like surging waves

Je plonge Tokyo dans les ténèbres dans cette série de compositions photographiques, mais ces vagues de noirceur se laissent submerger elles-mêmes par des éclats de lumière. Je mets en scène ici les buildings de verre de divers lieux à Tokyo, que ça soit à Shinagawa, Ebisu, Aoyama, Shinjuku ou ailleurs. J’aime mettre ces formes lisses à la symétrie parfaite à l’épreuve des intempéries que j’invente virtuellement. Cet environnement sombre n’est pas accueillant, mais derrière la froideur de ces lieux des lumières chaudes transpercent l’image.

Je n’écoute pas très souvent de musique datant d’avant 1991 (« The Year Punk Broke »), année charnière, celle de mes quinze ans où j’ai commencé à écouter et apprécier les musiques indépendantes et alternatives. J’ai toujours un peu de mal à apprécier les musiques de la génération avant la mienne, mais je fais de temps en temps quelques exceptions quand les musiques plus anciennes sont en avance sur leur temps, ou sont des charnières importantes vers des mouvements musicaux que j’apprécierais plus tard (par exemple, les premiers albums de Sonic Youth ou ceux de The Cure). Je fais une autre exception en écoutant depuis quelques temps le premier album de Jun Togawa 戸川純, Tama Hime Sama 玉姫様, sorti en 1984. Cet un objet musical d’avant-garde vraiment bizarre mais complètement fascinant. Dès le premier morceau Doto no Renai 怒濤の恋愛, on sent tout de suite qu’il ne s’agira pas d’une musique qui laisse indifférent. On peut être tout de suite rebuté par ce premier morceau, auquel cas il faut mieux arrêter tout de suite. Mais c’est loin d’être mon cas. Le deuxième morceau Teinen Pushiganga 諦念プシガンガ est plus facilement abordable. Il commence par des coups puissants de tambours dans une ambiance folk. La voix de Togawa est tout aussi puissante et pénétrante que les percussions. C’est certainement un des meilleurs morceaux de l’album. La voix de Togawa est sûre et transperçante et même parfois excessive. A vrai dire, j’ai du mal à écrire ce texte tout en écoutant ces morceaux car la voix de Togawa est tellement absorbante, qu’on a du mal à faire autre chose en écoutant ces morceaux. On ne peut pas dire qu’elle chante d’une manière conventionnelle, et même assez hystérique sur certains morceaux comme le difficilement écoutable avant-dernier morceau Odorenai 踊れない. C’est le morceau qui me pose le plus de problèmes à l’écoute. L’album n’est pas facile d’approche car on peut être très facilement rebuter par certains sons et effets marqués des années 80 sur certains des morceaux, comme le troisième morceau Konchugun 昆虫軍. Mais cette voix au phrasé militaire sur ce morceau est fascinante au point que je ne cesse d’y revenir. J’écoute en fait cet album tous les jours depuis deux semaines. Le quatrième morceau Yuumon no Giga 憂悶の戯画 me fait penser à une scène de film inquiétant, ou plutôt une scène théâtrale car il y a une dimension scénique à cette musique. Togawa porte toutes sortes de costumes sur scène comme celui d’un insecte qu’on retrouve sur la pochette de Tamahimesama. Il y beaucoup d’excellents morceaux qui accrochent tout de suite l’oreille comme Tonari no Indojin 隣りの印度人 ou le sublime dernier morceau Mushi no Onna 蛹化の女 où Togawa chante sur le canon de Pachelbel. Le morceau donne des frissons. L’album ne dure que trente minutes mais couvre beaucoup de sensations différentes, par notamment la palette vocale entendue de Jun Togawa, la multiplicité des émotions qui s’en dégagent et cette musique parfois étrange et envoûtante. Jun Togawa a un statut de légende musicale avant-garde et je comprends un peu mieux pourquoi avec cet album. Je continuerai bientôt avec l’album suivant sorti en 1985.

