meshed metal with harmony

Mesh / Earth House, que je montre sur les trois premières photographies de ce billet, est un bâtiment résidentiel conçu par Kengo Kuma, dont la construction fut achevée en Février 2011. Cette maison de 182.82m2 contient un rez-de-chaussée, deux étages et une terrasse sur le toit. Son emplacement au milieu du parc Shiba (芝公園), à proximité de la tour de Tokyo et du temple Zojoji, est assez exceptionnel. Ce bâtiment n’est apparemment pas entièrement résidentiel car on y trouve également un restaurant japonais appelé Niku Kappō Rei (肉割烹 礼). Il est possible que le restaurant soit situé seulement au rez-de-chaussée avec les deux étages au dessus occupés par des espaces privés. On peut d’ailleurs accéder à ces deux étages par un escalier indépendant accessible depuis l’extérieur. Le volume en forme de L du bâtiment est en partie recouvert de tiges métalliques formant une maille qui vient cacher une partie des grandes baies vitrées entourant la totalité des deux étages. Cette texture posée sur la surface contribue en quelque sorte à faire fondre le bâtiment avec la végétation du parc aux alentours. Le petit détail poétique de cette résidence était de voir un groupe de petits oiseaux discutant joyeusement sur les tiges des branchages métalliques, comme s’il s’agissait des branches d’un arbre. Il s’agissait en quelque sorte d’un petit concert de chants d’oiseaux sur du métal. Je suis passé plusieurs fois devant ce parc mais je ne me doutais pas que cette maison se trouvait à cet endroit. On l’aperçoit à peine derrière les arbres pourtant parsemés du parc.

La deuxième étape de la marche, toujours dans l’arrondissement de Minato, est d’aller voir un immeuble construit en Novembre 2020 aux formes très particulière. Le Prime Terrace KAMIYACHO (プライムテラス神谷町) conçu par Mitsubishi Jisho Sekkei Inc. (株式会社三菱地所設計) que je montre sur la quatrième photographie a cette particularité d’avoir des balcons aux formes désordonnées, comme des pièces de Tetris posées par erreur les unes au dessus des autres. Il y a quelque chose de très ludique dans ces formes, surtout quand ces parties de balcons ouverts sur l’extérieur viennent s’échapper loin depuis la façade, comme des perchoirs. Sur les photographies qui suivent, je pars vers Yūtenji en empruntant par moments la longue rue Komazawa. Nous passions souvent par cette rue en voiture, il y a quelques années de cela, pour rejoindre l’autoroute Daisan Keihin qui nous amenait près de Kamakura. Ces années là me manquent et nous ressentons régulièrement l’envie d’y retourner pour une journée de week-end. J’aimerais encore une fois m’assoir au bord de l’océan à Inamuragasaki pour observer le soleil qui se couche tranquillement derrière le Mont Fuji et l’île Enoshima.

