how to repeat Tokyo endlessly (η)

Alors que j’écris ces lignes, je suis bien loin du centre de Shibuya où les photographies ci-dessus ont été prises. Malgré ce que je disais dans le billet précédent, il n’y a pas toujours de correspondance directe entre les textes que j’écris et les images que je montre dans un billet. Je suis assis dans les tribunes presque vide du stade olympique de Komazawa, car le fiston y fait des courses depuis le matin et pour une bonne partie de l’après-midi avec le club de son école. Pendant les temps morts le matin, je pars faire un tour dans le parc de Komazawa autour des infrastructures olympiques construites dans les années 60, pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. J’adore l’architecture que l’on voit dans ce parc et je l’ai souvent montré, mais j’y reviendrais encore une fois avec des nouvelles photographies dans un prochain billet. Après la vague de chaleur qui a suivi le typhon numéro 15, les températures se sont bien rafraîchies depuis samedi. C’est très agréable d’être assis là dans les gradins presque vide, à ne rien faire ou presque, enfin observer ce qui se passe en rêvant un peu sans oublier de soutenir le fiston quand il court. Et écrire ces quelques lignes et profiter du temps disponible.

Mais revenons quand même un peu sur les quelques photographies du billet prise en fin de journée. En haut de la petite pente Spain-zaka, on arrive en face du Department Store PARCO toujours en construction. En face de l’ancien Cinéma Rise, une petite galerie, que je ne connaissais pas, éclaire la rue. Cette galerie nommée Shibuya SR6 montrait lors de mon passage des effusions de couleurs pop, celles de personnages manga créés par l’illustratrice Mika Pikazo. Elle est apparemment reconnue pour la création du personnage de virtual YouTuber Kaguya Luna (輝夜 月). C’est un monde qui m’est totalement opaque mais j’aime bien faire le curieux lorsqu’une affiche géante pleine de couleurs attire le regard.

Je me rends compte en passant devant le Cinéma Rise que je n’y ai jamais vu de films. Je vais très peu au cinéma à Tokyo alors que j’y allais au moins une fois par semaine, souvent deux, quand j’étais étudiant dans les années 90. La page d’archives du Cinéma Rise, agrémentée de photographies de Mika Ninagawa et Nobuyoshi Araki, donne une liste des films, principalement d’art et d’essai, montrés dans ce cinéma pendant ses trente années d’opération. Cette liste me rappelle la multitude de bons films que j’ai pu voir à cette époque, en France dans les années 90, comme Fallen Angels de Wong Kar-Wai et Cyclo de Trần Anh Hùng. Je pense avoir entendu pour la première fois le morceau Creep de Radiohead dans Cyclo, ce qui a certainement contribué un peu pour moi à l’aura de ce film. Le morceau était sorti sur le premier album du groupe Pablo Honey depuis quelques années déjà mais ne s’est fait connaître que plus tard en France. Je me souviens que Pablo Honey était vendu avec l’album suivant The bends à sa sortie en 1995, comme un double CD. Le podcast de France Inter Pop & Co de Rebecca Manzoni, que je découvre grâce à un tweet de la journaliste Karyn Nishimura, parle justement de Creep dans un numéro assez récent. Depuis ce tweet, je suis assez assidûment ce podcast qui décortique des morceaux emblématiques. Parmi les films qui sont pour moi cultes, Cinéma Rise passait également Fargo des frères Coen en 1997. Et en 1999, The Big Lebowski des mêmes frères Coen. A cette époque, j’arrivais au Japon et je remplaçais mon appétit de cinéma des salles obscures par l’achat de DVDs toutes les semaines au HMV de Shibuya. The Big Lebowski était un de ces achats du week-end et je l’ai regardé des dizaines de fois.

Encercler

J’étais en vacances la semaine dernière, une petite semaine trop courte bien entendu, mais on en a quand même profité pour faire quelques balades. J’y reviendrais en quelques photos plus tard. La chaleur est presque insoutenable en ce moment, on peine à se rafraîchir. A l’intérieur de l’appartement, on allume l’air conditionné en intermittence et les plantes ont du mal à gérer. C’est peut être cette situation de non-aise que j’essaie de représenter dans la composition ci-dessus de plantes vertes plaquées contre les vitres d’un cinéma de Shibuya. Ce cinéma, c’est le Rise de Atsushi Kitagawara, bien entendu. Il encercle une forêt intérieure imaginaire. Il s’agit d’un cinéma après tout, pourquoi ne pas faire place à l’imaginaire. J’aime beaucoup ce bâtiment et ne perds donc jamais une occasion de le photographier.

Pour sortir de Tokyo, vers des espaces ouverts, je vous conseille d’aller découvrir la série d’une vingtaine de photos de Brasilia de Cyrille Weiner. Cette série s’intitule Brasilia, en dehors du plan. Elle montre quelques uns des magnifiques bâtiments d’Oscar Niemeyer mais également et surtout la nature et les espaces vides qui encerclent la ville. Cyrille Weiner marche aux limites de cette ville construite sur un site initialement vierge, en dehors des plans de Lucio Costa. On y voit souvent la terre rouge et les terrains vagues et on approche parfois des constructions-symboles. Ces photos qui insistent sur les distances sont très belles. Pour donner une suite à cette visite, je me replonge dans le livre de photos de Yukio Futagawa, Form and Space pour revoir de plus près l’oeuvre de Niemeyer à Brasilia.