les sakura du lac Kawaguchi

Il me reste quelques cerisiers en fleurs dans mon sac alors je l’ouvre doucement pour les montrer dans un dernier billet consacré au sakura. On peut dire qu’on en a bien profité cette année. Alors que le pic de floraison se terminait déjà à Tokyo, il était encore à son maximum dans la préfecture de Yamanashi où se trouve le Mont Fuji et le lac Kawaguchi (河口湖) que nous avons déjà été voir au tout début de cette année. Nous retournons au même endroit au bord du lac, au Fuji Oishi Hana Terrace (富士大石ハナテラス) d’où est prise la première photographie du billet. Il y a plus de touristes qu’au tout début de l’année mais ça reste tout à fait acceptable. Les informations japonaises parlent assez souvent de sur-tourisme en ce moment, mais ça ne me dérange pas trop car ce tourisme est souvent concentré dans des lieux particuliers. Une bonne partie du Nord des rives du lac de Kawaguchi est bordé de cerisiers qu’on essaie de conjuguer avec le Mont Fuji à l’arrière. J’ai bien entendu pris des dizaines de photos qu’il a été ensuite difficile de trier. Le retour a été beaucoup moins serein avec embouteillages conséquents sur l’autoroute Chuo qui nous a obligé à sortir et à emprunter des petites routes de montagne. C’était finalement une très bonne idée et j’ai beaucoup apprécié les routes en zigzag alors qu’il ne faisait pas encore nuit. Il nous a fallu environ 4h pour rentrer, soit plus du double du temps qu’on avait mis à l’aller.

J’écoute en ce moment le neuvième single de la compositrice, interprète et guitariste, basée à Shizuoka, Minori Nagashima (長嶋水徳) dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog pour quelques uns de ses singles et pour sa participation en temps que guitariste au dernier EP d’Haru Nemuri. Son nouveau single intitulé SALINGER est en fait accompagné de deux autres morceaux LOUDNESS.DON’T.IMAGINATION (ラウドネス・ドント・イマジネーション) et SOLAR CALENDAR (太陽暦). J’aime beaucoup l’ambiance rock brut du single et des deux autres morceaux. Minori Nagashima est une excellente guitariste qui maîtrise bien son jeu tout en laissant les aspérités apparentes faisant sonner ce EP comme du live underground. On ressent une grande passion dans son chant, laissant échapper toute son agressivité. Le solo de guitare sur SOLAR CALENDAR est excellent, très puissant avec une liberté qui nous laisse penser qu’il va partir en vrille mais qui est tout à fait maîtrisé. Ces trois morceaux écoutés comme un tout sont comme une petite pilule compacte de rock alternatif sans concessions.

vues du Mont Fuji depuis Kawaguchiko

Outre notre bref passage à Enoshima juste avant la nouvelle année, nous ne sommes pas beaucoup sortis de Tokyo pendant les courtes vacances de fin d’année. Nous avions quand même dans l’idée d’aller voir le Mont Fuji enneigé. On peut le voir depuis Tokyo, mais il est quand même beaucoup plus grandiose près des lacs, notamment celui de Kawaguchi. J’avais vu sur Instragram un point de vue intéressant sur le Mont Fuji à travers un petit Torii rouge de sanctuaire. Une petite recherche m’indique qu’il s’agit du sanctuaire de Kawaguchi Asama. Ça sera donc notre première destination. Le trajet aller sur l’autoroute Chuo se passe sans encombres et nous prendra un peu plus d’une heure et demi. Le sanctuaire de Kawaguchi Asama est relativement petit mais ancien. Il y a environ 1,300 sanctuaires appelés Asama ou Sengen dédiés au Kami des volcans, et principalement autour du Mont Fuji. Le principal sanctuaire est le Fujisan Hongū Sengen Taisha que l’on trouve de l’autre côté du Mont Fuji, dans la ville de Fujinomiya dans la préfecture de Shizuoka. Nous l’avions visité en Avril 2019 et j’en avais parlé dans un billet. Ces sanctuaires Asama ou Sengen sont placés autour du volcan pour essayer de calmer sa colère et ainsi éviter de nouvelles éruptions. Le principe fonctionne relativement bien car le Mont Fuji n’est pas entré en éruption depuis plus de 300 ans. La dernière éruption, nommée éruption de Hōei, date du 16 Décembre 1707. On avait eu quelques craintes à la fin de l’année 2020 car le volcan était étonnamment assez peu couvert de neige lors qu’on l’avait vu depuis le Mont Takao, ce qui pouvait suggérer un réchauffement. Il n’en est rien cette année car le blanc domine sur une bonne partie du Mont Fuji.

