avant la fin de l’année 2018 (2)

Nous allons de temps en temps voir des spectacles comiques de Manzai de l’agence Yoshimoto. Ce style comique se constitue en général d’un duo se renvoyant la réplique et parmi les deux comiques, il y a en général un des deux personnages qui joue le rôle de l’imbécile de service. Parfois, le comique peut devenir très absurde, parfois gestuel, parfois assez difficile à suivre. Je fais de mon mieux, bien que ça ne soit pas toujours facile. Le fait que le parlé d’Osaka soit souvent utilisé, car la plupart de ces comédiens proviennent d’Osaka, ne simplifie pas la tâche. Cette fois-ci, nous allons voir un spectacle Manzai à Ginza, dans une salle de spectacle appelée Blossom. L’endroit sert apparemment aussi pour les mariages mais pas cette salle de spectacle bien sûr. Nous y sommes allés l’après midi du jour de Noël, nous avions réservé nos places à l’avance et la foule était déjà en train d’attendre à l’entrée lorsque nous sommes arrivés. Le spectacle était complet. Comme pour la fois où nous avions été voir ce genre de spectacle à Osaka, la qualité est inégale en fonction des groupes de comédiens qui y participent, en général entre 5 et 10 groupes plus ou moins jeunes ou connus, passant régulièrement à la télévision pour certains. Une petite pièce de théâtre comique venait compléter le spectacle en deuxième partie. Le comique de situation est beaucoup plus présent sur cette deuxième partie, toujours à la limite de l’improvisation. Avant d’atteindre la salle de spectacle, je prends quelques photographies de rues en commençant par le théâtre Kabukiza qui était sur notre chemin. Dans une rue derrière le Blossom Ginza, j’aperçois un petit bâtiment à la surface de rouille. Je suis presque sûr d’avoir déjà vu cet immeuble dans une revue d’architecture, mais je peine à en retrouver la trace.

Et côté musique, un morceau intitulé Tokai ni matsuwaru Et Cetera 都会にまつわるエトセトラ de Minchanbaby dont j’aime beaucoup l’atmosphère musicale sombre et le rap lent parlé dans les rues de Shibuya comme on le voit dans le clip vidéo. Ce morceau est en fait un duo car SHACHI (don’t je parlais auparavant) prend le relai verbal à un moment du morceau. J’aime aussi le ton de sa voix, légèrement auto-tuné mais pas trop. Il y a quelques semaines, je m’étais procuré sur Bandcamp le EP de 7 titres Apple Sleep de Kudo Kamome, que j’écoute très régulièrement mais dont que je n’ai pas encore parlé ici. Il s’agit de morceaux pop électroniques parfois à la limite du rap, comme sur le deuxième morceau intitulé Flashback. Ces morceaux sont tous très accrocheurs et j’aime cette musique électronique changeante faisant intervenir des producteurs différents pour chaque morceau. La découverte de ce EP était une bonne surprise.

avant la fin de l’année 2018 (1)

L’année se termine bientôt. Elle a été chargée en contenu sur Made in Tokyo, que ça soit au niveau des textes ou des photographies. J’ai publié en tout, à l’heure où j’écris ces lignes, un total de 124 billets pour l’année 2018. C’est un chiffre plus important que pour l’année 2017 qui avait atteint les 95 articles publiés (chiffre qui était à l’époque presque le triple de l’année 2016 avec seulement 35 articles). Je ne suis pas certain de la raison de ce regain de productivité sur ce blog, format désormais un peu délaissé par les masses d’utilisateurs du web. Le format blog est toujours à mon avis un outil constructif par rapport aux plateformes Twitter et Instagram. Beaucoup d’anciens bloggers ont laissé tomber leurs blogs pour le flot continu de micro-informations sur Twitter ou pour les photographies au format minimisé sur Instagram, par facilité certainement mais aussi par recherche d’une plus grande interaction avec les visiteurs. J’ai aussi été tenté à un certain moment, il y a quelques années, d’arrêter ce blog pour passer pleinement sur Instagram. Je suis content, maintenant, de ne pas avoir fait ce choix. J’utilise toujours occasionnellement Instagram mais il a perdu beaucoup de son intérêt et de son attractivité ces derniers temps, en ce qui me concerne. Je suis en comparaison plus actif sur Twitter, mais je connais aussi ses limites et l’addiction absurde qu’il peut provoquer. J’entends certains, de temps à autres, nous dire qu’ils ou elles passent trop de temps sur les réseaux sociaux et qu’il faudrait y remédier. Au final, c’est un média où peu de choses se construisent. J’apprécie y trouver des liens et informations intéressantes de temps en temps, mais c’est au prix d’un temps précieux passer à faire défiler ses pages.

