4z4bu with3eye

L’énorme pilier montré sur la deuxième photographie m’a toujours impressionné. Il supporte l’autoroute intra-muros surélevée sur deux étages au croisement de Shin-Ichinohachi près d’Azabu-jūban. Outre sa taille et son aspect massif, ce pilier surprend par son emplacement au beau milieu du carrefour. C’est comme si l’espace urbain était soudainement perforé par un tube digestif venant mourir les entrailles du monstre. Juste derrière l’infrastructure infernal de l’autoroute, se dresse tout en courbe au croisement le building Joule-A par l’architecte Edward Suzuki. Je ne résiste jamais à la contre-plongée quand je passe devant. La façade en métal perforé agit comme un écran protecteur, avec pour objectif de cacher la vue sur l’autoroute et en atténuer le bruit. Je ne suis pas certain que cette surface imagée en forme de nuages vienne vraiment diminuer les sons de l’autoroute depuis l’intérieur des bureaux du building, mais elle a au moins l’intérêt d’ajouter une petite touche poétique à ce carrefour balafré par cette jonction d’autoroutes. On trouve une autre petite touche poétique pas très loin de là sur le mur gris d’un building. Ce sont des dessins enfantins très colorés, certains ressemblent à des petits monstres. Comme je le mentionne sur ma page À propos, un des intérêts principaux de mes marches tokyoïtes est d’y découvrir des instants poétiques dans la confusion des styles qui occupent la ville. J’aime aussi la confusion des styles dans la musique que j’écoute, passant du post-punk de Ms.Machine sur le billet précédent à la pop électronique alternative ci-dessous. Mais il s’opère à chaque fois la même addiction sonore et je ne peux laisser échapper un certain sourire de satisfaction en écoutant ces sons qui ne laissent pas indifférents.

La musique pop électronique mélangeant des touches de hip-hop de 4s4ki (prononcé Asaki) m’accompagne depuis quelques jours, avec son premier album Omae no Dreamland (おまえのドリームランド). Je ne connaissais pas du tout cette artiste que je découvre donc au hasard des détours de Twitter. En fait, j’étais d’abord attiré par cette étrange composition photographique montrant 4s4ki portant à la main une crosse de hockey avec l’inscription ‘taboo’, entourée d’un cerf zébré et d’un Alien de verre, devant des vieux bâtiments commerciaux d’une autre époque. Ce décor un peu inquiétant de nuit, délabré et peu éclairé, ces personnages monstrueux ou fantaisistes et la tenue rayée de 4s4ki comme un chat du Cheshire (celui d’Alice in Wonderland) ou comme Kyary dans Fashion Monster me font penser à un monde d’Halloween. Cette composition me laisse penser qu’il se cache quelque chose d’un peu décalé dans cet univers musical. iTunes classifie d’ailleurs cet album dans le rayon des musiques alternatives, plutôt qu’électronique bien que ça soit la tendance principale. La musique de 4s4ki est très actuelle mélangeant multiples sonorités électroniques et voix autotunés souvent rappées. L’album est assez court, 32 minutes seulement, et le temps passe un peu trop vite tant on se sent bien à écouter ces morceaux. Il y a de nombreuses collaborations dans cet album, que ce soient pour la voix ou la production. Je ne connais pas la plupart de ces collaborations à part Snail’s House, sur le morceau Lover, dont j’avais beaucoup apprécié son album instrumental L’été il y a quelques années. Ces collaborations font que les styles varient entre chaque morceau tout en maintenant une bonne cohérence. J’aime beaucoup quand l’album part un peu dans l’experimental sonore quand 4s4ki s’associe avec Gu^2, sur deux morceaux プラトニック (Platonic) et サキオはドリームランド (Sakio is Dreamland). Les morceaux à deux voix, féminine et masculine, avec Maeshima Soshi sur Eyes ou Moniko par exemple fonctionnent particulièrement bien. Il y également un certain kawaisme de l’ensemble mais, tout comme l’autotune, il reste à mon avis bien maîtrisé. Le premier morceau おまえのドリームランド (Your Dreamland) reprenant le titre de l’album et étant le premier single sorti accroche très vite à l’esprit, comme la plupart des morceaux, mais en particulier NEXUS ou 風俗嬢のiPhone拾った (I picked up a prostitute’s iPhone). L’ensemble des morceaux est si fluide et maîtrisé qu’on a du mal à penser qu’il s’agisse de son premier album. J’aime beaucoup ce genre de découvertes inattendues, d’autant plus lorsqu’elles ne sont pas immédiatement dans mon lexique musical de prédilection. Ça me donne l’impression de m’ouvrir un peu plus vers d’autres styles.

