once upon the street (3)

Ce troisième épisode en noir et blanc vient terminer cette petite série avant de revenir vers la couleur. Ces dernières semaines ont été particulièrement fatigantes pour une fin d’année et j’ai eu un peu de mal à trouver le temps d’écrire pendant les jours de semaine. Ça me manque car prendre le temps d’écrire, c’est s’extraire de tout ce qui m’entoure pendant quelques dizaines de minutes. Pour la série de photographies ci-dessus, je m’étais décidé à marcher jusqu’à Takadanobaba, au delà de Shinjuku. Un des objectifs que je m’étais donné était de trouver un immeuble dont la façade semble s’ouvrir comme un rideau. Ce bâtiment que je montre sur la première photographie se nomme Light house par Yamamura Sanz Lavina Architects (YSLA). Marcher ensuite de Takadanobaba jusqu’à Shinjuku me fait passer par le quartier coréen de Shin-Okubo, que je montre très brièvement sur l’avant dernière photo du billet. Les magasins vendant des photos et autres objets à l’effigie des stars de la K-pop sont nombreux, mais j’étais plutôt là pour acheter le déjeuner à emporter. J’imaginais très bien qu’il y aurait foule mais ça restait circulable même s’il fallait prendre son temps à l’approche de la station. Ce petit détour ne m’a pas particulièrement donné envie d’écouter de la K-pop. Je fais le curieux de temps en temps en écoutant par exemple un ou deux morceaux des deux groupes japano-coréens qui passeront à l’émission de NHK Kōhaku cette année, mais ça ne m’intéresse pas beaucoup. Je n’ai pour l’instant que deux morceaux de K-Pop sur mon iPod et j’aime beaucoup les réécouter de temps en temps: 내가 제일 잘 나가 et CAN’T NOBODY de 2NE1. A Shinjuku, les vitrines de la boutique Louis Vuitton du grand magasin Takashimaya montrent des photos en grand format de HoYeon Jung (정호연), modèle et actrice qui jouait le rôle de Kang Sae-byeok (강새벽) dans la série à succès Squid Game sur NetFlix. Beaucoup regretteront de ne plus la voir dans la deuxième saison de la série en préparation, car son personnage n’a pas survécu à la première saison, mais on peut souhaiter qu’elle apparaisse en flashback. Dans le même style d’histoire que Squid Game, je suis très curieux de voir la deuxième saison de la série japonaise Alice in Borderland qui commencera le 22 Décembre 2022 sur NetFlix, et de retrouver les personnages principaux interprétés par Kento Yamazaki (山﨑賢人) dans le rôle de Ryōhei Alice et Tao Tsuchiya (土屋太鳳) dans le rôle de Yuzuha Usagi. La deuxième photographie du billet a été prise à Sangenjaya. La moto de style café racer à gauche avec son drapeau anglais m’avait attiré le regard. La photo suivante montre un détail du petit bâtiment sur la rue Miyuki à Omotesando pour la marque Miu Miu. Cette boutique conçue par les architectes Herzog & De Meuron ressemble à une boîte prête à se refermer. La quatrième photo n’a rien de remarquable en apparence mais elle a la particularité de montrer une toute nouvelle rue à Shinjuku reliant la longue avenue Meiji au parc Shinjuku Gyoen. Je n’ai pas compté le nombre d’années nécessaires pour construire cette route, mais c’était un travail de très longue haleine. Je n’ai plus le souvenir de voir cette zone de Shinjuku sans travaux.

C’est un plaisir de revenir vers l’univers musical d’Etsuko Yakushimaru. Je n’avais pas réalisé qu’elle avait sorti un EP intitulé Existence of Us (僕の存在証明) le 26 Avril 2022 sous une formation appelée Yakushimaru Etsuko Metro Orchestra (やくしまるえつこメトロオーケストラ). Le EP se compose de deux morceaux, celui intitulé Existence of Us et un autre morceau intitulé Our ground zeroes, accompagnés des versions instrumentales. Le premier est plutôt pop avec les qualités mélodiques, symphoniques et un brin fantaisistes que j’aime beaucoup chez Etsuko Yakushimaru. Our ground zeroes est plus éthéré et rêveur. Ces deux morceaux assez différents se complémentent très bien pour créer deux mouvements d’un même ensemble. J’aime beaucoup son approche mélangeant une certaine légèreté dans son chant avec une composition musicale très maîtrisée et sophistiquée. Du coup, l’envie m’a pris de réécouter son EP AfterSchoolDi(e)stra(u)ction (放課後ディストラクション), l’album Radio Onsen Eutopia (2013) et l’excellent album Hi-Fi Anatomia (2009) de son groupe Sōtaisei Riron (相対性理論). Beaucoup de musique imaginative particulièrement réjouissante qu’il serait dommage de ne pas connaître.

