lost in Kawaramachi soundscapes

Dans la longue liste des architectures qu’il me reste à découvrir de mes propres yeux, il y avait le complexe Kawaramachi Housing à Kawasaki (川崎市河原町高層公営住宅団地) par l’architecte Sachio Ōtani (大谷幸夫). L’ensemble se compose de plusieurs blocs d’appartements de type Danchi (団地), conçus pour être des logements sociaux opérés par le gouvernement japonais. Le complexe a été construit en 1970 et occupe un vaste espace qui était précédemment occupé par des usines. Il se compose de 15 immeubles espacées par des zones vertes et les plus notables sont ceux en forme de Y inversé, ouvrant un espace intérieur formant une plaza couverte. Cette forme permet une disposition en escaliers des premiers étages optimisant l’accès à la lumière pour les appartements de ces étages. Le complexe alterne ces bâtiments en forme de Y, au nombre de trois, avec d’autres plus classiques composés de deux barres d’immeubles parallèles. Ces dernières ont été renforcées par un dispositif métallique de protection sismique. La plaza intérieure des bâtiments en forme de Y est assez bien éclairée mais on ne peut pas dire que l’endroit soit vraiment plaisant car dénué de toute vie, à part quelques passants traversant la place. J’imagine que l’idée initiale était de créer un espace où les résidents pourraient se rencontrer et les enfants du quartier jouer. Cet espace est plutôt utilisé comme un parking à vélos. Il y a quelque chose de grandiose et de futuriste dans cet ensemble proche des visions métabolistes des années 1960. Diplômé de l’Université de Tokyo en 1946, Sachio Ōtani a commencé sa carrière d’architecte dans le studio de Kenzo Tange puis est devenu indépendant en 1960. Avant le projet Kawaramachi Housing, il conçu en 1966 le Kyoto International Conference Center (国立京都国際会館) qui est un ensemble en béton aux formes obliques le faisant ressembler à un navire futuriste. J’ai traversé à pieds deux rangées de trois immeubles et rencontrer peu de résidents, quelques personnes âgées mais aussi des adolescents. Kawaramachi est à une vingtaine de minutes à pieds de la gare de Kawasaki et de son grand centre commercial Lazona, ce qui fait que cet ensemble est relativement bien placé. D’autres ont déjà pris des photographies plus réussies que les miennes de ce grand complexe, notamment Cody Ellingham dans une série de nuit consacrée aux logements de type Danshi qu’il a appelé Danshi Dreams. Je découvre aussi les photographies très réussies prises en grand angle par Ying Yin. Au passage, sa page de photographies sur le site Béhance montre également une superbe série en quatre épisodes intitulée Wind of Okhotsk montrant Hokkaidō couvert de neige et créant des paysages quasiment irréels.

L’idée de venir visiter le complexe de Kawasaki Kawaramachi m’est venu en écoutant un album du groupe de rock indé japonais Barbican Estate. J’avais découvert ce groupe par la compilation Music for Tourists: A passport for Alternative Japan que je mentionnais dans un billet récent, le groupe y contribuant un morceau, celui concluant l’album. La photographie de la jaquette de leur premier album Way Down East sorti le 23 Décembre 2021 a été prise sur la plaza intérieure d’une des trois tours en Y du complexe de Kawasaki Kawaramachi. J’écoute bien sûr ce très bel album en me dirigeant vers le complexe depuis la gare de Kawasaki et en marchant ensuite au milieu de celui-ci. Barbican Estate est un trio fondé à Tokyo en 2019 par Kazuki Toneri à la guitare (et sitar), Miri au chant et à la guitare basse (et flûte) et Koh Hamada à la batterie et aux percussions. Je mentionne dans mon billet précédent que Barbican Estate est inspiré par l’architecture, ce qui explique très bien le choix de ce bâtiment brutaliste pour la photographie de couverture de leur premier album. Le groupe se définit comme créant un rock noir et psychédélique, ce que l’on reconnaît très bien sur cet album à travers plusieurs morceaux n’hésitant pas à allonger les séquences instrumentales. L’influence du son des guitares de Sonic Youth est également assez présente sur certains morceaux comme le très beau White Jazz. Kazuki Toneri et Miri se sont en fait rencontrés pour la première fois lors d’un concert de Thurston Moore en duo avec Keiji Haino (灰野敬二) du groupe rock expérimental Fushitsusha (不失者). C’était le 22 Mars 2017 dans la salle duo MUSIC EXCHANGE à Shibuya Dōgenzaka. L’année suivante, Kazuki Toneri a séjourné à Seattle, lieu qu’il a choisi pour son attrait envers le rock alternatif américain, puis est revenu à Tokyo et a fondé Barbican Estate en 2019. Sur le magnifique morceau White Jazz, on reconnaît les sonorités de guitare de Sonic Youth, je dirais de la période Murray Street et Sonic Nurse, mais le long morceau bifurque ensuite en cours de route pour un rock plus psychédélique qui me rappelle un peu le style des Doors, et change encore pour une approche plus bruitiste. Ce morceau doit être mon préféré de l’album mais j’ai été happé par son ambiance dès le premier morceau intitulé Oblivion. Le cinquième morceau Obsessed est un excellent morceau, dont la dissonance des guitares me rappelle également un peu les sonorités de guitare de Thurston Moore chez Sonic Youth, mais la noirceur de l’ensemble me rappelle plutôt leurs premiers albums. Le chant plaintif et dissonant de Miri y est assez fascinant. Sur le long morceau qui suit Morphine, and the Realm of Ouroboros, j’aime particulièrement le contraste entre un début très apaisé fait de nappes flottantes où Miri ne prononce que quelques mots difficilement compréhensibles, et la puissance de la guitare qui nous saisit dans la deuxième partie. On se laisse volontiers hypnotisé par ces sons. Le groupe dit de cet album qu’il s’agit d’un voyage de purification spirituelle d’Ouest en Est, le titre de l’album étant inspiré par celui d’un film du même nom de 1920, réalisé par D.W. Griffith, et qui contenait une musique influencée par l’art occidental dans une première partie, puis par la pensée orientale ensuite. Cette séparation est subtile sur l’album Way Down East, mais on constate en effet l’utilisation de la sitar sur le septième morceau intitulé Abandon. L’écoute de l’album se terminant dans mes écouteurs indique qu’il est maintenant temps de retourner vers la station de Kawasaki, pour retrouver la foule. Le calme qui règne dans le complexe de Kawasaki Kawaramachi rend cet endroit à part.

