Honganji & visual shock

Après avoir fait le tour du Dentsu Tsukiji Building de Kenzo Tange, je ne pouvais pas manquer de faire une visite rapide du grand temple Tsukiji Honganji situé tout près de la station de Tsukiji sur la ligne de métro Hibiya. Ce temple au style unique d’inspiration indienne fut conçu par l’architecte Itō Chūta en 1934. L’architecte a également imaginé la très particulière tour Gion Kaku dans l’enceinte du temple Daiun-in dans le quartier de Gion à Kyoto. Je me rends compte que ça fait 15 ans que je ne suis pas allé voir ce temple. La première et unique fois était en Mai 2006, sur le retour d’une promenade à moto avec Mari qui nous avait amené jusqu’à Toyosu encore en construction à l’époque. Je repense tout d’un coup à cette période avec beaucoup de nostalgie. Le temple Tsukiji Honganji n’a, en lui-même, pas changé mais son approche est bien différente. Un nouveau bâtiment moderne avec un café s’est installé sur la place sur l’aile gauche. En fait, je suis entré cette fois-ci à l’intérieur du temple, non seulement pour me remémorer l’ambiance des lieux, mais aussi pour vérifier si le petit autel dressé par des fans en l’honneur de Hide était toujours présent. Il y a 15 ans, j’avais été très étonné de voir cet autel consacré à Hideto Matsumoto, dit Hide, feu guitariste du groupe rock X JAPAN, mort le 2 Mai 1998 à l’âge de 33 ans. A cette époque, Je ne connaissais pas beaucoup X JAPAN et le statut culte du groupe, d’où mon étonnement de voir un groupe rock représenté dans un temple bouddhiste. En retournant au Tsukiji Honganji, je suis donc parti à la recherche de cet autel qui me semblait être dans un coin du hall principal. Ne le trouvant pas à l’emplacement de mes souvenirs, je descends d’un étage pour le trouver finalement sans trop de difficulté aux pieds du grand escalier orné de figures animalières. On y trouve toujours une multitude de photos, des carnets décorés, dessins et petites poupées à l’effigie de Hide.

Les funérailles du guitariste ont eu lieu dans ce temple et ont réuni une foule monstre de 50,000 personnes. On peut voir une vidéo d’extraits des news de l’époque couvrant l’événement, très intéressante pour la démesure de l’événement et le niveau d’adoration de nombreux fans. J’ai du mal à imaginer des scènes similaires se déroulant maintenant et je me dis que la musique de X JAPAN devait avoir une signification toute particulière pour toutes ces personnes réunies en pleurs. J’ai écouté plusieurs albums notamment leur plus connu, Blue Blood sorti en 1989, qui est d’ailleurs a l’origine du terme Visual Kei. Sans être fanatique du groupe, j’éprouve un certain intérêt pour leur musique car elle a marqué l’histoire du rock japonais et était à l’origine du mouvement Visual Kei, par lequel j’ai découvert le rock japonais. J’ai en fait beaucoup d’admiration pour Yoshiki, même si, à mon avis, il casse un peu son image dans certaines émissions télévisées ces derniers temps (je l’évoquerai un peu plus tard). J’avais acheté l’album Art of Life composé d’un long et unique morceau de 29 minutes, que j’aime beaucoup réécouter car c’est un moment de bravoure musicale. Yoshiki a écrit le morceau, y joue de la batterie avec un acharnement inégalé et continue avec délicatesse sur le piano avant de partir vers des notes expérimentales. Ce long morceau est poignant car on sait que Yoshiki ne fait pas de compromis et qu’il donne tout ce qu’il a en lui jusqu’à se blesser, ce qui arrive d’ailleurs très régulièrement. J’avais déjà parlé du film américain We Are X de Stephen Kijak sorti en 2016 revenant sur quelques étapes de la vie mouvementée du groupe. Je viens en fait de le voir car cette visite au temple Tsukiji Honganji m’a rappelé son existence. Entre autres complications et drames qui ont frappés X JAPAN, Yoshiki y évoque justement la mort de Hide, en parlant d’un accident plutôt que d’un suicide. Cet épisode reste flou, mais Hide reste un membre à part entière du groupe même après sa mort, même s’il est remplacé par Sugizo de LUNA SEA lors des apparitions du groupe sur scène. Il est enterré au cimetière de Miura Reien au fin fond de la péninsule de Miura dans la préfecture de Kanagawa, au delà du terminus de la ligne de train Keihin Kyūkō à Misakiguchi. C’est un endroit où j’ai souvent été (dans une autre vie), sans pour autant savoir que Hide était enterré là bas depuis peu. A en croire les photos que l’on peut voir de sa tombe, elle est tout autant décorée que l’autel qui lui est dédié au temple Tsukiji Honganji. Je connais seulement Hide par sa présence dans X JAPAN et je n’ai jamais écouté d’albums de sa carrière solo, mais cet attachement très fort de fans pour un artiste m’intrigue et m’impressionne beaucoup.

