floating across the blue sky alone

L’envie m’est soudainement venue de parcourir à pieds le bord de la rivière Tamagawa, pas vraiment pour une longue marche mais plutôt pour saisir pendant quelques instants dans mes bronches la fine brise rafraîchissante qui court le long de la rivière. Je suis parti de la station de Futago-Tamagawa pour marcher dans un premier temps dans les quartiers résidentiels près de la rivière. Au passage, j’aperçois une étrange maison, celle de la première photographie, dont l’entrée n’est accessible qu’à l’étage par un escalier de métal. Cette entrée est couverte comme s’il s’agissait d’une protection contre les éléments extérieurs. On me fait même remarquer sur Instagram que cette entrée ressemble un peu à celle d’un avion, accessible depuis le tarmac. Je ne connais pas la raison exacte de l’emplacement de cette entrée et de son apparente couverture protectrice, mais j’imagine qu’elle est liée à la crainte éventuelle d’un débordement de la rivière Tamagawa. La route parmi les maisons de la zone résidentielle me ramène assez vite vers le bord de la rivière. Certaines maisons au bord de la rivière aménagent leurs petits jardins pour leur donner un petit air de vacances.

Pour le chemin du retour, je passe au plus près de la rivière en marchant au dessus des digues de terre aménagées pour les piétons et les cyclistes. À cet endroit, en contrebas, les terres près de la rivière sont occupés par divers terrains de sport. Alors que je me rapproche déjà de la station, je longe l’auto-école Koyama Driving School qui me rappelle des souvenirs. J’aime bien revoir cette école car j’y ai passé mes deux permis moto (le 400cc et le gros cubes). Au début des années 2000, j’y prenais des cours de conduite tous les week-ends et je me souviens encore très bien descendre la longue route 246 jusqu’à Futago-Tamagawa en scooter, puis en Honda CB400 (après avoir obtenu le permis 400cc) pour aller à l’école. La moto me manque un peu quand j’y repense, surtout quand l’été approche. Je m’étais décidé à passer le permis moto après un voyage à Kota Kinabalu sur l’île de Borneo, en voyant une fille à moto tracer sa route le long de la côte sous la chaleur estivale. J’ai encore cette image clairement en tête. Mais la conduite à moto peut être parfois beaucoup moins agréable lorsqu’il pleut pendant des journées entières, comme ça avait été le cas lors d’un voyage à Hokkaido à moto en Août 2002. La pluie incessante ne nous avait pas empêché d’apprécier les paysages d’Hokkaido mais on était quand même content de trouver un peu de chaleur dans les riders’ houses où nous passions la nuit.

Après avoir écouté l’album Heaven’s Kitchen de Bonnie Pink, j’ai eu l’envie irrésistible d’écouter d’autres albums au fur et à mesure que je les trouvais d’occasion en parcourant différents magasins Disk Union de Tokyo. Comme elle a sorti un grand nombre d’albums (12), je me suis concentré sur les premiers en commençant par son tout premier Blue Jam sorti en 1995, puis par le troisième album evil and flowers sorti en 1998. J’ai rapidement complété avec Let go sorti en 2000, Just a girl sorti ensuite en 2001, puis l’album de 2004, Even So dont je montrais la couverture dans un précédent billet. J’ai en fait commandé Even So sur Mercari car je ne le trouvais pas chez les disquaires Disk Union. De ses débuts en 1995 à cet album de mi-carrière Even So, son style musical a sensiblement varié. Les aspirations rock indé des débuts se sont transformés petit à petit en une approche beaucoup plus pop sur Even So. J’aime bien sûr beaucoup l’approche rock indé, mais l’album Even So est peut-être bien le meilleur que je connaisse pour l’instant. Elle a beaucoup d’aisance dans sa voix et la composition musicale de ses morceaux est particulièrement accrocheuse. J’aime d‘autant plus cet album que l’esprit d’ensemble est plutôt différent de ce que j’écoute en général. Il y a des morceaux plus forts que d’autres. J’adore par exemple le premier Private Laughter, le troisième New Dawn, les deux morceaux qui se suivent Mint et 1•2•3 puis le onzième morceau Jinsei Game (人生ゲーム).

