風を切って行くわよ

Le béton brut de House in Minami-azabu par l’architecte Hitoshi Wakamatsu. La forme en polyèdre du toit a été calculée pour maximiser la hauteur permise par les régulations urbaines du quartier tout en minimisant l’ombre projetée sur les maisons alentours. L’impression brutaliste de l’extérieur est conservée dans certaines pièces à l’intérieur, notamment le living au deuxième étage ouvert des deux côtés par d’immenses baies vitrées dont une aux formes obliques. Le rez-de-chaussée contient une pièce traditionnelle japonaise en tatami plutôt sombre. Le dernier étage sous le toit est peint en blanc avec quelques fenêtres de taille réduite.

Une cérémonie bouddhiste de quartier à Ikegami pour commencer la nouvelle année sous les meilleurs auspices. Comme elle durait plus d’une heure, je me suis discrètement éclipsé pour aller explorer le quartier. Cette cérémonie aux portes d’un temple suscitait la curiosité de certains passants.

Détails d’une rue du quartier d’Ikegami dans l’arrondissement d’Ōta. La zone que je parcours est presque exclusivement résidentielle et ne m’a pas apporté beaucoup d’opportunités photographiques. Mais il faut parfois plusieurs passages pour que les choses se révèlent à moi. J’ai même souvent tendance à voir des choses différentes à chaque passage dans une même rue ou quartier.

Façade du magasin d’instruments de musique Ikebe à Shibuya. Je fais un détour volontaire pour voir les affiches géantes montrant les visages de Hana et Hikam Watanabe de Tamanaramen (玉名ラメン). Ces photographies aux couleurs fortement modifiées reprennent le style du single The light behind my eyelids, que je mentionnais dans un récent billet.

Quand je marche dans le centre de Shibuya, je passe presque systématiquement derrière le grand magasin PARCO pour voir quelle affiche y est montrée. Cette fois-ci, il s’agissait d’une affiche publicitaire pour une réédition en cours de l’oeuvre manga complète de Katsuhiro Ōtomo « The Complete Works« . Bien que j’aime beaucoup son œuvre, il est fort improbable que je me lance dans cette collection là. J’ai d’ailleurs l’impression qu’il y a déjà eu des rééditions du manga AKIRA et d’autres books commémoratifs.

Je fais ces détours rapides en coupant le vent dans Shibuya pour finalement arriver au Tower Records. Des costumes de scène de Tokyo Jihen y étaient exposés au huitième étage pendant une période limitée. Ce genre d’exposition se déroule en général plutôt au Tower Records de Shinjuku, mais depuis la réduction de l’espace du magasin, il ne devait pas y avoir assez de place pour tout montrer. Il faut dire que ça doit être la plus grande exposition que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. On y retrouve les kimonos portés par Tokyo Jihen lors de l’émission Kōhaku sur NHK le 31 Décembre 2021, les tenues au début et à la fin de cette même émission, et quelques autres utilisées dans d’autres émissions en 2021. J’étais particulièrement curieux de voir le skateboard de Sheena, qui apparaît régulièrement dans des émissions ou des vidéos. On peut également apprécier les Reebok Pump futuristes, les sacs à dos NASA et les tenues de sport colorées dérivées de celles de la période Sports. J’ai également montré quelques unes de ces photos prises à l’iPhone sur mon compte Instagram. J’y suis allé un dimanche à l’ouverture à 11h et il n’y avait donc qu’assez peu de personnes. Comme l’espace n’est pas très grand tout de même, j’ai fait de mon mieux pour ne pas inclure les visages des autres visiteurs sur mes photos sur Instagram, sauf une photo qui montrait l’affiche à l’entrée et sur laquelle on pouvait voir une fille de profil avec le visage à moitié caché par un masque. Quelques heures après publication, je reçois un DM de cette même personne me demandant de flouter la photo sur Instagram sur laquelle on voyait une partie de son visage ou d’enlever complètement la photo en question, ce que j’ai finalement fait car je ne pense pas qu’on puisse éditer une photo déjà publiée sur Instagram. Deux amis ou connaissances de cette personne m’ont également contacté pour la même raison, de manière fort aimable mais insistante tout de même. Je n’avais pas l’intention de créer de problème donc effacer la photo rapidement a rassuré tout le monde. Mais je ne m’étais jamais vraiment posé la question des problèmes éventuels de montrer des visages sur Instagram ou sur ce blog. Le problème sur Instagram est que j’utilisais le tag #椎名林檎 comme tous les autres personnes ayant montré des photos de cette exposition, ce qui fait que la personne en question a rapidement vu ma photo et a réagi. Je ne prends pas souvent des personnes en photo sur ce blog et encore moins sur Instagram, mais je ne me suis jamais empêché de montrer des visages sortant d’une foule par exemple. Cette remarque va peut-être modifier mon approche, du moins je suis sûr que je vais beaucoup plus y penser, ce qui est pour sûr un peu dommage.

