GTW (Green Train to Wakabayashi)

Ma destination était la station de Wakabayashi (若林) dans l’arrondissement de Setagaya, mais je m’arrête à la station suivante Shōin-Jinjamae (松陰神社前) pour profiter pendant quelques minutes supplémentaires du petit train de la ligne Tōkyū Setagaya (東急世田谷線) reliant Sangenjaya (三軒茶屋) à Shimo-Takaido (下高井戸). Je voulais également passer voir le sanctuaire Shōin car il avait l’air d’avoir une taille assez importante sur Google Map. Je me rends compte beaucoup plus tard en écrivant ce billet que j’y suis déjà passé il y a longtemps avec Mari. On avait encore vingt ans lors de cette visite des quartiers au delà de Sangenjaya. Je ne me souvenais plus d’abord visité ce sanctuaire, mais je garde tout de même un souvenir précieux de cet après-midi et début de soirée. J’avais pris quelques photographies analogiques en noir et blanc que j’avais montré dans un billet de Novembre 2004.

Je suis venu pour redécouvrir ce quartier et l’ancienne petite ligne ferroviaire datant de 1969, mais également pour partir à la recherche d’une maison brute de béton que Joël m’avait, une fois encore, indiqué par e-mail en m’envoyant une photo. Je ne connaissais ni le nom ni l’architecte de cette maison, mais montrer les quelques photos que j’avais pris ce jour-là sur mon compte Instagram m’a permis de le découvrir. Un de mes Followers sur Instagram, JapanPropertyCentral, connaissait sans surprise le nom de l’architecte de cette maison et a eu la gentillesse de me l’indiquer en commentaire. Cette maison particulière de béton s’appelle donc WKB et a été conçue par Niizeki Studio (Kenichiro Niizeki 新関謙一郎). Ces formes en blocs de béton sont posées les unes au dessus des autres sans qu’on arrive à bien comprendre l’organisation et le nombre d’étages de cette maison. Un site d’architecture m’apprend qu’il y a 4 étages et montre quelques photos de l’intérieur. WKB date de 2014 mais paraît plus ancienne car le béton semble déjà imprimé par le temps, ce qui renforce l’effet brutaliste de l’ensemble. Ce que j’aime aussi beaucoup dans cette maison, c’est le mélange du béton avec la végétation qui envahit les murs. Je pense que cette nature qui déborde sur l’architecture, comme on le commentait sur cette photo sur Instagram, fait partie du concept initial de fondre la maison dans son environnement, car elle est située au bord d’une rue piétonne bordée d’arbres. De Niizeki Studio, je connaissais en fait déjà une maison aperçue il y a plusieurs années à Yoyogi-Uehara. Cette maison nommée House in Yoyogi-Uehara est également très particulière car on n’en aperçoit de l’extérieur qu’un immense mur de béton bordant une grande porte noire.

En continuant ma marche dans Setagaya en direction de Shimo-Kitazawa, je passe près de la station de Setagaya-Daita et découvre aux hasards des coins de rues une petite maison entourée d’arbres digne de l’univers de Hayao Miyazaki. Une pâtisserie se trouve au rez-de-chaussée et est spécialisée dans les choux à la crème à l’effigie de Totoro. A l’intérieur de la pâtisserie, on trouve de nombreux posters et objets Ghibli. Cette pâtisserie s’appelle Shiro-Hige Cream Puff Factory (白髭のシュークリーム工房). Je ne résiste pas à l’envie de ramener quelques Totoro avec moi. Ils m’accompagneront sur le chemin et seront délicieux.

Le troisième vaccin m’a mis par terre pendant tout le week-end, mais ça m’a donné le temps et l’occasion de regarder des films sur Netflix. Je me décide sans raison très particulière à regarder un film datant de 2021 du réalisateur Rikiya Imaizumi (今泉力哉) intitulé Over The Town (街の上で). En fait, je ne voulais pas m’embarquer dans un film à l’action débordante ou au suspense haletant qui me fatiguerait plus que nécessaire. Je me suis donc dirigé vers ce film qui me semblait être une histoire de romance entre jeunes gens. Je ne pensais pas aimer autant ce film. Il s’agit en effet d’une histoire d’amour qui ne se passe pas comme le protagoniste principal le voudrait, mais l’important et l’intéressant dans le film ne vient pas de l’histoire principale mais plutôt des multiples petites histoires et apartés qui viennent perturber sa vie. Le protagoniste du film est un jeune homme de 27 ans appelé Ao Arakawa (Ryuya Wakaba) prenant la vie comme elle vient, travaillant dans une petite boutique de fringues d’occasion à Shimokitazawa. Sa petite amie Yuki Kawase (Moeka Hoshi) le quitte pour un autre mais il ne perd pas vraiment espoir et s’accroche à son souvenir. Il vit sa vie tranquillement en lisant des livres achetés dans la petite librairie d’à côté tenue par une jeune vendeuse appelée Fuyuko Tanabe (Kotone Furukawa) qui semble également l’attirer (sans que ça soit vraiment très clair), en attendant les clients dans sa petite boutique. Il va le soir au comptoir du même bar tenu par un ami et au même café le midi. Sa vie change un peu d’horizon lorsqu’une étudiante en cinéma, Machiko Takahashi (Minori Hagiwara) lui demande de jouer un personnage secondaire dans le film qu’elle prépare. Ao y rencontrera la costumière du film Iha Jojo (Seina Nakata) avec qui il devient ami. L’interêt du film vient dans les dialogues. Ao a un don pour poser les mauvaises questions au mauvais moment et le film joue beaucoup sur ces situations de gêne et d’incompréhension. Ça en devient particulièrement intéressant car la direction des conversations reste imprévisible. Le film n’hésite pas à introduire des personnages bizarres ou étonnants, comme un policier arrêtant Ao et Yuki à des moments différents du film pour leur raconter la même histoire improbable de son amour secret inavouable. Les personnages se croisent et leurs histoires se rejoignent, comme si ils évoluaient tous dans un petit microcosme, celui de ce quartier de Shimokitazawa. J’aime aussi beaucoup ce film car je connais bien le quartier. J’ai par exemple été plusieurs fois dans la petite librairie, située juste à côté du Disk Union, où Ao va acheter ses livres. Les quatre personnages féminins mènent les histoires du film et Ao, n’ayant pas de but très précis dans sa vie, se laisse emmener par les histoires qui se créent devant lui. Mais comme c’est un personnage sympathique, il devient attachant. Il me rappelle un peu les personnages d’Haruki Murakami qui passent leur temps à lire, vivant dans leur monde en n’ayant besoin de personne, et qui n’agissent que passivement quand la situation le demande. Le monde bouge autour de lui et il s’adapte en fonction. Le film tourne beaucoup autour de l’amour non dit ou qui prend du temps à se déclarer. Voir ce film m’a aussitôt donner envie d’en voir d’autre du même réalisateur.