Les coïncidences, j’adore les coïncidences car elles conditionnent souvent les sujets de mes billets, font que l’émission Matsuko no Shiranai Sekai (マツコの知らない世界) parle justement de Visual Kei (ヴィジュアル系) dans un épisode diffusé peu de temps après ma visite du Tsukiji Honganji. Pour ceux qui ne suivent déjà plus au fond de la salle, j’avais dit dans un billet précédent que je reparlerais très certainement de cette émission que j’aime beaucoup pour son érudition humble. L’invitée de Matsuko Deluxe pour cette émission est une ancienne membre des forces de self-défense japonaise (元自衛官) reconvertie en spécialiste du mouvement Visual Kei sur lequel elle écrit. Chiaki Fujitani (藤谷千明) nous présente pendant l’emission sa découverte de ce genre musical au tout début des années 90 au moment de l’explosion de la bulle économique, ainsi que les différents styles qui composent le genre. Elle a elle-même le style vestimentaire gothique qui va bien avec le genre et a un ton légèrement pinçant qui la rend assez amusante à suivre. Elle plaisante par exemple sur le fait que Yoshiki de X JAPAN est maintenant devenu une personnalité de première classe (一流芸能人) en référence à sa participation (avec d’ailleurs Gakt, ex-membre d’un autre groupe visual kei appelé Malice Mizer) dans l’émission télévisée Geinōjin kakuzuke Check ! (芸能人格付けチェック!) animée par Hamada Masatoshi du duo comique Downtown. Elle nous parle également des concerts monstres de la fin des années 90, notamment ceux de Glay et de LUNA SEA. Elle a d’ailleurs fait sa découverte du mouvement avec LUNA SEA, comme c’était le cas pour moi d’ailleurs. Elle nous parle de quelques groupes clés outre X JAPAN ou LUNA SEA, comme Kuroyume, Dir En Grey, Malice Mizer ou encore Shazna qui ont, pour certains, développé un style androgyne et flamboyant qui ne passe pas inaperçu. Je me souviens qu’Izam du groupe Shazna passait tous les matins dans une émission télévisée que je regardais d’un air mélangeant incompréhension et fascination. Il se trouve que je connais Izam et que j’avais été voir une pièce de théâtre de la série Bio Hazard dans lequel il jouait, mais il a bien entendu beaucoup changé. Il y a un côté très théâtral dans les accoutrements et les attitudes du Visual Kei, qui me rappellent un peu le théâtre Takarazuka qui joue également sur l’aspect androgyne, car tous les personnages y sont exclusivement interprétés par des femmes. Le Visual Kei est à ma connaissance exclusivement masculin mais les vêtements que portent les membres de ces groupes, leurs chevelures et leur maquillage viennent brouiller les pistes. Cette distinction stylistique pleine d’un romantisme sombre disparaîtra au fur et à mesure au cours des années 90 pour une représentation sur scène plus sobre. Dans l’émission de Matsuko, Chiaki Fujitani semble proclamer que le retour du Visual Kei est proche, et je suis d’ailleurs surpris de voir que des groupes actuels se réclament du style, sous de nombreuses variantes ceci étant dit. Matsuko abonde d’ailleurs en ce sens dans l’emission suggérant au public télévisé qu’il devrait se maquiller et aller crier (化粧してシャウトしないとダメですよ、人間), à la manière de ces groupes de Visual Kei, comme un geste libérateur des tensions de l’existence. Sans forcément aller jusque là, j’aime personnellement quand les artistes musiciens sortent de l’ordinaire.

