sakura overload (un fleuve urbain)

Les sakura étaient cette année comme une belle princesse qui se fait attendre à une réception (ou comme une rockeuse en kimono qui tarde à monter sur scène). Les cerisiers en fleurs se sont fait attendre en arrivant beaucoup plus tard que d’habitude, et en bouleversant par la même occasion l’organisation des diverses festivités ponctuelles accompagnant leur arrivée. La floraison est aussi imprévisible qu’éphémère et on nous avait assez répété à la télévision que ce week-end était le moment ou jamais pour apprécier les cerisiers en fleurs cette année. On sait que pluie et vent nous attendent la semaine prochaine, et il faudra être stratégique pour pouvoir profiter pleinement des paysages fleuris avant le point de non-retour. Cette présentation de la situation semble bien dramatique mais il n’en est rien. Cela fait 25 ans que je vois des cerisiers en fleurs tous les ans et l’effet de surprise s’est quelque peu estompé. Malgré cela, nous restons tout de même comme hébétés devant la beauté de ces cerisiers quand ils sont à leur pic de floraison. Je me demande bien quel effet addictif ces arbres parviennent à nous transmettre. On ne se lasse pas de les regarder et on éprouve à chaque fois le besoin renouvelé de partir à leur recherche, que ça soit dans l’environnement urbain proche de nous ou dans les campagnes aux alentours de la ville. Nous essayons en général de profiter des deux. Et les Sakura ne sont jamais aussi beaux que quand ils se réunissent pour former des toits ou des tunnels. L’avenue Meiji entre les carrefours de Tengenjibashi et de Shibuyabashi est trop large pour que les cerisiers de chaque coté se rejoignent pour former un tunnel mais l’endroit n’est en pas moins magnifique en cette période. Les cerisiers sont ensuite plus petits et moins fleuris entre Shibuyabashi, au niveau de la salle de concert Liquidroom que je montre en photo, et la station de Shibuya. L’avenue Meiji est souvent le premier endroit où je vais admirer les cerisiers en fleurs et naviguer cette rivière urbaine en voiture est à chaque fois une belle expérience.

Et pour accompagner la beauté parfois oppressante des cerisiers, je sélectionne quatre morceaux à tendance hip-hop plus ou moins marquée. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais vraiment eu l’idée d’écouter la musique du groupe Kroi. Je pensais, pour je ne sais quelle raison, que leur style musical n’était pas pour moi. Je me rends compte que c’était une erreur en écoutant le single Hyper sur un EP du même nom sorti en Octobre 2023. Kroi est un groupe de Tokyo créant sa musique en fusionnant les genres, entre rock et hip-hop mais aussi Funk, Soul et R&B. L’idée du groupe est de créer une nouvelle musicalité en mélangeant tous ces styles musicaux et c’est en fait la signification de leur nom de groupe. Kroi vient du mot Kuroi (黒い), « noir » en japonais, qui est la couleur résultante lorsque toutes les couleurs sont mélangées. Kroi a été fondé en 2018 par Reo Uchida (内田怜央), au chant et guitare, et Yūki Hasebe (長谷部悠生), à la guitare, accompagnés de Masanori Seki (関将典) à la basse, Hidetomo Masuda (益田英知) à la batterie et Daiki Chiba (千葉大樹) aux claviers. Le morceau Hyper que j’écoute en ce moment correspond tout à fait à cet esprit de fusion musicale. Le tout début du morceau commence par une guitare très lourde et la voix sombre de Reo Uchida me rappellerait presque le grunge hardcore d’Alice in Chains, mais l’ambiance du morceau change très vite avec une voix rappée et un rythme extrêmement dynamique mélangeant même les cuivres. Ce melting-pot musical a une construction certes atypique mais montre une très grande maîtrise. Ce style aux apparences chaotiques n’est pas sans me rappeler l’approche stylistique du Millenium Parade de Daiki Tsuneta. Je ne soupçonnais pas que Kroi créait une musique aussi dense et maîtrisée. On reste ensuite dans les ambiances hip-hop avec le morceau Jibun no Kigen ha Jibun de Toru (自分の機嫌は自分で取る) d’ASOBOISM, sur son album YOLO sorti en Août 2023. ASOBOISM est compositrice, interprète et rappeuse originaire de Totsuka dans préfecture de Kanagawa. Je connaissais son nom depuis quelque temps car elle évolue dans les cercles du hip-hop féminin proche d’Akko Gorilla (あっこゴリラ) et de Valknee dont j’ai déjà parlé sur ce blog. Akko Gorilla participe d’ailleurs au morceau d’ASOBOISM que j’écoute en ce moment avec une autre rappeuse nommée CLR. J’aime beaucoup les nappes musicales enveloppantes et vaporeuses de ce morceau et la manière dont la voix rappée d’ASOBOISM et des deux invités viennent s’y intégrer d’une manière parfaitement fluide. C’est un superbe morceau qui a même un petit quelque chose de relaxant. Le morceau de Valknee, Not For Me, de son premier album Ordinary sorti le 10 Avril 2024, a en comparaison une trame musicale de synthétiseur beaucoup plus agressive. J’ai toujours aimé cette approche sans concession mélangée à la voix rap tout à fait atypique de Valknee, mais j’avais un peu perdu le fil ces dernières années. J’aime beaucoup ce morceau, même si je ne suis pas certain d’écouter tout l’album. De l’album, le morceau Loose est très particulier dans sa manière de forcer les fins de phrases, mais démontre qu’elle maîtrise extrêmement bien son flot. Elle n’intègre pas de coréen dans ses morceaux, ce qui est un peu dommage car j’adore quand elle le mélange avec le japonais, mais elle garde un certain accent de Kanagawa. DAOKO vient de sortir un nouveau single Tenshi ga Itayo (天使がいたよ) qui est assez génial, très rythmé et dense musicalement dans une ambiance de néons que j’adore. Ce morceau sera à priori sur son cinquième album Slash-&-Burn qu’elle vient d’annoncer et qui sortira le 22 Mai 2024, accompagné d’une petite tournée de deux dates à Osaka et Tokyo en Juin à laquelle j’aimerais bien assister, si le fan club (dont je ne fais pas partie) ne raffle pas toutes les places. Vue qu’elle n’a pas sorti de nouvel album depuis quatre ans, avec Anima, j’imagine qu’il n’y aura pas beaucoup de places disponibles. Ça fait en tout cas plaisir d’écouter ce genre de morceaux où DAOKO semble trouver parfaitement sa place, à mi-chemin entre la J-POP mainstream et une approche musicale beaucoup plus indépendante.

