sakura par Mount Fuji Architects

Après avoir découvert Mosaic house de TNA, je pars à la recherche d’une autre maison particulière se trouvant également dans l’arrondissement de Meguro. Il s’agit de Sakura par l’atelier Mount Fuji Architects Studio. Elle se trouve également perdue dans un quartier résidentiel quelconque n’ayant aucune véritable identité spécifique, et où des maisons se ressemblant toutes sont apposées les unes à côté des autres. Mount Fuji Architects part de ce contexte et de ce constat pour concevoir la maison Sakura. Sur la page du site web de l’atelier décrivant cette maison, Masahiro Harada mentionne avoir été influencé par les maisons de verre de Mies van der Rohe (Farnsworth House) et de Philip Johnson (The Glass House). Ces maisons ont la particularité d’être presque complètement transparentes car tous les murs sont faits de verre. Ce type de configuration murale suppose que ces maisons soient placées dans des lieux à l’écart des regards, en l’occurrence dans des parcs boisés. Sur la maison Sakura, Mount Fuji crée une forêt protectrice grâce à deux surfaces de métal perforées avec un motif traditionnel de cerisier répété et couvrant toute la surface. Derrière cette surface laissant passer des pointes de lumière comme à travers les branchages d’une forêt dense, un espace de verre délimite la zone habitable. Mount Fuji s’est essayé sur cette maison à reconstituer l’espace ouvert et le contexte environnemental des maisons de verre des deux architectes américains, mais dans le contexte spécifique d’une zone résidentielle dense de Tokyo.

La protection par cette forêt imaginaire de cerisiers fonctionne très bien car on n’arrive pas à déceler ce qui se passe à l’intérieur de la maison depuis la rue. Je me demande d’ailleurs quel niveau de transparence on peut avoir sur la rue, depuis l’intérieur de la maison derrière les grands vitrages de l’espace habitable. Les photographies que j’ai pu voir en cherchant peu sur internet, notamment celles que j’emprunte et montre ci-dessus, montrent un effet intéressant et très joli la nuit. Les lumières parsemées qui s’échappent à travers la membrane métallique donne vraiment l’impression qu’il s’agit d’une haute haie d’arbustes. La maison a par contre beaucoup perdu de son éclat avec les années. Je me souviens des photos que l’on pouvait voir dans les magazines d’architecture en 2007, l’année de la construction de Sakura. J’étais impressionné par la pureté de ces murs blancs immaculés accentués par ces délicats motifs de cerisiers. Il y a beaucoup de poésie dans cette apparence, surtout lorsqu’on la place dans une zone résidentielle anonyme. La poésie ne s’est pas perdue avec les années, lorsque l’on voit la maison maintenant, mais force est de constater que la couleur blanche n’est plus aussi éclatante et que des pointes de rouille au niveau des perforations de la surface donnant le motif de cerisier viennent amenuiser un peu la beauté de l’ensemble. Comme pour Mosaic House, ce type de maisons ultra blanches demandent beaucoup d’entretien pour garder leur apparence des magazines et livres d’architecture. Les deux premières photographies du billet prises à l’iPhone se montrent plus tolérantes que les photographies suivantes prises au reflex, en adoucissant un peu les impuretés. J’imagine que prendre cette maison dans des conditions de lumière différentes doit donner une meilleure impression de l’ensemble. Je reviendrais très certainement pour en avoir le cœur net.

mosaic house par Makoto Takei + Chie Nabeshima / TNA

Mosaic house est une de ces maisons tokyoïtes particulières que j’avais en tête d’aller voir depuis très longtemps, après l’avoir aperçu dans les pages du numéro 68 du magazine d’architecture japonais Japan Architect consacré au Yearbook de l’année 2007. Ce n’est pas simple de trouver la localisation de maisons individuelles mais quand on se met à chercher sérieusement, on finit toujours par trouver. Mosaic house se trouve dans une zone résidentielle de l’arrondissement de Meguro loin des grandes artères. Elle a été construite en Mars 2007, conçue par les architectes Makoto Takei et Chie Nabeshima de l’atelier TNA fondé quelques années avant en 2004. Sa particularité extérieure est cette forme bombée qui penche sur la rue. On a l’impression qu’elle s’incline vers la rue, comme un signe de respect vis à vis des passants qui marcheraient devant. Mais elle agit plutôt comme une fleur qui chercherait la lumière du soleil. On ne le voit malheureusement pas sur mes photographies ci-dessus mais le plafond incliné vers le Sud de cette petite maison de 4 étages est complètement couvert de vitrage formant une mosaïque, ce qui peut expliquer le nom de cette maison. Le nom Mosaic house vient peut-être plutôt de la couverture extérieure des murs faite d’une mosaïque de petits carrés de céramique.