walking like a ghost

Des personnes marchent et d’autres observent. En ce qui me concerne, j’aime faire les deux en même temps, observer dans le mouvement tout en marchant dans les rues interminables de Tokyo. Les occasions de marcher dehors se sont faites assez rares malheureusement pendant un mois de Septembre très pluvieux, sans parler des typhons qui nous empêchent de dormir tranquillement quand ils décident de passer nous voir pendant la nuit. Ils frappent sans relâche les arbres devant la résidence, au point qu’on se demande s’il ne va pas y avoir de la casse. La première photographie est prise, une nouvelle fois, à Shinagawa et il s’agit d’une partie de l’immeuble à l’aspect monolithique noir de NTT Data. Cette partie de l’immeuble est comme une anomalie, une protubérance qui se dégage de l’immeuble de manière asymétrique. Cette partie de l’immeuble semble être la partie publique donnant accès à des centres de conférences. J’aime ces coloris de vitrages verdâtres, comme on peut le voir également sur le petit immeuble de la deuxième photographie près de la gare d’Ebisu. Le design des grandes surfaces vitrées en forme de ruches d’abeilles est intéressant. Si on n’entrevoyait pas l’intérieur, on aurait l’impression qu’il s’agit d’un gigantesque aquarium. La troisième photographie est celle d’un coin de rue à Ebisu. Le bâtiment noir à droite était celui du Club Milk, un des clubs les plus connus à Ebisu mais qui a fermé ses portes il y a plus de dix ans, en 2007 pour être précis. Comme la façade noire si particulière n’a pas changé depuis ce temps là, je pensais même que Milk était toujours ouvert. Je me souviens y être allé à l’époque de mes vingt ans, mais je ne souviens plus du tout à quoi ressemblait l’intérieur. Ma mémoire me fait défaut et les téléphones portables i-mode de l’époque ne permettaient pas facilement d’immortaliser tous ces moments.

Images extraites des vidéos de deux morceaux de Oyasumi Hologram おやすみホログラム intitulées Emerald et Ghost Rider.

J’écoute assez régulièrement deux morceaux du groupe d’idoles alternatives Oyasumi Hologram dont je parlais déjà il y a plusieurs mois après avoir écouté un de leurs EPs, le EP15. J’écoute d’abord un ancien morceau intitulé Emerald en association avec un autre jeune groupe appelé Have a nice day!, après avoir vu une version live sur YouTube. J’aime l’énergie qui se dégage de ce morceau et la force de la partition électronique, certes simple et poussive, qui tourne sans relâche pendant toute la longueur du morceau. J’aime regarder cette version live prise en salle de concert car elle montre une version un peu foutraque du morceau entre problème de micro, sauts dans la foule de spectateurs admirateurs des deux filles, cris inattendus dans le micro … folie et excentricité de cette jeunesse là. La vidéo officielle ne manque pas non plus de brouillages avec mouvements excessifs de caméras et parasitages de l’image. L’autre morceau que j’écoute est plus récent car il s’agit du dernier single du groupe, intitulé Ghost Rider. La vidéo est beaucoup plus posée et se déroule au volant d’une Porsche blanche conduite par August 八月ちゃん, tandis que Kanamil カナミル regarde dans tous les sens dans les rues traversant, entre beaucoup d’autres, des quartiers de Shibuya. Ghost Rider est très différent des morceaux beaucoup plus riches en guitares du EP15. Les voix de ce morceau sont beaucoup plus maîtrisées que ce que je connaissais du groupe, ce qui me fait dire qu’elles savent également chanter de manière claire et fluide. Le morceau est très attachant et on y revient volontiers, même s’il est beaucoup plus mature et mainstream que les autres morceaux que je connais de OYSM.

Le fil twitter de OYSM me surprend avec cette photo de Shutoku Mukai et Hisako Tabuchi du groupe Number Girl. La photo a été prise au festival rock 夏の魔物2018 in TOKYO (Summer Demon) à Aomi. Oyasumi Hologram se produisait sur scène pour ce festival accompagné de Ahito Inazawa, également du feu groupe Number Girl. D’après le programme, Mukai et Tabuchi y jouaient le même jour, mais séparément. Les hasards de twitter me font découvrir une autre photo au même festival, toujours avec Mukai mais cette foi-ci avec Ano, idole alternative du groupe au nom bizarre ゆるめるモ! (You’ll melt more!). C’est une association photographique assez étonnante. Je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour ce groupe en particulier, mais j’avais beaucoup aimé le morceau de Towa Tei avec Ano sur le morceau REM de l’album EMO. Et Ano n’a pas l’air comme ça, mais elle est complètement barrée et on a du mal à bien percevoir s’il s’agit de comédie. Pour revenir à Number Girl, j’ai eu une période récente de ré-écoute des quatre albums du groupe en me disant que c’est bien dommage qu’ils aient arrêté. Il y avait quelque chose de puissant et d’authentique dans ce rock là. Number Girl a influencé beaucoup de suiveurs de la scène rock japonaise, et ont eu de nombreux fans. Sheena Ringo en faisait d’ailleurs partie. En espérant qu’elle puisse repartir un peu vers cette source rock là, car son dernier single 獣ゆく細道 (The narrow way) avec Miyamoto Hiroji n’est malheureusement pas très enthousiasmant.