city scape with film 9
(une disparition)

Je suis moi-même surpris de revoir la tour Nakagin de Kisho Kurokawa parmi les photographies argentiques prises il y a quelques années. J’aurais dû mal à dater exactement les quelques photos de la tour que je montre ci-dessus, mais c’était en tout cas avant l’annonce officielle de sa disparition définitive. Le parc Hamarikyū se trouve dans le même quartier que Nakagin, en se rapprochant de la baie. Je me souviens avoir observé pendant un petit moment le chat de la septième photo. Il s’y promenait comme s’il était le propriétaire, d’un air sûr et d’une allure royale, d’autant plus qu’il n’y avait pas un chat dans ce parc, sauf lui et moi. Enfin, moi, je ne suis pas un chat, sauf la nuit dans mes rêves. Je m’échappe toujours par les toits. La partie Sud de la résidence est plus basse et donne facilement accès au parc adjacent qui donne ensuite un accès facile à la rue. Découvrir la ville la nuit avec les yeux d’un chat est une expérience très différente de ce que j’éprouve le jour dans les rues de Tokyo. Il arrive parfois que je me vois rentrer du bureau d’un pas rapide, les écouteurs dans les oreilles et le regard fixé vers l’avant. Il ne me voit pas car je me cache toujours à son passage. Je disparais dans la pénombre. Je l’observe tranquillement puis repars quand la voie est libre. Je ne peux malheureusement pas ramener d’images de ces virées la nuit. Ces images ne me restent pas en tête pour pouvoir les raconter ensuite, car je ne me souviens jamais de mes rêves. Les autres photographies du billet se mélangent à celles d’Hamarikyū et de la tour Nakagin. Elles ont été prises dans le parc Inokashira et à Shibuya.

city scape with film 8
(une énergie)

