閏年エンディング ~其ノ参~

Elle est charmante cette petite coccinelle jaune garée devant les bureaux des architectes Klein Dytham à Ebisu. On ne le remarque pas toujours très facilement mais j’applique régulièrement une certaine symétrie dans l’agencement des photographies de mes billets. Sur celui-ci, je place volontairement les photographies avec une voiture sur le premier et le dernier billet, la coccinelle jaune orientée vers la droite pour signifier le début du billet et la Nissan bleue dirigée vers la gauche pour la fin de la série. L’architecture monolithique de béton en deux photographies est placée au centre et les scènes pleines de verdure viennent faire une transition avec ce béton brut. Ce bâtiment de béton est extrêmement intéressant car on a l’impression que cette masse sans ouverture est en lévitation au dessus du sol. Il s’agit en fait d’une coque de béton maintenue par des piliers au centre du bâtiment. Les murs ne touchent donc pas le sol et sont maintenus par le haut. Il s’agit de nouvelles toilettes publiques ouvertes cette année, situées à côté de la gare de Sendagaya et conçues par les architectes Makoto Tanjiri et Ai Yoshida de l’atelier Suppose Design Office.

Alors que j’appréciais beaucoup écouter les émissions radio de découverte musicale comme celle de Bernard Lenoir sur France Inter quand j’étais étudiant en France ou plus tard sur le feu podcast des Inrockuptibles dans la deuxième partie des années 2000, je n’en ai pas beaucoup écouté ces dernières années faute de connaître de bonnes émissions. On m’avait conseillé d’écouter l’émission Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter et je me suis mis à l’écouter assez assidûment ces derniers temps. L’émission fonctionne souvent par thème ou présente des groupes ou artistes en particulier. Je passe mon tour quand ce sont des artistes que je n’apprécie pas beaucoup (par exemple Kate Bush) mais l’émission devient un vrai plaisir quand elle permet de découvrir des artistes que je connaissais sans connaître (par exemple Dead Can Dance). J’ai beaucoup aimé les émissions rétrospectives sur John Lennon, à l’occasion des 40 ans de sa mort, car Michka Assayas évite les classiques qu’on a trop entendu et nous fait découvrir d’autres facettes moins connues de Lennon, du moins pour un néophyte comme moi. Le podcast de l’émission est même l’occasion d’écouter des morceaux d’albums que je n’aurais sinon probablement jamais écouté, comme le dernier de Paul McCartney dont certains morceaux sont étonnamment très bons (par exemple le morceau Slidin’ au tout début de l’émission). Et puis, il y a des émissions sublimes comme celle en duo avec Philippe Katerine. Je ne connais pas beaucoup la musique de Philippe Katerine, mais le personnage en lui-même est génial et son approche atypique de la musique est très intéressante, sans parler de l’humour qui remplissait l’air de rien toute l’émission. Il y a des émissions que j’ai écouté plusieurs fois car les découvertes y étaient très nombreuses, comme celle où j’ai découvert dans un même podcast, les morceaux Don’t Run and Hide de la norvégienne Ane Brun, le morceau electro On de Kelly Lee Owens sur son album Inner Song ou encore le superbe single Robber de The Weather Station. En fait, j’aime beaucoup le ton de Michka Assayas dans ses émissions. Il arrive, je trouve à transmettre sa passion musicale sans pour autant en faire trop et en restant mesuré dans ces commentaires en général très bien documentés. Il m’a aussi rappelé dans son émission du 18 Novembre que Thurston Moore avait sorti un nouvel album solo intitulé By The Fire, que je me suis dépêché de me procurer. A l’écoute du premier morceau de l’album, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un morceau de Sonic Youth, tant le son de sa guitare me semblait familier et proche des sonorités entendues chez Sonic Youth. Il y a d’ailleurs quelque chose de confortable à réentendre ce son après presque 10 ans que le groupe s’est séparé. Je ne ressentais pas ce genre de similitudes sur l’album précédent de Thurston Moore, Rock n Roll Consciousness sorti en 2017, ni sur l’album de Kim Gordon, No Home Record sorti en 2019 car il partait sur des pistes musicales très différentes de celles de Sonic Youth. Au final, après la séparation de Sonic Youth, on se retrouve avec deux artistes indépendants (Thurston et Kim) créant tous les deux d’excellents albums. Thurston donne une grande part à l’instrumental dans les compositions de By The Fire. Sur la partie instrumentale au début du troisième morceau, je m’attends toujours à entendre la voix de Kim Gordon, mais c’est bien Thurston seul qui assure les voix sur la plupart des morceaux sauf le dernier de l’album qui est purement instrumental. Les parties instrumentales jouent sur la puissance des guitares, et peuvent parfois être un peu difficiles à appréhender dès la première écoute, notamment le sixième morceau Locomotives. Thurston vit à Londres depuis quelques années, et est entouré par l’anglaise Debbie Gouge de My Bloody Valentine à la guitare basse et par Steve Shelley, rescapé de Sonic Youth, à la batterie. Steve Shelley joue aussi le rôle d’archiviste des oeuvres de Sonic Youth, qui sont ajoutées petit à petit sur le compte Bandcamp du groupe, notamment de nombreux live et la collection des SYR (dont le 9ème pour la bande originale du film ‘Simon Werner a disparu’ dont je parlais dans un billet précédent). By The Fire s’écoute d’un bloc. On y trouve de nombreuses accroches qui m’y font revenir très régulièrement ces dernières semaines.