your eyes are flashing like traffic lights

Je joue une fois encore avec le décor urbain tokyoïte en mélangeant et en superposant les images pour brouiller les pistes. Nous sommes bien à Tokyo sur toutes ces photographies mais à des endroits très différents et éloignés. De photographies prises à Shinagawa et à Haneda, nous allons ensuite sur les deux dernières photographies vers la banlieue de Tokyo près des montagnes, dans le restaurant japonais Toutouan de la petite ville de Akirunoshi あきる野市. Ça doit être la quatrième ou cinquième fois que nous y allons pour, à chaque fois, des réunions de famille après être passé au cimetière. Toutouan 燈燈庵 est un havre de paix. La vieille bâtisse du restaurant est entourée d’un jardin avec allées sinueuses et forêts de bambou. On y mange très bien, la cuisine y est très raffinée. A l’entrée du restaurant se trouve une petite boutique d’objets en porcelaine et en verre. On trouve également dans cette boutique quelques magazines ou livrets nous parlant du restaurant. Un classeur au format A4 posé sur la grande table en bois de la boutique m’intrigue un peu. En jetant un œil à l’intérieur, on découvre des photographies du restaurant à différentes saisons ainsi que des photographies des employés et cuisiniers à l’œuvre. Elles sont l’œuvre de Lionel Dersot. Il y a de cela plusieurs années, je suivais régulièrement son blog, attaché au journal en ligne lemonde.fr, qu’il appelait Journal de résidence. On le suivait dans ses déambulations dans Tokyo, mais il nous parlait surtout de cette ville d’une manière piquante, ce qui n’était pas très fréquent dans la blogosphère française au Japon. Il n’écrit plus sur ce blog depuis quelques temps. La plupart des blogs sur Tokyo ou sur le Japon que je lisais régulièrement il y a dix ou quinze ans sont malheureusement devenus inactifs ou ont tout simplement disparu. Les photographies à Shinagawa sont prises dans un restaurant de type izakaya dans un des buildings de la gare JR, au niveau des quais du Shinkansen. Nous sommes éclairés par une lune de papier japonais et avons une vue sur des rayons de bouteilles de saké, ce qui me laisse penser que la majorité de l’activité de ce restaurant doit être le soir lorsque les employés de bureaux des tours voisines d’Intercity terminent leurs longues journées de labeur. La photographie de la toiture courbe de l’aéroport joue comme un trait d’union entre ces deux mondes tokyoïtes. Toutes les photographies de ce billet, en plus du parasitage par superposition d’images des feux de la ville, sont légèrement teintées d’une couleur rose pour faire le lien avec la musique qui va suivre.

La chanteuse J-POP Kyary Pamyu Pamyu きゃりーぱみゅぱみゅ (de son vrai nom Kiriko Takemura 竹村 桐子), fer de lance du mouvement kawaii de Harajuku, n’est plus à présenter tant sa renommée dépasse depuis plusieurs années les frontières du Japon. On ne peut pas dire que je sois un fervent amateur ni que je suive sa carrière et ses disques avec attention, mais j’ai toujours gardé une oreille même distraite sur les créations pop électronique de Kyary, épaulée depuis ses débuts par le compositeur et producteur Yasutaka Nakata 中田 ヤスタカ, également aux manettes d’autres formations J-POP populaires comme Perfume. Autant je ne trouve pas beaucoup d’intérêt pour la musique sans profondeur de Perfume, autant certains morceaux de Kyary m’ont plu de manière ponctuelle au fur et à mesure des années. Je reconnais également une personnalité et une authenticité dans sa manière d’être, correspondant à sa musique. D’abord découverte dans les rues de Harajuku, elle n’était pas une pure création marketing. A ses débuts, il y avait quelque chose de novateur dans ce style, quelque chose d’un peu décalé, même dans la surdose générale de kawaii de cette musique. On remarquait parfois ce décalage dans sa façon de chanter ou dans l’imagerie utilisée. Malheureusement, ce décalage n’est pas constant et de nombreux morceaux sont je trouve assez peu intéressants. Son style ne s’est pas vraiment renouvelé d’où une certaine perte de popularité ces dernières années. Je pense que la machine marketing a poussé un peu trop loin les recettes des premiers morceaux à succès. Nous l’avions aperçu dans les rues de Omotesando pour un défilé d’halloween. C’était en 2012, la période de son pic artistique de l’époque de Fashion Monster ファッションモンスター.