Ces quelques photographies sur film proviennent d’une pellicule que j’avais démarré il y a plusieurs années et que je n’ai fait développer que récemment. Une des premières photographies de cette pellicule montre l’affiche de l’album Sandokushi de Sheena Ringo posée au coin du Tower Records de Shibuya, ce qui m’indique qu’elle a été démarrée vers le mois de Mai 2019. J’avais dû prendre quelques photos en 2019 puis délaisser cette pellicule pendant plusieurs mois voire années. Ce qui est amusant c’est que je mentionnais déjà cette pellicule noir et blanc dans un billet de Juin 2019 en me demandant quand je pourrais bien la finir. J’étais loin de me douter que ça me prendrait plusieurs années. Je pense l’avoir terminé il y a plus d’un an mais elle est resté près de l’ordinateur sans que j’y touche jusqu’à maintenant. De ce fait, je n’ai plus de souvenirs très précis de ces photographies, et c’est ce qui me plait d’une certaine manière. Je ne suis par contre pas certain de reprendre des photos argentiques avec mon EOS10, car le coût de développement est assez prohibitif, même sur CD comme c’était le cas pour cette pellicule noir et blanc. Il m’a fallu attendre dix jours pour le développement par un petit magasin de photo. On est pour sûr très loin de l’immédiateté du numérique. Ça m’étonne moi-même mais je n’avais pas montré de photos argentiques depuis Octobre 2015, avec une série de sept billets intitulé city scape with film. La présente série en noir et blanc ne fera que deux épisodes mais vient en quelque sorte compléter celle déjà commencée. Pour ce premier billet, on passe par le centre de Shibuya, le parc Inokashira à Kichijōji, celui d’Hibiya, le bâtiment Nissan Crossing à Ginza et pour terminer, un vieil arbre posé dans le parc de La Croix Rouge à Hiroo. Ce grand arbre est tenu par des béquilles mais semble rester fort. Je le regarde toujours quelques instants lorsque je passe devant, histoire d’emprunter un peu de son énergie.

rouge comme le feu

Je mentirais si je disais que je n’avais pas fait le déplacement exprès pour aller voir ses affiches géantes de la compositrice et interprète a子 dans centre de Shibuya. On pouvait voir ces grandes affiches à plusieurs endroits à Center-Gai et près du parc Miyashita. Ce mode d’affichage n’est pas rare à Shibuya et je me souviens d’une campagne d’affichage pour l’agence Wack, mais qui allait cependant plus loin dans le mode guérilla. J’aime en tout cas le côté ludique d’essayer de découvrir toutes les affiches et de les prendre en photo dans leur environnement urbain. Cet affichage correspond à la sortie de son premier single intitulé Planet (惑星) sur un label majeur, IRORI Records sur Pony Canyon. J’avais déjà parlé de ce single dans un précédent billet et je pense d’ailleurs avoir évoqué sur ce blog tous ses nouveaux singles et EPs depuis ses débuts au fur et à mesure de leurs sorties. Ça fait en tout cas plaisir de la voir grimper les échelons. Des affiches sont également placées au niveau de l’ancien cinéma Rise, actuellement salle de concert WWW et WWW X où j’avais été la voir avec son groupe pour son premier Oneman Live. Cette photographie prise par la photographe YONNLIN est très réussie car elle donne une impression nuancée du visage de a子 entre apaisement et feu intérieur comme le rouge extravagant de sa chevelure.

