ほら進め、前へ進め

Ce bâtiment couvert d’un treillis de bois se trouve sur le campus de l’Université Sophia (上智大学) à Yotsuya, mais il est accessible depuis la rue. Il s’agit du bâtiment numéro 15 de l’université (上智大学15号館) et il a été conçu par Sumitomo Ringyō (住友林業). Les formes de croix qui se répètent nous rappellent que cette université est chrétienne. A part cette façade extérieure remarquable, la structure de ce petit bâtiment construit en bois semble beaucoup plus classique. Il a ouvert cette année avec des salles d’étude aux étages et il doit y avoir un café ouvert au public au rez-de-chaussée. Je ne suis pas sûr qu’il soit déjà ouvert, car le site internet de l’école annonçait une ouverture à l’automne. Après avoir fait un tour rapide du bâtiment, je me suis rendu compte qu’il se trouvait à Kioichō, d’où l’envie d’aller voir ensuite le Kioi Seidō se trouvant dans le même quartier. Je ne sais pour quelle raison j’ai toujours du mal à réaliser que Yotsuya est aussi proche d’Akasaka.

Depuis les étages du centre commercial Ariake Garden, deux centres olympiques se détachent du commun des buildings. On remarque tout de suite les formes affûtées et le bois du centre gymnastique d’Ariake conçu par Nikken Sekkei. Sur la droite, l’autre centre olympique Ariake Arena, conçu par Kume Sekkei, à des formes et une couleur plus discrètes. J’avais été les voir de près l’année dernière mais on ne pouvait pas accéder à la base de ces deux bâtiments. Ces centres sportifs avaient tous les deux été utilisés pour les Jeux Olympiques de Tokyo l’été dernier. Ces jeux qui nous avaient passionné pendant leur déroulement me paraissent maintenant bien lointains, certainement car l’entrée de ces lieux nous était interdit à cette époque. Avec le recul, c’est comme si ils n’avaient pas vraiment eu lieu, comme une vaste illusion collective.

La vallée de Todoroki (等々力渓谷) est pourtant inscrite dans les guides sur Tokyo, mais je n’y suis allé que récemment. Elle se trouve dans l’arrondissement de Setagaya au milieu de quartiers résidentiels denses, s’étendant sur une longueur d’environ 1km. On accède à cette petite vallée depuis la station de Todoroki. Il faut marcher quelques dizaines de mètres pour trouver l’entrée du parc au pied d’un pont rouge appelé Golf Bridge car il desservait autrefois un terrain de golf. Un escalier nous donne accès au creux de la vallée entourée de végétation. On longe la fine rivière Yazawa, qui plonge plus tard dans la rivière Tama, en parcourant un chemin étroit. On se croit soudainement très éloigné de la ville, sauf à l’endroit où la vallée passe dessous la grande avenue périphérique Kanpachi. On sort de la vallée au niveau du temple Todoroki Fudōson (等々力不動尊). L’endroit est paisible. Quelques enfants y étaient habillés de kimonos pour la cérémonie des 7-5-3 ans (七五三). Après ce passage impromptu dans la nature, on retourne rapidement vers la réalité urbaine. Direction Jiyūgaoka que j’ai déjà montré dans le billet précédent.

Avant d’aller voir son concert à Shibuya le 15 Novembre 2022 , je suis parti à la découverte des mini-albums de Miyuna (みゆな) sortis avant son premier album Guidance (ガイダンス). J’ai déjà parlé brièvement de Reply dans un billet précédent et j’aborde dans ce billet celui intitulé Yurareru (ユラレル) sorti le 18 Septembre 2019. Miyuna n’avait à cette époque que 17 ans et on a beaucoup de mal à s’en rendre compte, vu la maturité de sa voix et de son chant. Ce qui est amusant tout de même, c’est qu’elle écrit dans les paroles du morceau Kan Beer (缶ビル) des phrases comme « ビルを買って » (Achètes moi de la bière), alors qu’elle n’est légalement pas en âge d’en boire. Ce morceau en particulier est d’ailleurs produit et arrangé par Shin Sakiura, nom que je trouve régulièrement sur mon chemin au fur et à mesure de mes découvertes musicales. Je le mentionnais rapidement auparavant, Shin Sakiura a notamment collaboré avec AAAMYYY pour quelques morceaux comme Kono mama Yume de (このまま夢で) ou Night Running (dont mahl parlait d’ailleurs sur son blog). Il a aussi arrangé le morceau Takes Time de son album Annihilation. Ce qui me fait penser que j’aimerais vraiment voir AAAMYYY en concert, mais elle a l’air plutôt active en ce moment comme membre du groupe Temparay, qui ne m’intéresse malheureusement moins musicalement. Shin Sakiura avait également assuré la pré-production de trois morceaux du premier album d’AiNA The End (ハロウ, サボテンガール et STEP by STEP) et plus récemment écrit et composé le morceau Higher du premier album de la re-formation de EMPiRE en ExWHYZ. Je ne dirais pas que ses compositions sont particulièrement originales ni disruptives mais elles ont le mérite d’être fluide et naturelle, sans superflu ou extravagance. Et cela s’accorde très bien avec ce morceau de Miyuna au point où il devient un des morceaux que l’on retient immédiatement dès la première écoute du mini-album. C’est un morceau volontairement ludique gagnant rapidement l’auditoire. C’est d’ailleurs le morceau que Miyuna avait choisi pour ses interactions avec le public pendant les rappels du concert à Shibuya auquel j’avais assisté. Le morceau le plus marquant émotionnellement du mini-album est le dernier intitulé Ikinakya (生きなきゃ) que j’évoquais déjà longtemps dans mon rapport du concert car il s’agissait d’un des moments forts. Comme sur tous ses albums, il y a en général une balade que j’aime un peu moins. Il s’agit ici du troisième morceau intitulé Boku to Kimi no Lullaby (僕と君のララバイ). Je suis beaucoup plus attiré par l’énergie pop de morceaux comme Susume (進め) ou Guru Guru (グルグル), un autre morceau phare de ce mini-album. Le premier morceau prenant le titre de l’album, Yurareru (ユラレル), est un des plus intéressants en terme de construction, notamment car il est soudainement interrompu par une rébellion instrumentale. Il est plus sombre bien qu’ayant par sursauts une dynamique forte marquée par le phrasé rapide de Miyuna. Sa versatilité vocale lui permet beaucoup de retournements de situations dans ses morceaux. Kuchinashi no Kotaba (くちなしの言葉) est un autre morceau que j’aime particulièrement et que j’ai d’ailleurs beaucoup écouté avant le concert, ce qui tombait bien car elle l’a également interprété. Je trouve que c’est un des meilleurs morceaux de sa discographie. Miyuna écrit les paroles et compose la musique de la plupart de ses morceaux, mais on voit parfois le nom de TSUGE à la composition musicale. TSUGE semble être un collaborateur fidèle car je le vois également mentionné sur l’album Guidance. Même si Yurareru n’est pas aussi abouti que Guidance, on y trouve une émotion qui me touche personnellement beaucoup.

