une semaine en mars (5ème)

Avant de venir à Kanazawa, je ne savais en fait que très peu de choses sur cette ville, à part l’existence du grand musée d’art contemporain 21st Century Museum of Contemporary Art Kanazawa, car il apparait très souvent dans les livres et magazines d’architecture. On doit son design au duo d’architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa qui forme SANAA, primé du Pritzker en 2010 (le musée datant de 2004, on imagine qu’il a contribué pleinement à cette reconnaissance). Le musée est idéalement situé au centre de la ville près du parc Kenrokuen. Il suit une ligne stylistique très typique de SANAA, composé d’une somme de bâtiments de forme monolithique et de couleur blanche. Ce sont des unités indépendantes regroupées dans une grande forme circulaire couverte de verre qui délimite les contours du musée. Là encore, c’est typique des créations de SANAA. A travers les grandes baies vitrées, le musée semble pleinement ouvert vers l’extérieur et rend l’accès au musée très facile et accueillant pour les néophytes. Par contre, avec plus d’une vingtaine de blocs à l’intérieur du cercle, l’espace ressemble un peu à un labyrinthe où il semble facile de se perdre ou de tourner en rond (c’est le cas de le dire). Je spécifie volontairement « semble » car la partie centrale du musée n’était malheureusement pas accessible lors de notre visite. Elle était fermée pour cause de préparation de l’exposition suivante. C’était d’autant plus dommage que l’exposition suivante démarrant le 8 avril, après notre départ donc, est celle de Manabu Ikeda, dont j’ai déjà parlé ici et dont j’admire vraiment les oeuvres gigantesques et pleines de détails.

On pouvait tout de même découvrir certains espaces du musée, en gros faire le tour du musée sur le cercle intérieur en longeant la longue baie vitrée courbe. Autre mauvaise surprise de notre visite, la fameuse piscine de Leonardo Erlich habituellement en libre accès était également fermée ce jour là pour la même raison de préparation d’exposition. En fin de compte, on n’a pas pu voir les oeuvres de l’exhibition permanente, notamment celle de Anish Kapoor ou James Turrell. Restaient les oeuvres à l’extérieur du musée: un assemblage de tubes par l’architecte mexicain Fernando Romero intitulé « Wrapping » et un ensemble de trois surfaces de verre colorées et courbes intitulé « Colour Activity House » par Olafur Eliasson. Un des intérêts que j’ai trouvé à ces oeuvres, à part leur beauté intrinsèque, est la manière dont on peut les combiner avec le décor du musée de SANAA, comme par exemple superposer les surfaces colorées de l’oeuvre de Olafur Eliasson avec les blocs blancs du musée, ou les regarder à travers le grillage de la construction de tubes de Fernando Romero.

De toute façon, malgré cette relative malchance quand aux expositions (le mois de mars est en quelque sorte un mois de transition avant la « rentrée » en avril au Japon), la véritable attraction pour moi était le musée en lui-même, par la beauté des formes et ce blanc immaculé qui n’a étonnement pas perdu de sa propreté malgré plusieurs années d’existence. Il doit faire l’objet de toutes les attentions et d’un nettoyage impeccable (et onéreux) très régulier.

Olympe Twenty Twenty

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Katsuhiro Otomo l’avait prédit il y a 30 ans, les Jeux Olympiques de 2020 auront lieu à Tokyo. Espérons seulement que la ville de Tokyo sera en meilleur état que le Neo-Tokyo de Akira. Le stade olympique également aura une toute autre allure.

Le nouveau stade olympique pour les jeux de 2020 à Tokyo sera signé Zaha Hadid. Je n’ai pas connaissance d’autres oeuvres architecturales de Hadid à Tokyo (à part le Chanel Mobile Art, il y a de cela quelques années). Ce nouveau stade remplace l’existant National Olympic Stadium, construit à Kasumigaoka pour les Jeux Olympiques d’été de Tokyo en 1964. L’ancien stadium sera détruit en 2015 et le nouveau complexe de Zaha Hadid est prévu de voir le jour en mars 2019, pour la coupe de monde de Rugby la même année. Les cérémonies d’ouverture et de fermeture des jeux de 2020 se dérouleront dans ce nouveau stade ainsi que les épreuves d’athlétisme, et certains matchs de football, rugby.