J’écoute également beaucoup le troisième album evil and flowers (1998), qui a comme je le disais ci-dessus des sonorités plus rock indé. Cet album est plus sombre en comparaison des autres. Elle a écrit l’album seule dans la campagne suédoise, alors qu’elle était en recherche d’inspiration. Il faut noter que son producteur de l’époque est le suédois Tore Johansson, également producteur du groupe The Cardigans (souvenons-nous des morceaux Carnival sur l’album Life de 1995, de Lovefool sur l’album First Band on the Moon de 1996 et de My Favourite Game sur l’album Gran Turismo de 1998). L’album evil and flowers est excellent et les meilleurs morceaux à mon avis sont le deuxième Forget Me Not (la partie finale notamment), le onzième Only For Him (notamment les sonorités de guitare) et le septième Kingyo (金魚). Ce morceau Kingyo n’est pas un morceau sur lequel on accroche immédiatement et il demande plusieurs écoutes pour vraiment l’apprécier, mais c’est clairement un morceau clé de cet album. Parmi les 13 morceaux de l’album, c’est le seul dont le titre est écrit en kanji, et comme il s’agit du septième morceau, il prend une position centrale sur l’album. Les premier et dernier morceaux sont le même titre Evil and Flowers, le même que celui de l’album, mais dans des versions musicales différentes. Cette symétrie des premier et dernier titres similaires autour d’un seul morceau écrit en kanji m’interpelle forcément, car elle semble volontaire. La symétrie ne s’applique pas sur tous les morceaux comme Sheena Ringo pourra le faire à partir de son album Shōso Strip de 2000. Mais comme je sais que Sheena Ringo avait conscience de la musique de Bonnie Pink, je me demande maintenant si elle n’aurait pas trouvé là un brin d’inspiration. Je n’ai cependant jamais lu ou entendu d’explication sur cette attirance de Sheena Ringo pour la symétrie, donc il s’agit d’une pure supposition de ma part.

J’écoute ensuite le premier album de Bonnie Pink, Blue Jam, sorti en 1995, également dans des ambiances rock indé et blues rock. Il est plus court car il ne contient que 8 morceaux. Il fait quand même 41 minutes car certains morceaux comme le septième Maze of Love fait plus de 7 mins. Il y a beaucoup de très bons morceaux sur cet album, notamment le premier Scarecrow (que Sheena passait dans son émission radio Etsuraku Patrol en 1998, comme je le mentionnais plus tôt), le plus léger Candy Futatsu no Sanpo (キャンデイ2つの散歩), le beaucoup plus sombre Senaka (背中) et Freak, qui est très certainement le meilleur morceau de l’album. L’ambiance musicale mélange différents sons. Un bruit sourd démarre le morceau accompagné ensuite d’une guitare faisant des sursauts et de scratches entre autres bruits variés. Comme sur tous les morceaux de Bonnie Pink, sa voix ne déçoit jamais, à la fois forte et nuancée.

J’écoute également l’album de 2000, Let Go, que je trouve dans l’ensemble moins accrocheur et prenant que ceux que j’ai mentionné jusqu’à maintenant, certainement parce qu’on y trouve une majorité de balades. Il y a tout de même beaucoup de très bons morceaux comme les deux premiers Sleeping Child et Fish, le onzième Rumblefish ou encore le deuxième morceau You Are Blue, so Am I. L’ensemble se tient très bien dans la continuité, sans que les morceaux se détachent vraiment les uns des autres, surtout au le milieu de l’album. Certains morceaux m’attirent plus que d’autres comme par exemple celui intitulé Tears for Leo car j’aime bien les vagues que Bonnie met dans sa voix. Cet album met en fait un peu plus de temps à se révéler et on y revient facilement même s’il n’a pas une empreinte aussi forte que les autres albums. Quant à l’album Just a Girl, je le trouve à priori en deçà des autres albums que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant. Je dis « à priori » car je ne l’ai pas encore beaucoup écouté pour le moment et mes impressions initiales peuvent changer.