Mokuzai Kaikan

J’ai déjà montré dans un billet précédent des photographies du parc de Yumenoshima (l‘île des rêves) mais j’allais presque oublier de montrer des photos du building que j’étais avant tout venu voir lors de ce passage à Shin-Kiba, il y a quelques semaines. Il s’agit du Mokuzai Kaikan par Tomohiko Yamanashi et Takeyuki Katsuya de Nikken Sekkei. Il s’agit des bureaux de l’association des grossistes en bois. Le concept du building est de montrer l’attrait de l’utilisation du bois en architecture, comme Kengo Kuma le fait également très bien. L’alliance du béton brut avec l’agencement apparemment aléatoire des éléments de bois rend l’ensemble très élégant. J’aurais aimé voir ici un building de plusieurs étages entièrement construit en bois, comme celui novateur installé à Oiso dans la préfecture de Kanagawa, mais celui-ci a tout de même un design de façade très intéressant. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se déplacer librement à l’intérieur, mais j’y suis allé un dimanche et le hall d’entrée était de toute façon fermé. Comme le nom le suggère, les zones de Kiba et Shin-Kiba sont historiquement liées à l’industrie du bois de construction. Kiba était devenu le centre principal pour cette industrie dès 1657 suite à une décision du shogunat Tokugawa. Shin-Kiba est une zone gagnée sur la baie qui a ensuite été utilisée par cette industrie du bois de construction à partir des années 1970, en remplacement de Kiba. Et pour en savoir un peu plus sur ce building, je laisse un lien vers un article de The Architectural Review.

飲み込んで東京

Les rues que je montre sur les photographies de ce billet sont bordées d’architecture mais je n’en connais pas toujours l’architecte. Je me dis en prenant les deux premières photographies du billet que c’est une bonne idée de laisser des passants intégrer le cadre même si leurs mouvements parfois incontrôlés car non-linéaires m’obligent à réagir vite, ce qui n’est pas toujours mon fort. Mon temps de réflexion prend malheureusement souvent le dessus sur celui de l’instinct. Ce type de composition apporte une dynamique un peu différente. Le bâtiment blanc de forme massive sur la deuxième photographie me fait penser à une forteresse imprenable. Les fines fenêtres ressemblant à des meurtrières de château fort renforcent cette impression. La forme coupée à l’oblique de sa base donne une certaine élégance à l’ensemble et vient laisser un peu de place pour un étroit bassin dans lequel court un filet d’eau. Cette forme oblique et le petit cours d’eau apportent une certaine délicatesse qui vient adoucir l’impression massive de l’ensemble. Il s’agit du building des éditions Shogakukan (小学館ビル) à Jimbocho, conçu par Nikken Sekkei (日建設計).