A gauche: le groupe LUNA SEA au complet à savoir Sugizo, J, Inoran, Shinya et Ryuichi au centre. A droite: Hide, guitariste et figure emblématique de X Japan.

Ce mouvement Visual Kei m’intéresse conceptuellement mais je n’ai pourtant pas d’accroche pour la plupart voire majorité des groupes qui le composent, à part LUNA SEA pour lequel j’éprouve une sorte d’adoration (j’exagère bien sûr). Je l’ai déjà évoqué avant et à plusieurs reprises mais ce groupe a été ma porte d’entrée vers le rock japonais alors que j’étais encore étudiant en France. J’avais découvert à l’époque quelques morceaux du groupe sur Internet et je les écoutais en mp3 sur Winamp. Le premier single que j’ai acheté à Nagasaki en 1998 était le morceau I For You sur l’album Shine sorti cette année là. J’ai ensuite découvert petit à petit leurs albums en commençant par Shine, puis par une compilation de singles sortie en 1997 qui a été une porte ouverte sur les albums plus anciens du groupe pendant leur période la plus prolifique au milieu des années 1990. L’album MOTHER de 1994 est leur chef d’oeuvre, notamment le morceau final éponyme sur lequel je reviens très souvent. Cette musique peut être très aggressive sous certains aspects mais également très mélodique. On y trouve des ambiances sombres et gothiques, mais également par rares moments des rythmes plus pop même s’ils sont noyés dans les guitares. Enfin, la musique de LUNA SEA baigne dans un romantisme sombre, exacerbé par la voix de Ryuichi Kawamura. Je me souviens que lorsque j’ai écouté LUNA SEA pour la première fois, j’avais été d’abord surpris par ce style de chant qui peut être rebutant à la première écoute. Mais, le chant de Ryuichi s’est avéré pour moi fascinant, sa gamme vocale et les émotions qui s’en dégage y étant pour beaucoup. Une chose est sûr, la musique du groupe tout comme leur attitude ne laissent pas indifférents. On adore ou on déteste. Au tout début de mes années à Tokyo, lorsque je disais autour de moi que j’aimais la musique du groupe, on me rétorquait souvent que l’attitude narcissique de Ryuichi le rendait antipathique. Dans le même ordre d’idée, on me regardait d’un air bizarre lorsque je disais que j’aimais la musique de Sheena Ringo, vu qu’elle était perçue comme une personne atypique, sortant de l’ordinaire à cette époque. L’image de LUNA SEA s’est adoucie avec les années mais l’image qu’ils projettent reste à mon avis similaire. La musique du groupe garde une place toute particulière dans ma discothèque personnelle et j’y reviens assez souvent. Depuis plusieurs jours et même semaines, je me suis mis à écouter exclusivement la musique de LUNA SEA en revenant sur leurs anciens albums, notamment MOTHER (1994) et l’album suivant STYLE (1996) que je n’avais pas écouté depuis longtemps et que je redécouvre sous un autre jour maintenant. Il y a bien sûr le superbe morceau IN SILENCE sur cet album mais je me rends compte en le réécoutant que la totalité des morceaux sont excellents, au delà même de mon souvenir, notamment les ballades. Les incursions de guitares ou même de violon de Sugizo sont mémorables et fondent le son du groupe, tout comme peut l’être la puissance de la voix de Ryuichi. L’album MOTHER reste le point d’entrée le plus évident vers l’univers du groupe. Si un morceau comme le single très rapide ROSIER ou le morceau teinté de romantisme gothique MOTHER ne provoquent aucune émotion ou intérêt, il faut mieux passer son chemin. Comme X JAPAN , je pense que LUNA SEA représente une pièce importante de l’édifice du rock japonais.

