le temple Zuishōji près des cerisiers

Les quelques photographies ci-dessus datent du mois de Mars de cette année, alors que les cerisiers commençaient à être en fleur, dans l’enceinte du temple Zuishōji à Shirogane. Les allés du temple sont extrêmement bien entretenues, sans une herbe qui dépasse des petits espaces verts bordés ou des parterres de graviers. La partie ancienne du temple, placée au milieu de ce parc de graviers et de dalles de pierre, semble se détacher de l’ensemble. La partie du temple que je voulais voir est celle construite juste à côté. En regardant les photographies, on devine tout de suite que Kengo Kuma en est l’architecte. L’utilisation de fines plaquettes de bois à la verticale pour les façades du bâtiment est une des caractéristiques de son architecture. Cela donne une construction très délicate qui ne vient pas contrebalancer la force intrinsèque qui se dégage de l’ancien temple principal. Ces nouvelles dépendances forment un cloître en forme de U autour d’un petit plan d’eau artificiel sur lequel est posé une scène pouvant être utilisée pour des représentations. Les fleurs de cerisiers à l’entrée du temple apportent une petite note de couleur bienvenue à l’ensemble, sous le ciel tourmenté du mois de Mars. L’idée m’est venu de visiter ce temple après l’avoir vu sur le compte Instagram de la guide tokyoïte Haruka Soga, qui est spécialisée dans les photos d’architecture. C’est un compte à suivre pour les amoureux de l’architecture de Tokyo, car elle y ajoute quelques notes pour indiquer les architectes ou pour donner une impression personnelle sur les lieux. Je connais ou reconnais déjà beaucoup des bâtiments qu’elle montre sur Instagram mais il y a en régulièrement que je ne connais pas ou que j’ai oublié, notamment les bâtiments plus anciens. Il y a assez peu de comptes Instagram qui donnent autant d’informations car la plupart se contentent d’une photo sans aucune légende.

stuck inside the circumstances

J’ai découvert cette étrange maison couverte de plaquettes de bois dans un recoin de Shirogane. Je suis presque certain de l’avoir déjà vu quelque part sur un site web ou un magazine d’architecture mais je ne retrouve pas qui en est l’architecte. Vue de l’extérieur, elle se compose de trois blocs simples posés les uns au dessus des autres mais cet escalier courbe ressemblant à un toboggan est assez intriguant et me laisse penser qu’une originalité doit aussi se cacher à l’intérieur. L’étrange forme arrondie verte en cuivre oxydé sur la troisième photographie est celle du petit bâtiment NANI NANI de Philippe Starck. C’est un de ces bâtiments que je ne peux m’empêcher de photographier lorsque je passe devant, un peu comme le petit bâtiment blanc de la dernière photographie. Je lui trouve des formes futuristes le faisant ressembler à un robot. J’aurais pu inscrire ce billet dans la série des Petits Moments d’architecture que j’avais commencé il y a très longtemps, mais l’architecture fait de toute façon partie intégrante de pratiquement tous mes billets. Pour titre, j’ai préféré emprunté un morceau de paroles du morceau 36 degrees de Placebo sur leur premier album éponyme de 1996. Les titres de mes billets sont souvent emprunter à des paroles.

