un Fuji rouge au bord de la rivière

Ce billet avec cette sélection de photos est le dernier que j’avais gardé dans mes brouillons depuis plus d’un mois. J’ai pris beaucoup de photos ces deux derniers week-ends mais elles sont encore précieusement conservées sur la carte mémoire de l’appareil photo sans les avoir transférées vers l’ordinateur. J’en oublierais presque ce que j’ai pris et les endroits où je suis allé. Comme sur une pellicule de film argentique, on oublie ce qu’on a pris en photo lorsqu’on la fait développer des mois après, et la surprise est d’autant plus grande. Ceci me rappelle que j’ai justement une pellicule en cours depuis de nombreux mois, peut-être même plus d’un an, et je n’ai strictement aucun souvenir de son contenu. Une idée aurait été de prendre toutes ces photos et ne les développer au fur et à mesure que 20 ans après. L’impact visuel que l’on doit éprouver en découvrant ses propres photographies 20 ans après les avoir prises doit être surprenant, si on compare à l’impact de voir une photographie d’un lieu qu’on vient juste de traverser la journée même. Faire reposer des photographies dans un billet en brouillon pendant plus d’un mois a l’intérêt de se laisser le temps nécessaire pour se questionner sur la qualité des photos que l’on veut montrer. Je l’ai déjà mentionné auparavant mais l’interêt que je peux trouver dans certaines photos que je montre n’est certainement considéré que par moi-même, et tant mieux si d’autres y trouvent également un intérêt ou, au mieux, une certaine poésie.

Il y avait initialement quelques photographies supplémentaires sur ce billet, mais j’en ai retiré plusieurs pour ne conserver que celles ci-dessus prises principalement le long de la rivière Meguro, mais également à Udagawachō à Shibuya. La première photographie est prise près de la grande jonction Ikejiri-Ōhashi. On aperçoit les portions d’autoroutes en hauteur juste avant leur plongée dans l’énorme jonction. Ces portions d’autoroutes se superposant passent au dessus de la grande route 246 qui elle-même traverse la rivière Meguro. Cette accumulation de voies superposées rend cet endroit visuellement intéressant, mais j’aime en fait surtout l’insecte vert dessiné sous le pont au niveau de la rivière. On le devine à peine, car il n’est pas immédiatement visible depuis la rue. A quelques mètres de cet insecte, deux engins mécaniques sont installés dans la rivière. J’imagine qu’ils sont utilisés pour nettoyer la rivière, mais on peut se demander comment ils ont été déplacés à cet endroit là. On ne le voit pas sur la photographie, mais deux grues sont disposées juste à côté. Un peu plus loin, plus près de Naka Meguro, je retrouve la mosaïque du Mont Fuji rouge de Invader s’inspirant directement du Gaifū kaisei (凱風快晴) de Katsushika Hokusai. La dernière photographie nous fait revenir à Shibuya dans le quartier de Udagawachō. Quand je passe dans ce quartier, je jette systématiquement un œil au magasin de disques Manhattan Records, car un des murs du building est toujours décoré d’un graph élaboré, et celui-ci change régulièrement. Il y a trois ans, on pouvait y voir un avion de chasse à tête de requin. Cette fois-ci, il s’agit d’un grapheur venant lui-même dessiner sur ce mur.

Dans le billet précédent, je mentionnais le livre de photographies éponyme de Mika Ninagawa sorti en Octobre 2010. Au moment de l’écriture de ce billet, j’avais recherché si ce livre était disponible sur Mercari et avait trouvé une version à un très bon prix. Je l’ai reçu le lendemain. La rapidité de réception dépend de celle de l’envoyeur mais on atteint dans ce cas là une rapidité digne d’Amazon. J’avais même reçu le photobook avant d’avoir fini l’écriture de mon billet. Ce livre est un sacré pavé de 352 pages, avec en préface une interview de Mika Ninagawa avec Daido Moriyama. Ce livre n’était en fait pas publié au Japon et il est en anglais, mais je l’avais quand même vu en librairie comme je le mentionnais dans mon billet précédent. Il s’agit en quelque sorte d’une rétrospective du travail photographique de Ninagawa, mélangeant photographies de fleurs et portraits de personnalités, comme Chiaki Kuriyama ou Anna Tsuchiya (qui jouait le rôle principal dans Sakuran, le premier film de la photographe), entre beaucoup d’autres. L’impression papier met bien en valeur les couleurs extra vives des photographies de Mika Ninagawa. Parmi les personnalités photographiées, je mentionnais dans le billet précédent une photo de Sheena Ringo (椎名林檎), que je montre ci-dessus. Elle est accompagnée sur cette photo par les acteurs Shun Oguri (小栗旬), Lily Franky (リリーフランキー) et Kenichi Matsuyama (松山ケンイチ). Cette photo est tirée d’une série montrée dans le livre magazine (mook) sorti en Novembre 2006, Kaze to Rock to United Arrows (風とロックとユナイテッドアローズ). Il s’agissait apparemment d’une collaboration avec la marque de vêtements United Arrows. Je n’avais pas acheté de livres de photographies depuis longtemps et ça m’ouvre l’esprit de le voir posé sur la petite table du salon et de le feuilleter progressivement tous les soirs.

