリコさん)
2. Tokyo Vampire Hotel de l’album 3
3. Super Summer (スーパーサマー) de l’album Jōdeki (上出来)
4. Noradrenaline de l’album A N D
5. 18, 19 de l’album 3
6. E de l’album A N D
7. Itsumo (いつも) de l’album Jōdeki (上出来)
8. End roll (エンドロールに間に合うように), nouveau single
9. Inai (いない) de l’album Jōdeki (上出来)
10. Tobe (飛べ) de l’album THE
11. Itazura (悪戯) de l’album 10
12. Afureru (あふれる) de l’album Makkuro (真っ黒)
13. Setsuyakuka (節約家) du EP KABUKU
14. Niwa (庭) de l’album A N D
15. 99.974℃ de l’album THE
16. Pool Side de l’album THE
17. Pool de l’album THE
18. Matsuri du EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙)

une série comme les autres (1)

Cette série démarre sur Killer Street puis gagne Kabukichō pour revenir en début de soirée à Sendagaya devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium conçu par Fumihiko Maki. Dans ce gymnase, avait lieu ce soir là, la représentation finale du médaillé olympique Kōhei Uchimura. Il se retire à l’age de 33 ans avec 7 médailles dont 3 d’or et 4 d’argent. Les trois colonnes de béton de la première photographie sont celles du bâtiment brutaliste TERRAZZA conçu par Kiyoshi Sei Takeyama de l’atelier d’architecture Amorphe. Sur la quatrième photographie, on peut voir la gigantesque tour de 225m appelée Tokyu Kabukichō Tower, en cours de construction à l’emplacement de l’ancien Tokyu Milano Theater près de la gare Seibu-Shinjuku. On ne s’en rend pas vraiment compte sur cette vue en contre-plongée mais elle est très haute par rapport aux autres immeubles alentours. Cette tour changera certainement un peu plus l’image du quartier et notamment de la place juste devant qui n’est pas toujours bien fréquentée. Elle ouvrira ses portes au printemps, très bientôt donc. Le site est toujours entouré d’une palissade temporaire blanche imprimée par endroits de photographies de Daido Moriyama. Je pense que toutes ces photos ont été prises la même journée, il y a quelques semaines au mois de Mars. J’essaie d’écrire des billets plus courts en ce moment car une certaine lassitude me gagne ces derniers temps. Je ne sais pas encore si c’est provisoire ou plus profond. Je ne me lasse par contre pas de prendre des photos.

De haut en bas: Images extraites des vidéos YouTube des morceaux I RAVE U de HIYADAM et Queendom de Awich.

Je mentionnais récemment que Sheena Ringo allait sortir un nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし), également intitulé toogood dans son titre en anglais. Il est désormais disponible. Le morceau est assez dépouillé musicalement, se basant principalement sur un piano sur lequel vient se poser la voix de Sheena Ringo. Musicalement, c’est un très joli morceau plutôt académique mais très agréable à l’écoute. Je ne le trouve par contre pas transcendant ou particulièrement engageant. Il n’a pas la carrure d’un single et je le verrais plus comme un morceau concluant un EP.

Dans un style certes complètement différent et même à l’opposé, je suis beaucoup plus intéressé par le nouvel EP de DAOKO intitulé Mad EP, car elle se réinvente musicalement grâce à l’intervention de Yohji Igarashi à la production. Igarashi pousse DAOKO vers des sons de dance floor qui lui vont très bien. Sa manière de chanter proche du hip-hop ne diffère pas vraiment de ce qu’on connaît de DAOKO sur certains de ses morceaux précédemment, mais sa voix est plus franche et présente, certainement pour ne pas se laisser dévorer par les sons électroniques qui l’accompagnent. Les quatre morceaux du EP sont tous très accrocheurs et sont dans un esprit musical similaire. J’ai une préférence pour le troisième morceau intitulé escape, car il est un peu plus agressif que les autres, et pour le premier morceau MAD également single du EP. Musicalement, ça peut être parfois assez attendu mais je trouve que l’association avec la voix de DAOKO fonctionne très bien.