Même sous la chaleur intenable de l’été, je marche en ce moment beaucoup pendant les week-ends, au point où j’ai tendance à oublier le parcours que j’ai suivi, ces photographies datant déjà d’il y a plusieurs semaines. La troisième et la cinquième photographie me rappellent que je suis passé par Hitotsubashi. On traverse à cet endroit la rivière Nihonbashi (日本橋川) qui diverge de la rivière Kanda un peu plus haut et vient se déverser dans la rivière Sumida après être passée sous le fameux pont Nihonbashi. Cette rivière a le malheur d’être presqu’entièrement recouverte par l’autoroute circulaire métropolitaine. Un jour peut-être, elle retrouvera un ciel. À Hitotsubashi, juste à côté de la station de métro Takebashi, se dressent les 9 étages du Palaceside building conçu par l’architecte Shoji Hayashi pour les quartiers généraux du journal Mainichi Shimbun. Je le montre sur la cinquième photographie prise depuis le bord des douves du Palais Impérial. La dernière photographie est prise dans un tout autre endroit car il s’agit de Minami Azabu. Je suis souvent passé devant cet élégant bâtiment de verre, sans savoir qu’il s’agissait de l’architecture de Tadao Ando. L’oeuvre d’art disposée au dessus de l’entrée est vraiment étrange. Je n’en connais pas l’artiste mais j’ai lu quelque part qu’il s’agirait probablement d’un hommage au Saut dans le vide d’Yves Klein. Derrière les parois de verre et de béton de ce bâtiment appelé Yuan (游庵), se cache un musée privé contenant la collection d’art contemporain du constructeur Obayashi Corporation. Ce musée n’est pas ouvert au public et on ne sait donc pas ce qu’il contient exactement, mais on y trouverait apparemment des œuvres d’Olafur Eliasson et de Tokujin Yoshioka, entre autres. Cet endroit reste bien mystérieux et on n’en saura pas beaucoup plus tant que ce musée restera fermé au public.

Je ne pensais pas me lancer dans la collection d’anciens magazines musicaux japonais abordant Sheena Ringo, mais on dirait bien que j’ai posé un pied dans cette direction en trouvant soudainement sur Mercari le fameux numéro du mois de Mars 2000 du magazine Sony Music Gb montrant en couverture Sheena Ringo marchant dans les rues d’Ueno en robe de mariée. Ces photographies prises par Meisa Fujishiro sont particulièrement iconiques et je n’ai pu m’empêcher de l’acheter dès que je l’ai vu en vente. Le magazine n’est pas vraiment facilement trouvable et en général beaucoup plus cher que le prix auquel je l’ai trouvé. Le numéro contient 20 pages de photographies à Ueno et 4 pages d’interview par Yuichi Hirayama, couvrant la sortie récente simultanée des deux singles Tsumi to Batsu (罪と罰) et Gips (ギブス) le 26 Janvier 2000, deux mois avant la sortie de son deuxième album Shōso Strip. Il y a d’ailleurs une publicité pour ces deux singles en double page dans le magazine. La série de photographies en robe de mariée se déroule principalement dans le parc d’Ueno et dans la rue commerçante Ameyoko (アメ横). Quand elle était plus jeune, Sheena avait un petit boulot dans un magasin de disques d’Ameyoko et nous dit dans l’interview être passée voir son ancien patron pendant la prise des photos. Je pense qu’une des photos a d’ailleurs été prise dans ce magasin de disques. L’interview ne donne pas d’explication sur le fait qu’elle porte une robe de mariée, mais nous parle assez longuement des deux nouveaux singles: Tsumi to Batsu et Gips. Elle nous explique que Gips est un morceau assez ancien car elle l’a écrit quand elle avait 17 ans, tandis que Tsumi to Batsu est plus récent. Comme elle l’expliquait également dans son émission Etsuraku Patrol, Sheena a d’abord joué ces morceaux en concert l’année précédente (en 1999) et avait même demandé au public d’écrire à la maison de disques pour faire pression pour sortir Tsumi to Batsu en single. Il semble que l’idée de Toshiba EMI était plutôt de sortir Gips en single en Janvier 2000, après Honnou (本能) sorti en Octobre 1999. Elle a finalement obtenu ce qu’elle souhaitait car le morceau est sortie en single en simultané avec Gips. Elle nous dit dans l’interview qu’elle avait d’abord un avis un peu partagé sur son morceau Gips mais que les arrangements de Seiji Kameda lui ont donné un nouvel attrait qu’elle ne soupçonnait pas. Elle insiste beaucoup dans l’interview sur la venue de Kenichi Asai (aka Benji) de Blankey Jet City pour l’enregistrement de la partie guitare de Tsumi to Batsu, le 13 Juillet 1999. Elle lui a apparemment adressé une lettre de fan quelques mois plus tôt pour lui demander de jouer sur ce morceau en insistant bien sur le fait qu’il n’y a que lui qui pourrait jouer dessus. Il faut se rappeler que Sheena est une fan excessive (et même maladive) de Benji à cette époque. Lire Sheena dans cette interview quand elle parle avec enthousiasme de Benji est particulièrement intéressant et amusant. Benji semble avoir accepté assez facilement son offre, car ça transparaît assez clairement qu’ils s’apprécient mutuellement. Sheena le décrit souvent comme une personne qui vit sa musique plutôt qu’il en joue. Elle le dit quelques fois à cette époque mais elle a une passion proche du fétichisme pour les guitaristes, mais l’histoire ne raconte pas jusqu’où ça va. Sur Tsumi to Batsu, je n’avais pas réalisé que les sifflements à la fin du morceau étaient aussi ceux de Kenichi Asai et qu’ils sont différents, plus longs et accentués, sur la version single par rapport à la version de l’album. Dans les crédits sur le livret du single, Sheena mentionne « 恰好良い電気式ギターと歯笛 » (belle et cool guitare électrique et sifflements entre les dents) à côté du nom de Kenichi « Benji » Asai. Je ne connaissais pas cette méthode du sifflement entre les dents plutôt qu’entre les lèvres. Une autre anecdote est que pendant cette session d’enregistrement, Seji Kameda qui assure la basse en plus de la production, Kenichi Asai et Masayuki Muraishi à la batterie se rendent compte qu’ils sont tous les trois du même signe astral chinois, celui du dragon (ils sont tous les trois nés en 1964). Cette coïncidence leur fait dire, en plaisantant très certainement, qu’ils devraient par conséquent monter un groupe. En continuant cette plaisanterie, l’interviewer ajoute qu’ils auraient pu s’appeler les Dragons. Ceci me fait me rendre compte que je suis du même signe chinois qu’eux, mais plus jeune d’un cycle.