just be where you are

Je documente beaucoup les changements visuels qui s’opèrent en ce moment à Shibuya et ça risque de continuer encore pendant plusieurs mois, le temps que les nouveaux blocs architecturaux se mettent en place. Je me dis que ça sera intéressant de revoir ces endroits en photographie dans une dizaine d’années lorsque ces nouveaux immeubles et le nouvel urbanisme qui l’accompagne seront devenus un paysage commun pour les passants de Shibuya. En pensant au Shibuya d’il y a plus d’une dizaine d’années, je me remémore soudainement les photographies argentiques qu’avait fait le photographe Sebastien Pons entre 2001 et 2005 dans sa série Colors of Tokyo. Je me souviens qu’il me les avait montré lors de son passage à Tokyo. J’avais été grandement impressionné à l’époque par les couleurs saturées qu’il développait, donnant un grand impact aux personnages de rue qu’il prenait sur le vif. J’ai certainement pris l’habitude de pousser un peu la saturation de mes photographies après avoir vu les siennes, mais je suis incapable de prendre des inconnus en photo sur le vif comme il le faisait. Ce style de couleurs très saturées me rappelle le style de la photographe japonaise Mika Ninagawa. Comme je le mentionnais rapidement dans le billet précédent, elle réalise également des films comme Sakuran avec Anna Tsuchiya comme actrice principale en 2006 et Helter Skelter avec Erika Sawajiri en 2012. Je viens d’ailleurs de regarder Helter Skelter sur Netflix. J’ai bien aimé le film qui nous parle de l’aliénation provoquée par la célébrité et le côté ‘prophétie auto réalisatrice’ quand on connaît les soucis judiciaires actuels de Sawajiri est assez perturbant. J’ai également commencé à regarder la série Followers, toujours de Mika Ninagawa sur Netflix, et on nous parle encore du milieu de la mode et de ses règles infernales. Je ne sais pas trop quoi en penser, car la série se laisse regarder mais est extrêmement agaçante à de nombreux égards. La série reste très inoffensive et les acteurs ont une tendance a sur jouer et à se regarder jouer. Il y a tellement d’acteurs et actrices invités faisant des apparitions que ça ressemble à un défilé de mode. L’histoire, dans les quatre premiers épisodes que j’ai vu pour l’instant, reste assez prévisible et la critique en fond des médias sociaux sent le déjà-vu et arrive beaucoup trop tard pour être intéressante ou avant-garde. Le film Helter Skelter montre ce même milieu professionnel de la mode mais était beaucoup plus dérangeant et intéressant. Du coup, Followers ressemble à une version japonaise de Gossip Girl, série qui était certes distrayante dans ses premières saisons, mais on attendrait un peu plus d’originalité de la part de Ninagawa. Mais on se rattrape sur la beauté graphique de Followers qui me fait tout de même continuer, en espérant que l’histoire décolle un peu plus tard dans les épisodes de la série. C’est aussi étonnant de voir KOM_I en actrice, et la bande son est intéressante. On peut y entendre des morceaux de Supercar, Chai et Sheena Ringo (que Mika Ninagawa a d’ailleurs déjà pris en photo). Sur Helter Skelter, j’avais eu la bonne surprise d’entendre le morceau Mushi no Onna de Jun Togawa (morceau qui est très utilisé apparemment car je l’avais déjà entendu dans Forest of Live de Sion Sono).

Je suis un peu aigri en ce moment car j’ai décidé de ne pas aller au concert de Tokyo Jihen ce week-end. Une très grande majorité des événements spéciaux, concerts, écoles, certains espaces culturels comme Bunkamura, les Disneyland et Universal Studio ont décidé de fermer leurs portes sur consigne du gouvernement japonais pour essayer d’endiguer le virus, mais Tokyo Jihen décide malgré cela de maintenir les deux concerts de Tokyo dans le Hall A d’une capacité de 5000 personnes au Tokyo International Forum. Une option de remboursement est proposée, mais j’ai du mal à comprendre la position du groupe de maintenir ces concerts dans la situation actuelle. La logique de symétrie qui pousse Sheena Ringo à vouloir absolument redémarrer le groupe un 29 Février, va un peu trop loin à mon avis. J’aurais grandement préféré que le concert soit repoussé pour pouvoir y assister plus tard.

