スーパーポジション

La superposition d’images, ici à Shibuya, est une de mes activités favorites ces derniers temps sur ce blog, car elle agit comme un filtre de lumière qui révèle certains éléments d’une photographie et en cache d’autres. Au final, on obtient une atmosphère très différente de l’objet visuel initial.

Sur l’interface d’édition de Made in Tokyo, j’ai en général toujours un ou plusieurs articles en cours d’écriture. J’y jette d’abord une série de photographies ou de compositions ordonnées avant de commencer à écrire le texte qui accompagnera ces images. J’écrivais d’abord mes textes sur un bloc note papier à couverture souple Moleskine, pour ensuite les retranscrire sur le blog. Depuis quelques mois déjà, j’ai changé de manière de faire, car j’écris maintenant mes textes sur l’application Notes de l’iPhone, iPod ou iPad, avec l’avantage que les textes écrits sur un appareil peuvent se synchroniser automatiquement avec les autres. J’ai pris une certaine habitude à écrire mes textes dans le métro le soir sur le chemin du retour, avec la « musique du moment » dans les oreilles. Dans cette configuration, l’écriture sur papier n’est pas aisé. J’arrive étrangement à accéder à une grande concentration dans le métro lorsque je m’isole les oreilles des bruits alentours. Les annonces du métro prennent bien sûr le dessus sur la musique mais finissent par se faire oublier dans la longueur. Je finis rarement d’écrire un texte pendant un seul trajet retour, mais je m’y prends petit à petit en complétant parfois le soir à la maison.

Pendant que j’écris ces lignes, la « musique du moment » est celle du groupe japonais Supercar スーパーカー avec un album assez « ancien » intitulé Three Out Change, sorti en 1998. Il s’agit en fait du premier album de ce groupe désormais inactif depuis 2005. Après quelques passages récents vers la J-Pop, je reviens vers une musique plus rock et alternative. L’album est assez long avec 17 morceaux mais ils ont tous une mélodie accrocheuse et l’alternance de la voix masculine, de Kōji Nakamura 中村 弘二, et de la voix féminine, de Miki Furukawa 古川 美季, est bienvenue. C’est le cas notamment pour un des singles de l’album, l’excellent morceau Lucky. J’aime en général beaucoup cette alternance dans les voix. Le groupe, originaire du Nord du Japon à Aomori, a sorti cinq albums pendant leur courte carrière musicale. Je pense m’y plonger un peu plus dans les semaines ou les mois qui viennent.

J’explore également un peu plus ces derniers temps la musique rock indé de Kinoko Teikoku きのこ帝国 avec le EP Long Goodbye sorti la même année que l’album Eureka dont je parlais auparavant. Cet EP est court mais excellent, dans la même veine que Eureka. J’aime la voix de Chiaki Satō 佐藤千亜妃 et la manière dont elle se conjugue avec l’électricité des guitares. C’est dommage que Kinoko Teikoku n’ont pas conservé ce style et ce son sur leurs albums les plus récents.