nouveau moment

Une nouvelle année s’ouvre derrière les rideaux des temples et sanctuaires. Comme tous les ans, nous avons passé les premiers jours de la nouvelle année à Ofuna, près de Kamakura, d’une manière assez classique en regardant d’abord l’émission musicale « Kōhaku Uta Gassen NHK紅白歌合戦 » sur NHK le soir du réveillon jusqu’à un peu avant minuit. Regarder Kōhaku, c’est une tradition à laquelle on n’échappe pas. J’aime de toute façon regarder cette émission, car elle donne une bonne rétrospective de ce qui s’est passé musicalement au Japon pendant l’année écoulée. Il y a évidemment beaucoup et principalement de la musique populaire et commerciale mélangée avec des chansons plus anciennes dans le style Enka, pour plaire à tous les publics. Cela reste une chaîne publique, les écarts sont rarement permis, mais on peut y voir et étendre des choses intéressantes.

Je suis toujours avec une certaine attention le parcours de Sheena Ringo 椎名林檎 au cas elle sortirait des morceaux comme A Life Supreme 至上の人生, qui était vraiment excellent, ou dans le style rock des premiers albums. Elle chante maintenant régulièrement dans cette émission de la NHK depuis quelques années. Cette fois-ci, elle ne chantait pas dans les studios de la NHK, mais à l’extérieur dans le froid devant la mairie de Tokyo à Nishi Shinjuku, un morceau intitulé « Seishun no Mabataki 青春の瞬き » avec comme sous-titre « FROM NEO TOKYO 2016 ». Je suis assez intrigué par ce sous-titre qui me ferait plutôt penser au Neo-Tokyo de 2020 dans Akira. Dans Akira, 2020 était l’année prévue pour les Jeux Olympiques de Tokyo et Sheena Ringo a déjà composé dans le passé un morceau pour un événement sportif intitulé NIPPON et elle a participé aux musiques du passage de baton entre Rio et Tokyo à la cérémonie de cloture des Jeux de 2016. Cette association d’idées nous indique peut être qu’elle écrira ou interprétera le thème des futurs jeux de Tokyo. A suivre. Cette chanson interprétée à Kōhaku s’appelle également avec un nom en français (allez savoir pourquoi): Le Moment, sorti en 2014 sur l’album Reimport: Ports and Harbours Bureau 逆輸入 ~港湾局~. Ce morceau fut initialement écrit par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama (également actrice, elle était Takako Chigusa dans Battle Royale et Gogo Yubari dans Kill Bill vol.1). A la fin de l’émission, Utada Hikaru chantait également pour la première fois dans cette émission. J’espérais qu’elle interpréterait avec Sheena Ringo le morceau 二時間だけのバカンス (des vacances de deux heures seulement), mais ce n’était pas le cas malheureusement. Cela aurait été assez compliqué à organiser de toute façon vu que Utada Hikaru habite à Londres depuis des années et qu’elle interprétait en duplex. Il s’agissait d’un autre morceau, moins intéressant que les autres morceaux de son dernier album Fantôme (un titre en français, encore une fois), que l’on écoute beaucoup à la maison (ou dans la voiture plutôt).