Le journaliste musical Patrick Saint-Michel évoque cet EP de DAOKO sur sa newsletter. Il mentionne un autre morceau également produit par Yohji Igarashi pour l’artiste hip-hop HIYADAM, car on y trouve des points similaires dans le mélange du hip-hop et des sons électroniques. Ce morceau que j’écoute en boucle s’intitule I RAVE U. Je ne connaissais pas ce rappeur appelé HIYADAM, et c’est une belle découverte qui me pousse une nouvelle fois à écouter du hip-hop japonais. Je découvre ensuite d’autres morceaux de HIYADAM, toujours produits par Yohji Igarashi comme Honey. HIYADAM y est accompagné par Yo-Sea qui a une voix très accrocheuse. Je découvre ensuite Yabba dabba doo! interprété cette fois-ci avec le duo Yurufuwa Gang (ゆるふわギャング). Les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être de Yurufuwa Gang, duo composé de NENE et Ryugo Ishida, car j’en ai déjà parlé lorsque j’évoquais le EP solo de NENE et l’album de Kid Fresino sur lequel ils intervenaient. Leurs voix sont très puissantes et typées. Je continue ensuite sur ma lancée en écoutant le morceau One Way de Ryohu avec YONCE, le chanteur de Suchmos. YONCE a vraiment une belle voix qui contraste bien avec les mots rappés de Ryohu, que je découvre. Le dernier morceau de cette petite série musicale hip-hop est un choc. Je connais assez mal la rappeuse Awich, à part pour des collaborations comme celle avec Kirinji ou avec NENE sur son EP. Je découvre le premier morceau intitulé Queendom de son nouvel album du même nom sorti en Mars, et quelle puissance vocale et quelle force d’évocation! Ce morceau nous parle d’une partie de sa vie lorsqu’elle quitte la ville de Naha à Okinawa d’où elle est originaire pour la ville d’Atlanta. Elle se marie avec un mauvais garçon qui fait de la prison et se fait assassiner. Écouter ce morceau la première fois m’a fait un choc qui m’a donné les larmes aux yeux.

白黒になる東京 (4)

Depuis la gare de Shinjuku, je marche maintenant vers Kabukichō en direction de la station de Seibu Shinjuku. Cette zone de Shinjuku a pris ce nom de Kabukichō car elle était initialement destinée à accueillir un théâtre kabuki après la seconde guerre mondiale. Ce théâtre, qui était censé s’appeler Kiku-za, n’a jamais vu le jour en raison de problèmes de financement, mais le nom de Kabukichō est resté. Des centres de divertissement se sont tout de même développés un peu plus tard, notamment un cinéma appelé Tokyu Milano-za construit en 1956 ainsi que d’autres établissements: un centre culturel, un théâtre et une patinoire. Le cinéma Tokyu Milano-za a fermé ses portes le 31 Décembre 2014. Le bâtiment a été rasé et va laisser place à une tour de 225 mètres actuellement en cours de construction. Je ne suis pas venu à Kabukichō pour voir ce nouveau building en construction qui va continuer à transformer l’image du quartier, mais plutôt pour aller voir la palissade de métal blanc qui l’entoure. Dans le cadre d’un projet intitulé Shinjuku Art Wall (新宿アートウォール・プロジェクト), une sélection de photographies de Daido Moriyama y sont affichées en grand format sur les murs Sud et Ouest. Certaines photographies sont assez connues comme celle avec des bas résille formant des motifs courbes, celle montrant des lèvres féminines prises en gros plan ou encore la photographie de câblages électriques compliqués accrochés sur un poteau. Je ne connaissais pas la plupart des autres photographies, notamment celles montrant des personnages de la série Evangelion comme Ayanami Rei. C’est une bonne idée d’utiliser ces surfaces autour des constructions pour montrer des photographies, illustrations ou autres œuvres d’art. J’ai l’impression que cette méthode d’exposition devient plus fréquente ces derniers temps. Je me souviens des palissades blanches autour du PARCO de Shibuya sur lesquelles Katsuhiro Ōtomo et Kosuke Kawamura s’étaient associés pour montrer des illustrations du manga Akira. Ce n’est pas le seul exemple d’art de rue éphémère que j’ai pu voir à Shibuya.