L’interview aborde également les morceaux en B-side, notamment Σ sur le single Gips, qu’elle a déjà joué auparavant en concert pendant sa tournée universitaire Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Hisako Tabuchi du groupe Number Girl y joue de la guitare. Sheena precise dans Le magazine qu’elles sont amies depuis longtemps (Number Girl est aussi originaire de Fukuoka). Sheena l’appelle même Chako chan (チャコちゃん) dans l’interview (bien qu’elle soit de trois ans son aînée). Sheena lui aurait demandé du jour au lendemain de jouer sur ce morceau ce qu’elle aurait tout de suite accepté. Hisako serait venue en train le lendemain jusqu’à l’appartement de Sheena pour ensuite partir toutes les deux vers le studio. Elle ne le dit pas, bien sûr, dans l’interview mais il est possible qu’elle habitait à Okachimachi (御徒町) à cette période là, lieu qui est d’ailleurs proche d’Ueno et Ameyoko. L’enregistrement de Σ aurait seulement demandé quelques prises ce qui aurait surpris Hisako car elle est habituée aux enregistrements de Number Girl prenant beaucoup plus de temps. Sheena nous donne ce genre de petits détails et anecdotes dans l’interview. En lisant l’interview, j’imagine très bien sa voix nous expliquant tout cela, celle de l’époque, pleine d’une sorte d’excitation et d’énergie un peu naïve de la jeunesse. Sur le même single Gips, j’adore la reprise du morceau Tokyo no Hito (東京の女) du groupe The Peanuts sorti initialement en 1970. J’avais d’ailleurs récemment repris les dernières paroles de ce morceau comme titre de billet. Le morceau 17 présent sur le single Tsumi to Batsu est également ancien, car elle l’a écrit au lycée alors qu’elle venait d’avoir 17 ans. Elle nous dit que les paroles sont restées inchangées depuis cette époque, à part quelques mots qu’elle a remplacé alors qu’elle était en homestay à Londres. C’est à peu près à cette période qu’elle décide de quitter le lycée. Elle a écrit les paroles en anglais car elle appréciait beaucoup la chanteuse Janis Ian à cette époque. L’anglais donne une impression très mature à son chant sur ce morceau (c’était d’ailleurs ce qu’indiquait Ikkyu Nakajima à propos de ce morceau lors d’une interview ). L’autre morceau du single Tsumi to Batsu, Kimi no Hitomi ni Koi shiteru (君ノ瞳ニ恋シテル), est également chanté en anglais car il s’agit d’une reprise du morceau Can’t Take My Eyes Off You écrit par Bob Crewe et Bob Gaudi pour le chanteur Frankie Valli en 1967. Dans l’interview, Sheena nous dit qu’elle aimait en fait chanter la version du chanteur anglais Engelbert Humperdinck. L’interviewer aborde les paroles du morceau Gips en disant qu’elles ont quelque chose d’effrayant, ce qui me rappelle qu’elles font référence à Kurt Kobain en mentionnant directement les prénoms de Kurt et Courtney et en évoquant l’arrivée du mois d’Avril comme un mauvais souvenir (c’était le mois de son suicide en 1994). Sheena a écrit ce morceau un an après sa mort, quand elle avait 17 ans.