Une des raisons pour laquelle cette forme courbée particulière a été choisie vient du fait que la zone constructible juste en face de la maison au sud autorise les constructions de 4 étages. Un immeuble de 4 étages apporterait un ombrage important sur la maison, d’autant plus qu’elle est placée dans une rue étroite, d’où cette forme inclinée pour maximiser la prise de lumière. Il y a assez peu de fenêtres sur les façades donc le plafond reste la principale source de lumière. La lumière du soleil traversant le plafond de verre incliné vient se réfléchir sur le mur intérieur opposé et courbé. Elle se distribue ainsi vers les parties basses de la maison à travers une zone ouverte entre les étages, laissant passer un escalier à colimaçon. La partie living et la salle à manger se trouvent juste en dessous de la verrière inclinée. D’après les petites photographies de l’intérieur que je montre ci-dessus, la véritable qualité de cette petite maison doit se ressentir dans cette pièce principale donnant une vue panoramique sur le ciel. On doit avoir l’impression que les limites entre l’espace intérieur et l’espace extérieur disparaissent. Par contre, même s’il y a un système de rideaux pour couvrir un soleil trop fort, j’imagine quand même que la chaleur peut devenir très vite difficile à vivre dans cet espace. La forme courbe de la maison autorise également un espace en dessous pour un parking. Comme souvent dans les espaces urbains réduits tokyoïtes, l’architecte doit jouer avec les contraintes pour maximiser l’espace utilisable.

Il s’agit d’une maison emblématique de Tokyo, comme peuvent l’être par exemple Reflection in mineral de l’atelier Tekuto, Moriyama House de Ryue Nishizawa, House in a plum grove de Kazuyo Sejima ou House NA de Sou Fujimoto. Ces maisons mettant en avant des concepts de vie différents sont souvent caractérisées par des espaces restreints et une blancheur immaculée, qui fait penser à un modèle générique demandant à être répliqué. Le blanc de mosaic house a malheureusement disparu avec les années, ce qui est un peu dommage. La météo était plutôt maussade au moment de mon passage, ce qui peut jouer sur l’impression générale sur mes photographies. Il faudrait que je repasse par ici lors d’une belle journée d’été pour voir si mon impression diffère.

dans un silence photographique

Pendant une journée ensoleillée du mois de Mars, je suis allé seul au Tokyo Metropolitan Teien Art Museum près de la station de Meguro. J’y suis déjà allé plusieurs fois-ci dans le passé. Cette fois-ci, c’était pendant ma semaine de congé du mois de Mars. Mari avait déjà vu l’exposition du moment avec sa mère et me l’avait conseillé. Le musée Teien, ancienne résidence du Prince Asaka construite en 1933, est très certainement le plus beau musée de Tokyo, pas spécialement pour son design extérieur mais pour la richesse de l’intérieur dans le style Art Deco. On y trouve le design du français Henri Rapin dans 7 pièces du bâtiment, des chandeliers par René Lalique dans le salon et la grande salle à manger, entre autres artistes. Le problème, je dirais, d’utiliser cet endroit comme musée est qu’il efface par sa splendeur toute exposition artistique que l’on y montre à l’intérieur. Plutôt que de regarder ce qui est exposé, on a tendance à aller plutôt regarder les détails des décorations, des vitrages et diverses sculptures décoratives. L’escalier principal au centre du bâtiment, composé de marbre noir aux couleurs dorées, m’impressionne toujours autant. Je ne suis malheureusement pas spécialiste pour savoir s’il s’agit réellement d’une pierre naturelle, mais je n’ai jamais vu ailleurs un matériau d’une telle force.

Un grand jardin est placé derrière le musée et sa composition n’a apparemment pas changé depuis le temps où ce domaine était utilisé comme résidence impériale. Il y a un vaste espace ouvert au pied de la demeure, agrémenté de quelques sculptures. Si j’avais le temps, je m’assiérais bien sur l’herbe pendant des heures, comme on l’avait fait quelques fois en famille quand Zoa était petit. Comme le parc est assez vaste, se dégage une sensation de calme, comme dans un silence photographique. On peut marcher jusqu’au jardin japonais à l’arrière, agrémenté d’une traditionnelle maison de thé. Une grande partie de l’exposition se passe en fait dans l’annexe récente du musée. On y accède par un passage depuis le bâtiment historique. C’est un espace plus conventionnel et fonctionnel pour un musée. La terrasse donnant sur une partie du parc, au bord des grandes baies vitrées, est très agréable pour un café après la visite. Le café est bien évident idéalement placé à la fin du parcours de visite. On se laisserait très facilement tenté.

