Rooflag par Mount Fuji Architects Studio

Rooflag (ルーフラッグ) est un hall d’exhibition pour la société de construction Daito Trust Construction Co.,Ltd. situé dans le quartier Shinonome de l’arrondissement de Koto. Il a été conçu par Mount Fuji Architects Studio, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog, et a été construit en 2020. Sa particularité est bien entendu son immense toiture triangulaire aux dimensions de 60m*50m*34m, construite en bois lamellé croisé (ou Cross Laminated Timber, CLT, en anglais). Ce matériau de construction se présente comme des panneaux massifs constitués de plusieurs couches de bois de résineux collées perpendiculairement les unes aux autres. Dès qu’on entre dans le vaste atrium composé de murs en béton brut et de large baies vitrées sous ce toit triangulaire posé à l’oblique, on est immédiatement impressionné par la beauté de l’espace très lumineux qui est créé. La grandeur de l’espace atteignant quatre étages au niveau de l’entrée est spectaculaire. Il y avait une petite exposition de modèles architecturaux lors de la visite, dont je montre quelques photos sur mon compte Instagram mais mon véritable centre d’intérêt était d’apprécier le temps pensé sous cette toiture de bois oblique. Il faut en fait réserver à l’avance pour voir l’intérieur de l’atrium mais je ne l’ai su qu’après mon passage. Comme j’étais seul, on m’a gentiment laissé entrer et je n’ai donc pas fait le déplacement pour rien. Après cette visite, je continue à marcher dans Shinonome jusqu’aux blocs d’habitation Codan que je n’avais pas vu depuis très longtemps (15 ans). J’y reviendrais certainement dans un prochain billet.

stairs and mesh buildings

L’objectif de mon passage à Ikebukuro était de voir l’hotel Siro conçu par Mount Fuji Architects Studio. Je l’ai déjà montré il y a quelques semaines sur mon compte Instagram et ça doit être la photo la plus aimée jusqu’à maintenant (on reste ceci étant dit dans des proportions tout à fait modestes). La particularité de cet étroit building tout en longueur encastré dans le centre d’Ikebukuro est bien entendu ses escaliers extérieurs prenant différentes formes. L’effet visuel est assez étonnant. Il s’agit d’un petit hôtel avec des intérieurs au design sobre et épuré, qui viennent contraster avec le fouillis visuel du quartier. Je ne viens pas assez souvent à Ikebukuro mais je me rattrape ces derniers temps, depuis que j’ai visité plusieurs fois le quartier limitrophe de Zoshigaya. Je me décide ensuite à marcher depuis Ikebukuro jusqu’au centre de Shinjuku en suivant l’avenue Meiji, mais je bifurque rapidement car je me laisse souvent distraire en route par d’autres rues. Au Sud de la gare, on peut difficilement manquer le building DaiyaGate Ikebukuro (ダイヤゲート池袋) couvert d’un réseau de barres métalliques obliques. Les énormes piliers de béton le soutenant sont également obliques. Il est posé sur une immense plateforme ouverte surplombant une partie du quartier. Une place que l’on peut traverser se forme sous le building. Depuis cette plateforme, on doit pouvoir apercevoir l’ancienne école Jiyū Gakuen, conçue en 1954 par Frank Lloyd Wright, qui se trouve également dans ce quartier, mais je ne l’avais pas encore réalisé au moment de ma visite. Un peu plus loin dans l’arrondissement de Toshima, on remarque aussi forcément l’élégant découpage des vitrages d’un immeuble au béton superbe. Il s’agit d’un bâtiment conçu par Tadao Ando. En parcourant les rues jusqu’à Shinjuku en ce tout début de printemps, je suis absorbé par la mélancolie de Morita Dōji 「春は幻」.