Écouter la musique de 4s4ki me donne envie d’y associer les images de l’artiste Hiroyuki-Mitsume Takahashi que je suis depuis un petit moment sur Instagram. Le style des deux artistes ne se ressemble pas particulièrement, mais j’y ressens un même sens du détail, sonore d’un côté et graphique de l’autre, et une certaine sophistication. Les images très lumineuses de Mitsume sont extrêmement fouillées, grouillant de détails mélangeant la cybernétique et le grotesque dans un style ultra coloré du plus bel effet, c’est à dire sans saturation inutile des couleurs. Il représente souvent la même figure féminine avec des petites dents de vampires d’Halloween et les cheveux bicolores coupés au carré (comme l’artiste lui-même d’ailleurs). Les personnages qu’ils dessine ont souvent les entrailles ouvertes et des composants électroniques implantés sur le corps. L’univers est à la fois étrange et fascinant à regarder. On ne se lasse pas de parcourir les nombreuses images qu’il a créé, notamment une représentation de ꧁ ༒ Gℜiꪔ⃕es ༒꧂ qu’il a dessiné à deux reprises. Mitsume dessine également des vêtements recouverts complètement de ses personnages. C’est très difficile à porter à moins d’être une figure d’Harajuku.

雪が甘いように感じる

Les paysages de Karuizawa dans la préfecture de Nagano me paraissent déjà bien lointain alors que ces photographies ne datent que de quelques mois. Le fait d’être désormais presqu’en permanence à la maison depuis plus de trois semaines distord le temps. Chaque journée passe très vite mais toutes les journées se ressemblent et on a de ce fait l’impression qu’il s’agit d’une journée unique qui s’étire à l’infini, le week-end ne jouant plus vraiment le rôle de coupure dans la semaine. Regarder maintenant ces photographies des cascades de Shiraito (白糸の滝) a la vertu d’apaiser l’esprit. Cette cascade est particulière car elle jaillit de la pierre sur une longueur de 70 mètres pour une assez faible hauteur de 3 mètres. L’eau ne provient pas d’une rivière en amont mais de réservoirs d’eau souterrains. Mais ce paysage calme et reposant cache les violences naturelles qui frappent régulièrement le pays. L’arbre arraché de la deuxième photographie doit être tombé suite à une tempête, certainement suite à un des puissants typhons de l’année dernière.

On trouve également une certaine violence dans le morceau que j’écoute en ce moment, Lapin Kulta par le groupe japonais post-punk 𝔐𝔰.𝔐𝔞𝔠𝔥𝔦𝔫𝔢. Je prends un malin plaisir à faire contraster la violence sonore du morceau avec le calme souverain régnant sur les photographies de ce billet. On peut être tout d’abord surpris par les sonorités stridentes qui démarrent le morceau et qui l’accompagneront tout du long en s’apaisant un peu en court de route. Le contraste avec la voix basse et monocorde de SAI, l’interprète vocale du trio féminin, fonctionne très bien. Du groupe, je connaissais déjà le EP intitulé S.L.D.R sorti en Février 2018, que je trouvais imparfait, ayant un peu de mal avec la sirène incessante du dernier morceau de ce premier EP intitulé 3.11, en référence, j’imagine, à la date du tremblement de terre de Tohoku. Ce nouveau morceau Lapin Kulta garde le même style post-punk que j’aime énormément. Il vient juste de sortir, le 22 Avril 2020, et fera certainement partie du deuxième EP du groupe Nordlig Ängel. Le groupe aime beaucoup utiliser les termes nordiques. Le lapin du titre du morceau n’est pas une référence à l’animal inoffensif de nos prairies ni le chat sympathique ressemblant à un fennec de la photographie de couverture montrée ci-dessus. Il s’agit en fait d’une marque de bière finlandaise. Le titre de ce billet 雪が甘いように感じる est emprunté aux paroles du morceau faisant référence à la douceur de la neige, celle que l’on a pu voir parsemée à Karuizawa. A la fin du morceau, les paroles viennent interroger l’auditeur d’une manière étrange et amusante en demandant si on a déjà écouté leur deuxième EP, ce qui n’est pas possible car il n’est pas encore disponible à la vente (peut être pouvait t’on l’acheter lors de concerts). Mais j’écouterais très certainement ce nouvel EP quand il sortira.