月に勝ち猫

(もうすぐ雨) La pluie peut tomber à tout moment mais elle a la bonne idée de se retenir jusqu’à ce que je rentre à la maison. Ces photographies sont prises à la suite de celles de la traversée du Rainbow Bridge. Nous entrons tout doucement dans la saison des pluies. Cette période de l’année peut certes être contraignante pour sortir prendre des photos mais j’aime les contrastes forts qu’elle procure en général sur les photographies qu’on peut prendre. Les photos ci-dessus sont prises du quartier de Mita jusqu’à Hiroo au niveau de la rue Meiji. Je trouve qu’elles sont assez typiques de Made in Tokyo. Elles font partie d’un tout continuel, mais ne se démarquent pas vraiment par leur identité individuelle. Je ressens la nécessité de montrer ce type de photographies de rues sans particularités apparentes et immédiates parmi d’autres photographies montrant de l’architecture à l’identité forte et immédiatement reconnaissable. D’une certaine manière, j’essaie de cette façon de montrer la continuité de la ville qui ne se limite pas à une somme de landmarks remarquables. Mais est ce que je donne de cette manière une représentation de cette ville qui serait plus fidèle à la réalité ? Je ne pense pas et ce n’est pas réellement mon intention. Même si elles n’ont pas d’identités fortes en apparence, je vois tout de même des particularités distinctives dans les morceaux de ville pris en photo et montrés ci-dessus. En l’observant depuis un passage surélevé, j’ai été attiré par le graphisme des larges passages pour piétons à Mita ressemblant à une partition musicale sur laquelle des petites notes mouvantes viennent se placer. Sur la troisième photographie, le bâtiment de béton d’un restaurant d’anguilles a attiré mon regard pour la forme courbe placée à l’entrée qui vient adoucir l’aspect pourtant massif de l’ensemble. La large cheminée a également attiré mon attention car elle s’achemine jusqu’au toit sans prendre en considération l’esthétique de l’ensemble. A moins que l’on pense comme moi que ce genre de tuyauteries apparentes fait toute l’esthétique du bâtiment. L’interêt que je trouve dans les quatrième et cinquième photographies est l’association que l’on peut faire entre la forme des vitrages d’un garage vintage et ceux d’une maison individuelle récente se trouvant dans la même rue. La photographie suivante montrant une résidence appelée Imperial Hiroo m’accrochait l’oeil pour sa texture abîmée qui venait tout d’un coup entrer en résonance avec le portique rouillé de sortie d’autoroute placé à sa perpendiculaire. Et j’aime beaucoup saupoudrer ce genre de billets de matière végétale, celle de l’avenue Meiji sur la dernière photographie, celle derrière laquelle se cache un temple appelé Daisho-ji dans un quartier de Mita, où celle qui envahit les trottoirs quand l’humidité ambiante devient trop forte.

(Tell me the truth, do you crash?) L’idée m’est soudainement venue d’écouter la musique de Bonnie Pink (ボニー・ピンク). Elle s’apprête à sortir un nouvel album après 10 ans d’absence et c’est très certainement ce qui m’a donné envie d’écouter un de ses anciens albums. Le morceau le plus connu de Bonnie Pink s’intitule A Perfect Sky et il est sorti en 2006. Ce morceau pop est mémorable et accrocheur mais ne correspond pas vraiment au style musical que je cherche à découvrir en ce moment. J’ai en fait un très vague souvenir d’avoir voulu découvrir cette artiste au début des années 2000, sans pourtant avoir concrétisé cette envie. A cette époque là, je cherchais à écouter d’autres groupes et artistes qui auraient un style plus ou moins similaire à celui de Sheena Ringo et j’ai eu cette envie de me diriger vers Bonnie Pink. Le morceau A perfect sky m’avait peut-être un peu rebuté mais je me rends compte maintenant que j’avais eu tord de ne pas explorer ses albums. Bonnie Pink, de son vrai nom Kaori Asada (浅田香織), est compositrice et interprète de tous ces morceaux. Elle a démarré sa carrière musicale avec un premier album intitulé Blue Jam en 1995. Je démarre ma découverte tardive de Bonnie Pink avec son deuxième album intitulé Heaven’s Kitchen sorti en 1997. L’esprit rock presque indé mais se mélangeant avec des sonorités jazz me plaît tout de suite vraiment beaucoup. Je me dis maintenant en écoutant tous les titres de cet album, aussi bons les uns que les autres, que j’aurais certainement accroché si j’avais écouté l’album à l’époque (bien que je sois arrivé au Japon que deux années plus tard). Le morceau titre Heaven’s Kitchen attire tout de suite l’attention mais il y a de nombreux morceaux très accrocheurs comme par exemple Do You Crash? Elle a don certain pour la composition musicale et une voix remarquable. L’album a 25 ans mais il aurait pu sortir hier, sachant que certains morceaux comme celui intitulé Melody devait déjà avoir un côté rétro à l’époque. Elle joue de beaucoup de nuances dans sa voix, sur le morceau Silence, par exemple. Elle a une aisance certaine dans son chant, mélangeant la langue anglaise qu’elle maîtrise très bien et le japonais, qui ne se force pas et s’impose de lui-même. On y ressent souvent une sorte de mélancolie qui semble savamment dosée. Par moment, son chant me rappelle celui de Sheena Ringo sauf que Bonnie Pink reste raisonnable tandis que Sheena part volontiers dans les excentricités sonores.

