et soudain surgit un sanctuaire

J’aurais pu intitulé ce billet « et soudain surgit une maison bleue aux fenêtres rouges » mais j’opte plutôt pour les sanctuaires qui ont en général l’habitude de surgir sans crier gare aux détours des rues. L’étrange maison bleue aux fenêtres rouges et aux colonnes romaines n’a pas grand chose de japonais, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que l’architecte est italien. Il s’agit du bâtiment appelé JASMAC AOYAMA conçu en 1991 par l’architecte Aldo Rossi, prix Pritzker l’année d’avant en 1990. On ne le voit pas sur la photographie ci-dessus mais les autres murs du bâtiment sont peints en jaune, ce qui donne un ensemble tout à fait atypique dans ce quartier de Minami Aoyama. Cette petite série de photographies fait suite à celle au titre similaire mais à composante rouge. En fait les deux dernières photographies de sanctuaire sont prises dans un tout autre endroit, à Kugahara dans l’arrondissement de Ōta. La lumière du soir venait joliment faire ressortir les dorures du toit.

Musicalement parlant, j’écoute beaucoup de choses en ce moment et ça va me prendre quelques temps avant de tout évoquer ici, mais certaines de ces découvertes se sont faites grâce aux recommandations musicales de Nicolas dans les commentaires d’un billet datant d’il y a presque deux mois (les commentaires sont beaucoup plus récents). Quand je comparais ce blog à une forêt dense, ce billet en est un très bon exemple. En fait, Utada Hikaru m’avait interrompu en sortant son album Bad Mode dans une période année 80 qui m’avait soudainement accaparée l’esprit depuis la découverte de la musique de G-Schmitt et de son interprète SYOKO. Je reviens régulièrement vers les albums et EPs du groupe que je découvre petit à petit. L’étrangeté de certains morceaux comme celui intitulé Obsession Obscure sur l’album gArNeT (1988) me fascine complètement (私は肉体 私は精神 私は無 私は全て).

Et l’idée m’est soudainement venue d’aller jeter une oreille vers la musique d’un groupe des années 80 et 90 appelé ZELDA. De ZELDA (ゼルダ), je ne connaissais que le morceau Blue Desert découvert sur une compilation intitulée Tokyo Babylon Image Soundtrack 2 (j’en parlais dans un billet précédent). Il s’agit peut-être bien du premier CD de J-POP que j’ai acheté alors que j’étais encore étudiant à Angers (ou peut-être était-ce avant cela). J’adore ce morceau au chant atypique et il garde pour moi une place toute particulière, comme le morceau MOON de Rebecca d’ailleurs, sur cette même compilation. ZELDA est un groupe rock à tendance pop inactif depuis bien longtemps car il a stoppé ses activités en 1996. Il était composé de quatre filles: Sachiho Kojima (小嶋さちほ), fondatrice du groupe et jouant de la basse, Sayoko Takahashi (高橋佐代子) au chant, Ako Ozawa (小沢亜子) à la batterie et Fukie Ishihara (石原富紀江) de 1983 à 1990 puis Naomi Motomura (本村直美) de 1991 à 1996 à la guitare. Le groupe jongle avec les styles musicaux, même au sein d’un même album, et peut même devenir expérimental par moment. J’étais certain que je n’allais pas apprécier un album du groupe dans sa totalité (Blue Desert a pris un certain temps avant de m’attraper), mais je savais aussi que j’y trouverais des morceaux que j’aimerais beaucoup. C’est le cas de deux morceaux en particulier que j’ai écouté en boucle pendant plusieurs jours et que j’écoute encore régulièrement maintenant: Seiren (セイレーン) sur l’album CARNAVAL de 1983 et Tokiori no Shikisai (時折の色彩) sur l’album Sora-iro Bōshi no Hi (空色帽子の日) de 1985. On y retrouve cette manière atypique de chanter de Sayoko Takahashi, qui me plaît beaucoup sur ces morceaux, notamment sur Seiren. Comme Tokiori no Shikisai, qui a une structure plus classique, ces morceaux s’impriment dans mon cerveau et j’ai du mal à m’en séparer. Sur Tokiori no Shikisai, j’y trouve même un certain réconfort inattendu, comme si je connaissais ce morceau depuis mon enfance et qu’il m’avait inconsciemment accompagné pendant toutes ces années. Ces deux morceaux me donnent une impression bien étrange.