Nikkō au milieu d’une lumière solaire

Nous n’avions pas fait de sortie hors de Tokyo depuis longtemps et ça nous avait manqué. Nous sommes donc allés à Nikkō, histoire de voir si les lieux n’avaient pas changé depuis plus de 15 ans (la dernière fois que j’y suis allé). Nous y sommes allés en voiture. Il faut prévoir environ 2 heures de route, mais c’est sans compter les embouteillages sur l’autoroute à l’allée et au retour. Cela restait relativement raisonnable cependant sur la voie express du Tohoku et sur l’autoroute intra-muros de Tokyo. Je n’imaginais pas par contre qu’il y aurait autant de monde à Nikkō même. Il a fallu galèrer pour avancer vers le parc abritant les fameux temples et sanctuaires classés au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999. A tel point que nous avons préféré aller voir les cascades près du lac Chūzenji en premier dans la matinée, en espérant que ça se décante un peu du côté du centre de Nikkō. On accède au lac d’altitude de Chūzenji par une route en lacets et en sens unique qui grimpe la montagne. La multitude des courbes doit faire le bonheur des motards. Elles sont extrêmement acérées. Conduire une moto me semble tellement loin maintenant, mais voir autant de motards sur ces routes a réveillé un peu la flamme. En haut de ces courbes près du lac, à 1269 mètres d’altitude, se trouve la chute d’eau de Kegon. Elle fait 97 mètres de haut et c’est une des trois plus grandes cascades du Japon. Mari connaissait déjà cet endroit pour y être venu il y a longtemps, lorsqu’elle avait dix ans. En ce qui me concerne, j’avais déjà vu d’autres belles cascades près du lac Chūzenji, celles de Ryuzu, mais elles étaient beaucoup moins impressionnantes que celle de Kegon. Elle est directement reliée par la rivière Daiya au lac Chūzenji. Des mouvements de roches volcaniques ont créé ce décrochage de la roche provoquant ce grand saut dans le vide. La chute d’eau de Kegon a d’ailleurs un côté assez sinistre car on y compte dans le passé nombre suicides de couples sautant dans le gouffre depuis les hauteurs de la cascade. Je pense que cette situation a changé depuis. Mari plaisante exprès en disant à Zoa qu’il doit y avoir de nombreux fantômes dans ce coin là. On les devinerait presque d’ailleurs si on regardait attentivement dans la brume créée par la puissance de la cascade. On peut observer la chute d’eau depuis les hauteurs à travers les arbres, mais pour l’approcher il faut acheter un ticket d’ascenseur qui nous amène pratiquement au pied de la cascade, vers une plateforme d’observation. On ne peut pas accéder à cette plateforme sans s’acquitter de ce billet d’entrée. C’est un peu dommage mais cela vaut définitivement le coup de voir cette immense chute d’eau de près.

Nous reprenons ensuite la voiture pour redescendre une autre route extrême en lacets et heureusement en sens unique pour retourner vers le centre de Nikkō, à la recherche d’un parking qui nous permettra de démarrer notre visite du Tōshō-gū. Le hazard des petites rues boisées proposées par un système de navigation souvent capricieux nous amène jusqu’à un tout petit parking près des arrêts de taxi. Il y a une seule place de libre. Une aubaine, mais nous ne sommes pas à 100% certains que l’on peut stationner ici gratuitement. Il n’y a aucun panneau l’interdisant donc on tente le coup. Le parking donne sur la grande allée principale bordée d’arbres centenaires menant directement à l’entrée du Tōshō-gū. Il y a foule sur la place à l’entrée du Tōshō-gū et il en est de même à l’intérieur. Nous sommes le dimanche d’un week-end de trois jours, ce qui doit expliquer la foule. Il y a beaucoup de japonais, mais également beaucoup d’étrangers et j’entends le français parlé dans les rangs. Il semblerait, m’a t’on dit, que le Japon soit devenu une destination touristique en vogue. J’ai des souvenirs d’un Nikkō beaucoup moins « peuplé » lors de mes premières visites de ces lieux. On fera avec de toute façon, mais c’est un peu déplaisant d’avoir à attendre en file avant de visiter la partie intérieure du Tōshō-gū ou pour monter les escaliers qui mènent jusqu’à la tombe du Shogun Ieyasu Tokugawa. C’est le Shogunat Tokugawa qui est à l’origine de la conception de ces lieux religieux, datant de 1617 pour les premiers édifices, perdus dans une forêt de montagne. Malgré la foule, on est tout de même saisi par la beauté et l’extrême richesse des lieux. Le détail des sculptures et les matériaux dorés sur la surface des temples sont extravagants. Même si on connaît déjà ces endroits, les revoir coupe toujours autant le souffle. Peut-être même plus qu’avant car certaines parties des temples ont été rénovées, donnant un nouvel éclat aux dorures et aux couleurs des sculptures. Nous profitons d’une belle journée ensoleillée pour visiter le parc de Nikkō. Il fait moins chaud qu’à Tokyo. Les rayons du soleil sont arrêtés dans leur élan par les troncs des arbres centenaires, mais quelques mouvements de côté viennent nous baigner dans cette lumière. Au milieu d’une lumière solaire, nous sommes éblouis par les reflets de Nikkō.