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Les formes de cette nouvelle oeuvre de Zaha Hadid sont assez typiques de l’architecte. On aurait l’impression que l’immeuble n’est pas construit mais posé sur le sol, comme une forme extraterrestre venue pendant la nuit. C’est un ensemble élégant, spectaculaire et symbolique. Ce projet de Zaha Hadid fut sélectionné à l’issue d’un concours international (New National Stadium International Design Competition) organisé en octobre 2012 par le Japan Sport Council et dont le jury était présidé par Tadao Ando. Les membres du jury étaient en grande partie japonais, mais on pouvait compter également deux illustres architectes étrangers: Norman Foster et Richard Rogers.

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Ce stade devra contenir environ 80,000 spectateurs, dans un espace assez réduit entre le Meiji Jingu Stadium et le Tokyo Metropolitan Gymnasium de Fumihiko Maki. Ce dernier a également des formes très futuristes, mais paraît démesurément petit par rapport au futur nouveau complexe de Hadid (le stade de Maki est en bas à gauche sur l’image ci-dessous). Une des contraintes de ce stade est d’avoir un toit rétractable pour permettre d’abriter différents types d’événements tels que des concerts, spectacles ou autres événements culturels. Selon le jury, la proposition de Zaha Hadid présentait tous ces pré-requis dans un ensemble d’une fluidité et dynamisme adaptés aux compétitions sportives. La quasi-totalité des compétitions sportives des Jeux Olympiques se dérouleront dans Tokyo et seront réparties en deux zones: la zone héritage qui comprendra ce nouveau stade olympique ainsi que le stade de Yoyogi de Kenzo Tange, symbole des Jeux Olympiques de 1964 qui a récemment été en rénovation. Une grande partie des évènements se dérouleront dans la zone de la baie de Tokyo autour de Odaiba, Ariake et Shinkiba. Le village olympique sera apparemment vers Kachidoki et Harumi. Toute cette partie se situe sur des zones gagnées sur la baie de Tokyo et n’est pas encore pleinement développée. Certains promoteurs immobiliers se sont déjà lancés dans des projets de constructions de résidences. Pour exemple, Mitsubishi Jisho construira deux grandes tours de résidence à Harumi, pas très loin de l’action des Jeux. On peut imaginer que les Jeux Olympiques vont redonner un coup de boost à cette zone qui avait perdu un peu d’engouement niveau immobilier suite aux événements de mars 2011.

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Tadao Ando était également membre du comité olympique pour la candidature de Tokyo en 2016 et ses réflexions sur le design du Tokyo Olympique de 2020 restent très similaires à celles de 2016, à part l’emplacement du grand stade olympique qui était prévu d’être construit à Harumi dans le cas des Jeux à Tokyo de 2016. La politique d’utiliser au maximum les installations existantes reste similaire mais on constate qu’un certain nombre de constructions supplémentaires seront nécessaires sur la zone de la baie de Tokyo. Comme je le notais dans mon billet d’avril 2008, un point intéressant du plan olympique est l’utilisation d’une forêt sur la mer (umi no mori) pour les épreuves équestres et de mountain bike. Depuis mon billet de 2008, je n’avais pas trop suivi la concrétisation et l’avancement de ce projet lancé par Tadao Ando, mais cette forêt sur la mer (enfin plutôt une forêt sur des terres gagnées sur la mer) de 88 hectares est en cours de développement depuis 2007 et sera pleinement terminée en 2016. L’idée de Tadao Ando derrière la mise en place de cette espace vert est de créer une grande « allée verte » qui sera un passage pour les vents depuis la baie de Tokyo vers l’intérieur de la ville, et pour ainsi éviter les phénomènes de heat island en été dans certaines zones très urbaines où les tours cassent le passage du vent et où la chaleur a du mal à s’évacuer.

