Tokyo Fibercity 2050

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Je viens de terminer la lecture de Tokyo 2050 Fibercity, Numéro 63 du magazine trimestriel The Japan Architect. Il s’agit d’une étude initiée par Fumihiko Maki et developpée par Hidetoshi Ohno, également architecte et professeur, sur des propositions de design urbain pour un Japon en décroissance démographique. En 2005, le Japon a connu son pic de croissance demographique à environ 130 millions d’habitants. Avec un taux de natalité stable à environ 1.36~1.38, la population japonaise devrait passer en dessous de la barre des 100 millions d’habitants en 2050. Cette décroissance de la population a des conséquences sur l’organisation des villes, certaines zones urbaines subiront un dépeuplement.

En prenant cette hypothèse de décroissance, l’architecte Hidetoshi Ohno a réfléchi avec son groupe d’étude (Université de Tokyo) à 4 grandes stratégies de réorganisation urbaine, en prenant Tokyo comme cas d’étude. L’étude adopte le concept de « fibres », c’est à dire un modèle linéaire de la ville en suivant les grandes lignes de transport et de communication, en opposition avec le modèle atomique traditionnel des villes occidentales. Les 4 stratégies se concentrent sur une manipulation de ces fibres spatiales pour changer Tokyo, et sont nommées: Green finger, Green partition, Green web, Urban wrinkle. Elles sont tournées vers une intégration du vert, d’éléments naturels intégrés à l’intérieur de la ville dans un souci d’améliorer l’environnement général de vie.

Green finger (doigt vert)

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La première stratégie, nommée Green Finger, consiste à convertir les zones situées à plus de 800m des stations de trains en zones vertes (parcs, campus d’école ou d’université, fermes ou espaces agricoles, …). L’image ci-dessus en donne une représentation, des bandes urbaines le long des lignes ferrovières, réseau très développé à Tokyo.

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Avec le vieillissement et la décroissance de la population, il est estimé que cette population urbaine cherchera à se rapprocher des stations de trains, centres nerveux d’activité de la ville et de ses banlieues. Les zones éloignées des stations seront, petit à petit et de manière naturelle, abandonnées et pourront être reconverties en zone verte.

Green partition (partition verte)

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Une deuxième proposition de Hidetoshi Ohno s’intitule Green partition et consiste en une protection accrue contre les désastres naturels, en donnant de l’air aux zones résidentielles surpeuplées. Un tremblement de terre ou un incendie dans ce type de zone résidentielles, aux maisons très rapprochées et aux rues étroites, peuvent avoir des conséquences désastreuses (prenons comme exemple, les résidences en bois nombreuses dans le quartier de Yanaka, Ueno). Mettre en place des chemins verts permet cette protection, comme un pare-feu, tout en rendant les quartiers résidentiels plus agréables à vivre. Ces chemins peuvent servir de voies de secours et d’évacuation en cas d’incidents naturels.

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La structure de ces chemins verts dépendra des terrains libérés dans ces zones résidentielles (maisons détruites et non reconstruites dans un contexte de décroissance démographique). Ces chemins zigzagueront très probablement entre les maisons, comme on peut le voir en exemple sur les 2 images ci-dessus.

Green web (toile verte)

La troisième proposition, Green Web, vise à convertir les voies rapides internes à la ville (les shuto expressways) en parcs linéaires et en voie d’accès d’urgence utilisables pendant une crise. Cette stratégie prend toujours comme hypothèse une diminution de la population et par conséquence du traffic routier, mais je suis un peu dubitatif sur la résistance de ces routes suspendues Shuto Expressway en cas de tremblement de terre majeur…

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Hidetoshi Ohno et son groupe d’étude donnent quelques exemples de conversion de voies rapides. Ci-dessus, il s’agit de la voie rapide longeant les douves du Palais Impérial dans le centre de Tokyo. La voie rapide serait transformée en parc au bord des douves pour des promenades agréables en pleine nature (ou presque).

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A Roppongi-1Chome, aux croisements de 2 grandes voies rapides, Ohno propose un système d’escaliers et de centres commerciaux attachés à la voie express. La voie, elle-même, est la encore réservée à la végétation.