J’écoute souvent l’album éponyme de Millenium Parade mais je me rends compte que je n’en avais jamais parlé dans un billet à part entière, car je l’avais en fait évoqué dans des commentaires d’un ancien billet lorsque je commençais à écouter l’album en Mars 2021 un mois après sa sortie. Je l’écoute de plus en plus maintenant car c’est un album qui se révèle petit à petit. Millenium Parade (abrévié en Mirepa ミレパ) est un projet musical mené par Daiki Tsuneta, fondateur de King Gnu avec Satoru Iguchi. Alors que King Gnu a une approche rock plutôt mélodique, Millenium Parade prend une approche plus éclectique mélangeant les styles entre rock, passages plus symphoniques, des moments électroniques ou jazz et d’autres de hip-hop. J’aime beaucoup King Gnu et c’est le groupe qui réconcilie tout le monde à la maison. Je m’étais procuré sur iTunes leurs deux derniers albums, à savoir celui intitulé Sympa sorti en Janvier 2019 et leur dernier intitulé Ceremony sorti en Janvier 2020. Ceremony comprend le single Hakujitsu (白日) qui a grandement contribué à la notoriété du groupe, notamment pour la voix rare de Satoru Iguchi. Iguchi et Tsuneta sont proches car ils viennent tous les deux de la même université des Beaux Arts de Tokyo, Département Musique. Iguchi ne fait cependant pas partie de Millenium Parade mais est tout de même invité sur deux morceaux à la fin de l’album dont le morceau Familia qui le conclut. Ce morceau reste très proche de l’esprit musical de King Gnu. Daiki Tsuneta est également membre fondateur de Perimetron qui est un collectif composé de vidéastes, d’illustrateurs graphistes et de musiciens. Perimetron ressemble à une troupe d’artistes très proches partageant une même vision créative. Ce groupe réalise les vidéos de King Gnu et de Millenium Parade. Dans son ensemble, King Gnu est à mon avis plus axé mainstream que Millenium Parade qui se présente plutôt comme un concept musical. Daiki Tsuneta y compose les musiques et invite différents artistes pour les interprétations vocales et instrumentales, comme les voix féminines de l’interprète Ermhoi sur quelques morceaux comme 2992 ou Lost and Found ou encore Friday Night Plans sur le morceau Trepanation. Leurs interprétations vocales sont superbes d’ailleurs. Tsuneta chante également sur plusieurs morceaux. Les paroles sont presque toutes en anglais bien que les membres du groupe et les invités soient tous des artistes japonais, mais parfois d’origines diverses. Millenium Parade est très intéressant musicalement dans un esprit rock se mélangeant avec une approche symphonique, parfois jazz, mais gardant quelque chose d’assez chaotique. C’est d’ailleurs une image que Tsuneta recherche, car il évoque lui-même le Tokyo Chaotic Sound comme tendance principale de leur art. Il y a d’ailleurs un morceau intitulé Tokyo Choatic!!! qui se trouve être une interlude musicale. Il y a beaucoup de courtes transitions musicales dans cet album, contribuant à son approche conceptuelle. Ces transitions façonnent d’ailleurs l’ambiance générale qui se dégage de l’album. Plusieurs d’entre elles évoquent le folklore japonais, comme le tout premier morceau intitulé Hyakki Yagyō (百鬼夜行) qui fait référence à la parade nocturne des 100 démons yōkai arpentant tous les ans les rues durant les nuits d’été et provoquant la mort à ceux qui ont le malheur de croiser leur procession. Hyakki Yagyō était également le thème de la tournée de Sheena Ringo en 2015 (椎名林檎と彼奴等がゆく 百鬼夜行2015), dont j’ai le Blu-ray sans l’avoir vu car je fais durer le plaisir. Ce trait d’union m’interpelle forcément un peu. Une autre interlude de Millenium Parade s’appelle Matsuri no ato et vient reprendre des fragments du morceau suivant 2992, constituant ainsi une sorte d’introduction. Ce genre de liaisons est très intéressante. Millenium Parade s’est surtout fait connaître par le morceau Fly with Me, qui est le thème d’ouverture de la série Ghost in The Shell: SAC_2045. La vidéo animée de style futuriste par Perimetron est superbe, sans forcément reprendre le style GITS. En fait le désordre urbain me rappelle plus le manga et l’anime Tekkonkinkreet. Il se trouve que Daiki Tsuneta est fan de GITS et s’en inspire apparemment dans son approche artistique. J’adore également GITS et les autres manga cultes de Masamune Shirow (Appleseed ou Orion par exemple). La vidéo de Veil par exemple, semble être complètement influencée par l’univers de GITS avec ces tubes reliant des corps cybernétiques. Veil est un des singles du groupe mais n’est bizarrement par présent sur l’album Millenium Parade. J’aime beaucoup l’approche artistique « complète » de cet album où le même collectif autour de Daiki Tsuneta compose les musiques des morceaux, les interprète, tourne les vidéos et illustre les pochettes de leurs albums. Ça donne une certaine consistance de style et quelque chose de très puissant qui m’intéresse beaucoup.