Le titre de ce billet n’a pas grand chose à voir avec le contenu mais j’aime tout simplement la manière dont Nanako Matsushima (松嶋菜々子) prononce cette phrase au guidon d’une moto dans une publicité récente. Je garde cette phrase comme titre pour m’en souvenir.

rêve d’enfant

Cette maison de béton et de verre aperçue en direction de Yebisu Garden Place, non loin de la voie ferrée, est intéressante pour ses surfaces extérieures en damier. Lorsque l’on prend la façade principale en photo, les voitures des trois maisons individuelles placées juste à l’opposé se reflètent exactement dans chacune des plaques de verre teinté. On dirait un jeu pour enfants. Je découvrirais plus tard au hasard de mes recherches sur Internet que cette maison s’appelle N HOUSE par l’architecte Manabu Chiba (2013). Pour le bâtiment blanc de la dernière photographie, par exemple, je n’identifie que maintenant qu’il s’agit de T-Office par l’architecte Satoko Shinohara de Spatial Design Studio, alors que je recherchais des références sur House in a plum grove, dont je parlais auparavant. J’adore explorer les listes comme celle-ci construite par des enthousiastes d’architecture japonaise, car elles me permettent très souvent de mettre des noms d’architectes sur des bâtiments que j’ai déjà vu et pris en photo dans le passé. Les adresses ne sont bien sûr pas indiquées, mais le nom de l’arrondissement est parfois mentionné. Vu la taille des arrondissements, il est très difficile de trouver sur Google Maps une maison avec la seule indication de l’arrondissement. L’association d’un nom d’arrondissement et d’une photographie extérieure d’ensemble de la maison permet parfois de découvrir où elle se trouve, mais c’est au prix d’un travail minutieux de recherche sur Google Maps et ça n’aboutit que rarement. J’ai par exemple recherché plusieurs fois les bâtiments suivants: White Base de Architecton / Akira Yoneda, Mosaic House de TNA / Makoto Takei & Chie Nabeshima) ou encore On the cherry blossom house de Junichi Sampei / ALX, sans succès malheureusement à chaque tentative. J’envoie donc une bouteille à la mer ici au cas où un lecteur de ce blog aurait ces précieuses indications (ou d’autres lieux intéressants que je n’aurais pas encore photographié). L’avant dernière photographie de cette série montre l’auto-école Hinomaru dont l’énorme boule, rouge d’ordinaire, a été repeinte en blanc en vue des Jeux Olympiques de 2020. On voit de plus en plus d’affichages de ce style alors que les Jeux approchent petit à petit, mais rarement de cette taille.

La dernière image de la série, le bâtiment T-Office dont je parlais plus haut, entre étrangement en symétrie avec l’image extraite du manga Dōmu, rêve d’enfants, de Katsuhiro Ōtomo que je viens de finir de lire. Les immeubles sont de taille et de standing bien différents mais la ressemblance de forme et de perspective m’interpellent. Les illustrations de Akira vues dernièrement à Shibuya devant le Department Store PARCO en re-construction m’ont certainement poussé inconsciemment à revenir vers l’oeuvre de Katsuhiro Ōtomo. Je ne connaissais pas du tout Dōmu, sorti en livre au Japon en 1983, après une parution initiale en série dans un magazine manga dès 1980. Dōmu précède Akira dans la bibliographie de l’auteur. Sans atteindre les hauteurs épiques de Akira, on retrouve quelques éléments similaires comme la force psychique de certains personnages, une petite fille et un vieillard. L’histoire démarre sur une intrigue policière. Une investigation se met en place alors que plusieurs suicides inexpliqués ont lieux dans un même complexe d’immeubles de logements. L’histoire prendra ensuite des allures fantastiques, en mélangeant les personnages bizarres et à problème, les disparitions mystérieuses et autres phénomènes anormaux. L’arrivée de la petite Etsuko viendra perturber les événements affreux de la barre d’immeubles. Alors que les adultes, la police d’investigation, semble piétiner sur ces affaires, ce sont les enfants qui prennent le relai et viennent dénouer cette histoire.