Mais revenons à l’exposition intitulée « Le miracle du silence » que j’allais voir ce jour-là. Il s’agissait de collages photographiques par l’artiste japonaise Toshiko Okanoue. Je ne connaissais pas cette artiste des années 50, liée au mouvement surréaliste japonais. Les œuvres présentées sont nombreuses et ont été principalement réalisées pendant une très courte période de 1950 à 1956. Elle a ensuite abandonné toute carrière artistique après son mariage. La matière des collages de Okanoue provient de magazines étrangers de l’époque comme Vogue ou le Harper’s Bazaar. Elle découvre ces revues étrangères après la guerre et mélange des photographies réalistes de l’après-guerre avec des extraits de photographies de mode. Le contraste entre ces deux univers est assez étonnant. Les associations d’images, des têtes déplacées, des paysages désolés avant la reconstruction de l’après-guerre sont en même temps fortes et surprenantes. C’était une belle découverte pour une exposition qui s’est malheureusement déjà achevée le 7 avril.

les jours avant que tout s’envole

Les cerisiers se battent contre la pluie ces derniers jours et les fleurs auront bientôt complètement disparu jusqu’à l’année prochaine. C’est comme cela que ça se termine tous les ans, par un grand coup de vent et de pluie final qui viendra tout balayer sur son passage. En attendant, je continue à montrer quelques photographies à différents endroits de Tokyo. Je retourne, en famille cette fois-ci, au bord de la rivière Meguro, mais plutôt en direction de la gare de Meguro. Par rapport à Naka-Meguro, la rivière y est plus large et permet aux canoës d’y circuler pour observer les sakura sous un tout autre angle. Il y a moins de foule à cet endroit par rapport à Naka-Meguro, ce qui n’est pas désagréable. Les cerisiers en fleurs sont partout. Il suffit de marcher de la gare de Ebisu depuis Garden Place vers la rivière de Meguro pour en trouver à tous les coins: dans les jardins publics, autour des écoles, le long de certaines rues résidentielles… J’aimerais avoir une vue d’hélicoptère de Tokyo à cette période pour constater les couleurs que la ville peut prendre.

Aperçue au troisième étage niveau J-Pop du gigantesque disquaire de Shibuya Tower Records, cette affiche montrant Sheena Ringo en tenue de chevalier muni d’ailes de griffon est assez inattendue. On avait déjà vu Sheena Ringo avec des ailes dans le clip vidéo du morceau Kōfukuron (幸福論) sur son premier album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) sorti il y a exactement 20 ans le 24 Février 1999 (quelques jours après mon arrivée au Japon). C’était cependant des petites ailes d’ange, tandis que sur cette nouvelle affiche, on dirait que Sheena Ringo est tout droit sortie d’un univers heroic fantasy. Cette affiche annonce son prochain album qui sortira le 27 mai 2019. Ça fait 5 ans, depuis son album de 2014 Hi Izuru Tokoro (日出処), que Sheena Ringo n’a pas sorti de nouvel album studio. Il y avait bien quelques morceaux sortis au compte goutte pour nous faire patienter et l’album Reimport Vol. 2 – Civil Aviation Bureau (逆輸入〜航空局) sorti en 2017, composé de reprises de ses propres morceaux créés pour d’autres artistes. Mais tout ceci avait du mal à combler un certain vide discographique ces dernières années, dans sa carrière pourtant bien remplie. Un nouvel album est donc le bienvenu, même si je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Les derniers morceaux en single étant à chaque fois destinés à des spots publicitaires ou à des génériques d’émissions de télévision, je me demande bien quelle direction artistique aura ce nouvel album. On sait qu’il s’appellera Sandokushi (三毒史). Ce titre se compose du terme bouddhiste ‘Sandoku’ faisant référence à trois poisons: l’ignorance, l’avidité ou la convoitise, la haine ou la colère, et au terme ‘Shi’ voulant dire Histoire. L’album sera à priori composé de 13 morceaux dont 4 déjà sorti il y a plusieurs années, à savoir deux titres de 2015: Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et Kamisama, Hotokesama (神様、仏様), un de 2017: Menuki Dōri (目抜き通り) et le dernier en date: Kemono yuku Hosomichi (獣ゆく細道) sorti en fin d’année dernière. Sheena Ringo met de côté d’autres titres, sortis sur aucun album à ma connaissance, comme l’excellent Shijō no Jinsei (至上の人生) de 2015. D’autres morceaux de cette période entre deux albums comme Jinsei wa Yume Darake (人生は夢だらけ), morceau de 2017 que j’aime beaucoup, avait par contre été inclu dans Reimport Vol. 2. Attendons de voir d’un peu plus près ce que va donner ce nouvel album. J’avoue une certaine impatience.