aoyama orange

Le bloc orange qui se distingue sur la première photographie est un élément architectural de l’école maternelle Harajuku Kindergarten conçue par l’atelier d’architecture Franco-japonais Ciel Rouge Création (Henri Gueydan et Fumiko Kaneko). Cette école se trouve juste à côté de l’église protestante Harajuku Church sur la troisième photographie, par le même groupe d’architectes. Nous sommes ici à proximité de la rue Killer Street juste devant le musée d’art contemporain Watari-um, par l’architecte suisse Mario Botta, sur la deuxième photographie. La petite maison de style brutaliste Tower House de l’architecte Takamitsu Azuma se trouve aussi pas loin de là. Elle est tellement emblématique qu’il y a même une petite plaque indiquant son nom et l’architecte sur une des façades de béton brut. Je montre une vue de l’arrière de la maison sur la dernière photographie ci-dessus. Le parking de taille très réduite donne à la fois sur Killer Street et sur la petite rue arrière où je me trouve. Tower House fut construite en 1966 sur un petit espace triangulaire de 20.5m2 pour une surface habitable totale de 65m2. Cette maison est tout aussi radicale maintenant qu’elle l’était à l’époque de sa construction, où elle se distinguait pour sa hauteur par rapport aux habitations ‘traditionnelles’ qui composaient le quartier au milieu des années 1960. Elle ressemble maintenant beaucoup plus à une maison miniature dans un quartier qui a bien changé ces soixante dernières années. L’intérieur de la maison se compose principalement d’un espace vertical continu et ouvert où les pièces sans portes sont posées comme des strates sur 6 niveaux. L’escalier est omniprésent et se compose de plaques de béton ancrées directement sur les murs. Cette maison, désormais habitée par la fille de l’architecte, a une apparence intérieure des plus austères, mais donnait à l’époque une image symbolisant la vie tokyoïte moderne. Malgré sa petite taille, elle reste une des pièces architecturales les plus intéressantes du paysage tokyoïte, pour les amateurs d’architecture de béton sans compromis.

Le musée Watari-um est également placé sur un espace triangulaire réduit faisant un angle droit sur 160m2. La façade principale est un écran carré divisé en deux parties symétriques et l’escalier extérieur est placé à côté dans un espace arrondi. Cette façade donnant sur Killer Street est également iconique, mais elle apparaît un peu sale sur cette photographie prise au Février cette année. Ce sont les restes d’une immense affiche avec de multiples visages d’enfants et d’adultes qui avait été posée en 2013. Le musée a laissé volontairement cette affiche se dégrader avec les années et il n’en reste presque plus rien maintenant. La première photographie est prise depuis une allée fermée aux visiteurs longeant l’église protestante. Elle donne accès à l’ecole maternelle. J’aime beaucoup faire ce genre de compositions montrant la densité urbaine. On y voit une série de plans aux orientations variées se terminant sur la surface immense d’un immeuble bouchant la vue sur le ciel. L’urbanisme hétéroclite de Tokyo permet ce genre de compositions.


Je n’écoute que maintenant Blackstar ★ le dernier album de David Bowie, alors qu’il est sorti il y a un peu plus de quatre ans, deux jours après sa mort. Je suis persuadé depuis un petit moment déjà que je dois aimer la musique de David Bowie, mais je l’approche doucement. Mon premier contact volontaire (je veux dire en dehors des fois où j’aurais entendu des morceaux à la radio) était le morceau I’m deranged dans le film Lost Highway (dont je parle assez souvent ici, sans avoir revu le film depuis des années). Ce morceau me donne à chaque fois des frissons dans le dos, car je revois en même temps les images du film et sa composition est très particulière comme un épilogue qui se prolonge. Je garde aussi toujours en tête la photographie ci-dessus prise au moment de son concert d’anniversaire pour ses 50 ans au Madison Square Garden de New York en 1997. Parmi les invités au concert, je vois les visages de la plupart des groupes que j’appréciais pendant les années 90 et après: Franck Black de Pixies, Sonic Youth, Brian Molko et Placebo, Dave Grohl et Pat Smear de ex-Nirvana et Foo Fighters, Robert Smith de The Cure, Billy Corgan de Smashing Pumpkins. Il doit forcément y avoir des influences mutuelles entre ces groupes et Bowie, me persuadant un peu plus du fait qu’il faut que j’explore son immense discographie. La difficulté est de savoir par où commencer. J’ai d’abord découvert, il y a plusieurs années de cela, l’album de 1980, Scary Monsters (and Super Creeps), acheté un peu par hasard au Disk Union de Ochanomizu ou de Shimokitazawa. Mon attirance inconsciente tenait peut être au fait que le premier morceau de l’album It’s No Game (No 1) contient des mots japonais (parlés par Michi Hirota) qui m’ont intrigués. Je n’apprécie pas forcément tous les morceaux mais j’y reconnais la grande inventivité d’un précurseur. Plus tard, j’écouterais Low (1977) de sa trilogie créée à Berlin avec Brian Eno à la production, attiré par la couverture de l’album et sa réputation. On y trouve de très beaux morceaux, hantés, comme Warszawa. En fait, je suis beaucoup plus sensible à la dernière partie de l’album, à partir de Warszawa, où les morceaux quasi-instrumentaux se succèdent jusqu’au sublime dernier morceau Subterraneans. Les morceaux rock de la première partie de l’album m’attirent par contre moins et me rappelle que j’ai toujours un peu de mal à m’approprier la musique qui n’est pas de ma génération. Le fait de ne pas avoir vécu cette musique à l’époque où elle a été créée me donne le sentiment que je ne peux pas l’apprécier à sa juste valeur et qu’il me manque un contexte.