On reconnaît dans Dōmu quelques prémices du Akira qui va suivre et le même style graphique bien qu’on soit ici dans le monde présent emprunt de beaucoup de réalisme. D’ailleurs, la barre d’immeuble de l’histoire qui a inspiré Ōtomo est celle du complexe Takashima Daira construit dans les années 1970 dans l’arrondissement de Itabashi au Nord de Tokyo. Ci-dessus est une photographie d’une partie des immeubles, que j’emprunte pour illustrer mon propos, avec un lien vers la page d’origine. Au sujet de ce complexe, Ōtomo disait la chose suivante:

I had the idea for the basic plot [of Dōmu], but I had difficulty in deciding where to set the story. One day I read a newspaper and a small article caught my eye. It said that at the Takashina-Daira Estates (a huge public housing project complex on the outskirts of Tokyo) dozens of people killed themselves each year by jumping from the buildings. I suddenly realized that there was setting for Dōmu…

L’histoire et son environnement prennent leur source dans des faits réels, et ce réalisme des lieux montrées m’a toujours marqué chez Katsuhiro Ōtomo. Toujours dans la préface de Dōmu, une autre citation m’interpelle pour le souci de l’auteur a montrer les lieux tels qu’ils sont, sans artifices inutiles, sans supercheries et c’est moi qui rajoute, sans filtres embellissants. C’est interessant de penser à ce souci de réalisme dans l’approche pourtant futuriste qu’il suivra pour Akira.

My interest in illustrating is a matter of seeing the people and things around me and not a matter of longing to see beautiful scenery. More than the picturesque, I love those places alive and sweltering with humanity… Some time ago, I tried very hard to arrange three rocks as naturally as possible, but no matter where I placed them, I couldn’t succeed. Maybe it’s my fascination with that which lacks artificiality. At any rate, nature doesn’t aim at pleasing an audience, and that fascinates me …

Je ne lis pratiquement plus de manga depuis au moins une vingtaine d’années mais c’est fantastique de se replonger maintenant dans l’oeuvre de Katsuhiro Ōtomo, qui m’avait fait tant rêver quand j’étais adolescent. Je m’étais tout de même replongé dans les six tomes de Akira l’année dernière et j’ai maintenant envie d’en lire un peu plus. Je vais peut être relire la série Mother Sarah que je ne suis pas sûr d’avoir lu en entier à l’époque.

overshadowedscapes (2)

Le nouvel immeuble du Department Store PARCO à Shibuya est toujours en construction et, pendant ce temps là, les barrières blanches entourant la zone de construction se sont parées d’une nouvelle série d’illustrations du manga culte Akira. Ces séries d’illustrations originales posées sur ces murs éphémères sont le résultat de l’association de l’auteur original de Akira, Katsuhiro Ōtomo, et de Kosuke Kawamura. Comme on peut le voir sur sa page Tumblr ou sur son compte Instagram, Kawamura crée des collages formant souvent des montages hétéroclites comme des visages déshumanisés mélangeant des formes mécaniques. Ces montages sont très particuliers et révèlent une beauté étrange. Dans la même rue, mais un peu plus bas, au niveau de l’église Tokyo Yamate, se trouvait une mosaïque représentant un chat manukineko créée par Invader. Elle a malheureusement soudainement disparu. Le fait que les marques des pièces de la mosaïque restent visible me fait penser qu’elle a été volée plutôt que « nettoyée » par les propriétaires de l’immeuble où elle avait été collée. Ça ne serait pas le première fois que j’entends parler de vol des créations de rue de Invader. Celle-ci était très facilement accessible. C’est moins le cas pour le Astro de Tezuka car il est heureusement difficile d’accès sous une voie ferrée à quelques dizaines de mètres de là. C’est bien dommage de voir disparaître ces mosaïques car elles font partie à part entière du paysage urbain.

Ninomiya et ailleurs

Pendant la Golden Week, qui paraît d’ailleurs déjà bien loin maintenant, nous avons passé un après-midi à Ninomiya. Cette bourgade se trouve dans le Shōnan, au bord de l’océan pacifique bien au delà de Kamakura, la station de train suivant Ōiso. Depuis la station de Ninomiya, on peut grimper une petite montagne boisée jusqu’au sommet découvert. Cette petite montagne appelée Azumayama est un parc avec quelques jeux pour enfants et notamment un long toboggan avec de nombreux virages. Ce toboggan n’est d’ailleurs pas réservé qu’aux enfants. C’était une belle journée ensoleillée et le ciel était dégagé, permettant d’apercevoir le Mont Fuji au loin. Nous avions amené des bentō pour déjeuner en regardant cette montagne divine qui nous protège, tout en souhaitant discrètement qu’elle ne se réveille pas pendant au moins les cent années qui viennent (la dernière éruption du Mont Fuji date de 1707). En tournant un peu les yeux vers la gauche, on aperçoit l’océan. Au loin, c’est Izu qui se dégage d’une brume légère. On ne se lasse pas de regarder l’océan. En marchant sur les hauteurs du parc, on le cherche à travers les arbres. Le bleu se laisse parfois découvrir. On se noie quelques instants dans ces couleurs, mais on refait rapidement surface. Zoa veut courir dans le parc, jouer au chat et à la souris. A ce jeu, le chat est beaucoup moins rapide que la souris. Il faut feinter pour inverser les rôles dans ce jeu de course-poursuite, qui remplacera ma course à pieds hebdomadaire dans les rues de Tokyo.