L’interviewer Yuichi Hirayama pose ensuite la question du prochain album Shōso Strip qui n’est pas encore sorti au moment de l’interview mais qui sortira dans quelques mois. Elle ne donne en fait pas le titre de l’album dans cette interview mais donne seulement les initiales SS, tout en indiquant qu’il vient après Muzai Moratorium qui avait les initiales MM. Elle ne l’indique pas clairement dans l’interview mais suggère une logique dans le choix des noms d’albums à travers les initiales choisies. Je me demande s’il ne s’agit pas de M pour Masochisme et S pour Sadisme, car on sait qu’elle utilisait souvent ce dernier qualificatif à son propos au début de sa carrière. La suite est plus mystérieuse car elle indique que MM et SS à eux deux font 24 morceaux (11 sur Muzai Moratorium et 13 sur Shōso Strip) et ça a l’air de beaucoup la satisfaire. Elle explique à l’interviewer qu’elle aime les maths et que pour elle, 24, c’est « ハッサンニジューシ » ou à l’inverse « サンパニジューシ ». L’interviewer, un peu perdu dans cette explication, lui dit qu’il ne comprend pas ce qu’elle veut dire et change donc rapidement de sujet. J’aurais bien aimé écouter une version audio de cette interview à ce moment particulier d’incompréhension. Je me suis aussi demandé ce qu’elle voulait dire. J’ai vite compris que « ニジューシ » correspond à 24, le nombre total de morceaux des deux albums, mais pourquoi « ハッサン » pour 83 et « サンパ » pour 38… Ne trouvant pas d’explications logiques, je fais appel au fiston qui, lui, comprend très vite que ça correspond à 8 multiplié par 3 (ハッサン) ou 3 multiplié par 8 (サンパ). Il s’agit apparemment d’un moyen mnémotechnique pour se souvenir des tables de multiplication. Le mystère est peut être résolu mais ce qui m’intéresse quand même beaucoup, c’est que Sheena accorde une importance certaine à ce genre de chose pour ses albums. Ce détail mathématique vient compléter certaines des propriétés arithmétiques et géométriques de l’album Shōso Strip (symétrie des morceaux, durée de 55mins 55sec) que l’on connaît déjà. L’interview ne fait que quatre pages mais il est riche en information, dont un grand nombre que je ne connaissais pas. J’aime surtout les petites anecdotes qui permettent de mieux comprendre la construction d’un morceau qu’on a déjà beaucoup écouté et qui permettent de l’écouter ensuite avec une oreille un peu différente. Le problème qui découle de ce genre de lecture est que j’ai bien peur d’être parti pour rechercher d’autres anciens magazines de cette époque. En attendant, j’irais bien faire un petit tour dans les rues d’Ueno, à Ameyoko, pour voir si j’y trouve la trace du vendeur de disques dans lequel elle aurait travaillé.

Je partage ci-dessous une petite playlist de 8 morceaux à l’esprit rock, se composant exclusivement de morceaux intitulés Tokyo ou 東京. Les trois images ci-dessus sont extraites des vidéos YouTube de trois des morceaux de cette playlist: De haut en bas, PEDRO, Kinoko Teikoku (きのこ帝国) et Kuwata Keisuke (桑田佳祐).

1. Tokyo par SCANDAL
2. 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり)
3. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国)
4. 東京 par PEDRO
5. 東京 par Quruli (くるり)
6. TOKYO par Sheena Ringo (椎名林檎)
7. 東京 par Yazawa Eikichi (矢沢永吉)
8. 東京 par Kuwata Keisuke (桑田佳祐)