Le nombre de visites sur Made in Tokyo est stable sur les trois dernières années avec environ 19200 visites annuelles pour 2018 (un peu plus de 1500 visites en plus par rapport à 2017) ce qui fait une moyenne de 53 visites par jour. Il y a dix ou onze ans, le nombre de visites étaient dix fois supérieur à maintenant, mais il y avait à l’époque moins de sources d’information sur Tokyo et surtout moins d’emprise des réseaux sociaux. Sur les 53 visites journalières en 2018, près de la moitié consulte des articles anciens sur l’architecture japonaise: un billet sur le mouvement des Métabolistes des années 60, des articles sur l’architecture de SANAA, Kazuyo Sejima, Ryue Nishizawa ou plus récemment Sou Fujimoto. L’autre moitié consulte les derniers billets publiés au moment de leur publication. Je donne ces chiffres pour donner une idée générale du nombre de personnes passant par ici, mais je n’ai pas (ou plus) d’objectif d’expansion de ma base de visiteurs. D’une certaine manière, cette décroissance est comfortable car je ne me sens aucunement dicté sur le contenu que je dois mettre sur ce blog. Je n’ai par exemple plus d’appréhension à me répéter dans mes textes et mes images. Je dirais que ça fait même parti maintenant du concept. Bizarrement, l’inspiration ne se tarit pas car je trouve sans cesse des choses à écrire ici. En fait, plus que de montrer des photographies (qui reste je pense le principal point d’intérêt des visiteurs), je continue ce blog car j’ai tout simplement envie d’écrire. Cette reprise d’inspiration à écrire est aussi lié à mon regain soudain cette année pour la musique indépendante japonaise. C’est peut être le point le plus nouveau sur ce blog cette année, je me passionne dans la recherche de nouvelles musiques nées de la scène alternative, parfois en remontant les années pour découvrir les précurseurs comme Jun Togawa dont j’ai beaucoup parlé ces dernières semaines. Je sens le besoin d’écrire sur cette musique japonaise là, en dehors de la J-POP mainstream parce que je ne vois que très peu ou même pratiquement pas d’information en français au sujet de ces groupes et artistes. Il y a une fraîcheur artistique dans cette scène musicale japonaise là qui me pousse à continuer à explorer un peu plus en avant. Je ne suis pas sûr de conserver le même rythme de publication l’année prochaine mais je compte continuer à partager ici mes découvertes musicales. Et j’essaierais d’intercaler cela habillement avec les découvertes architecturales.

Parlons maintenant des photographies de ce billet. La première a été prise au sanctuaire Ana Hachiman situé à Nishi-Waseda. On peut se demander pourquoi il y a tellement de monde à attendre en file indienne devant le sanctuaire… J’y vais seul tous les ans à ce moment de l’année pour aller y acheter des talismans pour toute la famille. C’est une mission que me donne Mari et que j’accepte volontiers. Parmi les talismans, il y en a un que l’on doit accrocher dans une pièce de la maison dans une orientation particulière qui change tous les ans. Cette année, on pouvait se procurer ces talismans au sanctuaire Ana Hachiman à partir du Samedi 22 décembre et les jours où l’on peut les accrocher dans la pièce de sa maison sont définis à l’avance, soit le premier jour, c’est à dire le 22 décembre cette année, soit le premier jour de l’an, soit au moment de la fête de Setsubun au début du mois de février. Il faut l’accrocher à minuit. Nous suivons ces règles à la lettre. En général, nous accrochons le talisman le soir de Setsubun, mais comme cette année, je les ai acheté dès le premier jour, nous n’avons pas attendu jusqu’à Setsubun. On pouvait prévoir qu’il y aurait foule tôt le matin, mais je ne pensais pas à ce point là. Le sanctuaire ouvrant cette journée là spécialement à 5h du matin, je me lève à 3h30 pour prendre le premier train à 4h30 du matin et arriver un peu après 5h devant le sanctuaire. Je ne pensais pas que la file d’attente commencerait sur le trottoir en dehors de l’enceinte du sanctuaire. Il aura fallu attendre environ une heure en dehors de l’enceinte du sanctuaire puis une autre heure à l’intérieur pour pouvoir enfin approcher les comptoirs où on pouvait acheter ces fameux talismans. Pendant l’attente dans le noir d’abord tôt le matin et dans le froid, je me suis laissé accompagner par la musique de Guernica dans les écouteurs, en écoutant à la suite et plusieurs fois les trois albums qu’ils ont sorti et dont je parlais dans un billet précédent. Pour se rendre à Nishi Waseda, je passe par la gare de Takadanobaba que je connais très peu, à part cette fresque sous les rails, inspirée des personnages de Osamu Tezuka, que je prends en photo tous les ans. Le mangaka Osamu Tezuka est apparemment né dans le quartier en 1928 et y a passé sa vie. Je suis d’ailleurs en ce moment en plein milieu de ma lecture du manga sur l’histoire de Bouddha. C’est en fait le premier manga de Tezuka que je lis, mais j’avais bien sûr suivi avec beaucoup d’attention l’anime du petit robot Astro (Atomu ici) quand j’étais tout jeune. Les autres photographies du billet sont prises le matin dans les rues de Kichijoji, assez tôt car certaines devantures de magasins n’étaient qu’entrouvertes. Je me promènes au hasard des rues, mais la pluie intermittentes à limiter mes ardeurs exploratrices. Les derniers jours de l’année sont par contre beaucoup plus ensoleillés mais froids. Les rues de Tokyo se vident petit à petit car beaucoup partent rejoindre leurs villes ou villages natals.