On dit que le sanctuaire Kawaguchi Asama a été érigé après l’éruption du Mont Fuji de 864. L’allée qui nous amène au sanctuaire, après avoir traversé un grand torii de 18 mètres de haut, est bordée de sept immenses cèdres appelés « Shichi-hon sugi » datant de plus de 1,200 ans. Ils sont impressionnants et considérés comme des monuments naturels de la préfecture de Yamanashi. Depuis l’enceinte principale du sanctuaire, une petite route sinueuse de montagne donne accès après trente minutes de marche à Tenku-no Torii. A cet endroit, un Torii rouge est idéalement placé sur un petit plateau donnant une vue directe sur le Mont Fuji et sur le lac Kawaguchi. Le Torii est récent car mis en place en 2019 et fait partie entière du sanctuaire. L’espace autour est en cours d’aménagement car on voit des marquages au sol faits de plaquettes de bois. On y fait pousser des cerisiers qui rendront certainement cette vue encore plus symbolique dans une dizaine d’années. Comme je le mentionnais au début, nous sommes venus ici car j’avais vu une photo de l’endroit sur Instagram. La photo montrait une personne débout devant le Torii regardant le Mont Fuji. On avait l’impression qu’elle était seule au monde devant cette montagne majestueuse dans un endroit qui serait gardé secret ou seulement connu des locaux. En arrivant à Tenku-no Torii après la marche de trente minutes, on se rend compte que la réalité est bien différente. L’accès au Torii est marqué par un petit chemin de graviers et il y a une file d’attente de plusieurs dizaines de personnes avant de pouvoir accéder au Torii pour prendre les photos que je montre ci-dessus. L’effet Instagram doit jouer sur la popularité de l’endroit, et ça me rappelle que les photographies donnent souvent une vision déformée de la réalité, ou du moins une impression idéalisée omettant même inconsciemment une partie importante de la réalité. On hésite à attendre pour prendre une photo, mais on est monté jusque là et ça serait dommage de faire demi-tour maintenant. Il faudra donc attendre environ 45 minutes, mais l’attente n’est pas désagréable quand on a le Mont Fuji devant soi, surtout quand il a la bonne idée de se découvrir au fur et à mesure qu’on approche du Torii. L’accès au Torii est gratuit mais il y a fort à parier qu’il devienne payant ou plus policé à mesure que la popularité de l’endroit grandit quand les cerisiers auront bien poussé.

Comme il nous restait un peu de temps avant de reprendre la route pour Tokyo et avant que le soleil ne se couche, nous en profitons pour aller voir un autre sanctuaire assez proche, le Arakura Fuji Sengen Jinja. L’endroit est très connu pour la vue que l’on peut prendre d’une pagode appelée Chureito accompagnée du Mont Fuji en arrière-plan. Il faut monter un long escalier de pierre de 398 marches, mais on nous indique dès le début que la fameuse photo de la pagode et du Mont Fuji n’est pas possible en ce moment car le promontoire à l’arrière de la pagode est en cours de rénovation. C’est dommage mais la vue sur le Mont Fuji au dessus de la ville est tout de même impressionnante et vaut tout de même le détour. Il y avait peu de visiteurs à notre passage, ce qui devait être très différent avant la crise sanitaire, vue la taille du parking en bas du sanctuaire. On se sent serein après avoir vu l’omniprésent Mont Fuji pendant toute une journée. Cette sérénité nous sera nécessaire pour le retour sur l’autoroute et ses deux heures d’embouteillage. Il nous a fallu trois heures et demi pour rentrer, mais ce long retour ne m’a pourtant pas été désagréable, contrairement à l’habitude. J’ai peut-être maintenant intégré l’attente comme un paramètre inévitable de tout déplacement hors de Tokyo, ou peut-être était ce parce qu’on m’avait « autorisé » à passer le best album de Tokyo Jihen sur la route du retour. Je me rends compte que son écoute est bien meilleure dans la voiture qu’aux écouteurs.