walk as you mean to go on

Lorsque je retourne dans un lieu où je ne vais pas souvent, comme ici à Takadanobaba, j’essaie de bifurquer volontairement des rues que je connais déjà dans le but de découvrir des nouveaux espaces photographiquement intéressants. Mais il arrive parfois que je ne trouve rien d’intéressant à montrer. Au moment de la prise de photographie, on perçoit un intérêt dans ce qu’on est en train de voir, mais lorsqu’on laisse reposer ces photographies pendant quelques temps et qu’on y revient ensuite, il arrive que l’on ne soit pas convaincu soi-même de l’intérêt visuel de ce qu’on a envie de montrer. C’est exactement la réflexion que j’ai eu pour cette série ci-dessus. Alors que faire, ignorer ces photographies et les laisser abandonnées sur mon disque dur, ou tenter de les montrer au cas où une personne, au moins, y trouve un intérêt. C’est un dilemme qui se pose à moi de temps en temps, mais pas trop fréquemment heureusement. Je me sens souvent incapable de prévoir quelles photographies pourront intéresser les visiteurs. En fait, je ne me pose que très rarement cette question, sauf maintenant dans ce billet. Dans la série ci-dessus, je tourne en rond près de la gare de Takadanobaba, après avoir fait un tour au sanctuaire Ana Hachiman de Waseda. Je n’ai pas beaucoup de temps pour m’enfoncer très loin dans les rues, donc cette visite à la toute fin du mois de décembre resta superficielle sans que j’y trouve un point d’accroche particulier. Lorsque je montre une série de photographies, il y a, à chaque fois, une ou deux photographies (parfois plus) que j’aime particulièrement et qui me pousse à créer un nouveau billet. Il est rare que toutes les photographies que je montre dans un même billet soient intéressantes, mais elles interviennent pour dresser le contexte. Parfois, j’ai le sentiment que les billets de mon blog dressent continuellement un contexte, un paysage urbain continu dans lequel on vient traîner et se perdre (pour paraphraser un message qu’on m’a adressé dernièrement en DM sur Twitter). J’aime cette idée de créer une version parallèle de la ville à travers la multiplication de photographies de différents lieux. Comme dans une vraie ville, on y trouve des endroits remarquables et d’autres moins. On fait défiler les pages du blog comme on marche dans les rues de Tokyo jusqu’à trouver un paysage qui nous intéresse, nous attire et sur lequel on s’attarde quelques minutes. J’ai toujours vécu ce blog comme une représentation continue de Tokyo.

J’ai beaucoup écouté l’album … I Care because You Do (1995) de Aphex Twin pendant les derniers jours de l’année dernière. C’est un de ces albums que j’avais loué au Tsutaya et écouté il y a un peu moins de vingt ans, sans que j’y accroche vraiment à l’époque. Je le réécoute maintenant avec une oreille nouvelle et je me demande vraiment pourquoi j’étais passé à côté tant l’ambiance y est prenante. On se laisse attraper dès le premier morceau Acrid Avid Jam Shred mais c’est vraiment le quatrième Icct Hedral qui change la donne pour moi. Aphex Twin n’a de scrupules à maltraiter l’auditeur avec des sons électroniques disruptifs. Ça fonctionne bien car il a le génie de marier parfaitement ces sons agressifs avec des partitions beaucoup plus symphoniques qui apportent de l’espace aux compositions. Mais dans ces espaces, les sons électroniques martèlent le cerveau sans répit comme des roquettes (par exemple, sur le troisième morceau Wax the Nip ou le septième Start as You mean to go on). Icct Hedral est angoissant. Le morceau fonctionne comme une matière vivante dont le cœur bat dans l’obscurité. Par moment, les crachotements du son nous font croire que cette matière vivante, comme un alien, essaie de communiquer. L’ambiance est cinématographique mais est certainement trop forte et imprégnante pour accompagner un film. Cette ambiance me fait penser à l’univers de H.R. Giger que je parcours de temps en temps dans les deux tomes de son ouvrage appelé Necronomicon. On trouve notamment dans ces livres les dessins qui ont inspiré la filmographie Alien et beaucoup d’autres œuvres qu’on hésite à regarder.