Kyary vient de sortir son nouvel album Japamyu じゃぱみゅ le 26 septembre et je suis agréablement surpris. Attention, en prélude à ce qui va suivre, la musique de cet album est dans la continuité du style ultra-pop avec voix aiguë et style kawaii de l’ensemble de son œuvre. C’est un style aux antipodes de la musique rock indépendante ou électronique que j’écoute d’habitude. Cet album Japamyu est d’ailleurs le premier album de Kyary que j’écoute en entier, donc je ne peux pas vraiment comparer avec ses autres albums. Japamyu commence avec un court morceau intitulé Virtual Pamyu Pamyu バーチャルぱみゅぱみゅ pratiquement instrumental ressemblant à la musique d’un jeu vidéo de style shoot them up et prend ensuite des sonorités un peu plus pop. A vrai dire, ce premier morceau me surprend, mais c’est moins le cas des suivants qui me donnent l’impression de déjà les connaître et qui sont beaucoup plus classiques du style electro-pop sucré qu’on lui connaît. En fait, ce sont des singles déjà sortis auparavant, il y a longtemps même pour Harajuku Iyahoi 原宿いやほい, que j’avais d’ailleurs acheté sur iTunes à l’époque de sa sortie. J’aime beaucoup ce morceau, notamment pour certains passages où elle semble chanter un peu faux dans les couplets. C’est ce style un peu « off », en décalage, qui m’attire dans certains morceaux de Kyary. Il y a un certain nombre de morceaux japonisants également sur cet album, assez concis dans l’ensemble d’ailleurs, ce qui est une bonne chose. Certains sons électroniques me rappellent un peu ce que pouvait faire Suiyoubi no Campanella sur certains de leurs albums. Il y a un côté très ludique dans les enchaînements électroniques et la voix de Kyary sur un morceau comme Oto no Kuni 音ノ国. Un des morceaux de l’album que je préfère est le morceau intitulé Enka Natorium 演歌ナトリウム pour ses couplets parlés-rappés et son refrain aux accents de musique traditionnelle mais modifié électroniquement. Je me suis dit en écoutant ce morceau qu’elle devrait explorer un peu plus cette piste musicale, différente de ce qu’elle fait d’habitude. Ce morceau et celui d’avant Chami Chami Chamin ちゃみ ちゃみ ちゃーみん m’ont convaincu que cet album valait le coup d’entrer dans cet univers musical. Ce sont les deux meilleurs morceaux de l’album, à mon avis. Même si je ne me sens pas vraiment à ma place dans cet univers musical, je ne peux m’empêcher de vouloir y retourner.

avant la fin de l’année (1)

Quelques dernières photographies pour terminer l’année en une petite série de deux épisodes, ici autour de Shinagawa et de Waseda. Cette année 2017 a été relativement plus productive que les années précédentes en terme de billets publiés sur ce blog. J’ai publié environ 90 billets cette année, alors qu’en 2016, j’en étais plutôt à 35 billets publiés (et 44 en 2015, 55 en 2014, 61 en 2013). Les textes ont également pris une place plus importante cette année dans les billets, notamment dû au fait que je les écris d’abord sur un carnet avant de les retranscrire sur le blog. Je ne suis pas certain de continuer ce rythme ou cette façon de faire, mais on verra bien. J’ai fini par comprendre que je n’arriverais pas à mettre fin à ce blog, mais je vais peut être essayer de le regarder d’un peu plus loin pour essayer de réfléchir un peu mieux à ce qu’il pourrait devenir en 2018. L’air de rien, le contenu s’est transformé petit à petit selon les envies au fur et à mesure des années, que cela soit l’introduction des compositions graphiques il y a quelques années (les mégastructures, l’urbano-végétal…), les compositions musicales plus récemment ou les formes dessinées. Et les textes plus étoffés cette année. Je crois toujours que tout cet ensemble peut devenir une unité.