Ninomiya et ailleurs

Pendant la Golden Week, qui paraît d’ailleurs déjà bien loin maintenant, nous avons passé un après-midi à Ninomiya. Cette bourgade se trouve dans le Shōnan, au bord de l’océan pacifique bien au delà de Kamakura, la station de train suivant Ōiso. Depuis la station de Ninomiya, on peut grimper une petite montagne boisée jusqu’au sommet découvert. Cette petite montagne appelée Azumayama est un parc avec quelques jeux pour enfants et notamment un long toboggan avec de nombreux virages. Ce toboggan n’est d’ailleurs pas réservé qu’aux enfants. C’était une belle journée ensoleillée et le ciel était dégagé, permettant d’apercevoir le Mont Fuji au loin. Nous avions amené des bentō pour déjeuner en regardant cette montagne divine qui nous protège, tout en souhaitant discrètement qu’elle ne se réveille pas pendant au moins les cent années qui viennent (la dernière éruption du Mont Fuji date de 1707). En tournant un peu les yeux vers la gauche, on aperçoit l’océan. Au loin, c’est Izu qui se dégage d’une brume légère. On ne se lasse pas de regarder l’océan. En marchant sur les hauteurs du parc, on le cherche à travers les arbres. Le bleu se laisse parfois découvrir. On se noie quelques instants dans ces couleurs, mais on refait rapidement surface. Zoa veut courir dans le parc, jouer au chat et à la souris. A ce jeu, le chat est beaucoup moins rapide que la souris. Il faut feinter pour inverser les rôles dans ce jeu de course-poursuite, qui remplacera ma course à pieds hebdomadaire dans les rues de Tokyo.

Ailleurs, à Minami Aoyama, en suivant discrètement un groupe de femmes en kimono. Et ailleurs à Shibuya, où se trouvait auparavant le Department Store PARCO. Les collages du manga Akira montrés précédemment ont été remplacé récemment par des nouveaux et je me suis empressé d’aller voir ce que ça donne. J’ai d’ailleurs relu les 6 tomes du manga Akira dernièrement et je me suis rendu compte que j’avais un peu oublié quelques parties de l’histoire. Mon souvenir s’est en fait calé sur le film d’animation et j’avais un peu oublié l’histoire initiale de Katsuhiro Otomo. En fait, je me suis mis en tête de relire en version électronique les manga cyberpunk que je lisais au milieu des années 90, en commençant par Appleseed de Masamune Shirow. Je continuerais très certainement avec l’incontournable Ghost in the shell, Black Magic et peut-être Orion. Mon billet intitulé Nagasaki 98 m’avait rappelé, avec nostalgie, à ces lectures d’avant mon arrivée au Japon.

Photographies extraites des videos des morceaux « Supersonic » et « Dystopia » de Utae disponible sur Youtube.

Utae est une jeune artiste électronique pop que je découvre tout juste avec son très joli morceau « Supersonic » sorti en Mai 2018 et le EP précédent appelé « Toi Toi Toi« . Comme partagé sur sa page Bandcamp, le motto de l’artiste semble être « Enjoy it. Don’t force it. Stay serene. » Il est vrai que cette musique électronique reste sereine, et la voix de Utae ne se force pas, par rapport à ce que pourrait laisser penser ce titre « Supersonic », et reste légèrement en retrait par rapport à la musique virevoltante avec des changements subtils de ton. Le morceau « Dystopia« est plus dans un esprit dream pop, la voix se fait plus floue et plus sombre contrastant avec les quelques notes sautillantes du début du morceau mais se mariant avec des nappes légères de guitares au final. Les morceaux restent empreints d’une légèreté, dans le sens que la musique et la voix n’occupent pas tout l’espace et laisse à l’auditeur une possibilité de rêve. Quand j’écoute une nouvelle musique, je me demande toujours ce qu’elle peut donner dans les rues de Tokyo pendant une promenade photographique. Je pense que ces formes musicales doivent bien s’accorder avec une approche contemplative de la ville, comme le clip de « Dystopia » en donne également l’impression. Le « Don’t force it » du motto m’interpelle également, mais au niveau de ma propre conception de la prise de photographie dans la ville. J’ai l’impression que cela correspond assez bien aux photographies que je prends, prises dans l’instant sans préparation ou sans attendre un éventuel moment décisif, juste prises dans le flot continu de la contemplation urbaine.