collapsing

Depuis très longtemps, même avant que j’habite au Japon, j’ai l’image d’un lieu en tête, mais cette image n’est pas précise et en fait très floue. Ce lieu me revient parfois en tête quand je marche en ville à Tokyo, comme un phénomène de déjà-vu. J’ai en tête cette image depuis, je pense, plus de vingt ans, avant ma venue à Tokyo. J’ai la certitude que ce lieu se trouve en ville et à Tokyo. Il s’agit peut être d’une image de Tokyo que j’ai vu en photographie sur un livre ou un magazine en France, ou dans un film. A cette époque où je rêvais de Japon, cette image a peut être nourri mon imaginaire et est peut être restée inscrite dans mon inconscient. Ce n’est pas une obsession car je n’y pense que de temps à autre, mais depuis que je vis à Tokyo, c’est comme si je recherchais sans relâche ce lieu à travers mes nombreuses marches en ville. Le problème est que ce lieu tient plus de la sensation que d’un lieu clairement défini. Il pourrait s’apparenter à un type d’espace qu’on pourrait trouver à différents endroits dans Tokyo, sans qu’il ait une appartenance forte avec un quartier précis. J’ai quelques certitudes sur certains aspects du lieu, mais également beaucoup d’incertitudes. Le lieu se trouve à priori au deuxième étage d’un immeuble ou d’une maison. Il n’est pas accessible directement depuis l’extérieur, protégé de la rue, mais en même temps proche de l’activité, des bruits et des voix de la rue. Un deuxième étage, comme un observatoire des activités urbaines, semble correspondre à mon image. Je ne suis pas certain s’il s’agit d’un lieu de travail ou d’un lieu de vie. Il me semble être entre les deux, peut être un lieu où on y poursuit une passion ou un hobby. Le lieu n’est pas spécialement confortable et me semble encombré de choses sans que cette image soit précise, comme des objets qu’on entrevoit à travers une vitre semi-opaque. Il s’agit certainement d’objets permettant la création de quelques chose, car je ressens ce lieu comme un espace de création. Ce n’est pas un lieu vide, il y a une certaine animation des choses dans ce lieu. La structure de l’endroit n’est pas simple car on devine de nombreux angles depuis l’extérieur, depuis un petit balcon sur lequel quelques plantes ont poussé sans entretien jusqu’à envahir la terrasse du balcon et empêcher son accès depuis l’intérieur. Cette image d’un lieu n’est pas un souvenir du passé mais un lieu du présent voire un lieu dans le futur. Il doit certainement inconsciemment représenter mes peurs et mes aspirations.

Deux ans après le Cheetah EP, Aphex Twin sort enfin un nouvel EP intitulé Collapse incluant cinq morceaux, dont T69 collapse dont je parlais auparavant, dans le style et l’esprit que l’on connaît de Richard D. James. C’est une bonne chose, car ces sons électroniques sont tout simplement beaux et percutants. Il y a une atmosphère et une intensité qui nous poussent à l’introspection. J’ai le même sentiment que pour Autechre que cette musique est une évolution avant-garde de ce que nos sens pourrait venir à accepter dans le futur comme un standard musical. Mais tandis qu’Autechre est parti depuis quelques temps vers des sphères insondables et qu’on a du mal à les suivre sans passer par une formation immersive des sens, la musique électronique d’Aphex Twin reste très accessible car elle ne renie pas la mélodie. Les mélodies, parfois aux sonorités Sud asiatiques d’ailleurs sur cet EP, sont par contre et bien entendu malmenées et sans cesse transpercées de minuscules cliquetis électroniques. Toutes ces notes et incursions électroniques sont extrêmement bien maîtrisées, c’est le génie d’Aphex Twin, mais donne également l’impression que les machines tentent de prendre le dessus, comme une intelligence artificielle qui apprend à auto-générer ses sons par tâtonnements. Il y a un côté anxiogène dans certains morceaux, mais ils sont rapidement contrebalancés par des pointes de lumières. Chaque morceau de ce EP a un déroulement imprévisible, ce qui rend l’ensemble extrêmement intéressant à l’écoute.

