Tree-ness House

Les visiteurs réguliers de Made in Tokyo auront certainement remarqué que je montre beaucoup d’architecture ces derniers temps. Je profite en fait de plusieurs heures disponibles le dimanche après-midi de ces derniers week-ends pour partir sur les traces d’architecture que je voulais prendre en photo depuis quelques temps. Zoa passant plusieurs heures les week-ends pour s’exercer pour son spectacle de danse prochain avec ses acolytes de Ebidan Kids Tokyo, mon emploi du temps du week-end se libérait donc à ces moments, dans la mesure où Mari n’avait pas d’intention particulière de sortir.

Dans la foulée de la découverte de Tokyo Apartment de Sou Fujimoto, je pars à la recherche d’une autre architecture originale aux formes compliquées, Tree-ness House de Akihisa Hirata, que je savais se trouver dans les environs de Ikebukuro. J’avais bien sûr fait des recherches sur les sites internet d’architecture, notamment en regardant la série de superbes photographies de cet immeuble par Vincent Hecht sur Designboom. Sachant que Tree-ness House se trouve à Otsuka, une photographie d’ensemble m’a permis d’identifier son emplacement exact en scrutant les immeubles à l’horizon. Comme l’immeuble ne fut terminé que récemment, il n’apparait pas encore sur Google Map.

Il faut prendre le train depuis Ikebukuro jusqu’à Otsuka et ensuite marcher une quinzaine de minutes. Le soleil commence à faiblir et je suis obligé de forcer le pas pour trouver ce building avant qu’il ne fasse trop sombre. Tree-ness House apparaît après un détour de rue. C’est un ensemble de béton principalement résidentiel mais qui prévoit également un espace commercial au rez-de-chaussée. En haut de longs murs de béton faisant penser au tronc d’un arbre, se dégagent les ouvertures ornées de point de verdure comme les feuilles de cet arbre. Les ouvertures ont une forme complexe. Leurs emplacements ne laissent que difficilement comprendre l’organisation intérieure de la maison, qui se caractérise par des espaces ambigus entre intérieur et extérieur. Les plis aux ouvertures sont étranges et intéressants. Ils sont placées en fonction du contexte de la rue, en hauteur à un niveau au dessus des maisons et immeubles alentours. L’entrée du building ressemble à une fissure dans le bloc massif de béton des premiers étages, comme les fissures naturelles que l’on peut voir parfois dans le tronc des vieux arbres. L’image de l’arbre en architecture est décidément un point commun de mes découvertes architecturales récentes, après la série de maisons et résidence par Sou Fujimoto. Je ne cache pas que j’aime cette interaction entre nature et architecture, surtout quand c’est du béton comme pour Tadao Ando qui construit d’ailleurs ses œuvres architecturales en fonction du contexte naturel. Il y a quelques années, d’une manière beaucoup plus imagée et je l’espère poétique, j’aimais construire des mélanges entre les ensembles urbains et le végétal, dans ma série de compositions graphiques Urbano-végétal (qui se trouve en lien en entête de Made in Tokyo).

l’architecture de Sou Fujimoto: Tokyo Apartment

Je continue tranquillement mes recherches de l’architecture de Sou Fujimoto dans Tokyo avec l’ensemble très particulier Tokyo Apartment. Il s’agit d’une petite résidence de quatre appartements composés de 2 ou 3 pièces sur plusieurs étages. On accède d’une pièce à l’autre par des escaliers internes qui traversent le sol des appartements ou par des escaliers externes posés sur la surface des façades. La forme de l’ensemble est très particulière, faite de petites maisons posées les unes aux dessus des autres, dans ce qui semble être un équilibre précaire. On nous dit que cette résidence ressemble à une petite montagne où l’on grimpe les escaliers extérieurs pour arriver au sommet. C’est vrai que la forme des escaliers nous fait un peu penser à un chemin de montagne contournant des rochers, les rochers étant les blocs blancs des maisons dans le cas ici. Mais, je retrouve plutôt dans Tokyo Apartment l’image de l’arbre que j’avais pu voir dans House H et surtout House NA du même architecte. On retrouve une sorte de ramification et on pense même à des cabanes construites dans un arbre. Tokyo Apartment a été construit en 2009 et tient relativement bien le coup, même si je ne retrouve pas devant moi le blanc immaculé que j’avais pu voir dans les magazines d’architecture à l’époque. L’adresse de Tokyo Apartment n’est pas très difficile à trouver en cherchant un peu sur internet, mais pas très évidente d’accès. Elle se trouve à quelques stations au delà de Ikebukuro et il faut marcher un peu dans les quartiers résidentiels pour la trouver finalement près d’un jardin public. Comme à chaque fois que je pars à la recherche d’architecture remarquable, j’aime ces quelques minutes avant d’atteindre son but. Je sors l’appareil photo discrètement en espérant que les conditions seront suffisamment bonnes pour prendre quelques photographies. Le positionnement du soleil en fin de journée peut jouer des tours parfois. C’est aussi délicat de prendre des photographies si le propriétaire ou les locataires sont présents aux fenêtres ou à l’extérieur. Au moment de la prise de photos, j’ai été un peu gêné par le linge posé sur l’escalier. Pas tant pour l’esthétique de la représentation de l’immeuble, mais pour le côté intime. Mais comme il s’agissait de grandes couvertures et de serviettes, je me suis permis. Pour continuer la visite, le photographe Edmund Sumner nous montre quelques photographies de l’intérieur sur un article de Dezeen.