Il y avait une curiosité quand même dans cette 67ème édition de Kōhaku, c’était le duo entre la star pop Seiko Matsuda (54 ans mais qui étonnamment ne vieillit plus depuis plusieurs années) et Yoshiki, le leader de X Japan, également batteur et pianiste du groupe de rock mythique japonais. Après ce morceau au piano que l’on oubliera vite, le groupe X Japan au complet jouera un ancien single intitulé « Kurenai » de l’album « Blue Blood » sorti en 1989. A vrai dire, je ne trouvais pas d’intérêt particulier pour X Japan, sachant qu’il s’agit de rock plutôt old school oscillant entre le speed métal et le rock progressif. C’est par contre un groupe culte au Japon et les fans sont nombreux. On dit qu’il y a un avant et après X Japan dans l’histoire du rock japonais et qu’ils ont lancé le style Visual Kei (mélange de glam gothique post-punk alternatif), qui sera ensuite repris par beaucoup d’autres groupes à cette époque des années 90. Dans ce style de rock, je m’étais plus attaché à Luna Sea, groupe rock mené par Ryuchi Kawamura, se rapprochant du Visual Kei, mais avec un rock plus alternatif et « contemporain » que X Japan. J’ai toujours questionné la part d’authenticité de la démarche Visual Kei, notamment les contraintes commerciales qui gangrènent la créativité rock alternative au Japon me semble t’il. Un article sorti récemment sur Pitchfork viendra bousculer mes à priori sur X Japan et attisé mon intérêt. On peut tout d’abord se demander pourquoi on parle d’un groupe de rock japonais sur un site comme Pitchfork et j’en étais agréablement surpris. La raison est qu’un documentaire américain intitulé « We Are X » par Stephen Kijak est sorti en 2016 et présenté au festival du film de Sundance. Je n’ai pas vu le documentaire mais les explications sur la page Pitchfork et ce que j’ai pu lire sur wikipedia nous parle d’un groupe au destin tragique (plusieurs morts chez les membres dont Hide, toujours membre à titre posthume, lavage de cerveau du chanteur par une secte conduisant le groupe à faire une longue trêve depuis 1997) et d’un leader fascinant, tête pensante du groupe, maîtrisant aussi bien la batterie que le piano, et acharné jusqu’à en perdre contrôle. Bref, rien à voir avec les groupes fabriqués de toutes pièces par les studios de production.

Ma curiosité m’amène donc vers un album du groupe, le 4ème intitulé « Art of Life ». La particularité de cet album est qu’il n’est composé que d’un seul morceau long de 29 minutes, mélangeant guitares rapides, orchestrations et passage au piano, avec une mélodie chantée qui revient comme un refrain sous plusieurs formes. Il faut passé le cap de la voix de Toshi et je suis assez peu habitué à ce style de rock progressif. Mais le morceau fascine et s’enchaine avec beaucoup de maîtrise. Je me surprends à vouloir écouter encore et encore ce long morceau, sans que le temps paraisse long tant il se renouvelle sans cesse. Je vous invite à en lire plus sur un article revue du morceau de sputnik music. Je continue maintenant à défricher un peu plus les albums du groupe avec d’abord « Jealousy » et « Blue Blood ».

Mon premier point d’attache avec la musique rock japonaise était Luna Sea, que je découvrais alors que j’étais encore en France à la fin des années 1990 (peu être grâce au feu magazine-fanzine Tsunami). Alors que l’on parle de Visual Kei et de rock lourd en guitares, me reviennent en tête des morceaux de Luna Sea, notamment sur leur meilleur album « Mother », sorti en 1994. Je me remets à écouter leur discographie complète, enfin plutôt les premiers albums. Là encore, il faut une certaine période d’adaptation au style de chant emprunt de romantisme, mais les qualités de la voix du chanteur, la technique et l’inventivité musicale, ainsi que la personnalité singulière des morceaux sont accrocheurs.