une balle à la dérive

Tous les soirs sans exceptions, Zoa écrit sur son journal les histoires de la journée. Parfois, l’inspiration ne vient pas et ça devient une véritable épreuve qu’il trouve insurmontable. Ce soir là , il savait exactement ce qu’il allait écrire: l’histoire d’une balle à la dérive.

Alors que Mari fait quelques courses au supermarché d’à côté, Zoa et moi décidons d’aller jouer au ballon de foot dans le parc Arisugawa, histoire de faire quelques passes sur le vaste terrain de graviers en haut du parc. Depuis l’entrée principale, il faut suivre un chemin de terre avec quelques marches. Zoa, la balle au pied, ne peut s’empêcher de la faire rouler devant lui en faisant des passes en avant. Le ballon, qui fait des siennes suite à une passe un peu trop forte, viendra percuter une des marches du chemin de terre et se jeter dans l’étang du parc. A notre grand malheur, le ballon de foot dérive très vite hors de portée, loin du bord. Impossible de le récupérer à la main sans se mouiller les pieds dans cet étang dont on ignore la profondeur. Les légers courants de vent ne font qu’écarter le ballon du bord. Les tortues qui nagent à proximité ne nous aident pas beaucoup non plus. Pire, la balle vient maintenant s’accrocher à des racines d’arbre sur un îlot de l’étang.

L’affaire est perdue. Nous ne récupérerons jamais notre ballon et ne feront pas de passes aujourd’hui sur le terrain en haut du parc. Zoa est dépité et je ne peux m’empêcher de lui rappeler que je lui avais bien dit plusieurs fois de tenir ce ballon en mains lorsque l’on monte les marches du chemin de terre. Que peut on faire? Je n’ai pas le souvenir d’avoir aperçu des gardiens dans ce parc. Nous faisons un tour de l’étang pour vérifier s’il n’y a pas un moyen de gagner l’îlot pour s’approcher du ballon, mais c’est cause perdue. Il n’y a pas non plus de gardiens en vue dans ce parc. On se résigne sur notre sort. Zoa fera attention la prochaine et il nous reste qu’à revenir la tête basse au supermarché où se trouve Mari. On repasse quand même une dernière fois vers les lieux du drame. Un groupe d’enfants munis d’un long bâton en bois essaient de récupérer notre ballon, mais sans succès. « On viendra voir demain s’il s’est rapproché du bord » crie un des petits garçons. J’ai bien peur que notre balle fasse le bonheur d’un autre enfant plus chanceux que nous.

Alors qu’on se lamente devant l’étang en espérant par miracle qu’un gros coup de vent vienne libérer notre ballon, un homme d’un certain âge, retraité sans doute, s’approche de nous. Il a compris la situation et, sans qu’on lui demande, il semble décidé à nous aider. Alors qu’il commence à ouvrir sa sacoche devant nous, je pense au miracle. Le vieil homme doit être un pêcheur du dimanche possédant une canne à pêche télescopique géante qui nous permettra d’aller tapoter le ballon pour le ramener gentiment vers nous. Mais, il n’en ai rien. L’homme sort de son sac une bouteille d’eau en plastique découpée en deux et attachée de manière très artisanale à un épais fil jaune. L’idée de l’homme est d’essayer de lancer la demi-bouteille en plastique au plus près du ballon et de la ramener d’un coup sec pour créer un courant qui déplacera la balle sur l’étang. Malheureusement, nos tentatives sont infructueuses. Zoa tentera également de lancer la bouteille en plastique plusieurs fois sous la supervision du vieil homme, mais nous ne réussirons pas à récupérer la balle. Nous nous rendons à l’evidence, cette technique ne fonctionne pas du tout, et cela malgré l’enthousiasme de Zoa. Je m’en doutais un peu depuis le début. Au moins, nous aurons essayé au mieux et sans regrets. On se confond en remerciements envers cet homme qui était bien gentil de donner de son temps pour aider un petit garçon et son papa dans leur mésaventure. Au moment des aurevoirs, je demande quand même au vieil homme s’il sait où se trouve le poste du gardien du parc. Il doit être sur le terrain en haut du parc, nous indique t’il. Dépêchons nous d’aller voir si ce gardien peut nous aider. Nous remercions encore mille fois le vieil homme en lui disant au revoir, et courant vers le haut du parc.