l’architecture de Sou Fujimoto: House H

Dans la foulée de la découverte de House NA, je pars ensuite à la recherche d’une autre maison individuelle particulière de Sou Fujimoto, House H. Elle se trouve quelque part dans les zones résidentielles de l’immense arrondissement de Setagaya. Comme je le mentionnais précédemment dans mon billet sur House NA, j’avais déduit le lieu où se trouve cette maison à partir d’un article du blog Tokyo Files et de quelques recherches sur Google Maps. Le dimanche matin de la deuxième partie de la Golden Week, après avoir déposé Zoa à une de ses activités du week-end, je pars en vélo dans les rues de Meguro puis de Setagaya pour partir à la recherche de cet autre petit trésor architectural. Il faudra un peu de courage car la route, même à vélo, est un peu longue, mais j’ai un courage à toute épreuve. C’est également très agréable de faire du vélo le dimanche matin dans les rues de Tokyo. Vers 9h, la ville dort encore et les rues sont beaucoup plus calmes qu’à l’accoutumé. En fait, les quartiers résidentiels de Tokyo ne sont pas tranquilles que le matin. L’absence de population visible lorsque l’on se promène dans ces quartiers est particulièrement notable. On se demande parfois où se cachent tous les habitants de ces maisons pendant la journée.

Dans l’arrondissement de Meguro, j’avais repéré une longue coulée verte qui m’amènera assez vite vers Setagaya. J’ai trouvé quelques allés vertes semblables dans Setagaya. Ce sont des chemins pavées pour piétons et vélos coincés entre des rangées de maisons individuelles de hauteur basse. Elles sont en général très calmes et entourées de verdure. Ces couloirs verts me rappellent le concept de partitions vertes du projet pour Tokyo Fibercity 2050 de Hidetoshi Ohno. Je me rends compte que certains concepts de cette étude pour un futur Tokyo sont en fait déjà mis en pratique à certains endroits, et ne demanderaient qu’à être étendus dans la ville.

Après quelques kilomètres à vélo au delà de Sangenjaya, je finis par approcher le quartier où se trouve House H. Je ne la trouverais pas tout de suite. Un peu comme pour Garden and House de Ryue Nishizawa, je passerais même devant sans m’en rendre compte. Mais, elle apparaît tout d’un coup derrière quelques arbres. Elle date de 2009 et après presque dix années, les surfaces de béton restent superbes, à peine affectées par le temps. J’aime beaucoup la conjugaison de la couleur légèrement verte des vitrages avec la couleur claire du béton, donnant un ensemble très lumineux. Il s’agit d’une structure en béton renforcé de trois étages avec quatre pièces par étage. Les rideaux de la maison étant fermés, on ne devine malheureusement pas la structure interne. Quelques photographies sur le site de Iwan Baan (encore lui) nous permettent de comprendre que c’est une maison pleine de trous. En plus des très grandes ouvertures sur les murs extérieurs, des immenses ouvertures sont également présentes sur le sol, les murs et les plafonds de chacune des pièces. On devine ces ouvertures sur les photographies ci-dessus, au dernier étage. Certaines des ouvertures au sol sont évidemment couvertes de plaques de verre, mais d’autres laissent passer plusieurs escaliers en bois à l’oblique reliant les pièces aux étages. Du fait de la transparence, on a l’impression d’un grand espace ouvert communiquant. Comme sur House NA, Sou Fujimoto nous dit qu’il reprend le principe de l’arbre et c’est vrai qu’on a cette impression, même en regardant la maison de l’extérieur, car cette maison apparaît avant tout comme une structure avec des ramifications. Les plaques de verre formant le sol des pièces sont posées comme des feuilles sur les branches en béton renforcé de l’arbre.

Une fois encore, c’est un vrai plaisir de faire ce type de découvertes architecturales. Il faut maintenant que je trouve d’autres maisons à découvrir, ou peut être retournerais-je voir Moriyama House de Ryue Nishizawa, histoire de voir comment elle a évolué avec le temps.