passage au temple Sojiji

J’ai en ce moment un peu de mal à tenir mon rythme de publication car j’ai beaucoup plus de photos en attente que de textes écrits pour former des billets. Mon appétit pour l’écriture était relativement en berne ces derniers jours. Malgré l’envie d’écrire, la fatigue accumulée m’a éloigné de la plume.

Ces quelques photographies ont été prises le mois dernier près de Kawasaki dans le grand temple bouddhiste de Sojiji. Ce n’est pas un endroit particulièrement touristique mais il vaut le détour pour la grandeur de ses temples. L’enceinte de Sojiji est vaste, comptabilisant en tout 500,000 m2. Un cimetière occupe une partie de l’enceinte, derrière le vaste parc dans lequel sont disposés plusieurs halls. On y trouve aussi une école avec université, lycée, collège et maternelle. Il devait y avoir une journée portes-ouvertes car les jeunes étudiants accompagnés de leurs parents étaient nombreux à attendre sagement devant l’entrée. Les origines du temple Sojiji remontent à l’an 1321, il y a donc environ 700 ans. Le temple fondé par Keizan Zenji se trouvait initialement sur la péninsule de Noto dans la préfecture d’Ichikawa. En 1898, un incendie entraîna le déménagement du temple. Il s’installa à Tsurumi près de Kawasaki en 1911. On y pratique et enseigne le Sōtō Zen, qui est la plus importante des écoles zen du Japon avec plus de 14,000 temples. Sojiji, qui veut dire temple dans lequel sont préservés les enseignement de Bouddha, en est le temple principal au Japon.

dans le musée de Tarō Okamoto

Le numéro Taro & Aimyon (岡本太郎とあいみょん) du magazine Casa Brutus posé en permanence sur la table basse du salon me rappelle à chaque fois que je le vois qu’il faut que je découvre un peu plus les œuvres de Tarō Okamoto (岡本 太郎). Ce n’est pas chose aisée car elles sont éparpillées dans tout le Japon, mais je les découvre au moins en photo en parcourant régulièrement les pages du magazine. Le Tarō Okamoto Museum of Art n’est par contre pas très loin de Tokyo, car il se trouve dans le gigantesque parc de Ikuta Ryokuchi dans la banlieue de Kawasaki (Kawasaki est sa ville de naissance). Le musée montre beaucoup de peintures et de sculptures de Tarō Okamoto, ainsi qu’une exposition temporaire montrant des séries de photographies qu’il a pris au Japon. Le musée est beaucoup plus vaste que le Memorial Museum à Aoyama, que j’ai été voir seul récemment. Nous sommes allés en famille au musée de Kawasaki et je n’ai pas eu beaucoup de mal à convaincre tout le monde d’y aller. Les premières photographies du billet montrent l’imposante sculpture Tower of Mother (母の塔 – Haha no Tō) située à l’entrée du musée. On peut également prendre des photos à l’intérieur assez vaste du musée mais la luminosité me pousse à utiliser seulement l’iPhone.

Image extraite du documentaire sur Tarō Okamoto réalisé par Jean Rouch en 1973 et intitulé Hommage à Marcel Mauss.