Mais revenons à cette soirée de la nouvelle année. Quelques dizaines de minutes avant le passage au nouvel an, NHK nous montre en direct en images le hatsumōde (初詣), la première visite au sanctuaire Shintō, dans un sanctuaire quelque part au Japon. J’aime quand ils choisissent un sanctuaire enneigé entouré de forêts ou de montagnes, mais ça ne sera pas le cas cette année. Un peu avant minuit, les foules se déplacent vers les sanctuaires et depuis quelques années, nous faisons de même au sanctuaire Aoki, dans un des quartiers de Ofuna. C’est un petit sanctuaire en haut d’une colline. Il faut monter un escalier étroit de 100 marches environ pour y accéder. Et il y a foule à minuit. On résiste au froid autour du feu devant le sanctuaire et avec un verre de amazake chaud à la mains. J’aime beaucoup cette boisson non-alcolisé (malgré ce que le nom pourrait laisser penser) qui réchauffe dans les allées froides des sanctuaires. En revenant à la maison et après le bain chaud, on se cache sous le futon jusqu’au petit matin. On n’aura pas le courage de se réveiller pour voir le premier levé de soleil (comme on l’avait fait à Atami, il y a quelques jours, j’y reviendrais). Le matin, je me réveille toujours avant tout le monde dans la maison. J’aime ce moment alors que tout le monde dort encore. Ce matin là, je reste un peu plus longtemps sous le futon pour écouter un peu de musique sur l’ipod, l’album « In colour » de Jamie xx, sorti en 2015. Je découvre cet album sur le tard alors que The xx, dont fait partie Jamie xx (on pouvait deviner), sort un nouveau morceau « On-hold » que j’écoute beaucoup en ce moment, et qui sera sur la track list de leur futur album « I see you ». Il y a d’ailleurs un long article sur Pitchfork. Après l’écoute de « In colour », je reconnais d’ailleurs une influence plus forte de Jamie xx sur le nouveau morceau de The xx, dans la composition, par rapport au style plus minimaliste de leur premier album (je ne connais pas le deuxième album de The xx). J’aime beaucoup « In colour » pour son inventivité et par le rythme des morceaux électroniques. C’est aussi assez intéressant de retrouver les voix de Romy et de Oliver Sim, les deux collègues de The xx, sur certains morceaux de « In colour ». L’album forme un ensemble continu qui se tient bien.

Toujours sous le futon et après avoir fini l’écoute de « In colour », personne n’est encore réveillé dans la maison. Je me mets dans l’idée de revoir l’épisode 4 de Star Wars, « A New Hope« , le premier épisode de la série de Georges Lucas. J’avais revu tous les épisodes l’année dernière après avoir vu l’épisode 7 « The Force Awakens » au cinéma. Je suis en fait aller voir Rogue One la dernière semaine de l’année 2016 au Toho de Roppongi Hills. Cet épisode indépendant de la trame Skywalker a reçu de bonnes critiques dans l’ensemble et je ne vais pas dépareiller. je me demande d’ailleurs si je ne préfère pas cet épisode à l’épisode 7, un peu trop teinté de nostalgie et d’analogie avec « A New Hope ». Certaines critiques nous disent que l’action et le rythme de Rogue One apporte un contraste trop fort avec l’épisode 4 qui le suit directement dans la chronologie Star Wars, mais on ne peut pas reprocher à ce nouvel épisode d’utiliser les techniques modernes de son temps. On apprécie en tout cas une histoire originale, même si on connaît le scénario depuis longtemps car annoncé dans le générique en défilement de l’épisode 4. L’environnement de cet épisode est très travaillé, notamment la ville forteresse de Jedha. On apprécie de se replonger dans cet univers extraordinaire et je ne résiste pas, comme pour « The Force Awakens » à me procurer le livre « The Art of Rogue One » qui nous montre les illustrations de préparation du film par l’équipe d’illustrateurs et designers de Lucasfilm, menés par les deux co-production designers Doug Chiang et Neil Lamont ainsi que par le réalisateur de cet épisode Gareth Edwards. On y découvre beaucoup de prototypes et de d’essais de personnages qui ne verront finalement pas le jour dans le film final. J’ai quand même très hâte de découvrir l’épisode 8 de la série à la fin de l’année (avec les dernières images posthumes de la princesse Princess Leia Organa / Carrie Fisher).