Dans la deuxième partie des années 90s, Aphex Twin cultive une image d’enfant terrible de l’électronique avec des morceaux comme Come to Daddy (1997) ou Windowlicker (1999) mis en vidéo de manière mémorable par Chris Cunningham. On trouve sur … I Care because You Do les prémices de cet esprit ‘mauvais garçon’ sur l’illustration de la couverture et sur un morceau comme Come on You Slags qui vient placer dans le flot musical des paroles obscènes. Tous les morceaux de l’album ne sont pas facile à l’écoute et j’ai particulièrement du mal avec le sifflement continu sur Ventolin, qui était pourtant le seul single de l’album. Tout ça pour dire qu’Aphex Twin prend un malin plaisir à casser les codes et bousculer les barrières. La deuxième parties de l’album revient toutefois vers des partitions plus calme, et on apprécie aussi cet aspect mélodieux et reposant chez Aphex Twin, que ça soient les morceaux Wet Tip Hen Ax, Mookid ou Alberto Balsam. Pour revenir sur Icct Hedral, il y a également une re-orchestration complète du morceau par Philip Glass qui vaut le détour. Le morceau y prend une toute nouvelle vie.

avant la fin de l’année 2018 (1)

L’année se termine bientôt. Elle a été chargée en contenu sur Made in Tokyo, que ça soit au niveau des textes ou des photographies. J’ai publié en tout, à l’heure où j’écris ces lignes, un total de 124 billets pour l’année 2018. C’est un chiffre plus important que pour l’année 2017 qui avait atteint les 95 articles publiés (chiffre qui était à l’époque presque le triple de l’année 2016 avec seulement 35 articles). Je ne suis pas certain de la raison de ce regain de productivité sur ce blog, format désormais un peu délaissé par les masses d’utilisateurs du web. Le format blog est toujours à mon avis un outil constructif par rapport aux plateformes Twitter et Instagram. Beaucoup d’anciens bloggers ont laissé tomber leurs blogs pour le flot continu de micro-informations sur Twitter ou pour les photographies au format minimisé sur Instagram, par facilité certainement mais aussi par recherche d’une plus grande interaction avec les visiteurs. J’ai aussi été tenté à un certain moment, il y a quelques années, d’arrêter ce blog pour passer pleinement sur Instagram. Je suis content, maintenant, de ne pas avoir fait ce choix. J’utilise toujours occasionnellement Instagram mais il a perdu beaucoup de son intérêt et de son attractivité ces derniers temps, en ce qui me concerne. Je suis en comparaison plus actif sur Twitter, mais je connais aussi ses limites et l’addiction absurde qu’il peut provoquer. J’entends certains, de temps à autres, nous dire qu’ils ou elles passent trop de temps sur les réseaux sociaux et qu’il faudrait y remédier. Au final, c’est un média où peu de choses se construisent. J’apprécie y trouver des liens et informations intéressantes de temps en temps, mais c’est au prix d’un temps précieux passer à faire défiler ses pages.