arts de galeries (2)

Hiromine Nakamura 中村弘峰 à l’exposition Spiral Take Art Collection Shu Shu Shu Show, du 20 au 28 Octobre 2018.

Yoshino Takagi 髙木よ紫ノ à l’exposition Seibu Shibuya Style vol. 12 (du 27 novembre au 9 décembre 2018).

Michiko Nakatani 中谷ミチコ à l’exposition Spiral Take Art Collection Shu Shu Shu Show, du 20 au 28 Octobre 2018.

Takahiro Hirabayashi 平林貴宏 à l’exposition Spiral Take Art Collection Shu Shu Shu Show, du 20 au 28 Octobre 2018.

Chiaki Okabe 岡部千晶 à l’exposition Seibu Shibuya Style vol. 12 (du 27 novembre au 9 décembre 2018).

Akihiro Higuchi 樋口明宏 à l’exposition Spiral Take Art Collection Shu Shu Shu Show, du 20 au 28 Octobre 2018.

Sandra Chevrier, Art Gallery Seibu Shibuya Department Store.

Atelier Tsuyoshi Tane Architects pour l’exposition Citizen « We celebrate Time 100th anniversary » à la galerie Spiral à Minami Aoyama.

Hiroto Ikeuchi 池内啓人 à l’exposition Seibu Shibuya Style vol. 12 (du 27 novembre au 9 décembre 2018).

Ce billet fait suite à celui de l’année dernière où je réunis des photos prises avec l’iPhone de quelques oeuvres de jeunes artistes principalement japonais vues à la galerie du Department Store Seibu de Shibuya et à la galerie Spiral de Minami Aoyama. Dès que j’ai l’occasion de passer à proximité de ces galeries, je rentre y faire un tour rapidement. La programmation change environ toutes les semaines, donc on y voit toujours de nouvelles choses. La représentation de certains artistes comme Hiroto IKEUCHI se répète mais j’aime toujours autant voir de près les masques cyberpunk qu’il fabrique avec des objets d’électronique grand public. Au Spiral, l’exposition conçue par l’architecte Tsuyoshi Tane pour les 100 ans de la marque de montre Citizen était particulièrement impressionnante. Des lignes obliques soutenaient une multitude de blocs dorés de montres pour créer un espace dans lequel on pouvait se promener. L’effet est par contre assez difficile à rendre en photographie.

かめはめ波

Près de Harajuku, la boutique Asoko placée sur la rue Meiji change régulièrement sa devanture. Cette journée là, on avait le plaisir d’y voir dessiner le jeune Sangoku de la série Dragon Ball avec ses acolytes habituels. C’est amusant de tomber par hasard sur ce grand dessin. On aimerait que Goku nous sorte de ses paumes le fameux Kamehameha, histoire de réchauffer l’atmosphère en cette période de froid hivernal. On se contentera de les regarder, indifférents à notre pauvre sort de piétons en hiver. Les photographies de ce billet mélangent les lieux, en passant de l’immeuble noir et mystérieux Humax Pavillon de Hiroyuki Wakabayashi entrevu dans l’espace ouvert entre deux rues à Shibuya, puis vers Naka-Meguro devant une petite galerie ouverte sur la rue devant la rivière Meguro. A Ebisu, il s’agit d’une scène de rue le matin où on ressent des traces de l’animation du soir précédent. Ces traces sont invisibles mais une ambiance de calme après la tempête règne sur cette rue pratiquement vide, devant les devantures fermées des bars et restaurants. A Hiroo, on détruit un immeuble à coups de pelleteuses. La destruction prend quelques jours seulement mais on ne sait pas encore exactement quel objet architectural va naître de ce gravas de pierres et de tiges d’acier. Vu les régulations sur la hauteur des bâtiments dans le quartier, ça ne devrait pas être une tour qui va pousser par ici.