Mutyumu (夢中夢), qu’on traduirait par un rêve dans le rêve ou un cauchemar, est un groupe formé en 2002 et l’album intitulé イリヤ -Il Y A- que j’écoute avec une passion certaine en ce moment est sorti en 2008. Difficile de classer la musique de cet album dans un style car ils se mélangent, parfois post-rock, par moments approchant le rock progressif avec des pointes heavy metal, mais toujours en mélangeant les instruments de musique classique. Les violons qui nous enveloppent dès le morceau d’introduction sont vite pris dans la tourmente des guitares lorsque le deuxième morceau prend le relai. On sait à ce moment-là que tout peut arriver, même le mélange à priori improbable de la voix d’opéra de la chanteuse et parolière Hatis Noit avec celle masculine dans l’esprit du Death Metal qui la suit comme un démon. La musique de cet album est pour le moins tourmentée, passant de mélodies tout simplement somptueuses à la brutalité lourde des guitares et des cris. Je pense parfois au long morceau-album Art of Life de X JAPAN, mais c’est encore autre chose ici même si on trouve le même aspect épique. Ce qui est très étonnant, c’est que l’album atteint une unité et même une harmonie malgré ce maillage hétéroclite de styles musicaux. On y ressent une poésie sombre, une mélancolie profonde parfois, des souffrances qui semblent atroces et des moments de plénitude, et le tout parfois inclut dans un même morceau. Les images sont fortes et la partition musicale est parfaitement exécutée avec une dextérité au piano qui nous entraîne dans des tourbillons. On se noierait volontairement dans ces morceaux en gardant un œil vers le ciel, vers l’éclaircie qui soudainement nous faire revenir sur la terre ferme. Les morceaux de cet album jouent avec ces sentiments contradictoires. Il y a une dualité quasi schizophrénique dans ces styles qui s’opposent. On a parfois l’impression d’une bataille entre les formes célestes et les monstres d’en bas. Les images se bousculent en écoutant cet album. Il ne faut pas l’interrompre ou le prendre en cours de route sous peine de casser l’histoire qu’il raconte, celle d’une descente en enfer jusqu’aux moments les plus sombres du morceau central de l’album. De ce cauchemar, on se réveille ensuite sous des nouvelles lumières qui nous attirent vers une lente résurrection. Cette musique nous hante par sa puissance dès la première écoute et ne laisse pas indifférent, qu’on aime ou qu’on déteste. En ce qui me concerne, je trouve cet album tout simplement grandiose. C’est une expérience musicale d’avantgarde.

乃木坂0510

A chaque fois que je prends une journée de congé en semaine, la dite journée est pluvieuse. Je ne vérifie jamais la météo avant de me décider à prendre mes journée de congé mais je soupçonne très fortement que la météo soit influencée par mes choix. Enfin, c’est le sentiment que j’ai depuis quelques temps. Il ne pleuvait pas encore le matin et j’en ai donc profité pour me lancer dans une promenade dans les rues de Roppongi, Akasaka et Nogizaka. En fait mon objectif était d’aller voir la structure d’acier Hineri Utsuri Nagare (ひねり うつり ながれ) située à l’entrée du parc Nogi (乃木公園). Je la montre sur la première photographie du billet. Prise en contre-plongée, elle semble rivaliser en hauteur avec les buildings aux alentours. Il s’agit d’une oeuvre de Toshiaki Tsukui (津久井利彰) datant de 1996. Le parc se trouve à proximité immédiate de l’élégant sanctuaire de Nogizaka que je visite pour la première fois. Ce mercredi matin avant 10h, le personnel du sanctuaire s’active à nettoyer au balais les allées et places devant chacune des dépendances du sanctuaire. Juste en face du sanctuaire de Nogizaka, on ne peut pas manquer la très haute tour résidentielle de 44 étages, Park Court Akasaka Hinokichō The Tower, que je montre en partie sur la troisième photographie. Je ne savais pas que cette luxueuse tour construite en 2018 était conçue par Kengo Kuma, mais les lamelles latérales auraient dû tout de suite m’y faire penser. J’aime en fait beaucoup le petit jardin quasiment laissé à l’état sauvage au pied de la tour. Enfin, j’imagine que ce jardin est en fait très bien entretenu pour justement conserver cette apparence sauvage. Derrière la tour, sur la quatrième photographie du billet, on ne peut pas non plus manquer les impressionnants volumes de béton de la résidence Parkside 6 conçue par Sakakura Associates. Je me souviens avoir été impressionné par les arbres d’une vingtaine de mètres de haut placés à l’entrée de cette résidence. L’architecte Junzo Sakakura implanta apparemment à cet endroit ses bureaux en 1940 et les arbres ont été conservés de cette époque. C’est une bonne chose car béton et végétation s’accordent si bien. Lorsque je marche dans les rues de Nogizaka, j’ai à chaque fois l’idée presqu’inconsciente d’y trouver des posters et autres références au groupe d’idoles Nogizaka46 (乃木坂46), mais je trouverais seulement à la sortie de la station de métro une série d’autocollants posés sur un coin de mur montrant un groupe sœur de Nogizaka46, Keyakizaka46 (欅坂46). Cette série d’autocollants répétés à l’identique fait référence au premier single du groupe intitulé Silent Majority (サイレントマジョリティー) sorti en 2016. Les images montrent la figure principale du groupe, Yurina Hirate(平手友梨奈). Ce groupe n’existe plus maintenant, ayant changé de nom pour devenir Sakurazaka46 (桜坂46), bien qu’il avait à cette époque une popularité certaine. Je ne sais par contre pas qui est la personne sur l’autocollant de l’avant-dernière photographie, mais ce n’est de toute façon pas très grave. J’ai fait le curieux en écoutant sur YouTube ce morceau Silent Majority, mais je n’y accroche malheureusement pas.