Nous trouvons rapidement le poste du gardien. Malheureusement, il semble fermé car il est déjà 17h passé. Zoa aperçoit quand même le gardien assis à l’intérieur et tapote à la vitre pour attirer son attention. Zoa expose notre situation. Bien plus que moi, il reste persuadé que l’on peut encore récupérer cette balle. Le gardien accepte de notre prêter une longue épuisette, mais le manche est bien trop court. Il faudra aussi la ramener avant 17h30 car le gardien termine son service. Nous n’avons que 10 minutes pour essayer de récupérer la balle avec l’épuisette. Je ne suis pas convaincu mais nous dévalons quand même les escaliers du chemin de terre du parc jusqu’à l’étang. A notre grande surprise, le vieil homme de toute à l’heure était toujours là, fidèle au poste. Nous ne pensions pas le retrouver ici. Encore mieux, le ballon s’est libéré des racines de l’îlot. Il est maintenant beaucoup plus proche du bord, mais pas assez pour l’attraper avec l’épuisette. Là commence un travail d’équipe hors pair. Je m’occupe de jeter la bouteille en plastique pour faire approcher la balle, le vieil homme donne des conseils sur la manière de lancer la bouteille et Zoa se tient prêt à intervenir, l’épuisette à la main. Nous arrivons à faire se rapprocher la balle après plusieurs essais. Zoa saute sur les rochers au bord de l’eau. Une excitation monte lorsque la balle passe à portée d’épuisette. Zoa réussit la prise et nous récupérons finalement notre précieux trésor. Cela paraissait tout d’abord impossible, mais nous avons finalement réussi. Le vieil homme était vraiment d’une grande gentillesse et nous lui en sommes très reconnaissants. Nos chemins se séparent à ce moment-là. Le sourire sur le visage, nous partons vers le terrain du haut du parc, la balle à la main, pour faire quelques passes bien méritées. Le gardien du parc attendait debout qu’on lui ramène son épuisette.

Après notre partie de foot, Zoa raconte cette histoire à Mari avec beaucoup de passion. Il écrira cette histoire dans son journal, l’histoire d’une précieuse balle à la dérive, en apparence perdue pour toujours, l’histoire de ce vieil homme si gentil et de notre persévérance. Ce petit épisode était finalement une bonne leçon pour nous tous.

dans la spirale de Minami Aoyama

Comme je le montrais il y a quelques mois, je passe régulièrement faire un tour à la galerie Spiral à Minami Aoyama. On y montre très souvent des choses intéressantes et plutôt de la jeune génération étudiante en arts. Récemment, on pouvait y voir une série de collages photographiques par Erika Kusumi クスミエリカ, dont celui ci-dessus reprenant des éléments du building métaboliste Nakagin de Kisho Kurokawa. La page de l’artiste montre quelques autres de ses créations digitales, notamment des mélanges hétéroclites similaires à celui ci-dessus, incluant beaucoup d’architecture pour créer des petites villes ou espaces de vie chaotiques. Je reconnais dans ces compositions des bâtiments que j’ai moi-même déjà pris en photo, comme Shinjuku Park Tower de Kenzo Tange, la tour du Park Hyatt où se passe la majorité de l’action du film Lost in Translation de Sofia Coppola. La petite exposition incluant les créations de Erika Kusumi s’appelait Utopia & Chaos et montrait le travail de trois autres artiste dont Ayako Kuno, dont je montrais une des créations dans un billet précédent.

