Toggle Hotel Suidobashi par Klein Dytham

Revenons sur cette journée ensoleillée à Ariake. Mon dernier billet nous amenait jusqu’à l’extrémité d’Ariake, à la frontière de Toyosu. Il suffit de traverser un canal et marcher encore un peu pour atteindre la station de Toyosu qui m’amènera ensuite dans un tout autre lieu. Je me décide pour Iidabashi car je veux revoir la station futuriste de métro de la ligne Oedo et le nouvel hôtel Toggle Suidobashi par les architectes Klein Dytham. Je commence par l’hôtel. Je le sais proche d’une rivière, celle de Kanda, et épousant la forme de l’autoroute métropolitaine numéro 5 (Ikebukuro Line). J’approche l’hôtel par l’arrière en longeant la rivière bordée de béton et recouverte en grande partie par l’autoroute métropolitaine. Il n’est pas rare de voir les rivières recouvertes d’autoroutes dans le centre de Tokyo, et ce depuis leurs constructions avant les Jeux Olympiques de 1964. Elles font maintenant partie du paysage urbain, même si on voudrait parfois les enterrer, et la construction de nouveaux buildings doit faire avec cette donnée architecturale. J’ai toujours considéré le système d’autoroutes intra-muros tokyoïtes comme un des plus impressionnants ensembles architecturaux de la ville. L’hôtel Toggle Suidobashi s’accommodent très bien de cette autoroute en venant s’installer parfaitement dans une de ses courbes. C’est une très bonne illustration d’une utilisation optimum de l’espace urbain disponible.

La combinaison de cette autoroute et de cet hôtel est la particularité qui saute en premier à l’œil, mais les couleurs rayées jaunes et grises étonnent également. Je ne m’en étais pas rendu compte sur place, mais en regardant les photos disponibles sur le site web de l’hôtel, je me rends compte qu’elles sont accordées avec les couleurs de la ligne de train JR Chuo-Sobu qui passe juste devant. Je ne suis pas certain si cette association de couleurs est volontaire mais ça en a du moins tout l’air. Je ne suis pas entré à l’intérieur de l’hôtel pour le voir de mes propres yeux, mais les couleurs vives intérieures sont également très intéressantes. Les chambres, les couloirs et autre restaurant intérieur sont tous composés d’un découpage de couleurs très franc, comme si on était à l’intérieur de pièces découpées en deux parties très distinctes. Le dernier étage se compose d’une grande terrasse ouverte sur l’extérieur qui semble donner une belle vue sur les quartiers aux alentours. Je me pose par contre la question de la vue et de la qualité de l’isolation aux étages faisant directement face à l’autoroute. Après avoir pris les quelques photographies architecturales ci-dessus, je reprends ma marche vers la station de métro la plus proche.

têtes colorées à Harajuku

Il y a de plus en plus de têtes aux cheveux colorés à Tokyo, notamment ici dans les rues de Harajuku. Ce n’est pas un phénomène uniquement japonais car je remarque aussi beaucoup de touristes étrangers ayant les cheveux de toutes les couleurs. Je me croirais revenir 20 ans en arrière, quand l’image que l’on avait de Tokyo était celle d’une jeunesse aux cheveux colorés comme des personnages de Manga. C’était loin d’être le cas à l’époque et on se rapproche en fait un peu plus de cette image maintenant. Dans les rues de Harajuku, la foule est présente comme toujours. Je retrouve dans ces rues le building en porte-à-faux Undercover Lab de Klein Dytham dont je parlais dans le billet précédent. Je repasse également devant la galerie Design Festa à la façade déconstruite de tubes métalliques noirs. Elle ne se trouve pas très loin du Undercover Lab, mais les rues de Ura-Harajuku (l’arrière de Harajuku) deviennent vite un labyrinthe pour moi et je m’y perds souvent. Je reste intrigué par l’étrange objet bleu de la première photographie intitulé Coin Parking Delivery, qui me fait penser à une petit piste de skateboard, certes un peu dangereuse. Malgré la foule, je suis toujours attiré par ce quartier et notamment par la rue piétonne Cat Street. Un peu plus loin, dans le building GYRE, on y montre une exposition, intitulée From the fringes of the mind, de quelques œuvres de David Lynch, extrêmement étranges comme on pourrait s’en douter. On retrouve dans les quelques peintures et le petit film animé montrés dans cette exposition, une étrangeté assez proche de certains épisodes de la dernière saison de Twin Peaks. Il n’y a pas de liens directs entre cette exposition et la série télévisée, mais on retrouve la même sensibilité de l’auteur, l’impression en quelque sorte d’entrer dans un monde parallèle.