J’accroche beaucoup plus au dernier single du groupe ExWHYZ (ex-EMPiRE) intitulé Obsession qui vient juste de sortir, il y a quelques jours. Tout comme pour Wanna Dance, le premier morceau du groupe (sous ce nouveau nom), composé par Shinichi Osawa (大沢伸一) de Mondo Grosso, ce nouveau morceau est également composé par des artistes électroniques extérieurs au groupe. Cette fois-ci, on doit la composition et la production à Maika Loubté et 80KIDZ. J’ai souvent vu le nom de 80KIDZ associé à des artistes que j’aime beaucoup, comme ce morceau intitulé Magic écrit et chanté par AAAMYYY sur l’album Angle de 80KIDZ mais je n’ai jamais vraiment creusé plus en avant la découverte. J’avais par contre déjà parlé de la compositrice et interprète franco-japonaise Maika Loubté (マイカ・ルブテ) pour le sublime morceau Hakumei (薄明) sur l’album Crepuscular de Kirinji (un point commun entre Hakumei et Obsession est que les vidéos sont toutes les deux tournées à Yokohama). J’aime beaucoup l’univers électronique du morceau Obsession, les basses notamment et le son distordant qui accompagne l’ensemble du morceau. C’est en tout cas une excellente idée de faire intervenir des musiciens électroniques talentueux, qui viennent ajouter une personnalité supplémentaire au naturel pop du groupe. Le chant en alternance entre les membres du groupe n’est jamais complètement parfait, mais c’est ce qui permet de conserver une certaine fraîcheur et une dose d’imprévu dans les compositions musicales parfaitement exécutées. Le premier album de ExWHYZ, xYZ qui sortira le 2 Novembre 2022, fera intervenir d’autres artistes comme Shin Sakiura, qu’on voit présent un peu partout ces dernières années: à la composition sur certains morceaux du premier album d’AiNA The End, par exemple, ou en collaboration avec AAAMYYY (décidément) sur le morceau Kono Mama Yume de (このまま夢で). Dans les crédits de ce futur album, je vois également d’autres noms comme Shingo Sekiguchi, Kento Yamada ou Miru Shinoda, que je ne connais pas du tout, mais que je devrais certainement explorer un peu plus: un morceau comme Tender Rose de Shingo Sekiguchi par exemple, ou la production disruptive de Miru Shinoda sur le morceau 突破/T.P.A. de RinSaga. Si le changement de nom de EMPiRE en ExWHYZ tout en gardant exactement les mêmes membres reste pour moi assez mystérieux, j’imagine que c’est lié au changement de major de Avex à EMI Universal. J’imagine aussi que ça doit faciliter certaines collaborations.

J’attendais une tournée ou un nouvel album de compositions originales, mais c’est un nouvel album de remixes de morceaux de Sheena Ringo qu’on aura cette année. L’album intitulé Hyakuyakunochō (百薬の長) sortira le 30 Novembre 2022 et sera composé de 12 morceaux tirés des albums solo de Sheena Ringo. Il n’y aura malheureusement pas de morceaux inédits. Je pense que cet album de remixes est de l’initiative d’Universal car on ne l’avait pas du tout vu venir. Ma première réaction était plutôt mitigé mais voir la liste des musiciens invités a grandement attisé mon intérêt. Voyons un peu la liste des morceaux et des musiciens invités ci-dessous.