Vous allez peut-être vous inquiétez du fait que je n’ai pas encore évoqué Tokyo Jihen sur ce billet alors que c’était le cas sur presque tous les billets précédents (enfin j’évoque bien Sheena Ringo un peu plus haut). Dans un souci de continuer à tester l’endurance des lecteurs de Made in Tokyo, dont le nombre est en conséquence en baisse en ce moment, je vais quand même évoquer une nouvelle fois Tokyo Jihen ici. En fait, il m’est revenu en tête d’écrire au sujet de Millenium Parade et de Daiki Tsuneta car il était invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à l’émission KanJam Kanzen Nen-SHOW (関ジャム 完全燃SHOW) en deux parties les Dimanche soir 13 et 20 Juin 2021 sur TV Asahi. L’émission est présentée par le groupe d’idoles masculines KanJani8 (関ジャニ∞), originaire du Kansai comme leur nom le suggère. Vu qu’ils sont incapables de chanter correctement, je me suis toujours demandé pour quelle raison ils s’étaient retrouvés à animer une émission musicale qui peut être par moment assez pointue. On voit d’ailleurs régulièrement qu’ils sont un peu dépassés par les discussions qui ont lieu pendant l’émission, et c’est d’ailleurs également assez régulièrement mon cas pour être très honnête. Il s’avère tout de même qu’il s’agit d’une des émissions musicales les plus intéressantes de la télévision japonaise, avec celles de la NHK dans un style certes plus formel. Les émissions de KanJam du 13 et 20 Juin ont en fait été hijackées par Tokyo Jihen remplaçant KanJani8 dans le rôle d’animateurs et les reléguant au rôle de spectateurs. L’émission avait même changé de nom pour devenir HenJam Shinra Ban-Show (変ジャム 森羅万SHOW). La mise en scène était amusante car les membres de Tokyo Jihen prétendaient être d’autres personnes liées aux membres du groupe, des frères ou des cousins. Sheena Ringo, qui présentait l’émission avec Ichiyō Izawa, prétendait être Shiina Tekuno (椎名てく乃), cousine de Sheena Ringo qui se trouve être présentatrice de profession. Izawa Ichiyō se présentait en tant que Izawa Amaō (伊澤甘王), cousin au deuxième degré de Ichiyō et journaliste. Je pense qu’on lui a donné le nom de Amaō car on sait qu’il aime les choses sucrées depuis l’épisode de Hanakin Night qui lui était consacré. Kameda Seiji devenait Kameda Seizo, petit frère de Seiji et responsable dans une entreprise. Ukigumo se présentait sous le nom de Yamigumo (闇雲), son frère jumeau et ingénieur de profession. Finalement, Hata Toshiki devenait Hatahata Toshiki (鰰(はたはた)都市紀), chercheur en poisson d’eau de mer et parent de Hata Toshiki. Cette mise en scène très compliquée provoqua bien entendu la surprise des autres personnes sur le plateau. Ce qui était amusant, c’est que Sheena prenait un malin plaisir à ne pas répondre lorsque l’on lui demandait le sens de cette plaisanterie. On ressentait assez clairement que toute cette mise en scène avait été imaginée par Sheena Ringo, certainement pour alléger le stress de ce genre d’émissions, mais on voyait que les autres membres du groupe avaient du mal à se tenir à leurs rôles imposés. Je pense que le chaos qui est en résultait était volontaire et donnait quelque chose d’assez particulier à suivre. Dans cette mise en scène, les membres de Tokyo Jihen devaient parler d’eux-mêmes à la troisième personne, n’étant que les cousins ou petits frères des véritables membres du groupe. On pouvait remarquer que Kameda avait tout de suite du mal à se tenir à cette mise en scène et Sheena le reprenait sous les sourires de tous. C’est une drôle d’idée complètement décalée.