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La chaleur en pleine journée est presque insupportable. Le vent venant de l’océan doit être bloqué quelque part par les barrières d’immeubles car il ne transverse plus les rues de Tokyo ces derniers jours. On rêve de plonger dans les piscines. Depuis quelques semaines, je ne cours plus dans les rues le week-end en raison de la chaleur. Je préfère nager dans une des piscines de Shibuya. On s’acquitte de 400 yens à l’entrée pour les adultes et 100 yens pour les enfants. Zoa nage devant en faisant la brasse et je le suis, sur environ 1500 mètres ponctués de quelques pauses que je suis le premier à réclamer. Lorsque je nage seul, mon rythme est plus rapide mais j’ai tendance à m’arrêter plus souvent. Lorsque Zoa tient la cordée, je le suis tranquillement sans me poser de question, et la nage prend un côté confortable malgré l’effort de nager dans la durée. Cela me donne même du temps pour réfléchir, ou être dans la lune, tout en enchaînant les mouvements de manière mécanique. J’aime la perspective d’avoir du temps devant moi pour pouvoir être dans la lune, mais je n’utilise finalement que peu souvent ce temps disponible pour rêver éveillé. Je suis toujours occupé à faire autre chose, et même souvent plusieurs choses à la fois.

Photographies extraites de la video du morceau The Sky Falls de XAI disponible sur Youtube.

Je m’écarte un peu de la musique indépendante que j’écoute habituellement avec trois morceaux assez différents les uns des autres. XAI est une chanteuse rock que je ne connaissais pas mais que je découvre avec le morceau ci-dessus The Sky Falls sur YouTube. Il s’agit en fait du thème musical d’un film d’animation sur Godzilla. Je ne sais pas très bien de quel film il s’agit, mais peut importe. J’aime beaucoup ce morceau pour son efficacité rock et pour la voix très puissante de XAI, ce qui est assez rare pour le noter dans une formation rock japonaise. Le morceau est dense en guitares et en sonorités électroniques qui viennent appuyer le flot musical, mais pourtant la voix de XIA émerge très nettement. J’insiste sur cette voix car c’est elle qui me fait revenir sans cesse à l’écoute de ce morceau, tandis que la musique dans son ensemble est d’une construction plutôt classique sans trop d’inattendu. Il s’agit d’ailleurs peut être d’une commande et d’une formation construite exprès pour les besoins de la bande originale du film.