Allez savoir pourquoi, l’idée m’est soudainement venue de construire une playlist avec uniquement des morceaux de musique japonaise dont le titre est Tokyo (ou 東京). En fait, il y a un morceau de Keisuke Kuwata (桑田佳祐) prenant ce titre que j’écoute régulièrement, une fois de temps en temps quand l’envie me prend soudainement. Il est sorti en 2002 et je me souviens l’avoir acheté en digital peu de temps après sa sortie. Je n’ai pourtant aucune attirance pour la musique de Keisuke Kuwata ni pour celle de son groupe Southern All Stars (サザンオールスターズ), bien qu’il me soit déjà arrivé plusieurs fois quand j’étais plus jeune de chanter en groupe le morceau Tsunami de Southern All Stars. Ce morceau était extrêmement populaire à sa sortie le 26 Janvier 2000 (tiens, le même jour que la sortie de Gips et Tsumi to Batsu). Tokyo de Keisuke Kuwata m’a beaucoup impressionné dès la première écoute, notamment en raison de sa manière de chanter très lente et insistante. Ce morceau accompagnerait bien un film noir avec une histoire d’amour compliquée, car je lui trouve une ambiance de passion toute cinématographique. Le morceau n’a pas, à ma connaissance, été utilisé pour un film mais Kuwata dit lui même de ce morceau qu’il a une atmosphère de drama à suspense (サスペンスドラマ的な雰囲気). Réécouter ce morceau m’a rappelé que j’ai dans ma librairie iTunes plusieurs morceaux prenant le titre de Tokyo, et m’a donc donné envie de faire une petite playlist. On trouve bien entendu dans cette playlist le morceau TOKYO se trouvant en position centrale sur le dernier album de Sheena Ringo, Sandokushi. C’est un de mes préférés sur l’album. L’intensité du chant et la beauté impressionnante de la partition de piano y sont pour beaucoup. Le titre de ce billet est en fait la dernière phrase des paroles de ce morceau. Tout comme sur Tokyo no Hito (東京の女), le morceau se termine sur le mot Tokyo s’allongeant longuement pour évoquer peut être la taille gigantesque de cette ville. Ma playlist est très variée mais a quand même clairement une tendance rock. Elle démarre par un morceau du groupe de filles, originaires d’Osaka, SCANDAL. Le Tokyo de SCANDAL est plein d’une énergie puissante en guitares mais conservant une certaine légèreté dans son approche très pop. Je ne connaissais pas vraiment ce groupe et je découvre ce morceau récemment. Je m’étais toujours dit qu’il s’agissait d’un groupe monté de toute pièce, mais en fait non, les quatre membres de SCANDAL se sont en fait rencontrées au lycée et ont commencé leur carrière musicale en jouant des live de rue avant de se faire rapidement remarquer par un label de rock indé. Le morceau qui suit dans ma playlist est 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり). Il est beaucoup plus sombre et introspectif. J’avais déjà parlé de cette version de ce morceau, légèrement différente de l’originale, lorsque je l’avais découvert, il y a quelques années de cela. Il y a dans ce morceau une tension musicale et vocale très forte et prenante, brute et instinctive surtout dans sa deuxième partie et sur le final. Je me demande rétrospectivement si ce n’est pas le morceau que je préfère de Haru Nemuri, peut-être plus que les morceaux de Haru to Shura. J’y trouve une intensité émotionnelle que je ne retrouve pas dans les derniers morceaux qu’elle compose. Ce morceau me rappelle tout l’enthousiasme que j’éprouvais pour la musique de Haru Nemuri à sa découverte. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国) est également un morceau rock indé chargé d’émotions. Je le découvre également récemment alors que j’avais beaucoup écouté les premiers albums du groupe, notamment Eureka, que j’avais déjà évoqué sur ce blog. Chiaki Satō, qui mène le groupe au chant et à la guitare, est une de ces interprètes qui vivent la musique avec passion. On le ressent également sur ce morceau qui est le premier de l’album Fake World Wonderland sorti en 2014. Le 東京 qui suit est interprété par le groupe PEDRO, composé entre autres d’Ayuni D de BiSH à la basse et au chant et d’Hisako Tabuchi à la guitare électrique. J’ai déjà parlé de PEDRO ici. Je n’aime pas tous les morceaux du groupe mais celui-ci me plaît beaucoup. Une des conditions est d’accepter la voix d’Ayuni qui part volontiers vers les aigus. J’aime beaucoup l’atmosphère rock du morceau et les petits sursauts de voix d’Ayuni à la fin des refrains. 東京 par Quruli (くるり) est également un morceau dont j’ai déjà parlé sur Made in Tokyo alors que je découvrais l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en 1999. Comme je l’évoquais précédemment, ce morceau évoque le départ de sa ville natale pour aller vivre à Tokyo en laissant une personne aimée derrière soi. C’est ce qu’on appelle le jōkyō (上京), le départ vers Tokyo, en japonais. Il faut noter que tous les groupes, compositeurs, compositrices et interprètes de cette playlist ont fait ce départ vers Tokyo, ce qui explique certainement ce besoin de prendre Tokyo comme thème d’un morceau. Quruli est par exemple un groupe originaire de Kyoto. SCANDAL, je le mentionnais vient d’Osaka. Haru Nemuri est originaire de Yokohama. Chiaki Satō de Kinoko Teikoku vient de la préfecture d’Iwate. Ayuni D de PEDRO est originaire de Sapporo tandis qu’Hisako Tabuchi vient de Fukuoka, tout comme Sheena Ringo. Keisuke Kuwata est né à Chigasaki dans la préfecture de Kanagawa, tandis que Yazawa Eikichi (矢沢永吉) est originaire d’Hiroshima. Je n’ai pas encore évoqué Yazawa Eikichi dont le morceau Tokyo, datant de 1993, fait également partie de ma petite playlist. Yazawa Eikichi est un monstre sacré au Japon fêtant tout récemment ces 50 années de carrière musicale. Il n’est pas rare d’apercevoir dans tout le Japon des voitures ou des camions décorés d’autocollants du logo de Yazawa. A vrai dire, je n’ai pas l’habitude d’écouter sa musique, mais j’ai tout de suite été saisi par celle-ci. Comme pour le morceau de Keisuke Kuwata, on y ressent une atmosphère cinématographique. Le Tokyo de Yazawa Eikichi a en fait été utilisé pour un drama policier. Je ne suis pas sûr de poursuivre l’écoute avec d’autres morceaux de Yazawa Eikichi, mais j’aime beaucoup le fait que cette petite série prenant pour titre Tokyo, m’a ouvert quelques nouveaux horizons.

海のように暖かくて寒い

Après avoir participé à une opération groupée de nettoyage des plages de la baie de Tokyo à Odaiba, je me décide à rentrer à pieds en traversant une nouvelle fois le Rainbow Bridge. Je garde un bon souvenir de ma première traversée par la voie Sud côté Océan Pacifique. Je me décide cette fois-ci pour la voie Nord donnant une vue sur l’intérieur de la baie et sur les tours de Tokyo au loin. Le ciel était plus couvert et l’air plus humide que la dernière fois mais les conditions restaient suffisamment agréables pour marcher pendant longtemps. J’aime cette perspective d’avoir à marcher longtemps et le sentiment d’isolation temporaire que provoque la longue traversée du pont, comme si on entrait dans un espace parallèle coupé du monde pendant plusieurs dizaines de minutes. Il y a peu de personnes qui traversent le pont à pieds et j’espère que ce billet ne va pas lancer une nouvelle mode. J’en doute fortement, ceci étant dit. Il est certain que ce pont me fascine, pour ces formes courbes, pour ces voies piétonnes qui se détachent des voies routières lorsqu’on approche d’Odaiba, pour la superposition des routes, autoroute et voie de train de la ligne Yurikamome. Les voies piétonnes ne longent malheureusement pas la grande boucle routière, impressionnante lorsqu’on y circule en voiture. J’appréciais particulièrement la parcourir à moto il y a plus de 15 ans et je faisais parfois même volontairement le déplacement.