walking like a ghost

Des personnes marchent et d’autres observent. En ce qui me concerne, j’aime faire les deux en même temps, observer dans le mouvement tout en marchant dans les rues interminables de Tokyo. Les occasions de marcher dehors se sont faites assez rares malheureusement pendant un mois de Septembre très pluvieux, sans parler des typhons qui nous empêchent de dormir tranquillement quand ils décident de passer nous voir pendant la nuit. Ils frappent sans relâche les arbres devant la résidence, au point qu’on se demande s’il ne va pas y avoir de la casse. La première photographie est prise, une nouvelle fois, à Shinagawa et il s’agit d’une partie de l’immeuble à l’aspect monolithique noir de NTT Data. Cette partie de l’immeuble est comme une anomalie, une protubérance qui se dégage de l’immeuble de manière asymétrique. Cette partie de l’immeuble semble être la partie publique donnant accès à des centres de conférences. J’aime ces coloris de vitrages verdâtres, comme on peut le voir également sur le petit immeuble de la deuxième photographie près de la gare d’Ebisu. Le design des grandes surfaces vitrées en forme de ruches d’abeilles est intéressant. Si on n’entrevoyait pas l’intérieur, on aurait l’impression qu’il s’agit d’un gigantesque aquarium. La troisième photographie est celle d’un coin de rue à Ebisu. Le bâtiment noir à droite était celui du Club Milk, un des clubs les plus connus à Ebisu mais qui a fermé ses portes il y a plus de dix ans, en 2007 pour être précis. Comme la façade noire si particulière n’a pas changé depuis ce temps là, je pensais même que Milk était toujours ouvert. Je me souviens y être allé à l’époque de mes vingt ans, mais je ne souviens plus du tout à quoi ressemblait l’intérieur. Ma mémoire me fait défaut et les téléphones portables i-mode de l’époque ne permettaient pas facilement d’immortaliser tous ces moments.

Images extraites des vidéos de deux morceaux de Oyasumi Hologram おやすみホログラム intitulées Emerald et Ghost Rider.

J’écoute assez régulièrement deux morceaux du groupe d’idoles alternatives Oyasumi Hologram dont je parlais déjà il y a plusieurs mois après avoir écouté un de leurs EPs, le EP15. J’écoute d’abord un ancien morceau intitulé Emerald en association avec un autre jeune groupe appelé Have a nice day!, après avoir vu une version live sur YouTube. J’aime l’énergie qui se dégage de ce morceau et la force de la partition électronique, certes simple et poussive, qui tourne sans relâche pendant toute la longueur du morceau. J’aime regarder cette version live prise en salle de concert car elle montre une version un peu foutraque du morceau entre problème de micro, sauts dans la foule de spectateurs admirateurs des deux filles, cris inattendus dans le micro … folie et excentricité de cette jeunesse là. La vidéo officielle ne manque pas non plus de brouillages avec mouvements excessifs de caméras et parasitages de l’image. L’autre morceau que j’écoute est plus récent car il s’agit du dernier single du groupe, intitulé Ghost Rider. La vidéo est beaucoup plus posée et se déroule au volant d’une Porsche blanche conduite par August 八月ちゃん, tandis que Kanamil カナミル regarde dans tous les sens dans les rues traversant, entre beaucoup d’autres, des quartiers de Shibuya. Ghost Rider est très différent des morceaux beaucoup plus riches en guitares du EP15. Les voix de ce morceau sont beaucoup plus maîtrisées que ce que je connaissais du groupe, ce qui me fait dire qu’elles savent également chanter de manière claire et fluide. Le morceau est très attachant et on y revient volontiers, même s’il est beaucoup plus mature et mainstream que les autres morceaux que je connais de OYSM.