1. Ito wo Kashi (いとをかし| toogood), Ajino Namero (鯵野滑郎) Bon Voyage Remix
2. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい l Manipulate the time), Gilles Peterson’s Dark Jazz Remix
3. Yokushitsu (浴室 | la salle de bain), Takkyu Ishino (石野卓球) Remix
4. Niwatori to hebi to buta (鶏と蛇と豚 | Gate of Living, Kid Fresino Remix
5. Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), Miso Remix)
6. Otona no Okite (おとなの掟 | Adult Code), object blue Pleasure Principle Remix
7. Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭 | In Summer, Night, Yasuyuki Okamura (岡村靖幸)一寸 Remix
8. Carnation (カーネーション | L’œillet), Ovall Remix
9. Ishiki (意識 | Consciously), Shinichi Osawa (大沢伸一) Remix feat. Daoko
10. Onnanoko ha Daredemo (女の子は誰でも| Fly Me To Heaven), STUTS Remix
11. JL005 Bin de (JL005便で | Flight JL005), B747-246 Mix by Yoshinori Sunahara (砂原良徳)
12. Anoyo no Mon (あの世の門 | Gate of Hades), Telefon Tel Aviv Version

Je parlais juste avant de Shinichi Osawa de Mondo Grosso, et c’est une bonne surprise de le voir une fois encore ici, surtout que le morceau Ishiki qu’il remixera fait intervenir Daoko. Tous les artistes que j’aime finissent pas se rejoindre un jour où l’autre, c’est assez fascinant. On sait que Daoko est fan de Sheena Ringo, mais c’est la première fois que je vois Shinichi Osawa associé à Sheena Ringo. L’autre bonne surprise est de voir Kid Fresino dans cette liste pour le morceau Niwatori to hebi to buta. J’ai déjà évoqué le nom de ce rappeur japonais sur ce blog car j’avais beaucoup aimé son album de 2018, ai qing (qui faisait intervenir au Steel Pan sur un morceau, Utena Kobayashi, que j’aime aussi beaucoup). On y trouve quelques noms très renommés comme Takkyu Ishino (石野卓球) et d’autres émergeants comme STUTS. Yoshinori Sunahara (砂原良徳) avait déjà remixé deux morceaux de Tokyo Jihen, Karada (体) et Zettaizetsumei (絶体絶命), sur une mixtape sortie avec le coffret Prime Time à la fin de l’année dernière. Les remixers sont principalement japonais, mais il y a quelques étrangers comme l’anglais Gilles Peterson ou l’américain Telefon Tel Aviv. Je ne connaissais pas la compositrice et interprète sud-coréenne Miso que je découvre soudainement. J’aime déjà beaucoup ses morceaux, par exemple son single Slow Running. J’y reviendrais très vite. Bref, cet album s’annonce beaucoup plus intéressant que ce que j’imaginais initialement, ce qui fera peut être oublier les polémiques qui émergent subitement sur l’utilisation d’une croix rouge sur les ‘goods‘ fournis par Universal sur la version deluxe de l’album. Et si c’était simplement une marque de reconnaissance envers une profession particulièrement sollicitée ces deux dernières années? Il semble que l’utilisation de cette croix que l’on trouvait déjà sur le live Gekokujō Xstasy (下剋上エクスタシー) soit maintenant problématique, car à usage réservé. Ça sera interessant de voir si Universal va faire marche arrière sur ce sujet.