En traversant le pont, j’ai également eu le plaisir d’apercevoir le bateau Hotaruna, dessiné par Leiji Matsumoto. Avec Himiko, Hotaruna est un des deux bateaux de la flotte reliant Asakusa à Odaiba sur la rivière Sumida. La sixième photographie montre la tour Yokoso Rainbow Tower à la forme triangulaire très particulière et même emblématique. Comme je le mentionnais sur mon compte Instagram, j’ai toujours interprété le nom du building Yokoso, qui veut dire bienvenue, comme un message d’accueil dans le centre de Tokyo. Lorsque je suis arrivé pour la première à Tokyo en 1999 depuis l’aéroport de Narita, qui était le seul desservant les vols internationaux à l’époque, ce building a été le premier souvenir architectural remarquable que j’ai eu. JapanPropertyCentral m’indique que Yokoso est en fait une contraction de Yokohama Soko, mais j’aime à penser que l’utilisation de Yokoso est volontaire vu l’emplacement du building à l’entrée du centre de Tokyo. Une contraction en Yokosoko m’aurait paru plus naturelle en japonais. Comme le fait également remarquer WakameTamago, on peut remarquer une certaine influence de la bulle économique dans ce building. Bien qu’il a été construit en 1995, après l’éclatement de la bulle, on ressent tout de même une certaine extravagance dans cette forme triangulaire très inhabituelle ne prenant pas en compte les considérations actuelles d’optimisation de l’espace utilisable. En ce sens, on y ressent des restes de la bulle.

Depuis quelques semaines, je reprends plaisir à marcher à l’extérieur sans porter de masque bien que la plupart des gens continuent à le porter malgré les messages d’assouplissement donnés par le gouvernement. Je le remets bien sûr à l’intérieur et lorsque la foule se fait plus dense près des stations. Un des grands plaisirs de pouvoi enlever le masque à l’extérieur est de retrouver les odeurs de la rue, celles de l’encens lorsqu’on approche des temples, celles des arbres et des plantes bordant certaines rues, celles des parfums lorsqu’on croise en un coup de vent d’autres passants, celles du bain chaud lorsqu’on passe le soir devant certaines maisons ayant laissées une fenêtre entrouverte, celles de la cigarette d’un passant qu’on renifle en passant comme si on fumait soi-même, celle du charbon de bois chauffé dans un barbecue coréen. Pendant presque deux ans, on s’était privé d’un de nos sens.

Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) a souvent des idées originales à proposer à son groupe Tricot. La dernière idée en date était de diffuser une émission en direct sur YouTube pendant 24h non-stop. L’émission s’est déroulée du samedi 28 Mai à partir de 21h jusqu’au lendemain dimanche 29 Mai même heure. Je n’ai bien sûr pas pu tout regarder, mais j’ai quand même passé quelques heures en tout à regarder le groupe jouer des morceaux demandées par l’assistance, en provenance du monde entier si on en croit les commentaires. Il y avait également des invités comme Kentarō Nakao (中尾 憲太郎), bassiste du groupe Number Girl et producteur. Ikkyu l’avait en fait déjà invité dans l’émission Wow Music sur J-Wave qu’elle animait temporairement. Pendant cette interview, j’apprends notamment que Montifour Kida (キダ モティフォ) appréciait Sheena Ringo à ses débuts et le fait que Sheena était fan de Number Girl (elle allait les voir en concert à Fukuoka) a amené Montifour à également s’intéresser au groupe. Pendant l’émission YouTube, les spectateurs pouvaient faire des dons en utilisant la fonctionnalité Super Chat (スパチャ) de YouTube pour que leurs messages soient lus en direct pendant l’émission. Les dons s’additionnant, un nouveau morceau était interprété à chaque fois que les sommes accumulées dépassaient 30,000 Yens. A 300,000 Yens au compteur, le groupe devait créer en direct un nouveau morceau. Ce montant a été atteint dans le journée de dimanche et le groupe s’est donc mis au travail pendant environ deux heures pour créer un nouveau morceau qui apparaîtra certainement en bonus sur un futur single ou EP. Une des surprises de l’émission était de voir soudainement arriver une personne en costume de l’agence HoriPro venant proposer un contrat à Tricot. Avex diffuse les albums de Tricot depuis le quatrième album Makkuro (真っ黒), mais il s’avère que le groupe n’avait pas d’agent jusqu’à maintenant. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un canular mais c’était vraiment un agent de HoriPro venant proposer en direct au groupe un contrat de 100 millions de Yens. HoriPro est surtout connu pour être une agence pour talents, acteurs et actrices mais moins pour des groupes de rock. J’espère que cette décision ne va pas influencer la direction artistique du groupe, mais si cela peut donner un peu plus de présence télévisée, ça serait une très bonne chose. La présence d’Ikkyu dans le super-groupe Genie High du producteur renommé Anon Kawatani a certainement été déclencheur de cette décision. J’imagine que cette décision avait déjà été prise avant l’émission et que le groupe a mis en scène la surprise de la visite de l’agent de HoriPro. Ils savent en tout cas très bien jouer la comédie. Avec une vingtaine de morceaux joués pendant l’émission YouTube et ce genre de coup de théâtre, je ne me suis pas ennuyé. Les quelques captures d’écran ci-dessus ont été prises pendant l’émission qui n’est malheureusement pas visible en différé.