Les hasards des liens internet me font découvrir le blog de Stéphane du Mesnildot, écrivain et journaliste (entre autres) couvrant, depuis 7 ans sur son blog intitulé Jours étranges à Tokyo, le cinéma japonais principalement et la musique japonaise entre autres sujets. Son blog est toujours très actif et extrêmement bien documenté. Je pressens donc que je vais venir le consulter régulièrement pour y trouver un peu d’inspiration. C’est en quelque sorte rassurant de voir des blogs encore actifs car on les voit plutôt disparaître petit à petit ou bloqués sur un dernier billet datant d’il y a deux ou trois ans. Une fois qu’on a fait naître un blog, on ne devrait pas le laisser mourir. Parmi les billets de Jours étranges à Tokyo, je découvre celui sur la mystérieuse chanteuse Morita Dōji (森田童子), que l’on voit toujours le visage à moitié caché derrière une longue chevelure bouclée et des lunettes noires. Ce billet me pousse à écouter l’album A boy (ボーイ) composé de neuf morceaux à la mélancolie saisissante et à la beauté romantique sombre, parfois interrompue par la pluie. Cet album est régulièrement cité dans les listes très subjectives évoquant le meilleur de la musique japonaise, et j’avais déjà tenté d’entrer dans cet univers musical il y a quelques années. Mais ce n’était pas, à cette époque là, le bon moment. La voix fragile, presque nue, de Morita Dōji m’apporte maintenant un certain apaisement après des semaines difficiles. On peut écouter cet album sur YouTube mais on le trouve également sur iTunes (du moins le japonais). J’aimerais trouver cet album en CD mais, datant de 1977, je pense qu’il ne doit exister qu’en vinyl et je l’imagine bien introuvable. Le site web de Disk Union le liste en fait quand même bien en CD mais il n’y a aucun exemplaire en vente.

Sengyō-ji par Mount Fuji Architects Studio

La dernière étape de ma marche depuis Sky House et à travers le temple de Gokokuji était de rejoindre Ikebukuro pour voir un autre temple d’apparence très différente. Cet immeuble fin est également un temple appelé Sengyō-ji (仙行寺). Il a été conçu par Mount Fuji Architects Studio. Ses portes sont ouvertes sur la rue et donnent accès à une salle sombre dans laquelle se trouve une statue de Bouddha. D’extérieur, les façades encerclées de tiges de métal ressemblent à un jardin, car des plantes sont placées sur les balcons de chaque étage. Il y aurait également des cerisiers. J’imagine que cette végétation est amenée à se développer et fera petit à petit ressembler ce temple à une petite montagne paisible en pleine ville.

sakura par Mount Fuji Architects

Après avoir découvert Mosaic house de TNA, je pars à la recherche d’une autre maison particulière se trouvant également dans l’arrondissement de Meguro. Il s’agit de Sakura par l’atelier Mount Fuji Architects Studio. Elle se trouve également perdue dans un quartier résidentiel quelconque n’ayant aucune véritable identité spécifique, et où des maisons se ressemblant toutes sont apposées les unes à côté des autres. Mount Fuji Architects part de ce contexte et de ce constat pour concevoir la maison Sakura. Sur la page du site web de l’atelier décrivant cette maison, Masahiro Harada mentionne avoir été influencé par les maisons de verre de Mies van der Rohe (Farnsworth House) et de Philip Johnson (The Glass House). Ces maisons ont la particularité d’être presque complètement transparentes car tous les murs sont faits de verre. Ce type de configuration murale suppose que ces maisons soient placées dans des lieux à l’écart des regards, en l’occurrence dans des parcs boisés. Sur la maison Sakura, Mount Fuji crée une forêt protectrice grâce à deux surfaces de métal perforées avec un motif traditionnel de cerisier répété et couvrant toute la surface. Derrière cette surface laissant passer des pointes de lumière comme à travers les branchages d’une forêt dense, un espace de verre délimite la zone habitable. Mount Fuji s’est essayé sur cette maison à reconstituer l’espace ouvert et le contexte environnemental des maisons de verre des deux architectes américains, mais dans le contexte spécifique d’une zone résidentielle dense de Tokyo.