Je n’ai pas ce sentiment de distance temporelle avec l’album Blackstar ★ mais j’ai par contre beaucoup de difficulté à en exprimer une critique. Le morceau titre de presque 10 minutes est beau, saisissant et chargé en émotions surtout quand le saxophone commence son intervention. Et j’aime ces percussions qui partent librement dans des rythmes compliqués aux apparences incontrôlables, comme également sur le dernier morceau I can’t give everything away mais avec des accents plus électroniques. Il s’agit d’un morceau aux multiples facettes, polymorphe et l’émotion qui s’en dégage en l’écoutant me reste difficile à exprimer. Lazarus, aux paroles prémonitoires, est l’autre très beau morceau de ce court album de 7 titres, mais apparaît comme beaucoup plus classique par rapport au morceau titre de Blackstar. J’adore le cinquième morceau Girl Loves Me pour la voix et manière de chanter particulière de Bowie. Cet album de sortie est peut être pour moi le meilleur album d’entrée dans l’univers de Bowie. L’écouter me donne une autre perspective sur les deux autres albums que j’ai écouté auparavant. Le saxophone de Blackstar semble maintenant rentrer en dialogue avec celui de Subterraneans sur Low.

ユー‐エフ‐オーではないか

J’ai déjà montré les deux photographies d’architecture du billet (la première et la troisième) sur mon compte Instagram il y a plus d’un mois et j’y lançais un appel pour identifier les architectes de ces deux bâtiments de béton. Malheureusement, personne ne m’y a apporté l’information que je recherchais. J’ai donc continué un peu mes recherches pour identifier les concepteurs du bâtiment de béton de la première photographie. Il s’agit des architectes du groupe Mikan (comme mandarine) dont l’architecte français Manuel Tardis est co-fondateur. Le bâtiment appelé House in Jingumae ressemble à un ovni par ses formes en demi-sphère et l’impression qu’il s’élève légèrement de sa base. Le bâtiment de la troisième photographie reste très mystérieux mais j’ai finalement découvert qu’il s’appelle Experience in Material 45, House in Jingumae par Ryoji Suzuki (2003). Le bâtiment a également une forme étrange. Un grand bloc monolithique de béton est entouré d’un très large escalier en deux parties montant jusqu’à son toit couvert de verdure. Je me demande bien qu’elle peut être la fonctionnalité de ces escaliers, qui ne sont peut être que décoratifs, à part le fait qu’ils donnent un accès au toit. Ce qui est plus étonnant peut être, c’est que je n’ai aperçu aucune fenêtre sur les façades lisses bétonnées. Je me demande bien à quoi peut ressembler l’intérieur de cette grande maison très particulière. Sur l’avant dernière photographie, on construit ce qui ressemble à une n-ième nouvelle résidence auquel je ne prêtais guère attention jusqu’à ce qu’on commence à y poser un étrange maillage métallique. Les tiges métalliques, tout d’abord de couleur blanche, sont peintes en marron foncée pour donner une apparence de bois. Je ne connais pas encore la forme finale que la façade va prendre mais ça serait intéressant si on introduisait une couche de verdure sur ce maillage de branches.