obscure, la force est noire …

… noir comme le château où flotte l’étendard, notre drapeau. Ce building couvert de plaques de métal noir à Jinbōchō (神田神保町) me fascine tout comme le building Yasuyo Building de Nobumichi Akashi à Shinjuku. Il s’agit du Jimbocho Theater conçu par Nikken Sekkei, utilisé comme salle de spectacle Manzai par l’agence de comédiens Yoshimoto Kogyo. On y trouve également une école de comédie aux derniers étages et une salle de cinéma au sous-sol opérée par la maison d’édition Shogakukan. J’ai toujours trouvé étrange d’avoir choisi un design aussi agressif pour une agence de comédie. J’aurais pu comprendre si l’humour qu’on y pratiquait était incisif, mais ce n’est pas vraiment le cas de Yoshimoto, à ma connaissance. Le building n’a pas changé depuis la première fois que je l’ai vu en 2007, mais je m’attendais à voir certaines plaques noires repeintes en orange éclatant. Je suis en fait revenu voir Jimbocho Theater pour voir ce mélange de couleurs mais la couleur orange avait déjà disparu. Peut-être que cette touche de couleur était une tentative d’adoucir l’aspect visuellement inhospitalier du lieu. Ce building fait vraiment figure d’anomalie dans le quartier des librairies plutôt composé de vieux immeubles. Il ressemble à un objet spatial non-identifié qui aurait soudainement atterri dans le quartier. On me souffle même sur Instagram qu’il ressemble au casque de Dark Vador, mais qui clignerait de l’oeil comme pour nous signifier qu’il a bien conscience de ne pas être à sa place ici mais prend un malin plaisir à être disruptif. Le quartier de Jinbōchō était autrefois le domaine du samouraï Nagaharu Jinbō, le design de ce building est peut-être inspiré par les formes d’un casque de samouraï, en version modernisée. Ces formes aiguës défensives me font en tout cas penser à un château noir, une version moderne de ceux de la période guerrière de Sengoku. Juste à côté du Jimbocho Theater, je ne manque pas d’aller faire un petit tour dans la librairie spécialisée en architecture Nanyodo. Une grande quantité de livres y est condensée sur deux étages. Quelques ouvrages me font bien envie mais on n’a plus beaucoup de place à la maison pour de nouveaux livres. Notre petite bibliothèque, un meuble au style chinois acheté dans une brocante il y a très longtemps, est plein à craquer et j’ai peur qu’il s’affaisse un jour où l’autre sous le poids des livres. Le dernier gros bouquin que j’ai acheté est le recueil de photographies de Mika Ninagawa et il se trouve toujours en apparence sur la table basse du salon. J’ai une attirance pour les gros livres, comme ceux du making of des trois premiers Star Wars posés en apparence dans un coin du salon, mais c’est maintenant devenu difficile d’en ajouter un discrètement sans attirer l’attention.

De passage à Jinbōchō, je visite à chaque fois la librairie Komiyama Tokyo, qui vend des livres d’occasion mais ressemble également beaucoup à une galerie d’art avec quelques artistes montrant leurs œuvres un peu partout dans la librairie. J’aime surtout la désorganisation générale du magasin, qui donne l’impression qu’on pourra y trouver des trésors cachés. Les trésors peuvent être parfois très onéreux. Les quatre étages de la librairie sont spécialisés en photographies artistiques, parfois à tendance érotique, mais aussi en illustrations d’artistes japonais actuels comme cette illustration d’Akiakane (秋赤音) que je montre ci-dessus. Les affiches vintage de Star Wars côtoient celles de Tadanori Yokoo ou de la marque de street wear Supreme. J’aurais bien acheté celle avec Kate Moss, mais ça aurait difficilement passé à la maison. Et puis, l’affiche était de toute façon hors de prix. Je comprends un peu mieux pourquoi elles sont vite subtilisées quand elles sont affichées dans les rues de Tokyo. J’avais vu celle de Kate Moss près d’Harajuku il y a tout juste dix ans. On y trouvait également en vente l’affiche Supreme avec Neil Young. Mais de Suprême, je préfère NTM dont je réécoute soudainement l’album Paris sous les bombes (de graffitis, précisons bien). Je ne l’avais pas réécouté depuis plus de 25 ans, et j’avais un peu oublié la violence de certaines paroles. Mais quelle puissance verbale quand même. Dans la librairie Komiyama Tokyo, je suis surpris de voir des illustrations de COOKIE (くっきー!). Je le connaissais comme comédien de l’absurde (chez Yoshimoto Kogyo, d’ailleurs), et en musicien dans le groupe Genie High avec Enon Kawatani et Ikkyu Nakajima (entre autres), mais pas comme artiste graphique. Je ne suis pas sûr qu’il excelle dans tous ces domaines, mais tout n’est pas si facile. Tout ne tient qu’à un fil.