Ailleurs, à Minami Aoyama, en suivant discrètement un groupe de femmes en kimono. Et ailleurs à Shibuya, où se trouvait auparavant le Department Store PARCO. Les collages du manga Akira montrés précédemment ont été remplacé récemment par des nouveaux et je me suis empressé d’aller voir ce que ça donne. J’ai d’ailleurs relu les 6 tomes du manga Akira dernièrement et je me suis rendu compte que j’avais un peu oublié quelques parties de l’histoire. Mon souvenir s’est en fait calé sur le film d’animation et j’avais un peu oublié l’histoire initiale de Katsuhiro Otomo. En fait, je me suis mis en tête de relire en version électronique les manga cyberpunk que je lisais au milieu des années 90, en commençant par Appleseed de Masamune Shirow. Je continuerais très certainement avec l’incontournable Ghost in the shell, Black Magic et peut-être Orion. Mon billet intitulé Nagasaki 98 m’avait rappelé, avec nostalgie, à ces lectures d’avant mon arrivée au Japon.

Photographies extraites des videos des morceaux « Supersonic » et « Dystopia » de Utae disponible sur Youtube.

Utae est une jeune artiste électronique pop que je découvre tout juste avec son très joli morceau « Supersonic » sorti en Mai 2018 et le EP précédent appelé « Toi Toi Toi« . Comme partagé sur sa page Bandcamp, le motto de l’artiste semble être « Enjoy it. Don’t force it. Stay serene. » Il est vrai que cette musique électronique reste sereine, et la voix de Utae ne se force pas, par rapport à ce que pourrait laisser penser ce titre « Supersonic », et reste légèrement en retrait par rapport à la musique virevoltante avec des changements subtils de ton. Le morceau « Dystopia« est plus dans un esprit dream pop, la voix se fait plus floue et plus sombre contrastant avec les quelques notes sautillantes du début du morceau mais se mariant avec des nappes légères de guitares au final. Les morceaux restent empreints d’une légèreté, dans le sens que la musique et la voix n’occupent pas tout l’espace et laisse à l’auditeur une possibilité de rêve. Quand j’écoute une nouvelle musique, je me demande toujours ce qu’elle peut donner dans les rues de Tokyo pendant une promenade photographique. Je pense que ces formes musicales doivent bien s’accorder avec une approche contemplative de la ville, comme le clip de « Dystopia » en donne également l’impression. Le « Don’t force it » du motto m’interpelle également, mais au niveau de ma propre conception de la prise de photographie dans la ville. J’ai l’impression que cela correspond assez bien aux photographies que je prends, prises dans l’instant sans préparation ou sans attendre un éventuel moment décisif, juste prises dans le flot continu de la contemplation urbaine.

ア・キ・ラ・Shibuya

Le Department Store PARCO à Shibuya a fermé ses portes le 7 août 2016 et est désormais en cours de rénovation. Plutôt qu’une rénovation, il s’agit en fait d’une reconstruction totale à la place de l’ancien bâtiment datant de 1976 certainement plus aux normes anti-sismiques en vigueur. Il a donc été entièrement détruit et on attend un nouvel immeuble pour PARCO en 2019. En attendant, la zone de construction est entourée de palissades blanches. Depuis plusieurs mois, on peut voir en dessin Kaneda sur sa célèbre moto sportive rouge avec l’indication de l’année AD 2019. Il s’agit de la date à laquelle se passe l’histoire de Akira, le manga que l’on ne présente plus de Katsuhiro Otomo. Il s’agit également de l’année où commencera l’histoire de ce nouveau Department Store PARCO. Depuis quelques semaines, plusieurs fresques se sont ajoutées en plus de l’image de Kaneda, construites sur l’imagerie du manga. On retrouve tous les personnages principaux de Akira sur ces fresques en noir et blanc. Je n’ai pas lu le manga ou revu le film d ‘animation depuis de nombreuses années, et ça fait plaisir de revoir ces images et ces personnages en grand format. Je me souviens encore très bien du choc visuel et stylistique quand j’ai vu pour la premier fois Akira au cinéma en France en 1991 lors de sa sortie. D’ailleurs, ça me surprend un peu que l’on utilise l’imagerie de Akira pour entourer la construction d’un nouvel immeuble commercial, sachant que l’univers de Akira est plutôt tourné vers la destruction, comme le montre d’ailleurs certains des dessins de la fresque. On est très loin d’un visage idyllique et paisible de la ville, car Akira représente une certaine image du chaos et de l’aliénation.