Je continue donc avec un film sorti l’année d’avant en 2020 intitulé Mellow. Le personnage principal, Seiichi Natsume (Kei Tanaka), est floriste dans une petite boutique dont il est propriétaire. Il est célibataire et voit régulièrement la visite de la fille de sa sœur Saho (Tamaki Shiratori) quand celle-ci fait des siennes et ne veut pas aller à l’école. Natsume est une personne sensible qui ne laisse pas indifférent les gens qui l’entourent. Sa vie est paisible et sans encombre. Il semble lui aussi la prendre comme elle vient, sans forcer les choses. Il se rend tous le jours dans le même restaurant de ramen tenu par une jeune femme, Kiho Furukawa (Sae Okazaki). Le restaurant était tenu par le père de Kiho mais elle a été contrainte à prendre la suite après sa mort, laissant de côté temporairement ses rêves. On devine une proximité se créer entre Natsume et Kiho mais elle prend du temps à se déclarer. Le film nous amène plutôt vers des histoires secondaires qu’on prend plaisir à suivre. Dans ce film aussi, les personnages féminins sont nombreux autour du protagoniste principal et mènent à chaque fois l’intrigue. Et encore une fois, ce sont les situations et l’atmosphère générale du film qui m’intéressent beaucoup. Une des séquences particulièrement réussies fait intervenir le personnage de Mariko Aoki, interprété par Rie Tomosaka. Pour les références, je ne peux m’empêcher de noter que Sheena Ringo est une grande copine de Rie Tomosaka depuis ses débuts, et qu’elle a écrit pour elle quelques morceaux comme Shojō Robot et Cappucino (fin de la parenthèse). Natsume vient régulièrement décorer l’entrée de la maison des Aoki et Mariko apprécie tellement sa venue à chaque fois qu’elle finit par éprouver des sentiments pour lui. La situation pourrait être relativement classique mais Mariko préfère avouer ce sentiment franchement à son mari. Parce qu’il veut avant tout le bonheur de sa femme, le mari insiste pour que les trois personnes se rencontrent pour clarifier les sentiments de chacun. Cette situation est particulièrement gênante et inhabituelle, et en même temps savoureuse à l’écran. On imagine bien le malaise et l’envie de s’enfuir que doit procurer ce genre de situation improbable. Le film évoque beaucoup le thème de la confession d’un amour et la temporalité nécessaire pour franchir le pas. Observer les réactions des personnages face à ces confessions est particulièrement intéressant, comme si on était amené à analyser un comportement humain. Ces amours sont parfois, et même souvent, platoniques, mais la beauté du film vient du fait qu’il se concentre sur ces moments là, plein de délicatesse. Il n’y a rien de vraiment original dans ces histoires, mais c’est l’atmosphère et les interactions des personnages qui me plaisent beaucoup.

Et du même réalisateur, je regarde maintenant un autre film de 2018 intitulé Just Only Love (愛がなんだ?), se déroulant dans certains quartiers de Setagaya-Daita dont je parlais un peu plus haut. En parlant de ces deux films, je ne pense pas dévoiler beaucoup de l’intrigue, mais je suis en même temps persuadé que peu suivront mes conseils cinématographiques et s’aventureront vers ces films. Bon, ils ne sont pas forcément faciles d’accès car seulement en japonais et sur Netflix. Mais, en ce qui le concerne, ces deux ou trois films ont sauvé mon week-end.

UEHARA (À LA RECHERCHE DE LA MAISON SUR UNE RUE INCURVÉE) (4)

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Sur la première photo de cette série, il s’agit de House in Yoyogi-Uehara de Waro Kishi + K-associates/Architects. Ma promenade dans les rues de Uehara m’amène vers une autre maison individuelle couverte de métal (photographies 4 et 5). Je suis presque sûr de l’avoir déjà vu dans un magazine d’architecture mais ma mémoire me fait défaut et les quelques recherches internet ne m’ont pas permis de retrouver la trace et le nom de ce bâtiment. Je reste également assez intrigué par la maison des photographies 6 et 7, fermée par une mystérieuse porte noire et d’épais murs de béton. On n’aperçoit et ne devine rien de l’intérieur. Elle s’appelle également House in Yoyogi-Uehara par Niizeki Studio (2006).