Et en attendant de pouvoir écouter le nouveau morceau d’Ado, AiNA The End nous faisait la surprise d’interpréter Marunouchi Sadistic dans l’édition spéciale de l’émission Music Station, le Vendredi 7 Octobre 2022. Ce n’est pas la première fois qu’AiNA reprend des morceaux solo de Sheena Ringo et elle avait déjà chanté avec le groupe eLopers créé par Sheena Ringo, le morceau Gunjō Biyori (群青日和) de Tokyo Jihen. Elle s’en est bien sortie, accompagnée par Tokyo Ska Paradise Orchestra. Le groupe avait déjà participé il y a très longtemps au single Mayonaka wa Junketsu (真夜中は純潔) de Sheena Ringo. Bref, je le répète mais tout finit par se rejoindre. J’adore voir ces liens se créer car ils permettent d’imaginer les directions ou collaborations futures d’un ou d’une artiste. Ça me parait maintenant évident que Sheena écrira ou composera un jour ou l’autre un morceau pour AiNA. Elle fait du moins un très fort appel du pied, dans ses chaussons jaunes sur Music Station qui me rappellent un peu les chaussons bleus de Fuji Kaze à Kōhaku l’année dernière. Fuji Kaze est un autre exemple de musicien faisant de nombreux appels à Sheena Ringo en reprenant au piano nombre de ses morceaux. 愛が溢れるんですね。

quelques journées d’été (6)

Il s’agit de la dernière étape de ces quelques journées de vacances d’été. Nous passons la matinée sur le plateau de Nihondaira à l’observatoire Nihondaira Yume Terrasse (日本平夢テラス) conçu en 2018 par Kengo Kuma. On doit normalement avoir une très belle vue sur le Mont Fuji depuis cet observatoire mais il était à notre passage complètement caché par d’épaisses nappes de nuages. On nous dira que la meilleure période pour le voir est en hiver, de Janvier à Mars. On se dit qu’on reviendra un jour pendant cette période. Le bâtiment est en tout cas intéressant mais on a quand même du mal à ignorer l’antenne géante placée en plein milieu. Une passerelle reliée à l’observatoire en fait d’ailleurs le tour, mais était-ce vraiment nécessaire? On peut marcher depuis le Nihondaira Hotel jusqu’à l’observatoire. Le trajet à pieds prend une bonne dizaine de minutes. En chemin, nous remarquons un étrange passage noir dans la végétation. Mari me dit tout de suite que ça ressemble à un passage de l’univers de Ghibli. Elle faisait référence à Totoro, mais je ne pense pas qu’il habite sur cette montagne (ou peut-être un cousin éloigné). J’hésite un peu à y rentrer pour voir si c’est un raccourci, mais je me ravise rapidement ayant peur de tomber encore une fois dans un monde parallèle. En pensant au chemin du retour, on n’avait de toute façon pas beaucoup de temps pour chercher un raccourci qu’on ne trouvera de toute façon certainement jamais. Nous reprenons ensuite la route vers le port de Numazu. Nous avons pris l’habitude de passer par Numazu sur le chemin du retour, notamment pour le déjeuner. Le retour vers Tokyo sur l’autoroute Tomei était beaucoup plus pénible car une pluie forte tombait sans cesse et un accident nous a bloqué pendant environ une heure. Il faut toujours compter avec les embouteillages sur cette autoroute. De toute façon, ma playlist musicale m’aide à ne plus compter le temps qui passe et le reste de l’équipage tombe doucement sous le sommeil.