La programmation de ce que l’on montre dans les salles ouvertes du Spiral change très souvent. J’ai l’impression que les oeuvres exposées changent toutes les semaines. Plaquées sur les murs, j’aperçois ces deux grandes peintures que je ne peux m’empêcher de prendre en photo. Apparemment, on ne pouvait pas prendre de photos dans certaines parties de la galerie, ce qui est très rare pour cette galerie, car en général les photographies sont autorisées au Spiral. Il n’y avait pas non plus de signes indiquant que les photographies n’étaient pas autorisées. La jeune fille surveillant la salle, peut être une étudiante volontaire, faisait à mon avis un peu de zèle. L’une des deux peintures en couleurs vertes me fait penser à un paysage marin de végétation où les algues dans divers tons de vert se mélangent et forment des tresses comme une chevelure humaine. L’autre montre un personnage féminin torturé à mi-chemin entre une figure humaine et un robot cybernétique. Ce personnage me dit quelque chose, comme si je l’avais déjà aperçu dans un manga. Il me rappelle vaguement un mélange de personnage cyborg dans le manga cyber punk Black Magic M-66 de Masamune Shirow, pour la cybernétique, et le personnage de l’amie de Tetsuo, Kaori, dans Akira de Katsuhiro Ōtomo, pour la détresse du visage et surtout la chevelure. De fil en aiguille, me revient en tête la superbe vidéo de Kōji Morimoto (un des animateurs sur Akira) pour le morceau Extra de l’artiste électronique Ken Ishii. Ce morceau de 1995 est percutant tant pour la musique que pour les images animées très proche de l’esprit de Akira. Du coup, j’écoute beaucoup ces derniers temps l’album Jelly Tones dans lequel se trouve ce morceau Extra. Extra est le morceau phare de cet album mais l’ensemble se tient bien et garde cet esprit percutant (Stretch) en se mélangeant avec une atmosphère sombre (Moved by Air) de ville la nuit éclairée par des néons diffusant une lumière floue. C’est l’image qui me vient en tête. Par association, je réécoute l’album électronique Dove Loves Dub de Takkyu Ishino. Je précise « par association » car l’album de Takkyu Ishino est sorti la même année, en 1995, et utilise comme graphisme de sa pochette une illustration de Katsuhiro Ōtomo, qu’on pourrait croire sorti de Akira. En fait, j’avais cet album dans ma discothèque depuis des années mais sans l’avoir vraiment écouté avec attention comme il se doit. Je ne le découvre en quelque sorte que maintenant. L’album est plus axé techno que celui de Ken Ishii, mais j’aime les écouter à la suite. Il y a un brin d’humour dans les morceaux de Dove Loves Dub, comme Tko Tone qui reprend en sample des voix de rues criant les mots « 800 Yens » en référence au tarif horaire d’un service de téléphonie rose appelé telekura qui devait être actif à l’époque. D’autres morceaux, comme GTR, tracent une musique techno répétitive et efficace comme des bolides sportifs. Dans le nom GTR, je vois d’ailleurs une référence à la Skyline de Nissan. Je connais en fait assez peu la musique électronique japonaise, je vais creuser un peu plus le sujet en cherchant dans ces ambiances futuro-chaotiques et neo-tokyoïtes.

Au même moment dans la galerie Spiral de Minami Aoyama, se déroulait également l’exposition de design textile de la Tama Art University: Tama Art University Textile Design Exhibition 2018. A vrai dire, je n’ai strictement aucune référence ou connaissance du monde de la monde et du design vestimentaire, mais l’aspect avant-garde de certaines des créations m’a beaucoup intéressé. On voit parfois dans Shibuya ou à Harajuku une jeunesse qui n’a pas peur de l’excentrique et va assez loin dans l’avant-gardisme vestimentaire. Le site Tokyo Fashion que je regarde de temps en temps d’un oeil distrait montre parfois des spécimens intéressants d’une extrême originalité. La limite entre le cool et le n’importe-quoi semble pourtant très floue, mais toujours est il que c’est une bonne chose que cet anti-conformisme non-agressif trouve sa place dans certaines rues de Tokyo.