L’autre surprise de l’émission était donc de voir Daiki Tsuneta invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à cette émission. Je me souviens que lors d’une enquête du fan club Ringohan, Sheena Ringo demandait qu’on lui suggère des artistes avec lesquels elle pourrait collaborer musicalement et j’avais proposé King Gnu. Ça me fait donc plaisir de voir une partie du groupe invité même s’il ne s’agit pas d’une participation commune à l’élaboration d’un morceau de musique. Ce sera peut être pour une autre fois, mais l’émission avait au moins le mérite d’indiquer qu’il y a des points communs entre Sheena Ringo et King Gnu. C’est en fait Sheena qui a invité Daiki Tsuneta dans l’émission et il explique lui-même qu’il ne pouvait pas refuser. Il se trouve que Sheena a assisté à un de ses premiers concerts à Tokyo il y a quelques années et qu’il se sentait donc obligé d’accepter cette invitation pour cette émission. Le ton de l’émission était volontairement piquant donc on ne sait pas trop dans quelle mesure il s’agit d’humour ou de réalité. Mes souvenirs de Tsuneta dans des émissions de télévision étaient qu’il avait une attitude un peu hautaine (je ne me souviens en fait que d’une seule émission où King Gnu était interviewé, donc mon impression est peut être fausse) mais il avait ici l’air très humble, très souriant et même un peu gêné pendant cette émission qu’on lui fasse des compliments, comme s’il y avait une relation de Kohai à Senpai entre Tokyo Jihen et King Gnu. Daiki Tsuneta dit beaucoup de bonnes choses sur Tokyo Jihen. C’est amusant de voir Sheena l’écouter avec un sourire en coin en baissant la tête. On comprend tout de suite que les commentaires élogieux de Tsuneta sur le groupe lui plaisent beaucoup. Il insiste aussi beaucoup sur le jeu de basse de Kameda et les distorsions (歪み) qu’il y introduit. L’émission prend en exemple son solo de basse sur OSCA qui remplace très bien un solo de guitare. En même temps, Sheena nous dit que la basse de Kameda vient parfois empiéter sur sa plage vocale et qu’il est parfois difficile pour elle de chanter sur un morceau quand le son de la basse devient trop présent. Cette remarque un peu piquante là encore mais volontairement humoristique fait rire toute l’assemblée. Et Ukigumo de commenter qu’avec la basse de Kameda, on n’a même plus besoin de guitare. Le sujet des distorsions occupent un bon moment de la seconde partie de l’émission car Tsuneta apprécie beaucoup cet aspect du groupe et entend même des distorsions dans la batterie de Toshiki Hata.

Outre King Gnu, Chan Mari (ちゃんMARI) du groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女) et le producteur Akimitsu Honma, membre régulier de l’émission, intervenaient également. Chan Mari nous dit d’entrée de jeu être fan de Tokyo Jihen, avec une pointe d’émotion dans la voix. Elle est au clavier dans son groupe et insiste beaucoup dans l’émission sur les talents de composition de Izawa, en prenant comme exemple les solos sur le morceau Osorubeki Otonatachi (恐るべき大人達) en version live sur la tournée Discovery, sur le morceau Aka no Dōmei (赤の同盟) sur le dernier album Music ou sur Himitsu (秘密). Le producteur Akimitsu Honma note que la particularité de Tokyo Jihen est que chaque membre du groupe est capable de composer des morceaux en plus d’être musicien, ce qui est un fait rare. Il remarque certains rapprochements entre l’approche musicale de Tokyo Jihen et celle de King Gnu. Je suis assez d’accord avec cela dans le sens où ces deux groupes ne se sentent pas limité dans leurs approches musicales et sont en mesure de s’approprier différents styles en les adaptant à leurs propres atmosphères. Je ressens également une même sophistication et profondeur dans les sons qu’ils produisent, un certain perfectionnisme. Dans l’émission, en plus de cette capacité à composer, on évoque également le fait que la plupart des membres du groupe ont de multiples capacités en plus de jouer de leurs instruments d’origine, notamment celle de chanter pour Izawa et Ukigumo et de jouer de la guitare en plus des claviers pour Izawa.