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Pour revenir au nouveau stade olympique, j’essaie de montrer sur la carte google ci-dessus l’emplacement du nouveau stade de Zaha Hadid à Kasumigaoka. Le concours de sélection du design de ce stade comprenait également d’autres projets d’architectes tout aussi renommés que Zaha Hadid, listés parmi les finalistes, comme Toyo Ito ou SANAA. J’aime beaucoup la proposition de Zaha Hadid, mais également quelques interprétations très différentes basées sur le végétal comme celles de Dorell.Ghotmeh.Tane et de GMP International Gmbh. Je trouve ces deux projets bien ancrés dans l’esprit du passage vert proposé par Tadao Ando. J’aime tout spécialement le stade des français de Dorell.Ghotmeh.Tane, comme une montagne en pleine ville couverte d’arbres. On devinerait à peine qu’un stade ce cache sous cette montagne. On perd par contre l’effet spectaculaire si on le compare au stade de Zaha Hadid ou à celui de Tange en 1964. Ces deux stades « végétaux » agissent certainement moins comme un symbole que la mémoire collective retiendra. Pour le spectaculaire, le stade de Hadid viendra « concurrencer » un autre grand stade olympique en Asie, le Nid d’oiseau de Herzog et de Meuron pour les Jeux Olympiques de Pékin.

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Ci-desssus les propositions de Dorell.Ghotmeh.Tane / Architects & A+Architecture (Tsuyoshi Tane, France) et de GMP International Gmbh (Hubert Nienhoff, Allemagne).

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Parmi les trois finalistes, on compte en troisième position SANAA et Nikken Sekkei pour un ensemble d’une grande délicatesse (comme toujours avec SANAA d’ailleurs), comme une forme de fleur blanche. Il semble que le jury fut sceptique sur la mise en place de certains des pré-requis comme le toit rétractable, ce qui fait que la proposition de SANAA n’a pas été retenue. On a du mal à bien entrevoir les structures ondulées sur la seule image ci-dessus, mais le dernier numéro de JA (JA 91 – Models are real) nous donne quelques autres vues du modèle présenté. On y devine un peu mieux la beauté de l’ensemble.

Shibuya changing

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Si on peut dire que Marunouchi est le territoire de Mitsubishi Estate, que Akasaka-Roppongi-Toranomon est celui de Mori Building, la station de Shibuya et les proches alentours sont celui de Tokyu. Le groupe Tokyu comprend des lignes de chemins de fer, des department stores, des hôtels, de l’immobilier, entre autres. A Shibuya, Tokyu possède un certain nombre de landmarks comme la tour Cerulean, l’immeuble Department Store Tokyu au dessus de la gare de Shibuya et Mark City juste à côté. En face de la gare, j’ai assez souvent pris en photo, notamment en cours de construction, le nouvel immeuble Hikarie construit au dessus de la station de la ligne Fukutoshin, que l’on doit à Tadao Ando. Tokyu gère également Bunkamura composé de salle de concert, théâtre et musée (une architecture en collaboration avec le francais Jean Michel Vilmotte) et la tour 109 (par l’architecte Minoru Takeyama). Il y a quelques autres immeubles dans le « parc » Tokyu comme on peut le voir sur la carte ci-dessous.

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Le renouvellement du paysage urbain au centre de Shibuya a donc démarré avec la ligne Fukutoshin et la gare de métro correspondante, juste au dessous de la tour Hikarie terminée en avril 2012. L’étape suivante a été la mise en souterrain de la ligne Toyoko en mars 2013. Cette ligne passe désormais sous terre à partir de la station de Daikanyama et n’emprunte plus une voie ferrée suspendue. La suite du renouveau de la gare de Shibuya passe par 3 projets de re-développement de grande envergure: le re-développement de la station de Shibuya, celui de la zone sud de la station (le district 21 de Shibuya 3-chome) et la zone de Dogenzaka.

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Le développement urbain de la station de Shibuya est le plus important et se compose de 3 tours adjacentes et d’un réaménagement de la place de Hachiko donnant sur le grand carrefour de Shibuya. La plus haute tour, la tour Est de 46 étages, fera face à Hikarie et sera relié par le passage piéton existant (nouvellement construit d’ailleurs). Les deux autres tours reliés sont de tailles plus modestes, 10 étages pour la tour centrale et 13 étages pour la tour Ouest.