one face

Avant de traverser au croisement de deux rues sans noms, l’une montant vers Daikanyama et l’autre longeant la voie ferrée menant à Shibuya, je me sens une nouvelle fois comme observé. Je dis discrètement à Zoa de regarder au sol, l’air de rien et sans se faire remarquer. On nous observe avec des grands yeux et un air étonné. Le feux passe au bleu, nous traversons avec un petit sourire aux lèvres. Il n’a pas réalisé que nous l’avions débusqué.

En partant de la rivière Meguro au delà du Starbucks dont je parlais auparavant et en regagnant Shibuya, on peut facilement confondre le bâtiment de la deuxième photographie de l’article avec un gros buisson. Si on regarde de plus près, mais il faut bien s’approcher, on remarque une porte qui permet de rentrer à l’intérieur de ce buisson. Il y a même un bistrot au niveau de la rue. La ressemblance de ce buisson géant avec un bâtiment habité est vraiment bluffante. Il est placé dans une rue très ouverte et avec le soleil de cette journée et le froid dehors, ce moment bucolique à marcher dans cette rue était des plus agréables.

Sur le petit bâtiment de la troisième photographie du billet, on se demande si l’agacement des plaquettes de bois est volontaire ou a subi les méfaits de contraintes budgétaires. Le reste du bâtiment est en béton. Ce bois désordonné et délavé n’est placé que pour l’apparence. Cela donne peut être la fausse impression que la maison est abandonnée et qu’il fait mieux passer son chemin.

Les pruniers en fleur sont de retour avant les cerisiers. Les fleurs de pruniers n’ont qu’une seule utilité, nous préparer mentalement à l’arrivée des cerisiers le mois suivant. Celui sur la quatrième photographie du billet se trouve le long de la rivière bétonnée de Shibuya. Par sa présence, il essaie tant bien que mal d’embellir les lieux. Sur la photographie, je le confronte à son environnement immédiat, une barre d’immeuble quelconque comme on en trouve beaucoup en ville, avant sa destruction probable pour remplacement par des tours de verre quelconques.

A Daikanyama, je suis toujours attiré par le bâtiment à la forme d’une pseudo-hélicoïde, mais les tentatives de photographies ne lui rendent jamais justice. Celle du dessus non plus, mais j’abandonne les essais pour l’instant en montrant cette version sur la cinquième photographie du billet.

J’écoute de temps en temps mais assez régulièrement l’album Kūdō desu 空洞です (c’est creux) de Yura Yura Teikoku ゆらゆら帝国 datant de 2007, mais je me rends compte maintenant que je ne l’ai jamais mentionné sur ce blog. Je suis dans ma phase rock indépendant en ce moment donc cet album est également dans ce style là, mais dans une version plus nonchalante que ce que j’écoute d’habitude, notamment par la façon de chanter du leader du groupe Shintaro Sakamoto. On dit que ce groupe se classe dans le genre du rock psychédélique. Je veux bien croire que ces morceaux ont un côté hypnotisant notamment pour les répétitions musicales de riffs de guitares. Les morceaux ont une personnalité bien particulière, chantés parfois sur le ton de la plainte parfois donnant l’impression que le groupe est dans un éventuel état second. On finit par vaciller également en écoutant cet album. L’empire du vacillement est d’ailleurs une traduction du nom du groupe. Il y a une grande unité dans cet album dans le sens où bien que tous les morceaux soient bons, il n’y en a pas un qui sort du lot ou qui agit comme repère dans l’album. On se laisse plutôt engouffrer dans le flot musical répétitif jusqu’au final. Des sons différents comme de la flûte de pan ou du saxophone viennent parfois perturber ce flot tranquille. Le morceau le plus particulier et le plus psychédélique, à mon avis, est le huitième 学校へ行ってきます, qu’on traduit par « Je vais à l’école ». Il a des allures de rock expérimental dans le son, et par le phrasé grave et monocorde du chanteur sur ce morceau en particulier. Pour renforcer cette impression générale de nonchalance, les titres des morceaux et les textes en général sont d’une simplicité amusante. Je ne vais cependant pas creuser le sujet pour savoir s’il y a un sens profond derrière la simplicité de ces titres comme 美しい (c’est beau) ou できない (je n’y arrive pas). Cet album n’est pas une nouveauté mais un bel album tout de même, assez apaisant dans son ensemble.