L’émission aborde ensuite le fait que le groupe développe sans cesse des nouvelles versions de leurs morceaux, ce qui rend d’ailleurs les concerts intéressants car les morceaux varient souvent par rapport à ce qu’on connaît des albums. Sheena évoque une fois de plus son souci de plaire au public en proposant des interprétations nouvelles plutôt que de répéter des versions que le public connait déjà. A ce sujet, Ukigumo ne fait jamais deux fois les mêmes solos de guitare. On nous le démontre dans l’émission en prenant différents exemples en concert du morceau Killer Tune pour lequel le solo est à chaque fois diffèrent. Ukigumo nous dit que changer à chaque fois permet de ne jamais se tromper car il n’est pas nécessaire de reproduire exactement la même partition à chaque interprétation. Mais ça veut surtout dire qu’il a une excellente capacité d’improvisation ce qui désoriente d’ailleurs un peu les autres membres du groupe. En studio d’enregistrement, il improvise souvent une partition qui se trouve être meilleure que ce qui était écrit à l’origine. Le problème est qu’il ne se souvient parfois pas après coup ce qu’il a improvisé et il faut lui faire réécouter la bande de son propre passage de guitare pour qu’il puisse le reproduire à l’identique en se copiant lui-même. On lui pose la question si le changement perpétuel de version peut être dû au fait qu’il ne retient pas la partition originale et il nous confirme avec une moitié de sourire qu’il y a également un peu de cela. Sur Ukigumo, Tsuneta nous dit qu’il est un génie de la guitare car son approche musicale n’est jamais standard ou normale, et qu’il est respecté par les jeunes guitaristes.

Chan MARI évoque un peu plus tard la multiplicité des voix de Sheena, ce que j’aime aussi énormément et Akimitsu Honma parle aussi de génie pour le chant de Sheena. Il y a beaucoup de superlatifs dans cette émission, ce qui peut paraitre un peu trop. Mais ce qui est avant tout intéressant, c’est le déroulement chaotique de l’émission, comme une distorsion de la réalité, qui nous pousse à sourire. Par exemple, Yū Seki de King Gnu nous explique qu’il a été invité par Hata Toshiki dans cette émission mais lui-même n’a pas l’air très au courant. Sheena répond toujours à moitié aux questions et quand ça l’arrange. A une question de l’acteur, invité régulier de l’émission, Arata Furuta, elle nous dit qu’elle n’est pas Sheena Ringo (puisqu’elle est le personnage de Tekuno) et qu’elle n’est donc pas en mesure de répondre précisément. Elle change même rapidement de sujet en posant une question à Daiki Tsuneta. Cette mise en scène est en fait un moyen pratique pour ne pas répondre aux questions ennuyeuses. Arata Furuta lui demandait si la raison pour laquelle elle avait arrêté sa carrière solo était bien pour faire partie d’un groupe. C’est une question à laquelle elle a dû répondre tellement de fois qu’elle expédie la réponse en passant rapidement à autre chose. Un peu plus tard dans l’émission, Ukigumo nous révèle qu’on l’oblige à porter des vêtements bizarres, comme le costume d’indien qu’il a porté récemment pendant l’émission Music Station pour le morceau Ryokushu (緑酒), et que parfois c’est dur à vivre. L’éclat de rire de Tsuneta quand Ukigumo nous annonce cela fait plaisir à voir. Là encore, on ne sait pas trop si cette complainte est véritable, mais j’imagine bien Sheena obliger gentiment tout le monde à porter ces tenues de scènes, sans que personne ne soit en mesure de refuser tout en se disant que ça ne doit pas être une si mauvaise idée que cela. L’émission décortique également plusieurs morceaux mais je trouve les explications plus floues et moins convaincantes. En tout cas, j’ai appris pas mal de nouvelles choses sur le groupe, et des petites anecdotes. Le respect mutuel entre les membres du groupe, et entre Tokyo Jihen et King Gnu, transparaissait véritablement dans cette émission, et m’a d’autant plus donné envie de revenir vers les albums de Millenium Parade et de King Gnu, en alternance avec Music de Tokyo Jihen que j’écoute toujours beaucoup sans m’en lasser.