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La construction démarrera en 2013 pour une ouverture prévue en 2020 (grande tour Est) et 2027 (tour centrale et Ouest). Je me demande d’ailleurs si ce planning tout en longueur sera respecté, considérant les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. On trouvera dans ces tours reliées à la station, des bureaux, magasins, parking… Rénover cette vieille station de Shibuya, en améliorer les connexions et le réseau piéton, fera très certainement beaucoup de bien. On ne peut pas dire que l’immeuble Tokyu existant possède un cachet ou un intérêt particulier, ou que les différentes lignes de métro/train (Ginza, JR Yamanote, Toyoko, Fukutoshin) soient particulièrement bien interconnectées. Je crois comprendre que Tokyu et JR East feront appel à Kengo Kuma pour la conception d’une partie de ce re-développement (les bas étages) ainsi qu’à SANAA pour le design d’un espace ouvert vers l’extérieur au 4ème étage. Kengo Kuma était d’ailleurs déjà intervenu sur la rénovation d’une façade de la gare actuelle de Shibuya. A suivre, mais on a de toute façon quelques années devant nous avant de voir aboutir ce grand projet.

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La deuxième grande partie de ce projet est le re-développment de la partie Sud de la station de Shibuya, actuellement accessible depuis une petite rue parallèle à la rue Meiji après avoir traversé la petite rivière bétonnée de Shibuya. Sur le plan ci-dessous, il s’agit du District 21 de Shibuya 3-chome, situé entre la rue Meiji et la ligne JR Yamanote.

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Pas forcément facile de se représenter ce grand ensemble. J’ai essayé sur la carte google ci-dessous de replacer les pièces du nouveau puzzle à construire.

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La nouvelle tour au Sud de la station de Shibuya fera 33 étages et se composera de bureaux, magasins, un hôtel et parkings. La construction commencera également en 2013 pour se terminer plus tôt que le reste de la station, en 2017. Cette tour et le réaménagement des alentours ont pour but de re-dynamiser cette partie de Shibuya, coupée du reste de la station par la route 246 et la rue Meiji. Rétablir cette connexion est apparemment un des buts de ce re-développement. Un point assez intéressant est la réhabilitation d’une partie de la rivière de Shibuya en bas de la tour en une zone de promenade verte. On a du mal à imaginer, en pensant à l’état actuel de cette rivière de béton comment Tokyu va rendre cet espace agréable, mais je demande à voir. Ce travail de réaménagement de la rivière de Shibuya me rappelle l’étude Tokyo Fibercity 2050 de Hidetoshi Ohno, qui tentait de redonner des zones vertes à Tokyo. Sur la proposition de Fibercity 2050, la petite rivière de Shibuya était entourée d’arbustes, avec un réseau de passerelles piétonnes croisées au dessus. Le projet de Tokyu semble moins complexe et plus classique, peut être un peu plus dans le style de la rivière de Meguro.

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La troisième et dernière partie de ce projet est le re-dévelopmment de Dogenzaka 1-chome, où se trouve le Tokyu Plaza, séparé de la station de Shibuya par une partie de la station de bus.

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En fait, en repensant à ce projet gigantesque, ce qui m’intrigue le plus, c’est la manière dont ils vont réaménager la rivière de Shibuya. Dans le centre de Tokyo, les petites rivières ont tendance à être bétonnées et même à disparaître. C’est le cas par exemple de la rivière Imorikawa qui part de Aoyama Gakuin, près de Omotesando, pour redescendre vers la rivière de Shibuya au niveau de la rue Meiji à Hiroo 1-chome. En me promenant à Hiroo, j’avais été intrigué par une petite rue cachée en bas d’un escalier au nom de rivière (Imorikawa donc). Après quelques recherches, cette petite rue était autrefois une rivière, avant l’ère des Tokugawa. On trouve même des sites internet qui retracent en photos le tracé de cette rivière en donnant des indices de sa présence passée. Ce sont des chasseurs de rivières perdues, et c’est assez fascinant.