Si je ne me trompe pas, AAAMYYY n’avait pas sorti de nouvelle musique en solo depuis le EP Echo Chamber sorti en Juillet 2022. Ça fait beaucoup de bien d’entendre à nouveau la voix légèrement voilée immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY sur un nouveau single. Ce single s’intitule Savior. Il est sorti le 10 Février 2023 et est co-produit par Wataru Sugimoto (杉本亘) aka MONJOE. L’esprit du morceau est assez fidèle à ses précédents morceaux. Il est extrêmement bien produit ce qui donne une grande fluidité à son chant même si elle alterne constamment entre le japonais et l’anglais. Cette fluidité et la dynamique du flot parfaitement millimétré me plait vraiment beaucoup, d’autant plus que la voix d’AAAMYY qu’on a tendance à imaginer comme un peu nonchalante s’y accorde parfaitement. D’après l’affiche du concert Option C du 7 Mars 2024, on retrouvera MONJOE comme DJ/MP (MP pour Music Producer, j’imagine). Les invités confirmés seront assez nombreux. Je ne suis pas surpris de voir TENDRE sur l’affiche car il participe souvent aux morceaux d’AAAMYYY. Parmi les noms mentionnés, on trouve Shin Sakiura qui a arrangé plusieurs de ses morceaux, les rappeurs Ryohu et (sic)boy qui ont chantés en duo sur certains de ses morceaux, notamment le superbe Hail pour (sic)boy, KEIJU qui est également rappeur mais je ne connais pas de morceaux sur lequel il était en duo avec AAAMYYY. Je lui connais seulement une participation au morceau Link Up de Awich. Je lis sur l’affiche d’autres noms comme Shō Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S, Zata, entre autres. Je suis assez curieux et impatient d’entendre ce que ça va donner. Le morceau intitulé Fukashi Tentai (不可視天体) a été composé par DAOKO en utilisant le synthétiseur VOCALOID V AI Juon Teto (重音テト). Elle a en fait soumis ce morceau de manière anonyme et en tant que rookie sur la chaîne Nico Nico Dōga (ニコニコ動画) à l’occasion d’un événement Vocaloid appelé The VOCALOID Collection ~2024 Winter~. Le nom qu’elle a utilisé pour son compte est ▷△○◁○ et on peut assez facilement noter la correspondance avec son nom d’artiste. Elle a de toute façon vendu assez rapidement la mèche sur Twitter, ce qui a suscité un heureux étonnement de la communauté VOCALOID sur Nico Nico Dōga. Dans son message Twitter, elle précise qu’il s’agit de la première œuvre musicale qu’elle réalise entièrement par elle-même. Et ce morceau Vocaloid, qui a été également publié sur YouTube quelques jours plus tard, est une belle réussite. J’adore la trame électronique d’apparence irrégulière et la voix rappée de Daoko un peu différente que d’habitude, un peu plus masculine dirais-je. Elle pourrait très clairement réaliser un album entier dans cet esprit. Le groupe SUSU (好芻) est un des projets parallèles d’Ikkyu Nakajima (中島イッキュウ) avec Kanji Yamamoto (山本幹宗). J’avais déjà parlé du mini-album intitulé Gakkari sorti en Septembre 2022, et le duo a sorti quelques nouveaux morceaux dont le single Cacao (カカオ) que j’aime beaucoup. L’ambiance générale assez cool et rêveuse de ce nouveau single reste fidèle aux morceaux que l’on connaît du mini-album, mais assez éloigné des rythmes souvent endiablés de Tricot. La musique de Tricot me manque d’ailleurs un peu car elles n’ont pas sorti de nouveau morceau ou album depuis un bon petit moment. J’essaie en tout cas d’aller les voir une nouvelle fois en concert au mois de Mai, mais les places sont soumises à une loterie donc c’est pas gagné et ma première tentative a échoué. Le fait que la première partie soit le groupe PEDRO, dont je parle de temps en temps sur ces pages, doit rendre l’obtention des places plus compliqué. Pour terminer cette petite sélection, je reviens encore une fois vers le rock du groupe Haze mené par Katy Kashii (香椎かてぃ) avec le mini-album intitulé Noize sorti le 31 Octobre 2022. Deux morceaux y sont particulièrement accrocheurs: Hikikomori Rock (引きこもりロック) et Gyalgal (ギャルガル). Sur le Hikikomori Rock, Katy démarre par une invective Boku no Hikikomori ga Rock ni Naru (僕の引きこもりがロックになる), qui interpelle. J’aime beaucoup l’agressivité accompagnée par les guitares qui rythment le morceau, avec toujours la voix de Katy à la limite du brut et roulant par moments les « r ». Le Hikikomori du titre et des paroles démarrant le morceau, fait référence au syndrome extrême d’isolement de toutes relations sociales qui touche certains adolescents. Dans ce morceau, Katy semble signifier que le Hikikomori s’est transformé pour elle en énergie rock. Ce single a pour sûr beaucoup d’énergie à revendre. Le morceau Gyalgal (ギャルガル) fait participer tous les membres du groupe au chant. On ne peut pas dire qu’elles chantent toutes très bien, mais ça contribue à cet esprit rock qui se base plus sur l’énergie que sur la justesse du chant. Et encore une fois, cette énergie est particulièrement présente, notamment au moment du refrain qu’on attend avec une certaine impatience à chaque écoute.

sonatine pour l’inconnu

Je me demande parfois s’il faut mieux montrer les choses ou seulement les suggérer. Sur une photographie, il peut se passer une multitude de choses que l’on ignore bien qu’on les voit. Que se passe t’il derrière les zones d’une photographie que l’on cache volontairement? Il s’y passe de nombreuses choses ou un néant absolu. Les choses que l’on voit nous laisse souvent imaginer les choses que l’on ne voit pas. Les choses que l’on ne voit pas semblent forcément plus interessantes que celles que l’on voit, mais qu’en est il réellement? La petite musique de l’inconnu nous attire inexorablement même si j’essaie parfois de l’ignorer. L’espace inconnu devant moi est vaste et sans limites apparentes. Je le parcours pendant de nombreuses années que je préférerais ne pas compter et j’essaierais toujours de montrer ici ce que je suis en mesure d’y découvrir.