FLAMINGO par Norisada Maeda

Ma promenade urbaine à Koenji a été riche en découvertes architecturales. La maison en photographies ci-dessus était une découverte inattendue alors que je partais à la recherche du théâtre Za Koenji de Toyo Ito. Cette maison de 3 étages en deux parties de béton brut s’appelle FLAMINGO, conçue par l’atelier d’architecture Norisada Maeda en 2000. J’ai déjà vu une autre maison de béton du même atelier Norisada Maeda à Aoyama lors de mes courses à pieds du week-end. Il s’agissait de Rose, une maison simple et lisse d’extérieur mais compliquée et faite de courbes à l’intérieur. Cette maison à Koenji a également un design particulier, fait de formes en « C » qui s’opposent et se superposent. L’intérieur est fait de béton brut, tout comme l’extérieur. Ces formes imposantes et un peu grossières me font penser à un bunker. On est ici dans un esprit tout à fait opposé à la maison House NA de Sou Fujimoto. A la fragilité et à l’ouverture de House NA, s’opposent la dureté du béton protégeant l’habitation de l’espace extérieur de la rue. Il faut dire que cette maison FLAMINGO se trouve dans un lieu beaucoup moins tranquille que House NA, près d’une voie de chemin de fer et d’une grande voie rapide. Toujours est-il que ces formes de béton brutalistes me fascinent. Je ne dis pas que j’aimerais y vivre, car l’espace intérieur semble assez sombre malgré les quelques baies vitrées.

Za Koenji par Toyo Ito

Après mon passage devant la maison House NA de Sou Fujimoto, je continue mon exploration de Koenji en revenant vers la gare JR. Je recherche maintenant le théâtre aux formes futuristes de Toyo Ito, appelé Za Koenji. Ce théâtre public construit en 2009 est dédié aux arts contemporains de la scène, ainsi qu’à d’autres activités culturelles pour la communauté locale de Suginami-ku. Za Koenji est également un bâtiment que l’on voit régulièrement dans les magazines d’architecture, pour sa forme atypique comme un monolithe rocheux et lisse. Le théâtre est assez facile d’accès depuis la gare de Koenji, mais j’en m’y prends mal bizarrement en tournant autour sans trouver l’entrée principale. Ce n’était pas forcément une mauvaise idée de tourner autour, car apercevoir soudainement ce monolithe de couleur sombre en forme de vagues s’échapper de la masse des maisons individuelles standards, donne un effet surprenant. On pense à une forme extra-terrestre, comme un ovni posé là au milieu d’une zone résidentielle des plus quelconques. Du coup, j’éprouve une certaine déception en apercevant finalement la façade principale car on n’y aperçoit plus les courbes si caractéristiques du bâtiment. Il faudra faire le tour une nouvelle fois, mais cette fois-ci à l’intérieur du parking, pour admirer les vagues architecturales du toit du théâtre. Depuis le parking, en observant le bâtiment depuis l’arrière, me vient l’image d’un croisement entre une raie manta aux yeux multiples et un sous-marin géant. Une chose est sûre, ce théâtre de Tokyo Ito a des formes aquatiques. Une multitude de petits hublots sont placés par groupes et de manière apparemment aléatoire sur les façades du théâtre. C’est un peu dommage de constater que les peintures sur la surface des façades ont un peu passé avec le temps. On remarque des raccords de peinture autour des ouvertures ou sur des surfaces longitudinales qui ne sont pas du meilleur effet. Par contre, la multitude de hublots sur les parois de l’immeuble offrent un bel effet de lumière à l’intérieur du théâtre. Le hall est assez sombre et se laisse éclairer par les points lumineux créés par la lumière traversant les hublots. Sur le grand escalier central tout en courbe, d’autres points lumineux mais d’une lumière synthétique sont ajoutés. L’effet de lumière est très réussi, surtout lorsque l’on regarde le plafond depuis l’escalier au niveau du premier sous-sol. Lors de ma visite improvisée dans le théâtre, on n’y donnait pas de spectacle. Il y avait par contre des ateliers de jeux pour les enfants installés de manière temporaire dans un des grands halls du rez-de-chaussée. A l’étage, il y a une salle d’archives du théâtre et un café, vide à cette heure de la journée. Je reprends ensuite ma route dans les rues de Koenji, en m’engouffrant volontairement dans le labyrinthe urbain surchargé au nord de la gare. Le site du photographe Iwan Baan, décidément fort riche en photographies d’architecture japonaise, propose de très nombreuses photos du Za Koenji, notamment des vues aériennes pour se donner une meilleure idée de la forme générale de cet objet architectural atypique.