architectures impromptues

J’aime les découvertes architecturales inattendues au détour d’une rue ou d’un carrefour. Samedi en fin de matinée, je pars faire un jogging d’une heure alors que la pluie continue de tomber, mais une pluie fine et finalement pas désagréable. Je varie en général les parcours de mes courses à pieds et cette fois-ci, je me dirige vers Nishi Azabu et Minami Aoyama. J’essaie volontairement d’emprunter des rues que je ne connais pas. Ma tête bouge comme une girouette car, tout en courant, j’observe les lieux. Si on m’observait au loin en hauteur, on pourrait penser à un renard flairant une proie. Je fais parfois demi-tour brusquement quand je passe en courant devant une rue semblant intéressante et que mon cerveau n’est pas en mesure d’enregistrer assez rapidement un changement de direction au carrefour.

La maison particulière House SH des architectes Hiroshi Nakamura & NAP se trouve quelque part au bord d’une rue très étroite de Nishi Azabu. Je ne soupçonnais pas qu’elle se trouvait ici. C’est une des nombreuses maisons aux formes originales que j’aspire à trouver dans les rues de Tokyo, mais très peu de pistes sont données dans les magazines d’architecture quant à leurs emplacements. Je la découvre donc ici par un pur hasard. La bosse sur le mur extérieur, au niveau du deuxième étage est immédiatement reconnaissable. C’est dommage que le blanc immaculé au moment de sa conception en 2005 est perdu de sa splendeur. Elle mériterait un bon nettoyage. Ce n’est cependant pas très étonnant que cette partie bombée retiennent les impuretés.

Cette partie bombée correspond à l’intérieur à un large espace pour s’asseoir. On pourrait même y faire dormir un enfant, à en juger les photographies ci-dessus montrées sur le site internet de l’atelier d’architectes. Comme beaucoup de maison de particuliers, elle est construite en hauteur sur un espace très étroit, et cette bosse est un moyen original de gagner l’espace d’un sofa.

A quelques mètres seulement de House SH, une autre maison particulière aux parois légèrement verdâtres attirent mon oeil photographique. Les parties angulaires de cette maison appelée A’ House par Wiel Arets Architects sont intéressantes. Ici aussi, l’espace est très étroit et l’angle semble laisser une place de parking pour une petite voiture ou des vélos.

L’intérieur est aussi très compact, mais la grande porte vitrée, qui sert de porte d’entrée pour la maison, ouvre complètement la maison sur la rue. Cette idée d’ouverture sur la vie et les activités de la rue est intéressante mais je doute que les propriétaires l’appliquent. Ils préférerons sans doute le vaste balcon (vaste par rapport aux proportions de la maison) au dernier étage à coté de la chambre principale. A noter que les ouvertures de grande taille ont deux couches, une transparente et une autre translucide que l’on peut superposer.

Ma course à pieds m’amène ensuite vers Minami Aoyama. Je longe le cimetière en pente de Aoyama et je reviens ensuite vers les zones résidentielles à l’écart de la grande artère de l’avenue Aoyama. Une courbe bleue-vert attire tout d’un coup mon regard. Au fond d’une allée, j’aperçois des formes déjà vu dans je ne sais plus quel magazine. Quelques recherches me rappellent qu’il s’agit de Rose Residence and Office de l’Atelier Norisada Maeda. Le béton est massif. Les courbes laissent penser à un aquarium à l’intérieur. Comme souvent, la beauté de l’architecture se trouve à l’intérieur. Bien qu’on puisse avoir du mal à l’imaginer, les murs à l’intérieur de la maison sont également courbes, comme le montre les photographies du site internet de l’atelier Norisada Maeda (ou plutôt la page flickr de l’atelier).

A vrai dire, même en regardant attentivement les photographies du site de l’architecte, on a un peu de mal à comprendre comment les pièces sont agencées, car à la particularité des murs courbes vient s’ajouter des sols transparents à certains endroits de la maison. Le site designboom tente d’expliquer avec quelques graphiques le concept de cette maison d’un simplicité extérieure ne laissant pas présager la complexité de l’intérieur.