Togawa Fiction est très different de tous les autres albums de Jun Togawa 戸川純 ou de YAPOOS ヤプーズ. Il est sorti en 2004 après une période de silence pour les raisons mentionnées dans un billet précédent. La voix de Jun Togawa et l’ambiance musicale sont très différentes. Les deux premiers morceaux en particulier sont sauvages et chaotiques. Le long et sublime premier morceau Counsel Please カウンセル・プリーズ est composite flirtant avec le prog rock, ce qui est nouveau dans la discographie de Jun Togawa. Sa manière de chanter est également plus rugueuse et brute, ce qui me fait dire qu’un novice pourrait difficilement commencer par cet album si il ou elle souhaitait découvrir la discographie de l’artiste (il faut mieux par exemple commencer par Tamahime Sama). L’approche est expérimentale sous les abords de pop enjoué du deuxième morceau Open the door オープン・ダ・ドー. On ne peut pas nier une pointe de folie qui peut décontenancé l’auditeur. Il y a, dans cet album, encore moins de compromis musicaux que dans les albums précédents. La dynamique imparable des deux premiers morceaux leur donnent un impact fort mais ce sont aussi les morceaux les plus difficiles d’accès. Comme on peut le comprendre maintenant et depuis le tout premier album, Jun Togawa n’a aucune intention de faire de la musique standardisée ou formatée. Il y a tout de même plusieurs morceaux où l’on retrouve son style de voix comme ce morceau Haikei Paris ni te 拝啓、パリにて sur un voyage à Paris, d’abord mené sous les apparences d’un fleuve tranquille comme La Seine. Mais le flot se distord au milieu du morceau après les quelques mots en français « Mademoiselle Jun… ». La machine se détraque ensuite et les paroles et mélangent et deviennent confuses. C’est un morceau très intéressant dans sa construction. Le morceau suivant Sayonara Honeymoon さよならハニームーン est beaucoup plus lent et sombre. On y devine une souffrance exprimée par le timbre de sa voix et par la musique ténébreuse avec effets sonores inquiétants. Ensuite, commence le morceau titre Togawa Fiction トガワ フィクション, beaucoup plus lumineux et rapide. C’est un morceau pratiquement instrumental mais avec des ajouts d’un duo de voix, dont celle de Togawa et d’une voix masculine. J’adore la petite phrase prononcée avec un humour roublard par la voix masculine, peut être celle du compositeur du morceau Dennis Gunn, nous disant « ちょっと悪いは最高じゃ », qu’on traduirait par quelque chose comme « Être un peu mauvais, c’est ce qu’il y a de meilleur ». Le morceau fait un raccord bienvenu avec les morceaux de YAPOOS, ce qui n’est pas très étonnant vu que le compositeur est un ancien membre du groupe. Le dernier morceau concluant cet album Oshimai Choueki Home おしまい町駅ホーム, qui est d’ailleurs plutôt un mini-album car n’ayant que 6 morceaux, repart dans un certain apaisement mélodique. Sur ce mini-album, on ne retrouve pas tout à fait la gamme vocale dont on était habitué sur tous les albums de Jun Togawa. Elle a malheureusement un peu perdu de son étendue vocale, mais tente ici d’y remédier. Ce dernier morceau est très beau musicalement, avec un ensemble orchestral, le Jun Togawa Band, et la présence marquée des violons et du piano. Cet album Togawa Fiction est un objet musical à part, même dans la discographie de l’artiste. Elle ne sortira malheureusement pas de nouveaux morceaux originaux jusqu’à présent.