La protection par cette forêt imaginaire de cerisiers fonctionne très bien car on n’arrive pas à déceler ce qui se passe à l’intérieur de la maison depuis la rue. Je me demande d’ailleurs quel niveau de transparence on peut avoir sur la rue, depuis l’intérieur de la maison derrière les grands vitrages de l’espace habitable. Les photographies que j’ai pu voir en cherchant peu sur internet, notamment celles que j’emprunte et montre ci-dessus, montrent un effet intéressant et très joli la nuit. Les lumières parsemées qui s’échappent à travers la membrane métallique donne vraiment l’impression qu’il s’agit d’une haute haie d’arbustes. La maison a par contre beaucoup perdu de son éclat avec les années. Je me souviens des photos que l’on pouvait voir dans les magazines d’architecture en 2007, l’année de la construction de Sakura. J’étais impressionné par la pureté de ces murs blancs immaculés accentués par ces délicats motifs de cerisiers. Il y a beaucoup de poésie dans cette apparence, surtout lorsqu’on la place dans une zone résidentielle anonyme. La poésie ne s’est pas perdue avec les années, lorsque l’on voit la maison maintenant, mais force est de constater que la couleur blanche n’est plus aussi éclatante et que des pointes de rouille au niveau des perforations de la surface donnant le motif de cerisier viennent amenuiser un peu la beauté de l’ensemble. Comme pour Mosaic House, ce type de maisons ultra blanches demandent beaucoup d’entretien pour garder leur apparence des magazines et livres d’architecture. Les deux premières photographies du billet prises à l’iPhone se montrent plus tolérantes que les photographies suivantes prises au reflex, en adoucissant un peu les impuretés. J’imagine que prendre cette maison dans des conditions de lumière différentes doit donner une meilleure impression de l’ensemble. Je reviendrais très certainement pour en avoir le cœur net.

meg again but different place, somewhere close, somewhere we want to get lost

Avant de partir à la recherche de la maison Delta, je marche dans Meguro. Il est tôt le matin, vers 8h. Il y a peu de circulation dans les rues. Au croisement de la rue Meguro et de la rue Yamate, il y a un sanctuaire, celui de Otori 大鳥神社. Je suis passé maintes fois devant ce sanctuaire sans jamais y être entré. Il était recouvert d’un capuchon blanc comme une mariée en kimono. Dans la même rue, le vert criard de l’immeuble Barbizon 43 est très surprenant et se fait remarquer. Cette couleur inhabituelle recouvre toutes les parties en acier du building, notamment un ensemble de câbles qui semblent soutenir l’escalier extérieur de secours. Le design de l’ensemble est intéressant, mais j’ai quand même quelques doutes sur le choix de cette couleur verte pour s’allier au béton.

Je remonte ensuite la grande rue Meguro jusqu’à l’école Tama Daigaku Meguro High School. L’ensemble semble assez quelconque aux premiers abords, à part cette entrée composée de plusieurs piliers supportant des voutes et un bloc arrondie. C’est une association assez étonnante. Juste en face, de l’autre côté de la rue, cette étrange association de styles architecturaux semble également étonner un couple d’extraterrestres ouvrant de grands yeux. Ils sont rigolos tous les deux avec leur costume noir à poix et leur grosse tête ronde.

Je décide ensuite de m’éloigner de la grande artère et de m’engouffrer dans les petites rues résidentielles de Meguro-Ku. Au hasard des rues, je tombe sur une maison individuelle couverte d’une immense baie vitrée. Je connais ce bâtiment pour l’avoir vu dans un magazine d’architecture (Japan Architect certainement) et pour l’avoir pris en photo. Je me souviens qu’un lecteur de Made in Tokyo m’avait indiqué cette maison par email ou dans les commentaires. Ce genre de pistes est le bienvenue. En fait, en réfléchissant bien et en fouillant mes archives, je me remémore que cette maison s’appelle M3/KG par les architectes de Mount Fuji Architects Studio. Je ne suis plus trop sûr de l’avoir déjà pris en photo, c’est peut être la première fois que je passe dans ce quartier. J’ai l’impression que mes souvenirs se mélangent avec les éventuelles promenades virtuelles avec Google Street View que j’ai pu y faire. C’est un sentiment très étrange.

Dans la même rue et à quelques mètres seulement, on trouve deux autres maisons remarquables. Par les mêmes architectes que la maison Delta, Akira Yoneda de Architecton et Masahiro Ikeda, on découvre dans cette rue une maison blanche particulière avec un des murs biseauté de haut en bas. La rue est très étroite et je ne peux la prendre correctement en photographie. On peut entrevoir cependant l’espace biseauté qui permet de libérer un peu de place pour le parking de la voiture bleue. La maison s’appelle HP house. Dans l’autre sens et dans la même rue, un autre bâtiment est étonnant avec son mur noir courbé qui fait penser à une toiture qui rejoindrait le sol. A l’intérieur, il y a une boutique. Je pense que les propriétaires vivent à l’étage.

Pour terminer cette série et promenade matinale à Meguro, un autre étrange objet dans un parc. L’objet ressemble à des altères distordues. A côté, il a plusieurs terrains de tennis où se déroule un cours matinal. Les apprentis joueurs en tenue blanche sont debout en file indienne en attendant la balle jaune. Une envie de tennis me revient.