un nid de pigeons à Okutama

Les fameuses feuilles rouges et jaunes des forêts japonaises sont un peu en retard cette année. Heureusement, car on aurait loupé le coche cette année, car les dimanches du mois d’octobre et de novembre étaient relativement bien occupés. Nous partons donc très tôt le matin ce premier dimanche du mois de décembre vers les montagnes de Okutama. Nous sommes toujours dans la préfecture de Tokyo mais très à l’Ouest, dans la région des origines de la rivière Tama. En sortant de l’autoroute au niveau de Hinode, près de la petite ville de Fussa, nous partons vers Ome et longeons les courbes de la rivière de Tama qui nous amène au lac Okutama. Nous n’irons pas jusqu’au lac et nous nous arrêterons plutôt en route à Hatonosu keikoku 鳩ノ巣渓谷, signifiant la vallée du nid de pigeons. L’histoire dit que deux pigeons avaient élu domicile dans un sanctuaire du village et que les villageois protégeaient ces oiseaux « spirituels ». Le petit sanctuaire est perché sur un grand rocher au bord de la rivière. On l’aperçoit depuis un pont suspendu au dessus de la rivière. Comme je l’indiquais au tout début du billet, en cette saison, les arbres prennent de belles couleurs et les rouges semblent même exagérés. On peut escalader gentiment quelques rochers pour descendre vers le cours de la rivière, histoire de vérifier avec les doigts la température de l’eau. La vue sur les falaises creusées par la rivière est très belle depuis ce point. Le barrage que retient et régule l’eau depuis le lac Okutama-ko tient bon heureusement, mais il est indiqué qu’il est fortement déconseillé de s’approcher de la rivière pendant les périodes estivales. Près de la rivière, se trouve un vieil hôtel vide. Ce bâtiment de béton, construit avec plusieurs dépendances au bord de la falaise à quelques mètres de la rivière et près d’une grande cascade, semble être complètement abandonné. On peut apercevoir l’intérieur à travers les baies vitrées, notamment une grande salle en tatami qui devait servir pour des célébrations. Je ne sais pas pour quelle raison les opérations de cet hôtel se sont arrêtées, l’endroit est pourtant assez bien desservi par une ligne de train avec une station à quelques pas de là et par une route avec arrêt de bus. L’hôtel est tout de même situé dans un creux assez sombre qui n’est pas des plus agréables et il a dû subir les conséquences de la construction d’un hôtel plus grand et plus récent un peu plus en amont de la rivière, près du pont suspendu. Autour du vieil hôtel, tous les petits commerces se sont également éteints. On croirait un village fantôme. Ce style de constructions bétonnées venant gâcher une partie du paysage qu’elles veulent desservir n’est pas rare au Japon. Accéder à la beauté des paysages japonais passent par l’abstraction, extraire de son champ visuel tous les éléments perturbateurs pour se concentrer sur les éléments de beauté. La photographie le permet très bien, d’une manière très superficielle d’ailleurs, car elle efface tout ce qui fait la « beauté triste » de ces paysages.

Nous remontons ensuite vers le pont suspendu. Il faut le traverser pour atteindre un petit chemin longeant la rivière offrant un joli point de vue sur les feuilles d’automne. Le pont suspendu n’a absolument rien de dangereux mais je ne fais pas le fier en le traversant. J’ai le vertige et Zoa est d’ailleurs malheureusement comme moi, ce qui n’est pas le cas de Mari. Nous traversons donc, Zoa et moi, au milieu du pont étroit sans trop s’approcher des bords, pendant que Mari rigole doucement derrière. Ce n’est pas le fait que le pont bouge sous nos pas qui me donne le vertige, c’est la potentialité de tomber dans le vide. Je n’ai aucune sensation de vertige en haut de la tour Tokyo Skytree pourtant beaucoup plus haute que ce petit pont de rien du tout, car l’espace y est confiné. Bref, nous réussissons bien sûr notre traversée « périlleuse » et accédons à une très belle vue de la rivière et des feuilles rouges depuis un terre-plein sur les rochers. Depuis le pont suspendu que l’on aperçoit depuis la rivière, on attend soudainement un faible bruit de moteur. Un jeune couple avait sorti d’une grosse boîte en forme de valise un drone qu’ils font décoller à la verticale depuis le pont. Le drone part ensuite en reconnaissance au dessus de la rivière. L’objet est en fait assez bruyant. Des gens à côté de nous sur le terre-plein chuchotent en se demandant si c’est bien autorisé de faire voler des drones à cet endroit. En dehors des villes, je me dis qu’il ne doit pas y avoir de problèmes. Mais je m’imagine dans quelques années quand l’objet sera devenu plus populaire et se démocratisera, les paysages seront peut être envahis par ces frelons motorisés.