J’ai fait quelques séances récentes de rattrapage des derniers films de Quentin Dupieux. J’ai visionné trois de ses derniers films à la suite, suivant les conseils de ma petite sœur. On se conseille en fait mutuellement les films du réalisateur car on a le même goût pour l’absurde en cinéma, et on aime en parler après par messages intercalés. Et Quentin Dupieux est un spécialiste de cet absurde qui nous fait souvent rire ou nous interroge. Depuis que j’ai vu son film Réalité en 2015, son univers bizarre me passionne. J’avais beaucoup aimé ses films suivants, Au poste ! et Le Daim, et je découvre maintenant Mandibules qui atteint d’autres sommets dans l’absurde. C’est toujours difficile d’être en mesure de raconter l’histoire des films de Quentin Dupieux sans trop en dévoiler et donc gâcher les effets de surprise. Il ne faut pas se laisser décourager par les affiches des films qui sont en général volontairement kitsch. Savoir que le film Mandibules, sorti en 2020, raconte l’histoire de deux demeurés, prenant la vie comme elle vient, se mettre en tête de dresser une mouche géante trouvée dans un coffre de voiture, peut laisser interrogateur. On se demande où Quentin Dupieux va trouver toutes ces idées et ses idées sont à chaque fois servies par un jeu d’acteur et d’actrice exceptionnel. Grégoire Ludig (Manu / Fred) et David Marsais (Jean-Gab) sont excellents de naturel dans leurs rôles de simple d’esprit et Adèle Exarchopoulos (Agnès) est assez prodigieuse. L’histoire d’Incroyable mais vrai, son film suivant sorti en 2022, tourne autour d’une maison possédant un pouvoir très particulier que l’on découvre au fur et à mesure du film. Là encore, le jeu d’Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier est excellent. Le film nous amène à des réflexions. Je le trouve un peu moins passionnant que Mandibules, mais ça n’enlève rien au fait qu’on est scotché devant son écran dans l’impossibilité de prédire quelle direction le film va prendre. Son dernier film Yannick, sorti en 2023, est très différent, prenant une direction plus réaliste et s’échappant de l’imaginaire absurde. Le film est porté magistralement par Raphaël Quenard jouant le rôle de Yannick, se levant dans une salle de théâtre pour se plaindre du jeu des acteurs. Ce personnage est à la fois effrayant et touchant, et on ne sait plus comment l’entrevoir au fur et à mesure que le film avance dans son histoire en huis-clos. Il faut noter que les films de Quentin Dupieux sont toujours très courts, environ une heure, et se regardent donc comme des petits épisodes nous faisant divaguer dans un univers décalé, le temps de quelques instants avant de revenir dans notre monde réel décidément bien normal.

Me rendre compte que D.A.N. avait composé et arrangé un des morceaux que je préfère de Daoko m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe. Je ne connaissais en fait que leur superbe dernier album NO MOON, sorti en Octobre 2021, que j’aime régulièrement écouter en partie ou en intégralité. Alors que je cherchais au Disk Union de Shin-Ochanomizu l’album anima de Daoko, je trouve à la place à la syllabe た, le deuxième album de D.A.N. intitulé Sonatine et sorti en Juillet 2018. Depuis que j’ai découvert NO MOON, j’ai hésité à continuer l’écoute de leur musique sur d’autres albums car j’avais une fausse perception que les deux albums précédents du groupe ne pouvaient pas être aussi bons que leur dernier. Sonatine n’atteint certes pas tout à fait le niveau de maturité de NO MOON, mais il est clairement dans la même veine. La voix de Daigo Sakuragi est magnifique de sensibilité, presque divine par moment, et les compositions musicales oscillent avec perfection entre des ambiances flottantes et d’autres beaucoup plus rythmées. J’aime particulièrement quand la musique de D.A.N. joue sur la longueur comme sur Sundance ou Borderland. Il y a plusieurs interludes purement instrumentaux plus ou moins longs avec des scènes atmosphériques qui me rappellent un peu celles qu’on peut entendre sur certains morceaux de Burial. L’ambiance y est par contre moins sombre. Le morceau Pendulum est un des plus aboutis de l’album, et compte avec le suivant Replica, parmi ceux que je préfère de l’album. Dans son ensemble, cet album est moins marquant que NO MOON mais possède une beauté diffuse qui nous accroche sans forcer le trait, car l’émotion qui s’en dégage est palpable.