J’écoute beaucoup en ce moment le dernier album Womb de Purity Ring, sorti au tout début du mois. Ce nouvel album s’inscrit dans la continuité des deux premiers albums du groupe, sans apporter de changement radical et en gardant la même ambiance electro-pop (je dirais même dark pop) délicate portée par la voix typée de Megan James. C’est un très bel album, honnête dans le sens où le groupe reste fidèle à leur style sans dévier et sans en faire trop. Womb demande quelques écoutes pour l’apprécier pleinement. A la première écoute, je m’étais d’abord dit que ce nouvel album était moins bon que les deux précédents, Shrines et Another Eternity. Les morceaux de Womb demandent plusieurs écoutes pour prendre substance mais s’enchaînent comme un ensemble avec de nombreuses pépites, comme Pink Lightning, I like the devil, Peacefall ou le plus sombre et mystérieux Vehemence. Et il y a le morceau final, Stardew, qui comme je le mentionnais dans un billet précédent est un des plus beaux morceaux de l’année pour l’instant à mon humble avis. Au final, je trouve Womb magnifique et je pense même que c’est l’album que je préfère du groupe. Cette musique et cette ambiance me parle beaucoup.

night lights ghosts

La routine du confinement à Tokyo se met en place assez rapidement. Le matin, je marche une vingtaine de minutes dans le quartier, parfois pour acheter du pain, je passe ensuite la journée entière à travailler à la maison et je marche encore le soir une quarantaine de minutes tout en faisant les quelques courses que l’on m’a commandé. C’est un rythme très particulier que je n’ai jamais eu l’expérience de pratiquer auparavant mais auquel j’ai l’impression de m’habituer assez vite, circonstances obligent. Zoa commence tout juste l’école à distance en utilisant l’application Zoom sur l’iPad de la maison. J’ai l’impression qu’il est content d’avoir tout le monde en permanence à la maison. Les marches le matin tôt et le soir tard sont mes seules sorties de la journée et elles sont plus que nécessaires. Mais comme je reste dans le quartier, je ne prends pas de photos et mon stock de photographies à montrer sur le blog n’augmente naturellement pas. Je fouille donc dans mes archives récentes des dernières semaines et mois et il me reste en fait encore beaucoup de choses à montrer, comme je le mentionnais dans les billets précédents. Mais plus les journées passent et plus les textes que je vais écrire vont se trouver déconnecté des images que je montre. Ça tombe bien car il y a peu de commentaires à faire sur cette série ci-dessus à part de dire que ces lumières de la nuit ont un côté fantomatique, peut être inspiré par la musique que va suivre.

Je ne suis les créations musicales de Nine Inch Nails que de très loin, mais je sais que Trent Reznor est capable d’alterner les musiques post-industrielles avec celles plus contemplatives dans le registre instrumental ambient. Je m’étais intéressé un peu au groupe lorsque Reznor avait produit les bandes originales de deux films des années 90 que j’avais beaucoup aimé: Natural Born Killers d’Oliver Stone avec Woody Harrelson et Juliette Lewis, et Lost Highway de David Lynch. En plus de produire, il interprétait également quelques morceaux mélangeant le chaud et le froid, des morceaux calmes avec d’autres beaucoup plus énervés. Je n’ai en fait jamais écouté d’album entier de Nine Inch Nails, mais un morceau comme March of the pigs sur The Downward Spiral (1994) m’avait assez marqué à l’époque en voyant la vidéo sur MTV, toujours pour cette instabilité émotionnelle qu’il dégage dans son interprétation. Avec la série Ghosts, dont j’écoute l’épisode V, on se trouve clairement dans le deuxième domaine, avec des morceaux instrumentaux longs, souvent d’une dizaine de minutes dans lesquels on vient volontairement se perdre jusqu’à oublier toute notion temporelle. Il y a quelque chose de simple et de primaire dans ces nappes musicales plutôt sombres voire même inquiétantes mais en même temps quelques chose d’essentiel qui touche à l’émotion. Il y a beaucoup d’espace dans ces morceaux qui pourraient être utilisés comme bande sonore d’un film. Le morceau Together donnant le titre à l’album est peut être un des plus beaux morceaux de l’album. Assis devant la table de la salle à manger, après une journée de travail à la maison, je me dis qu’écouter cette musique va me donner de l’inspiration pour écrire, mais je me mets plutôt à rêver en écoutant cette musique les yeux fermés. J’écoute ces nappes musicales envoûtantes. Elles évoluent lentement comme un navire dans le cosmos, au point où je finis par m’endormir. Ce n’est pas que cette musique soit ennuyeuse, loin de là, mais elle accompagne tranquillement l’esprit pour qu’il s’apaise. Trent Reznor et Ross Atticus ont volontairement sortis ces deux albums pendant cette période tourmentée et ils sont même disponible gratuitement sur le site du groupe. Il y a une forme de plénitude dans ces partitions de piano légèrement voilée se déroulant continuellement, qui nous aide à prendre un peu de recul pour la réflexion intérieure. Tout comme j’associe dans ma mémoire l’album Before The Dawn Heals Us de M83 à la période post Mars 2011, je pense que cette musique restera pour moi attachée aux événements actuels.