En relisant certains de mes anciens billets comme j’aime parfois le faire, notamment le long billet que j’avais écrit sur l’album Sandokushi de Sheena Ringo, je me rends compte que je n’ai pas encore évoqué le dernier EP News (ニュース) de Tokyo Jihen, bien qu’il soit déjà sorti depuis plus d’un mois, le 8 Avril 2020. À vrai dire, j’ai un peu de mal à cacher ma déception. J’ai déjà parlé dans des billets précédents de deux des morceaux sortis avant l’album 選ばれざる国民 (Erabarezaru kokumin – The Lower Classes) et 永遠の不在証明 (Eien no fuzai shōmei – The Scarlet Alibi). Le premier était sorti le 1er Janvier 2020 et avait été une très agréable surprise. Il annonçait la reprise des activités de Tokyo Jihen sous les meilleurs auspices car la composition du morceau était très intéressante. Le deuxième morceau 永遠の不在証明 (Eien no fuzai shōmei) m’avait laissé un avis un peu mitigé lorsque je l’ai écouté pour la première fois. Mais après quelques écoutes et après avoir vu la vidéo dont j’extrais quelques images ci-dessus, c’est désormais le morceau que je préfère du EP. Je ne peux, par contre, pas m’empêcher de penser au fait que le morceau soit utilisé pour un des films d’animation de la série Conan et ça gâche un peu mon écoute. Je n’ai pas d’avis particulier sur cette série car je n’ai jamais regardé un seul épisode, mais j’ai tendance à éviter l’écoute de morceaux liés à un anime (je fais parfois des exceptions). Mais la vidéo du morceau que l’on peut voir sur Youtube est superbe. Le groupe y met en scène son retour depuis une planète lunaire jusqu’au centre de Tokyo, en passant j’imagine par la porte dérobée de l’oeil de Shinjuku, ou en se transmettant peut être à travers les antennes de la tour de Tokyo. Ce qui est intéressant sur cette vidéo, c’est qu’on y voit des scènes liées à la vidéo du morceau Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) de Sandokushi. On y trouve des images qui se répètent sur les deux morceaux comme l’allée devant la tour de Tokyo, le ballon géant en forme de cochon flottant au dessus de Shinjuku, une forme d’oeil se trouvant sur la batterie de Toshiki Hata, une image du pont de Nihonbashi, ou encore des vues similaires sur le Rainbow Bridge depuis des toits d’immeubles. L’esthétique visuelle entre les deux morceaux est très similaire et j’aime beaucoup ces points de liaison, très intrigants, d’autant plus qu’ils font ici le lien entre la carrière solo de Sheena Ringo et celle renaissante de Tokyo Jihen. J’ai aussi malheureusement tendance à penser que la qualité visuelle de la vidéo dépasse la qualité intrinsèque du morceau. Comme sur le reste du EP, le groupe reste clairement dans sa zone de confort, ce qui n’est pas désagréable à priori mais qui donne l’étrange impression de revenir huit ans en arrière pour écouter des morceaux un peu moins intéressants ou novateurs. L’ensemble se tient tout de même bien. J’aime beaucoup le deuxième morceau うるうるうるう (Uru Uru Urū – Leap & Peal), un peu moins les deux suivants 現役プレイヤー (Geneki Player – Active Players) et 猫の手は借りて (Neko no te ha karite – The Cat From Outer Space). Mais malgré ces quelques critiques, la musique de Tokyo Jihen reste tout de même pour moi au dessus de la mêlée. Espérons tout de même qu’ils prennent un peu plus de risques à l’avenir en expérimentant un peu plus. J’ai peut être moi-même une pointe d’aigreur du fait de ne pas avoir pu aller au concert de fin Mars à cause des circonstances actuelles. Comme maigre consolation, je me contente du t-shirt édition 2020 du groupe que je viens de recevoir au début du mois.

Ah oui, j’allais presque oublier que Made in Tokyo vient tout juste d’avoir 17 ans. Comme je le mentionne à chaque fois tous les ans, je me surprends moi-même de sa longévité, qui ne tient pas à grand chose finalement si ce n’est à mon envie d’écrire, de photographier et de partager, et aux commentaires que je reçois des quelques visiteurs réguliers qui se reconnaîtront. Le nombre de visites se tient toujours à une moyenne de 50 par jour avec des hauts et des bas. Ces visites couvrent en grande partie les nouveaux billets publiés mais également, pour moitié environ, mes articles sur l’architecture tokyoïte, notamment celle de Ryue Nishizawa, Kazuyo Sejima ou Sou Fujimoto. Je pense avoir pris une vitesse de croisière depuis quelques années dans la publication de mes billets. Et un petit rappel sur l’enquête pour ceux qui veulent bien y répondre.

sous une pluie imaginaire

Une pluie imaginaire se superpose aux premières photographies jusqu’aux éclaircis le long de la rue murée à Shirogane. Les nuages sont encore insistants mais se désagrègent petit à petit alors que je rejoins la rivière bétonnée de Shibuya. La pluie superposée sur l’immeuble de béton de la première photographie lui donne une étrange apparence argentée que j’aime beaucoup. Cette composition photographique me ramène avec une certaine nostalgie des années en arrière, lorsque j’avais créé une série sur les éléments naturels. Cette série, créée d’Août à Octobre 2010, était composée de 5 éléments: 雪へ (À la neige), 雲へ (Aux nuages), 風へ (Au vent), 海へ (À la mer) et 雨へ (À la pluie). Elle voyait différents buildings dans Tokyo confrontés à ces éléments naturels comme à des épreuves. J’avais ensuite regroupé cette série dans le photobook « In Shadows » publié en Février 2011. Cette série dans son intégralité et le dernier épisode sur la pluie étaient un peu particuliers car ils avaient suscité une attente de la part de certains visiteurs, concrétisés dans les commentaires, à laquelle j’avais essayé de répondre. C’est peut être l’unique fois où ce genre de demande s’est produite. La première photographie de ce billet, elle, pourrait bien faire partie de 雨へ (À la pluie). Il faut absolument que je reprenne ce genre de séries métaphoriques.