Photographies extraites de la video du morceau NON TiE-UP de BiSH disponible sur Youtube.

Je n’ai pas l’habitude d’écouter la musique des groupes d’idoles japonaises, mais j’y porte un peu plus d’attention lorsqu’il s’agit d’idoles alternatives. Il s’agit bien entendu de groupes montés de toute piece par un producteur ou une agence de production, et où les membres sont recrutés en fonction de certains critères. La configuration de ce type de groupes varie lorsque certains membres décident de quitter la formation ou sont tout simplement remplacés. BiSH est né en 2015 et est la création de Junnosuke Watanabe, déjà à l’origine du groupe d’idoles initial appelé BiS et dissout peu avant, en 2014. Le groupe BiSH évolue dans un style rock alternatif, mais comme pour beaucoup de formation de ce type, les styles sont variés pour élargir le public potentiel. Tous les morceaux ne sont donc pas intéressants, mais j’aime beaucoup leur morceau le plus récent sorti il y a quelques semaines et intitulé NON TiE-UP. Le titre semble indiqué que ce morceau est indépendant de toute campagne marketing et n’est pas non plus utilisé comme bande sonore de film ou d’anime. Malgré l’apparence, il y a une bonne dose d’agressivité dans le chant et de provocation dans les paroles. J’étais d’ailleurs un peu surpris par la crudité du verbe et des gestes à certains passages de la vidéo accompagnant le morceau. La pochette du morceau indique d’ailleurs un contenu explicite. Le morceau se joue comme une suite symphonique rock qui s’accorde bien avec l’ambiance de la vidéo. Ce décor futuriste de réalité virtuelle d’une couleur rouge éclatante et agressive me rappelle un peu celui de la planète Crait du dernier Star Wars. Je trouve cet ensemble musical assez abouti et je pense garder un œil sur les prochains morceaux du groupe, au cas où elles conservent cet esprit un peu décalé et cette qualité visuelle.

Photographies extraites de la video du morceau Dekadonden でかどんでん de Shiritsu Ebisu Chugaku 私立恵比寿中学 disponible sur Youtube.

Le troisième morceau est beaucoup plus orienté pop dans un esprit plus léger et même loufoque par la présence en guest star dans le clip vidéo de Naomi Watanabe en géante venue de l’espace. Il s’agit d’un morceau au titre énigmatique Dekadonden par le groupe d’idoles Shiritsu Ebisu Chugaku 私立恵比寿中学, de l’agence Stardust. L’agence ayant ses bureaux à Ebisu, plusieurs groupes de cette agence prennent le nom du lieu. Dans le cas ici, on traduirait par Collège privé d’Ebisu. Le groupe porte également le diminutif Ebichu et est en quelque sorte un groupe sœur des plus réputés Momoiro Clover Z. Je n’ai pas le sentiment qu’elles aient déjà franchi les paliers du mainstream car on n’en entend pas trop parler, malgré qu’elles aient participé, à ma grand surprise, à l’album tribute Fruit Défendu de Sheena Ringo pour la reprise du morceau Jiyū e Michizure 自由へ道連れ. En fait, plus que la musique en elle-même, c’est la vidéo ultra-dynamique de ce morceau que j’aime beaucoup. Cette vidéo me rappelle en fait celle du morceau Sabotage des Beastie Boys, avec la même mise en scène de série télévisée policière et les mêmes arrêts sur images sur les personnages avec affichage du nom des acteurs. Mais, cette vidéo serait également mélangée avec la vidéo d’Intergalactic des mêmes Beastie Boys pour le personnage géant venu de l’espace se déplaçant dans les rues de Tokyo. On retrouve un même esprit loufoque fait de déguisements, de lunettes de soleil et de mouvements exagérément dynamiques. Le réalisateur de la vidéo était peut être sous cette influence. Pour Ebichu, comme pour BiSH, l’image traditionnelle de l’idole japonaise est mise à mal, mais d’une manière toujours très contrôlée.