TRAIN-TRAIN

Le titre de ce billet m’est inspiré par le titre d’un morceau du groupe rock japonais The Blue Hearts. Ce titre me vient en tête alors que j’aperçois le Tokyo Monorail passer au dessus de ma tête et que je m’empresse de le prendre en photo avant qu’il ne disparaisse derrière les buildings comme un serpent s’échapperait derrière un rocher. Je n’ai que très peu d’intérêt pour la musique de The Blue Hearts bien que j’ai souvent chanté en groupe au karaoke le morceau Linda Linda (je parle souvent de karaoke ces derniers temps alors que je n’y suis pas allé depuis une éternité). Nous sommes ici dans le quartier gagné sur la mer de Shibaura. J’étais venu jusque là pour voir une ancienne maison rénovée il y a quelques années, et que j’ai déjà montré sur mon compte Instagram. J’en parlerais un peu plus tard dans un prochain billet. Je suis à pieds le canal Shinshiba (je ne savais pas que les nombreux canaux de Tokyo avaient des noms) sur quelques mètres avant de bifurquer sur la route 15 après la station de Tamachi. Marcher en direction de Sengakuji m’amène jusqu’à la station de Takanawa Gateway conçue par Kengo Kuma. Le rez-de-chaussée a l’air d’être en construction, ce qui est plutôt étrange vu que la station est très récente. Tout le quartier est en fait en plein redéveloppement sous le nom de projet de Tokyo Yard. La compagnie JR East a annoncé en Avril de cette année les grandes lignes du projet. Cinq buildings dont quatre tours (comme si on en manquait) pousseront sur ces espaces. Un des buildings sera dessiné par Kengo Kuma (décidément) et sera un centre culturel sous le nom de Cultural Creation Building. Les formes de ce bâtiment en particulier semblent très intéressantes.

Le titre de ce billet me revient aussi en tête car j’ai vu dernièrement sur Netflix un film japonais intitulé Alps Stand no Hashi no Kata (アルプススタンドのはしの方) dans lequel ce morceau était joué plusieurs fois par une fanfare de supporters lors d’un match de baseball de lycéens (Koshien), pour encourager le joueur vedette d’une des équipes. Il s’agit d’un film assez court de 1h15 réalisé par Hideo Jōjō (城定秀夫) et adapté d’une pièce de théâtre primée. Le film se passe dans un lieu unique, les stands d’un stade de baseball, dans lequel des lycéens viennent encourager leur équipe, un peu obligés d’ailleurs par le personnel du lycée. C’est le cas des deux protagonistes principales Yasuda (interprétée par Rina Ono) et Tamiya (Marin Nishimoto), membres du club de théâtre et plutôt néophytes quant aux règles du baseball. Un ancien membre de l’équipe de baseball, Fujino (Amon Hirai), vient s’asseoir à côté d’elles et une discussion se met en place, révélant les rapports parfois compliqués entre les élèves. L’histoire est simple et nous ramène aux émotions de la fin de l’adolescence. Tout l’interêt du film, qu’il serait difficile de vraiment résumer, vient du talent des jeunes actrices et acteur et du fait que le film ne nous laisse pas deviner le déroulement de l’histoire. On se laisse simplement entraîner dans ces discussions, dans ces moments de malaises parfois et dans ces petites histoires d’amour qui se révèlent ou qu’on imagine se révéleront peut-être un jour. Je ne connaissais pas le réalisateur ni les jeunes acteurs et actrices de ce film sorti en 2020, mais c’est une belle découverte.

J’ai aussi beaucoup apprécié le film Kazane (累) du réalisateur Yuichi Satō (佐藤祐市), inspiré d’un manga du même nom. Ce film sorti en 2018 est centré sur deux comédiennes jouées par Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine dont l’agent est interprété par Tadanobu Asano. L’histoire fait intervenir du fantastique. Kazane (interprétée par Kyokō Yoshine) est une excellente actrice mais a malheureusement le visage balafré d’une horrible cicatrice, tandis que Nina Tanzawa a la beauté pour elle mais se révèle être une actrice sans grande envergure. Un étrange rouge à lèvres légué peu avant sa mort par la mère de Kazane, également actrice exceptionnelle, a le pouvoir d’interchanger les apparences lorsque les personnes s’embrassent. Commence alors un jeu de manipulation, orchestré par l’agent (Tadanobu Asano), pour faire en sorte que le talent de Kazane s’additionne à la beauté de Nina dans le but de décrocher des rôles rappelant le prestige passé de la mère de Kazane. Ce jeu fonctionne un temps mais tout se complique forcément et rien ne se déroule comme prévu. Pour apprécier le film, il faut accepter le parti pris du fantastique qui peut surprendre aux premiers abords, mais les actrices Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine, ainsi que Tadanobu Asano, sont très convaincants dans leurs rôles respectifs. Je ne connaissais pas du tout l’actrice Kyokō Yoshine, par contre Tao Tsuchiya est plus souvent présente dans les médias, notamment dans des publicités. Je ne soupçonnais pas qu’elle avait cette capacité de jeu. Quand à Tadanobu Asano, c’est un acteur reconnu et je me souviens très bien de son rôle de tueur dans le film complètement cinglé Koroshiya 1 (殺し屋1) de Takashi Miike (三池崇史), dont j’avais déjà parlé sur ce blog.