Un peu plus d’une semaine après la sortie du morceau Lapin Kulta, dont je parlais dans un précédent billet, le groupe post-punk Ms.Machine sort un nouveau morceau le 1er Mai intitulé Nordlig Ängel (ange du Nord) sur YouTube. En fait, il ne s’agit apparemment pas d’un nouveau morceau, car il est déjà disponible sur un mystérieux troisième EP qui n’est malheureusement pas encore disponible sur iTunes ou Bandcamp (les deux seules plateformes que j’utilise pour acheter de la musique). Je me contente donc d’écouter ce nouveau morceau sur YouTube. J’aime beaucoup l’ambiance du morceau dès les premières notes formant une nappe de synthétiseur sombre et inquiétante. On retrouve bien sûr la voix grave et monocorde de SAI et un déchaînement de guitares bruyantes accompagnées d’un martèlement de batterie. Il se dégage une émotion poignante de cette association de sons puissants et de cette voix qui semble à la fois inattaquable et fragile. Suite à l’écoute de ce morceau, je me suis remis à écouter l’album Turn on the bright lights d’Interpol, pour les paroles et la voix au bord de craquage de Paul Banks, surtout les morceaux Obstacle 1, PDA, Obstacle 2 et Stella was a driver and she was always down. Il n’y a pas de ressemblance particulière entre la musique d’Interpol et celle de ce morceau de Ms.Machine, mais mon envie musicale me fait faire cette association inconsciemment. Il y a certainement quelque chose dans le ton de la voix et l’émotion qui s’en dégage. Pour continuer avec les évocations, la vidéo de Nordlig Ängel dans son esthétique générale me fait penser à un univers Lynchien. Les forêts de Nagano où ont été tournées les scènes de la vidéo doivent certainement me rappeler les forêts pleines de mystères qu’on voyait dans la série Twin Peaks. Pour continuer avec le son du groupe, j’écoute aussi dans la foulée le morceau Vår dont il n’existe, à ma connaissance du moins, qu’une version en concert.

courir entre les buildings

Ces dernières semaines, je me décide à partir courir un peu le samedi. Une bonne heure tout au plus suffit largement à me fatiguer. J’aime beaucoup marcher et je pourrais marcher très longtemps, mais moins courir. Même en courant, je ne peux m’empêcher de prendre des photographies en cours de route. Je n’emmène bien entendu pas le réflex avec moi dans mes courses effrénées mais seulement l’iPhone dans une petite pochette que j’accroche autour du bras.

Cette fois-ci, je pars faire ma course vers le quartier de Shirogane. Plus la fatigue me gagne, plus les photographies sont nombreuses car j’utilise le prétexte de la prise de photo pour faire un arrêt quelques instants. En fait, je décide mon parcours en fonction des bâtiments que j’ai envie de revoir sur mon chemin. Je fais d’ailleurs un tour vers Shirogane pour revoir le Nani Nani, la forme de montagne verte, de Philippe Starck. Je passe également devant l’ambassade de France, près de Hiroo, pour prendre en photo un petit bâtiment de béton aux formes asymétriques. Mais je découvre aux hasards des rues de nouveaux objets architecturaux que je ne connaissais pas, comme cette maison blanche aux formes particulières. Une partie de l’escalier est ouvert sur l’extérieur et des plantes commencent à envahir la petite terrasse à l’entrée.

J’aime partir au hasard des rues en me demandant à tout instant si elles ne cachent pas des choses intéressantes, une architecture remarquable. Courir a l’avantage de scruter un quartier rapidement. Je dirige mes pas vers un morceau de béton au loin qui dépasse et qui semble avoir une forme singulière. Je recherche également les endroits où la végétation se mélange à l’urbain comme sur cette résidence aux briques rouges. Mon réflexe d’association urbano-végétal me revient en tête certainement. Un arbuste semble pousser à l’étage et grimpe chez les voisins du dessus sans y être invité.

Pendant ce temps là

…. à Vera Cruz … enfin, non, Tokyo. Cet étrange bâtiment de style Amérique centrale ou du sud est en fait un restaurant italien assez bon marché à Shirogane. Il contribue à sa façon à l’hétérogénéité du paysage urbain tokyoïte.