Nous reprenons la route du retour en fin d’après-midi mais pas trop tard pour éviter les inévitables bouchons sur l’autoroute Chuo qui nous ramène vers Shinjuku. Avant cela, nous prenons un café dans une maison de bois peinte de noir près de la station de Hatonosu. Des groupes de promeneurs en montagne y font également une escale avant de prendre le train du retour. Ils doivent revenir du mont Mitake tout proche. La prochaine fois, nous irons peut-être au mont Mitake ou vers le lac Okutama.


Je n’écoute en général pas les podcasts sur le Japon ni ne regarde les chaînes YouTube de français ou d’étrangers au Japon, car je ne pense pas y apprendre grand chose de nouveau. J’ai tout de même découvert deux podcasts francophones que j’aime beaucoup et que j’écoute épisode après épisode depuis plusieurs semaines déjà. Il s’agit des podcasts Gaijinsan et Yabai, démarrés il y a quelques mois de cela cette année. Gaijinsan est un podcast mené par Vince, Mat et Nico. Précisons que le san du titre du podcast fait référence au nombre d’intervenants, 3 personnes donc, plutôt qu’au suffixe de politesse pour les personnes. Le podcast aborde divers sujets de l’actualité au Japon, à travers bien entendu le prisme de l’expérience personnelle de chacun des intervenants. Le ton est assez sérieux, documenté et très agréable. Beaucoup des sujets abordés me sont très familiers, mais j’y apprends tout de même de nombreuses choses. Surtout, le podcast ne lance pas des opinions définitives sur les sujets qu’il aborde. C’est un travers de beaucoup d’étrangers au Japon que d’établir des vérités définitives sur ce pays en généralisant une expérience personnelle qui est de toute manière limitée. On échappe à cela sur ce podcast, peut être parce qu’il y a une bonne balance entre des intervenants ayant vécu depuis plus de 10 ans ici, et d’autres arrivés plus récemment. On retrouve ce même équilibre sur le podcast Yabai, qui personnellement me fait beaucoup rire. Il couvre également des sujets divers d’actualité japonaise, mais souvent des choses un peu plus futiles, des anecdotes parfois. En fait, il y a un mélange avec d’autres sujets plus sérieux et encore une fois bien documentés, mais les deux intervenants Remka et Ludo enregistrent leurs podcasts dans des bars ou cafés en terrasse à divers endroits de Tokyo, donc l’ambiance y est beaucoup plus relaxée et nonchalante. Et même bruyante parfois, mais ça contribue à l’ambiance générale du podcast qui me rappelle mes premières années à Tokyo, car je vais beaucoup moins souvent dans les bars de Tokyo maintenant. Il y a, à chaque fois, un invité au podcast, souvent un pote d’un des deux intervenants, qui nous raconte son expérience de vie au Japon. On passe bien entendu par la question du pourquoi être venu au Japon, qui est toujours la question la moins intéressante de l’interview. On me pose également très souvent cette question et je me prends souvent les pieds dans le tapis avec une explication bancale que personne ne semble croire (ou à moitié). Ces derniers temps, je finis par répondre à l’interrogative quand on me pose la question, genre: « Et bien oui, qu’est qui a bien pu me faire venir vivre au Japon? ». Si je le savais moi même … De toutes façons, c’est désormais de l’ordre de l’inconscient.