Certains ont d’ailleurs vu des ressemblances entre les deux compositrices, interprètes et musiciennes. Elles savent par exemple toutes les deux jouer du piano et de la guitare, composent et écrivent leurs morceaux mélangeant japonais et anglais et se sont construites des univers musicaux personnels qui ne semblent influencés que par elles-mêmes. Bonnie est de 5 ans l’ainée de Sheena. Elle a démarré sa carrière musicale en 1995 tandis que celle de Sheena démarra quatre ans plus tard en 1998, mais elles ont dans l’ensemble connu leurs débuts de carrière à la même époque dans la deuxième partie des années 1990. Je lis même qu’il y avait une rumeur disant que Bonnie Pink et Sheena Ringo étaient sœurs, peut-être parce qu’elles ont toutes les deux un point de beauté sur le visage à peu près au même endroit et parce qu’elles ont une certaine ressemblance physique comme sur les deux photos ci-dessus. Il faut noter tout de même que la photo de Bonnie Pink à gauche utilisée en couverture de son album Even So date de 2004, tandis que la photo de droite de Sheena Ringo vue dans le magazine musical ROCKIN’ON JAPAN date de Mars 1999. Bonnie avait 30 ou 31 ans sur cette photo tandis que Sheena avait 20 ans sur la photo de droite. Elles ne sont pas originaire de la même ville non plus car Bonnie est de Kyoto tandis que Sheena est de Fukuoka. Bref, cette rumeur est bien sûr incorrecte mais je suis surpris de voir plusieurs pages Internet la mentionner.

En fait les deux artistes évoluaient à leurs débuts dans des milieux artistiques plutôt similaires. Bonnie Pink avec ses cheveux courts rouges avait une apparence unique qui se démarquait des autres interprètes féminines de l’époque. Elle avait ce côté rock un peu rebelle que l’on trouvait également chez Sheena Ringo. A ses débuts, Sheena aurait apparemment dit à propos de Bonnie Pink qu’elle avait fait en premier ce qu’elle voulait faire elle-même (私のやりたいことを先にやられてしまった), ce qui lui aurait fait perdre confiance en elle après l’écoute de son premier album Blue Jam. Ce sentiment s’est ensuite effacé quelques années plus tard car, dans son émission radio Etsuraku Patrol de Décembre 1998, Sheena Ringo diffuse le morceau Scarecrow de cet album Blue Jam de Bonnie Pink. En annonçant le morceau dans son émission, Sheena mentionne le fait qu’on disait au début que leurs styles musicaux se chevauchaient, mais qu’on s’était quand même rendu compte qu’ils étaient différents. Elle précise également qu’elle apprécie ce morceau (被ってると最初言われたんですけれども、いま、じゃ、そんなこともないよね。ちゃんと別なものとして知識してるだけです。ガッコイです!). Les styles musicaux de Bonnie Pink et de Sheena Ringo sont en effet différents, et il est clair que l’impact que peut donner la musique de Sheena sur un auditoire est beaucoup plus fort et immédiat.

Il y a d’autres détails intéressants au sujet de ces deux artistes. Toujours dans son émission Etsuraku Patrol, Sheena évoque cette ressemblance physique avec Bonnie. Elle mentionne que quand elle était en Angleterre, Bonnie a sorti un single avec une vidéo qui passait à la télévision sur laquelle elle avait ses cheveux rouges. La mère de Sheena Ringo aurait apparemment vu cette vidéo en pensant qu’il s’agissait de sa fille. Elle l’aurait ensuite appelé pour lui demander quand elle était rentrée en Japon et si elle avait teint ses cheveux en rouge (あなたいつ日本に帰って来て髪を赤にしたのよ). On peut trouver un autre point intéressant sur le deuxième album de Sheena Ringo, Shōso Strip (勝訴ストリップ) sorti le 31 Mars 2000. Certains voient le choix du titre du neuvième morceau de l’album, Tsuki ni Make Inu (月に負け犬), comme une référence à un morceau de Bonnie Pink intitulé Inu to Tsuki (犬と月) sorti quelques années avant, le 21 Octobre 1998. Ce morceau, que Sheena a écrit lorsqu’elle avait 18 ans, ne contient pas de référence à la lune (月) dans les paroles et on peut donc penser que ce mot a été ajouté plus tard comme une référence au titre du morceau de Bonnie Pink. D’une manière un peu similaire, Shōso Strip contient un morceau intitulé Sakana (サカナ), ou poisson en français, et le quatrième album de Bonnie Pink (Let Go sorti à peu près au même moment que Shōso Strip) contient un morceau intitulé Fish. Ces correspondances se sont peut-être que des coïncidences, mais il est certain que les deux artistes avaient conscience l’une de l’autre bien qu’elles ont évolué dans des styles différents. Ce genre de détails me passionne en tout cas, et me pousse à écouter d’autres albums de Bonnie Pink. Je trouve chez le disquaire Disk Union de Shin Ochanomizu les albums Blue Jam (le premier sorti en 1995) et Let Go (le quatrième sorti en 2000). J’aime beaucoup ce que j’écoute, qui correspond assez bien à ce que j’ai envie d’écouter en ce moment.