Une partie du musée nous montre l’étendue des domaines artistiques dans lequel Tarō Okamoto intervenait. Une vidéo y est diffusée en français avec sous-titrés en japonais sur un petit écran. Je n’avais pas réalisé que Tarō Okamoto parlait français. Il parlait en fait un français presque parfait avec un léger accent. Il a en fait passé plusieurs années à Paris de 1929 jusqu’au début de la seconde Guerre Mondiale pour étudier l’ethnologie au Musée de l’Homme. Ce document vidéo réalisé par Jean Rouch en 1973 est un film de 17 minutes tourné en 16mm et il est également disponible en libre accès sur le site d’archives vidéo du CNRS. Le documentaire prend pour titre Hommage à Marcel Mauss, car il s’agissait du maître de Tarō Okamoto lorsqu’il étudiait l’ethnologie. Mais le vidéo aborde avant tout l’approche artistique de Tarō Okamoto, touchant à tout et ne se limitant pas dans ses domaines d’intervention. Il se déroule dans sa maison et atelier d’Aoyama qui est désormais le Tarō Okamoto Memorial Museum. Pendant cette interview, Tarō Okamoto nous présente et explique certaines oeuvres. On fait un tour de son jardin rempli à raz bord de sculptures ou plutôt de maquettes de sculptures exposées en grand format dans différents lieux, même apparemment à Paris au Bois de Vincennes. Il donne quelques explications sur la Tour du Soleil (太陽の塔 – Taiyō no Tō) de l’Expo de 70 à Osaka, qu’il nous dit être hors de l’esthétique occidentale et japonaise, car il voulait créer un art résolument nouveau qui n’a jamais été fait ailleurs. Il nous parle aussi de ses chaises qui refusent qu’on s’y assoit et de la Temple Bell-Rejoicing (歓喜の鐘), une cloche de bronze qu’il a réalisé en 1965 et qui se trouve dans le temple Kyūkokuji (久国寺) à Nagoya. Il nous explique la création de cette cloche aux 34 cornes qui évoque un mandala s’ouvrant sur l’univers. Sa forme correspond également très bien à une des citations connues de l’artiste: « L’art, c’est l’explosion » (芸術は爆発だ – Geijutsu ha bakuhatsu da). Selon ses dires, elle sonnerait mieux que n’importe quelle autre cloche de temple. Les visions de Tarō Okamoto peuvent être un peu extrêmes, notamment quand il nous parle de l’artiste comme un être solitaire qui ne doit vivre que pour créer. On entrevoit bien dans ce document vidéo le génie malicieux de l’artiste et son excentricité, ne serait ce que dans son regard.

On a passé un bon moment dans ce musée, qui me conforte dans mon appréciation de ces formes et ses couleurs. J’adorerais avoir à la maison une de ses chaises-tabouret de couleur vive sur lequel on ne peut pas s’asseoir. Elle ne sont bien pas à vendre, et je n’ose même pas imaginer qu’elle pourrait être le prix. On pense tout de même un peu de temps dans la boutique du musée. J’y trouve une tasse de café avec une impression de la tour du Soleil et du Black Sun. Elle accompagnera à partir de maintenant mon écriture sur ce blog les matins de week-end.

空を自由に飛びたいなぁ

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Zoa adore ce petit personnage de Manga. Il s’agit de Doraemon, un chat robot bleu venu du futur (de 2112 pour être précis) et sans oreilles. A travers diverses aventures que l’on peut voir à la télévision le vendredi en soirée ou au cinéma dans des films d’animation, il vient en aide à Nobita, un petit garçon assez paresseux. Doraemon possède une poche magique sur son ventre et en fait sortir toute sorte d’objets mystérieux, comme une porte qui ouvre sur d’autres mondes (Dokodemo-doa), un hélicoptère portatif en bambou (take-kopta), une machine à remonter le temps (taimu-mashin) et des centaines d’autres objets extraordinaires. Zoa aime beaucoup ces objets imaginaires et je me suis pris au jeu en regardant quelques films d’animation avec lui. Doraemon a été créé par Fujiko – F – Fujio. On peut découvrir les oeuvres de ce mangaka au musée du même nom dans la banlieue de Kawasaki, à Noborito. Nous sommes donc allés au musée Fujiko F Fujio, ouvert en 2011. Il faut réserver à l’avance car il ne se vend pas de billets à l’entrée. Comme pour le Sky Tree, c’est un bon moyen de réguler les entrées pour ne pas se retrouver dans la foule à l’intérieur. Il y a beaucoup de monde quand même. Le musée Ghibli à Mitaka fonctionne aussi de cette façon, mais je n’y suis pas encore allé (Zoa ne s’intéresse pas encore trop au monde Miyazaki, ça viendra peut être). Le bâtiment du musée est agréable, il a été conçu par Nihon Sekkei.