Pour me réconforter un peu, j’écoute Purity Ring qui est de retour avec un nouveau morceau intitulé Stardew. C’est un vrai bonheur car le morceau est excellent comme les très bons moments des albums précédents, notamment Another Eternity que je me remets à écouter en boucle en ce moment. Le style électronique-pop est toujours prépondérant sur ce nouveau morceau, mais il surpasse en qualité et intérêt tous les morceaux que je connais du groupe.

Un grand nombre des titres de mes billets sont extraits de paroles de morceaux dont je parle dans chaque billet, et je trouve qu’ils sont étrangement d’actualité sur les deux derniers billets.

revisiter Doraemon

L’exposition Doraemon Tokyo 2017 se déroulait du 1er Novembre 2017 au 8 Janvier 2018 à la Mori Arts Center Gallery au 52ème étage de la tour de Roppongi Hills. Nous ne voulions pas la manquer car Zoa adore les histoires de ce personnage de chat robot bleu, comme beaucoup d’enfants au Japon. En fait, en grand enfant que je peux être parfois, j’aime aussi beaucoup cette série pour son humour et l’ingéniosité des gadgets que Doraemon sort de sa pochette magique pour venir en aide à l’écolier paresseux Nobita. Je n’ai vu que quelques épisodes de la série télévisée et que 3 ou 4 films animés en DVD, mais on se familiarise et on s’attache très vite aux personnages et à l’ambiance de cette série qui se déroule en banlieue de Tokyo. Il existe un musée permanent sur l’univers de Fujiko Fujio, les créateurs de Doraemon, à Kawasaki. Nous l’avions visité avec passion il y a exactement 4 ans. L’exposition que nous avons vu cette fois-ci à Roppongi Hills était très différente car il ne s’agissait pas de créations originales de Fujiko Fujio, mais de réinterpretations de l’univers de Doraemon et de ses personnages par d’autres artistes, plus ou moins renommés. Beaucoup de ces artistes invités évoquent le fait que Doraemon les a accompagné depuis l’enfance. Je pensais que la plupart des artistes invités re-dessineraient complètement les personnages de Doraemon à leur manière mais ce n’était en fait pas vraiment le cas, à part Yoshitomo NARA 奈良 美智 qui représente Doraemon d’une manière similaire aux portraits de petits personnages à la fois mignons mais à l’air cruel, qui sont sa signature d’artiste. L’artiste Tomoyoshi SAKAMOTO 坂本 友由 s’inspire lui aussi très librement des personnages de Doraemon en montrant une Shizuka à l’âge adulte entourée d’étranges objets de science fiction. On a un peu de mal à reconnaître le lien avec Doraemon, si ce n’est la petite tête bleue du personnage qui apparaît en bas de l’œuvre. Ceci étant dit, l’exécution est vraiment superbe. Takashi MURAKAMI 村上 隆 fait également partie des artistes invités, ce qui n’est pas très étonnant car c’est un des habitués de Roppongi Hills. A l’entrée de l’exposition, il nous montre une gigantesque fresque mélangeant les personnages de Doraemon avec les motifs de fleurs ultra colorées, qui sont là encore la signature de l’artiste. La photographe Mika NINAGAWA 蜷川 実花, quant à elle, nous montrait deux séries de photographies personnifiant Doraemon et le mettant en scène dans une promenade amoureuse. Tomoko KONOIKE 鴻池 朋子 nous montrait également une grande fresque avec tous les personnages de la série mais centrée sur le personnage de Shizuka, entouré d’animaux fantastiques. On pense à la représentation d’un rêve ou d’un cauchemar, mais des animaux fantastiques font souvent irruption dans les grandes aventures de Doraemon au cinéma. C’est intéressant de voir qu’après le personnage de Doraemon, c’est celui de Shizuka qui semble avoir le plus inspiré ces artistes. L’exposition était plus dense que je l’imaginais. On y trouvait diverses installations dans des pièces dédiées de l’exposition. J’étais également agréablement surpris par la qualité de ce qui était présenté. On reconnaît une authentique admiration et reconnaissance pour ce personnage et cet univers, certainement parce qu’il remonte à des souvenirs d’enfance pour certains des artistes ou bien parce qu’il a accompagné les enfants de ces artistes. Ce n’est apparemment pas la première exposition de ce type qui a lieu sur l’univers de Doraemon. Vu la longévité de la série, l’inspiration semble intarissable et c’est tant mieux.