Alors que tout le monde se réveille enfin dans la maison, il est temps de commencer les Osechi avec un ou plusieurs verres de sake. Pour le nouvel an, nous avons pris l’habitude de commander du sake Kokuryu, provenant des montagnes de Fukui. La premier journée de l’année est en général très calme. Après un passage au sanctuaire Aoki juste à côté, nous décidons pour une fois d’aller rendre visite à la grande statue Kannon près de la station de Ofuna. La statue blanche est gigantesque et on ne peut pas la manquer. On trouve un temple bouddhiste au pied de la statue construite dans les années 1960. A l’intérieur, il y a un espace de prière où quatre moines commencent des chants. Je suis surpris par la puissance des voix des moines. On s’assoit quelques instants sur les bancs pour écouter. Dans une petite pièce à côté, des centaines de statues miniatures sont alignées. Elles sont certainement faites mains car elles sont toutes différentes.

Le 2 Janvier, nous allons comme tous les ans au sanctuaire de Enoshima. Nous le savions très bien mais il y a foule pour grimper jusqu’au sanctuaire par la rue étroite bordée d’échoppes. On avance doucement avec en point de mire la porte du sanctuaire, où il faut ensuite prendre son mal en patience dans les escaliers. En ce qui nous concerne, comme je suis dans mes années de yakudoshi, nous avons participé à la cérémonie de purification yakubarai, qui nous permet par la même occasion de passer par une file rapide. Après cette étape de rituel très commune au Japon, précisons-le, espérons que cette nouvelle année se présente sous de beaux jours.

Quand la nuit tombe sur Enoshima, à partir de 5h en hiver, les jardins s’illuminent. Les palmiers verts illuminés ont un petit air de Californie. Aux portes du sanctuaire, les lampes s’allument également et il est temps de rentrer, de reprendre le monorail suspendu qui nous ramènera vers Ofuna. Le soir, il faut terminer les Osechi qui restaient du 1er janvier.

Les 2 et 3 janvier, se déroule la course Hakone Ekiden entre Tokyo et Hakone. Nous la regardons avec beaucoup d’attention depuis 6 ans car l’école de Zoa, Aoyama Gakuin, y participe, du moins l’université de l’école. Aogaku a remporté la première place de cette course allé-retour deux fois de suite (en 2016 et 2015) et est en bonne place pour terminer premier cette année également. Comme tous les ans, nous nous postons aux bords de la route nationale 1 qui verra passer les coureurs, munis de petits drapeaux aux couleurs de l’école. Aogaku a dominé pratiquement toute la course et les coureurs défileront même dans Shibuya dans quelques jours pour fêter cette victoire ininterrompue. On aurait presque souhaité un peu plus de suspense, mais on ne va pas s’en plaindre.

Pour cette dernière journée des congés de nouvel an, nous reprenons la voiture pour la côte du Shonan. Nous apercevons Enoshima, toujours, au loin alors que l’on mange en terrasse sous le soleil hivernal. Il faisait étonnement doux pour ces premières journées de l’année. Nous terminerons nos visites de temples et sanctuaires par le temple Ryukoji à L’entrée de Enoshima, dans les terres. Le train Enoden, en photographie ci-dessus, passe aux portes du temple, mais nous ne l’emprunterons pas cette fois-ci.

Pour terminer ce long billet par une note sur le blog, contrairement à l’année dernière à la même époque, je ne ressens pas l’envie de faire une pause de blog. D’année en année, le nombre de billets publiés sur Made in Tokyo est en constante diminution (35 billets en 2016 contre 44 en 2015 et 55 en 2014), mais l’envie de continuer pour une quatorzième année est toujours présente. En souhaitant une bonne et heureuse année aux visiteurs de Made in Tokyo.