Le film suivant, Hoshi no Ko (星の子), était également une agréable surprise. Le film sorti en 2020 est réalisé par Tatsushi Ōmori (大森立嗣) et fait intervenir la jeune actrice Mana Ashida. Elle est célèbre au Japon depuis son plus jeune âge suite à une chanson pour enfants qui a eu beaucoup de succès et qu’elle chantait en dansant avec le petit garçon Fuku Suzuki. Elle a fait du chemin depuis et je la trouve très convaincante dans ce rôle. A vrai dire, je ne l’avais d’abord pas vraiment reconnue même si son visage m’était tout de suite familier. Elle interprète Chihiro, une collégienne un peu rêveuse prise d’un amour platonique pour son jeune professeur. Mais l’histoire ne se passe pas principalement là. Lorsqu’elle était bébé, Chihiro avait une maladie qui ressemble beaucoup à l’écran à de l’eczéma. Les parents, très inquiets et aimants, se voient conseillés par un collègue du bureau du père d’appliquer une eau aux vertus miraculeuses. Les parents se retrouvent embarqués dans une secte religieuse, fournissant cette fameuse eau qui guérit. La croyance qui leur accapare l’esprit les incitent à s’imbiber en permanence de cette eau, qu’ils pensent capable de leur éviter toutes maladies, en portant une serviette mouillée sur la tête. La soeur de Chihiro (interprétée par Aju Makita) ne supporte plus cette situation et quitte rapidement le foyer familial. Chihiro se trouve seule devant un dilemme alors qu’elle réalise petit à petit la situation de ses parents. Elle n’est pas dupe et est consciente de ce qui se passe, mais n’entend pas pour autant abandonner ses parents à leur sort, même s’ils ne semblent pas malheureux du tout. Le problème des sectes et du lavage de cerveaux qui en découle, abordé dans ce film, est bien réel au Japon et revient même sur le devant de la scène avec l’actualité récente. Cette histoire est touchante car elle ne surjoue pas le pathos. Le jeu de Mana Ashida est d’ailleurs en ce sens très subtil.

Le dernier film japonais que j’ai vu dernièrement ne joue pas, par contre, dans la finesse. Il s’agit du film Real Onigokko (リアル鬼ごっこ) du réalisateur Shion Sono (園子温). Je ne sais pas vraiment pour quelle raison je reviens sans cesse vers les films de ce réalisateur. J’avais en fait beaucoup aimé le film Himizu (ヒミズ) avec Fumi Nikaido, et je ne désespère pas de trouver un autre film avec des émotions aussi fortes que je pourrais également apprécier. Le problème de Shion Sono est qu’il tombe rapidement dans l’excès malgré des idées de départ intéressantes. C’était le cas du film Love Exposure, et c’est aussi le cas de ce film là sorti en 2015. Il est par contre relativement court (1h25), par rapport à des films comme Love Exposure, ce qui est de meilleure augure. J’étais en fait intrigué de voir l’actrice Reina Torindoru joué le rôle principal de cette histoire car son image de talento à la télévision japonaise ne correspond pas du tout à celle des films de Shion Sono. Comme le titre nous l’apprend, l’histoire du film prend la forme d’une course effrénée contre des démons qui viennent poursuivre inlassablement trois lycéennes: Mitsuko (interprétée par Reina Torindoru), Keiko (Mariko Shinoda) et Izumi (Erina Mano). Pour donner une idée de l’ambiance du film, la première scène prend place dans un bus scolaire amenant les lycéennes pour ce qu’on imagine être un voyage scolaire. Un des démons du titre prend la forme d’un vent soudain et puissant qui vient découper en deux le bus et par conséquent toutes les personnes qui y étaient assises, sauf Mitsuko qui a eu le bonheur de se pencher à ce moment précis pour ramasser son stylo. Effrayée par cette scène dans laquelle toutes ses amies sont découpées en deux, elle s’enfuit continuellement, poursuivie par ce vent mystérieux. Elle finit par rejoindre son école où se trouvent toutes ses amies, comme s’il s’agissait d’un mauvais rêve. La course poursuite continue ensuite et n’hésite pas à faire intervenir le mauvais goût que l’on trouve régulièrement chez ce réalisateur. On reste cependant intrigué par cette histoire des plus étranges. J’ai failli arrêter en route mais ma curiosité a été plus forte. Ce n’est pas une film que je conseillerais aux âmes sensibles. Il y a des idées intéressantes, comme souvent chez Sono, si seulement il arrivait à mieux les canaliser pour éviter de tomber dans l’excès. Le film n’a cependant rien d’irregardable, malgré la scène du bus mentionnée au début car on se trouve d’entrée de jeu dans le domaine du fantastique.