Le nombre de visites sur Made in Tokyo est stable sur les trois dernières années avec environ 19200 visites annuelles pour 2018 (un peu plus de 1500 visites en plus par rapport à 2017) ce qui fait une moyenne de 53 visites par jour. Il y a dix ou onze ans, le nombre de visites étaient dix fois supérieur à maintenant, mais il y avait à l’époque moins de sources d’information sur Tokyo et surtout moins d’emprise des réseaux sociaux. Sur les 53 visites journalières en 2018, près de la moitié consulte des articles anciens sur l’architecture japonaise: un billet sur le mouvement des Métabolistes des années 60, des articles sur l’architecture de SANAA, Kazuyo Sejima, Ryue Nishizawa ou plus récemment Sou Fujimoto. L’autre moitié consulte les derniers billets publiés au moment de leur publication. Je donne ces chiffres pour donner une idée générale du nombre de personnes passant par ici, mais je n’ai pas (ou plus) d’objectif d’expansion de ma base de visiteurs. D’une certaine manière, cette décroissance est comfortable car je ne me sens aucunement dicté sur le contenu que je dois mettre sur ce blog. Je n’ai par exemple plus d’appréhension à me répéter dans mes textes et mes images. Je dirais que ça fait même parti maintenant du concept. Bizarrement, l’inspiration ne se tarit pas car je trouve sans cesse des choses à écrire ici. En fait, plus que de montrer des photographies (qui reste je pense le principal point d’intérêt des visiteurs), je continue ce blog car j’ai tout simplement envie d’écrire. Cette reprise d’inspiration à écrire est aussi lié à mon regain soudain cette année pour la musique indépendante japonaise. C’est peut être le point le plus nouveau sur ce blog cette année, je me passionne dans la recherche de nouvelles musiques nées de la scène alternative, parfois en remontant les années pour découvrir les précurseurs comme Jun Togawa dont j’ai beaucoup parlé ces dernières semaines. Je sens le besoin d’écrire sur cette musique japonaise là, en dehors de la J-POP mainstream parce que je ne vois que très peu ou même pratiquement pas d’information en français au sujet de ces groupes et artistes. Il y a une fraîcheur artistique dans cette scène musicale japonaise là qui me pousse à continuer à explorer un peu plus en avant. Je ne suis pas sûr de conserver le même rythme de publication l’année prochaine mais je compte continuer à partager ici mes découvertes musicales. Et j’essaierais d’intercaler cela habillement avec les découvertes architecturales.

Parlons maintenant des photographies de ce billet. La première a été prise au sanctuaire Ana Hachiman situé à Nishi-Waseda. On peut se demander pourquoi il y a tellement de monde à attendre en file indienne devant le sanctuaire… J’y vais seul tous les ans à ce moment de l’année pour aller y acheter des talismans pour toute la famille. C’est une mission que me donne Mari et que j’accepte volontiers. Parmi les talismans, il y en a un que l’on doit accrocher dans une pièce de la maison dans une orientation particulière qui change tous les ans. Cette année, on pouvait se procurer ces talismans au sanctuaire Ana Hachiman à partir du Samedi 22 décembre et les jours où l’on peut les accrocher dans la pièce de sa maison sont définis à l’avance, soit le premier jour, c’est à dire le 22 décembre cette année, soit le premier jour de l’an, soit au moment de la fête de Setsubun au début du mois de février. Il faut l’accrocher à minuit. Nous suivons ces règles à la lettre. En général, nous accrochons le talisman le soir de Setsubun, mais comme cette année, je les ai acheté dès le premier jour, nous n’avons pas attendu jusqu’à Setsubun. On pouvait prévoir qu’il y aurait foule tôt le matin, mais je ne pensais pas à ce point là. Le sanctuaire ouvrant cette journée là spécialement à 5h du matin, je me lève à 3h30 pour prendre le premier train à 4h30 du matin et arriver un peu après 5h devant le sanctuaire. Je ne pensais pas que la file d’attente commencerait sur le trottoir en dehors de l’enceinte du sanctuaire. Il aura fallu attendre environ une heure en dehors de l’enceinte du sanctuaire puis une autre heure à l’intérieur pour pouvoir enfin approcher les comptoirs où on pouvait acheter ces fameux talismans. Pendant l’attente dans le noir d’abord tôt le matin et dans le froid, je me suis laissé accompagner par la musique de Guernica dans les écouteurs, en écoutant à la suite et plusieurs fois les trois albums qu’ils ont sorti et dont je parlais dans un billet précédent. Pour se rendre à Nishi Waseda, je passe par la gare de Takadanobaba que je connais très peu, à part cette fresque sous les rails, inspirée des personnages de Osamu Tezuka, que je prends en photo tous les ans. Le mangaka Osamu Tezuka est apparemment né dans le quartier en 1928 et y a passé sa vie. Je suis d’ailleurs en ce moment en plein milieu de ma lecture du manga sur l’histoire de Bouddha. C’est en fait le premier manga de Tezuka que je lis, mais j’avais bien sûr suivi avec beaucoup d’attention l’anime du petit robot Astro (Atomu ici) quand j’étais tout jeune. Les autres photographies du billet sont prises le matin dans les rues de Kichijoji, assez tôt car certaines devantures de magasins n’étaient qu’entrouvertes. Je me promènes au hasard des rues, mais la pluie intermittentes à limiter mes ardeurs exploratrices. Les derniers jours de l’année sont par contre beaucoup plus ensoleillés mais froids. Les rues de Tokyo se vident petit à petit car beaucoup partent rejoindre leurs villes ou villages natals.