Des têtes colorées, je passe aux pieds. Une fois n’est pas coutume, j’accompagne cette série de photographies à Harajuku d’un nouveau morceau électronique. Il se mélange avec les sons de la rue pris sur Cat Street. Je n’avais pas construit de morceaux électroniques depuis plusieurs années (le dernier morceau datant de Mai 2017), mais j’avais par contre fait une petite série de sons de rues en quatre épisodes en février 2018. Ce nouveau morceau que j’appelle donc Harajuku walk et qui est disponible sur SoundCloud mélange ces deux approches de sons électroniques et de sons de rues. Le morceau commence par des notes lumineuses comme un émerveillement de découvrir ces espaces urbains riches en surprises, mais se transforme à mi-parcours en une machine beaucoup plus sombre au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans le dédales des rues de Harajuku. C’est une manière de représenter la densité urbaine qu’on trouve dans ces rues, que ça soit par la présence humaine ou par l’excès visuel qui s’y opère. Quelques décrochages volontaires de notes viennent s’introduire à certains moments sur la deuxième partie du morceau. J’aime beaucoup représenter l’imperfection des choses et essayer de la mettre en lumière en musique ou en images.

–<@§]|[•]|[^]|[•]|[§@>–

Il y a une certaine symétrie dans la disposition des photographies prises à l’iPhone de ce billet, autour du visage de Mai Shiraishi que l’on voit affiché un peu partout dans les rues de Tokyo en ce moment. Je n’ai pas résisté à l’envie de prendre en photo cette affichette. Sur les photos ci-dessus, j’ai déjà montré la première et la troisième sur Instagram. J’arrive assez bien à contrôler le temps que je passe sur ce réseau social en y limitant volontairement, mais sans trop d’efforts, mon interaction. C’est pourtant tentant de se laisser emporter par l’enthousiasme de poster des photos à tout va sur Instagram, quand le nombre de like grimpe soudainement par rapport à l’habitude. C’était le cas pour ces deux photographies qui ont grimpées rapidement et bizarrement au dessus de la centaine de like, ce qui n’est pas énorme mais beaucoup en ce qui me concerne. La première photographie montre le Undercover Lab de Klein Dytham à Harajuku quelque part derrière Cat Street. J’y suis allé volontairement cette fois-ci car je voulais vérifier si le bâtiment était toujours là. La longue colonne horizontale de 10 mètres en porte-à-faux est toujours aussi impressionnante et je me demande comment s’opère l’équilibre. Comme on me l’écrivait dans les commentaires, on a l’impression qu’il manque un élément d’architecture pour faire tenir l’ensemble. Un point qui me satisfait également est que l’architecte lui-même, Mark Dytham donc, m’a aussi laissé un petit commentaire encourageant sur ma photographie sur Instagram. La troisième photographie, celle du Omotesando Branches de Sou Fujimoto connaît également un succès plus important que d’habitude, toutes proportions gardées. Il s’agit en fait de la photographie qui a reçu de loin le plus de like sur mon compte Instagram depuis sa création. Ce qui est assez intéressant, c’est qu’il s’agit d’une photo que j’ai failli ne pas prendre. Tout en marchant un peu au hasard dans cette rue, je suis revenu sur mes pas pour prendre ce cliché très rapidement sans prendre le temps de bien cadrer. Comme quoi, je me dis que le nombre de vues ou de like tient à quelque chose qui n’est pas lié à la qualité intrinsèque de la photographie. J’en étais déjà convaincu mais ça me conforte en même temps dans ce sentiment. En fait, et c’est exactement la même chose sur le blog, je n’arrive absolument pas à prédire ce qui peut plaire aux visiteurs ou pas. Bon, l’architecture dès qu’elle commence à être un peu particulière plaît en général aux visiteurs. Mais il arrive très souvent qu’un billet sur Made un Tokyo me plaise beaucoup personnellement sans que je le vois refléter en terme de nombre de visites. J’ai parfois un peu l’impression d’évoluer en dehors des clous, ce qui n’est pas désagréable ceci étant dit.

Black in Summer (3)

scn-scan-022m

scn-scan-034m

scn-scan-039m

scn-scan-042m

scn-scan-047m

scn-scan-014m

scn-scan-036m

scn-scan-049m

scn-scan-053m

scn-scan-072m

La série argentique continue avec 10 photographies supplémentaires prises autour de la gare de Tokyo, de Ebisu, du parking du Tsutaya de Daikanayama (la façade avec petits « T » de Klein Dytham). On retrouve le Earth Tecture Sub-1 de Shin Takamatsu. En dernière photo, c’est le petit garçon Zoa à Shibuya. Les petits photographes de quartier disparaissent petit à petit. Celui où je faisais habituellement développer mes photos a fermé il y a quelques temps.