Le fil twitter de OYSM me surprend avec cette photo de Shutoku Mukai et Hisako Tabuchi du groupe Number Girl. La photo a été prise au festival rock 夏の魔物2018 in TOKYO (Summer Demon) à Aomi. Oyasumi Hologram se produisait sur scène pour ce festival accompagné de Ahito Inazawa, également du feu groupe Number Girl. D’après le programme, Mukai et Tabuchi y jouaient le même jour, mais séparément. Les hasards de twitter me font découvrir une autre photo au même festival, toujours avec Mukai mais cette foi-ci avec Ano, idole alternative du groupe au nom bizarre ゆるめるモ! (You’ll melt more!). C’est une association photographique assez étonnante. Je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour ce groupe en particulier, mais j’avais beaucoup aimé le morceau de Towa Tei avec Ano sur le morceau REM de l’album EMO. Et Ano n’a pas l’air comme ça, mais elle est complètement barrée et on a du mal à bien percevoir s’il s’agit de comédie. Pour revenir à Number Girl, j’ai eu une période récente de ré-écoute des quatre albums du groupe en me disant que c’est bien dommage qu’ils aient arrêté. Il y avait quelque chose de puissant et d’authentique dans ce rock là. Number Girl a influencé beaucoup de suiveurs de la scène rock japonaise, et ont eu de nombreux fans. Sheena Ringo en faisait d’ailleurs partie. En espérant qu’elle puisse repartir un peu vers cette source rock là, car son dernier single 獣ゆく細道 (The narrow way) avec Miyamoto Hiroji n’est malheureusement pas très enthousiasmant.

your eyes are flashing like traffic lights

Je joue une fois encore avec le décor urbain tokyoïte en mélangeant et en superposant les images pour brouiller les pistes. Nous sommes bien à Tokyo sur toutes ces photographies mais à des endroits très différents et éloignés. De photographies prises à Shinagawa et à Haneda, nous allons ensuite sur les deux dernières photographies vers la banlieue de Tokyo près des montagnes, dans le restaurant japonais Toutouan de la petite ville de Akirunoshi あきる野市. Ça doit être la quatrième ou cinquième fois que nous y allons pour, à chaque fois, des réunions de famille après être passé au cimetière. Toutouan 燈燈庵 est un havre de paix. La vieille bâtisse du restaurant est entourée d’un jardin avec allées sinueuses et forêts de bambou. On y mange très bien, la cuisine y est très raffinée. A l’entrée du restaurant se trouve une petite boutique d’objets en porcelaine et en verre. On trouve également dans cette boutique quelques magazines ou livrets nous parlant du restaurant. Un classeur au format A4 posé sur la grande table en bois de la boutique m’intrigue un peu. En jetant un œil à l’intérieur, on découvre des photographies du restaurant à différentes saisons ainsi que des photographies des employés et cuisiniers à l’œuvre. Elles sont l’œuvre de Lionel Dersot. Il y a de cela plusieurs années, je suivais régulièrement son blog, attaché au journal en ligne lemonde.fr, qu’il appelait Journal de résidence. On le suivait dans ses déambulations dans Tokyo, mais il nous parlait surtout de cette ville d’une manière piquante, ce qui n’était pas très fréquent dans la blogosphère française au Japon. Il n’écrit plus sur ce blog depuis quelques temps. La plupart des blogs sur Tokyo ou sur le Japon que je lisais régulièrement il y a dix ou quinze ans sont malheureusement devenus inactifs ou ont tout simplement disparu. Les photographies à Shinagawa sont prises dans un restaurant de type izakaya dans un des buildings de la gare JR, au niveau des quais du Shinkansen. Nous sommes éclairés par une lune de papier japonais et avons une vue sur des rayons de bouteilles de saké, ce qui me laisse penser que la majorité de l’activité de ce restaurant doit être le soir lorsque les employés de bureaux des tours voisines d’Intercity terminent leurs longues journées de labeur. La photographie de la toiture courbe de l’aéroport joue comme un trait d’union entre ces deux mondes tokyoïtes. Toutes les photographies de ce billet, en plus du parasitage par superposition d’images des feux de la ville, sont légèrement teintées d’une couleur rose pour faire le lien avec la musique qui va suivre.