Ces dernières années, et même en cette année 2018, il y a eu des albums de reprises d’anciens morceaux re-arrangées avec d’autres groupes comme l’album Watashi ga Nakou Hototogisu わたしが鳴こうホトトギス (2016) avec le groupe japonais Vampillia, dans un mode rock mélodique, Togawa Kaidan 戸川階段 (2016) avec le groupe Hijokaidan 非常階段 mené par Jojo Hiroshige JOJO広重, dans un style beaucoup plus noise rock, et finalement cette année des versions au piano avec Kei Ookubo おおくぼけい de Urbangarde sur l’album Jun Togawa avec Kei Ookubo (2018). Je n’ai écouté que quelques morceaux de ces albums de reprises, mais je n’arrive pas à m’enlever l’idée de la tête que je préfère grandement les versions originales qui sont difficiles à égaler tant par les qualités musicales que par la puissance de la voix de Togawa. Force est de constater, comme je le disais plus haut, qu’elle a perdu de son étendue vocale suite à des problèmes de santé. Écouter Teinen Pushiganga ou Nikuya no you ni sur les albums Tamahime Sama et YAPOOS Keikaku respectivement est une expérience incomparable à ces nouvelles versions. Ceci n’amenuise pas les qualités de pianiste de Kei Okubo, par exemple, mais pour quelqu’un comme moi qui ne découvre que maintenant et d’un bloc le répertoire entier de Jun Togawa, la comparaison est difficile à tenir. J’espère vraiment que Jun Togawa pourra dans les années qui viennent se remettre en situation d’écriture de nouveaux morceaux auxquels elle pourra adapter sa voix actuelle en pleine réformation. En attendant, j’écoute des albums Live comme Ura Tamahime Sama 裏玉姫 sorti en 1984, qui est comme un album à part entière car la plupart des morceaux ne sont pas présents sur l’album Tamahime Sama. J’adore la manière innocente et polie par laquelle elle introduit des morceaux à tendance punk sur ce Live. Tout l’art de Jun Togawa est dans un décalage subtil. Je n’ai pas parlé jusqu’à maintenant de son troisième album solo intitulé Suki Suki Daisuki 好き好き大好き, car ce n’est pas mon préféré bien qu’il s’agisse de son album le plus connu. Le morceau titre est fabuleux mais le reste de l’album me plait moins, car il joue trop sur la parodie des idoles de l’époque. Je le mets donc de côté pour l’instant, avec l’intention d’y revenir un peu plus tard.

J’écoute maintenant les trois albums de Guernica, le groupe qu’elle a formé avec le compositeur Koji Ueno et le parolier Keiichi Ohta, avant sa carrière solo, au tout début des années 1980. Les morceaux de ces albums sont inspirés de la musique des années 1920/1930, mais composées aux synthétiseurs sur le premier album Kaizo Heno Yakudo 改造への躍動. Il y a de très beaux morceaux comme ceux du EP initial du groupe Ginrin wa Utau 銀輪は唄う et Marronnier Tokuhon マロニエ読本. L’ambiance y est très particulière. On dirait des odes à la modernité et au progrès, à travers les titres et les thèmes. Je comptais d’abord écouter ces trois albums comme des curiosités mais je me surprends à y revenir. Je vais maintenant voguer vers d’autres découvertes musicales, mais la musique de Jun Togawa était une découverte exceptionnelle cette année. Certes très en retard, mais mieux vaut tard que jamais.

Ceci étant dit, je ne tarde pas trop à tomber sur des nouvelles musiques intéressantes avec le Demo EP de Mariko Gotō alias DJ510mariko, qui ressemble à un Kamehameha que l’on recevrait en pleine figure. Le premier morceau NeverEnding Story ねばーえんでぃんぐすとーり commence comme un morceau typique d’idole japonaise mais est très vite maltraité, comme passé au courant triphasé les doigts dans la prise, vu la rapidité du chant et le massacre volontaire de la batterie. Le morceau est rempli d’une frénésie musicale et vocale, mais à l’énergie follement communicative. Il s’agit en quelque sorte d’un exercice de “destruction” de morceau standard en y apportant une interprétation non conventionnelle voire même hystérique. La tension ne va qu’en s’intensifiant au fur et à mesure des 4 morceaux du EP. Le deuxième morceau Breeeeeak out!!!!! est encore plus détonnant avec le parti pris d’une voix aiguë superposée sur des cris sourds en guise de batterie et d’une musique électronique crachotante. Le morceau suivant Yozyo-Han_tansu_dance 四畳半箪笥ダンス est beaucoup plus dansant entre guillemets mais la manière de chanter de Mariko Gotō devient plus menaçante. Le refrain est entêtant et le tout est émotionnellement très fort. Le dernier morceau Syunka_Syuutou 春夏秋冬 de ce EP commence de manière très mélodique et on se dit que ce morceau final se voudra plus reposant pour l’oreille, histoire de se dire que Mariko Gotō n’est pas aussi décalée que cela, mais en fait le répit n’est que de courte durée, car un flot de cris prend le dessus vers la fin. Le morceau mêlant calme et brutalité fonctionne très bien et encore une fois, est très fort émotionnellement. La sortie de ce EP à la toute fin de l’année est une très bonne surprise et j’espère qu’on pourra écouter de nouveaux morceaux dans ce style sans compromis l’année prochaine.