Kadokawa Culture Museum (b)

Continuons, avec d’autres photographies, la visite du Kadokawa Culture Museum et de ses alentours. On peut visiter le musée à des heures prédéfinies au moment de la réservation. On ne peut pas se pointer là bas et espérer y acheter des places, il faut réserver à l’avance comme dans la plupart des musées à Tokyo ou aux alentours (j’imagine que c’est aussi le cas ailleurs au Japon). Ceci a l’avantage de limiter le nombre de personnes qui visitent simultanément mais demande un minimum de préparation à l’avance ce qui n’est pas toujours notre fort. Nous avons plutôt tendance à décider de ce qu’on va faire dans la journée du week-end, le matin après le réveil. Pour ce qui est du Kadokawa Culture Museum, nous avions quand même préparé notre visite quelques jours auparavant. Nous n’avons pas visité l’exposition du moment Ukiyo-e Theater from Paris, car nous avions déjà déjà vu quelque chose d’à priori similaire à base de projections d’ukiyo-e. Il ne faut par contre pas manquer la bibliothèque ressemblant à un labyrinthe avec des livres et objets posés un peu partout. J’aime beaucoup cette impression de fourmillement, d’abondance de connaissance. Des mini-galeries se cachent à certains endroits de cette bibliothèque. L’espace le plus emblématique de cette bibliothèque possède un plafond de 8 mètres de hauteur avec des rangées de livres posées sur des étagères jusqu’au plafond. Le groupe YOASOBI avait interprété dans cette bibliothèque un de leurs morceaux pour l’émission Kōhaku de la NHK du réveillon 2021. J’avais en tête un espace plus grand et il me semblait plus impressionnant à la télévision par rapport à ce qu’on a pu voir en réalité. À quelques dizaines de mètres du musée, un petit coin de forêt est consacré à une installation appelée Acorn forest par Team lab. On y trouve des espèces de gros œufs qui s’illuminent dans la nuit. On peut les toucher et les faire balancer pour qu’ils changent de couleur. Une petite musique un brin mystérieuse accompagne notre route entre les arbres et parmi ces œufs. Il ne faut pas y aller trop tôt car l’ensemble perd beaucoup de son effet quand il ne fait pas assez sombre (comme sur les photos ci-dessus, d’ailleurs). L’ensemble pourrait être merveilleux mais le nombre de personnes marchant dans tous les sens gâchent le côté féerique de la chose. Nous avons au final été un peu déçus, d’autant plus qu’il faut payer un billet d’un peu plus de 1000 Yens par personne pour y entrer. L’endroit est peut-être plus agréable au printemps lorsque les arbres sont un peu plus touffus et permettent de faire moins attention à la foule autour de nous.