La chanteuse J-POP Kyary Pamyu Pamyu きゃりーぱみゅぱみゅ (de son vrai nom Kiriko Takemura 竹村 桐子), fer de lance du mouvement kawaii de Harajuku, n’est plus à présenter tant sa renommée dépasse depuis plusieurs années les frontières du Japon. On ne peut pas dire que je sois un fervent amateur ni que je suive sa carrière et ses disques avec attention, mais j’ai toujours gardé une oreille même distraite sur les créations pop électronique de Kyary, épaulée depuis ses débuts par le compositeur et producteur Yasutaka Nakata 中田 ヤスタカ, également aux manettes d’autres formations J-POP populaires comme Perfume. Autant je ne trouve pas beaucoup d’intérêt pour la musique sans profondeur de Perfume, autant certains morceaux de Kyary m’ont plu de manière ponctuelle au fur et à mesure des années. Je reconnais également une personnalité et une authenticité dans sa manière d’être, correspondant à sa musique. D’abord découverte dans les rues de Harajuku, elle n’était pas une pure création marketing. A ses débuts, il y avait quelque chose de novateur dans ce style, quelque chose d’un peu décalé, même dans la surdose générale de kawaii de cette musique. On remarquait parfois ce décalage dans sa façon de chanter ou dans l’imagerie utilisée. Malheureusement, ce décalage n’est pas constant et de nombreux morceaux sont je trouve assez peu intéressants. Son style ne s’est pas vraiment renouvelé d’où une certaine perte de popularité ces dernières années. Je pense que la machine marketing a poussé un peu trop loin les recettes des premiers morceaux à succès. Nous l’avions aperçu dans les rues de Omotesando pour un défilé d’halloween. C’était en 2012, la période de son pic artistique de l’époque de Fashion Monster ファッションモンスター.

Kyary vient de sortir son nouvel album Japamyu じゃぱみゅ le 26 septembre et je suis agréablement surpris. Attention, en prélude à ce qui va suivre, la musique de cet album est dans la continuité du style ultra-pop avec voix aiguë et style kawaii de l’ensemble de son œuvre. C’est un style aux antipodes de la musique rock indépendante ou électronique que j’écoute d’habitude. Cet album Japamyu est d’ailleurs le premier album de Kyary que j’écoute en entier, donc je ne peux pas vraiment comparer avec ses autres albums. Japamyu commence avec un court morceau intitulé Virtual Pamyu Pamyu バーチャルぱみゅぱみゅ pratiquement instrumental ressemblant à la musique d’un jeu vidéo de style shoot them up et prend ensuite des sonorités un peu plus pop. A vrai dire, ce premier morceau me surprend, mais c’est moins le cas des suivants qui me donnent l’impression de déjà les connaître et qui sont beaucoup plus classiques du style electro-pop sucré qu’on lui connaît. En fait, ce sont des singles déjà sortis auparavant, il y a longtemps même pour Harajuku Iyahoi 原宿いやほい, que j’avais d’ailleurs acheté sur iTunes à l’époque de sa sortie. J’aime beaucoup ce morceau, notamment pour certains passages où elle semble chanter un peu faux dans les couplets. C’est ce style un peu « off », en décalage, qui m’attire dans certains morceaux de Kyary. Il y a un certain nombre de morceaux japonisants également sur cet album, assez concis dans l’ensemble d’ailleurs, ce qui est une bonne chose. Certains sons électroniques me rappellent un peu ce que pouvait faire Suiyoubi no Campanella sur certains de leurs albums. Il y a un côté très ludique dans les enchaînements électroniques et la voix de Kyary sur un morceau comme Oto no Kuni 音ノ国. Un des morceaux de l’album que je préfère est le morceau intitulé Enka Natorium 演歌ナトリウム pour ses couplets parlés-rappés et son refrain aux accents de musique traditionnelle mais modifié électroniquement. Je me suis dit en écoutant ce morceau qu’elle devrait explorer un peu plus cette piste musicale, différente de ce qu’elle fait d’habitude. Ce morceau et celui d’avant Chami Chami Chamin ちゃみ ちゃみ ちゃーみん m’ont convaincu que cet album valait le coup d’entrer dans cet univers musical. Ce sont les deux meilleurs morceaux de l’album, à mon avis. Même si je ne me sens pas vraiment à ma place dans cet univers musical, je ne peux m’empêcher de vouloir y retourner.