Urban wrinkle (ride urbaine)

Cette quatrième stratégie s’attache à la rénovation ou l’amélioration de quelques points remarquables dans la ville pour en faire sortir leur potentiel et les rendre attractifs. Typiquement, ce sont des lieux de structure linéaire comme de vieux canaux, des bords de rivières, des rues en pentes, … avec un potentiel d’attraction non exploité ou gaché par leur situation. Les lieux considérés ont, en général, une valeur historique et cette étude tente de les mettre en valeur, comme on pourrait chercher à embellir les rides d’un visage.

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Tout l’intérêt de cette étude, c’est de donner des exemples précis, facilement identifiables pour les habitants de Tokyo. Ci-dessus, il s’agit du réaménagement du canal entre les stations de Iidabashi et de Ichigaya. C’était autrefois un des canals du château d’Edo. Une bordure du canal serait réaménagée pour la promenade, avec à proximité quelques magasins.

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Cet autre exemple ci-dessus me parle beaucoup, car je traverse très souvent cette petite rivière bétonnée de Shibuya, entre Ebisu et Shibuya. Elle très sombre et sale, coincée entre des barrières d’immeubles donnant sur l’avenue Meiji. La proposition est assez ambitieuse, composée de passerelles passant par dessus le canal, d’une végétation touffue, de terrasses sur les immeubles environnants avec vue sur cette rivière désormais beaucoup plus ensoleillée et joyeuse.

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Une autre idée porte sur le grand parc Shinjuku-Gyoen. Ce parc près de shinjuku est superbe et très bien entretenu. L’idée est de dépasser les bornes actuelles du parc pour le faire rentrer dans la ville, dans les rues du quartier de Shinjuku. Plutôt qu’une entité fermée sur elle-même, le parc serait un lieu ouvert et acceuillant, intégré à la ville.

ja63Le magazine The Japan Architect Numéro 63 dédié à Tokyo 2050 Fibercity contient beaucoup d’autres exemples intéressants, parfois utopiques, ainsi qu’un grand nombre de sous-études sur des aspects de Tokyo (ex: organisation des arcades commerciales « shoutengai », lieux aimés par les Tokyoites, …). L’idée qui me plait beaucoup dans cette étude, c’est la tentative d’une meilleure intégration de la nature dans la ville. Je partage également cette idée pour l’intérieur des maisons, même si mon idéal est un peu éxagéré

Toutes les images proviennent des sites de The Japan Architect et de Tokyo 2050 Fibercity. Le magazine The Japan Architect et les anciens numéros sont disponibles à la vente sur Internet pour les pays hors-japon, et disponibles au Japon dans toutes les bonnes librairies.

22 commentaires

  1. Salutation.
    Ca faisait un moment que je n’avais pas laissé un petit message. Je suis impressioné par le boulot de l’architecte Hidetoshi Ohno c’est vraimement d’autres visions de l’urbanismes. Certaines sont vraiment sympa d’autre un peu bizarre. Entre autre green finger. Le principe de suivre les lignes de tranports et noyau du tissu urbain et des plus logique. Mais cela fait bizarre vu du ciel on a l’impression plus marquante d’une toile d’araignée. Après des gens vondront peut-être habiter dans des zones vertes plutôt que de continuer à vivre dans des zones surhabitées. Mais faut dire que je connais pas beaucoup de japonais.

    Autres choses, le livre est en anglais ? Et pense tu que je puisse le trouver à paris ? Moniteur, librairie japonaise ?

  2. Bonjour Psymon, merci pou ton commentaire. Le livre est bilingue, en anglais et en japonais. Apparemment disponible à la librairie du Moniteur dans la rubrique des revues étrangères. Sinon, c’est commandable sur le site de JA par le lien que j’ai indiqué ci-dessus.

  3. Merci beaucoup pour ce fantastique resume. Merci beaucoup pour votre site egalement.

    Ces exemples ou « strategies » sont tres interessantes mais je crains que les Tokyoites ne soient pas pres d’en voir la couleur (verte) ! Les idees sont certes nombreuses mais ce qui semble manquer dans ce pays est la decision politique. Existe t-il au Japon, un P.O.S ? Ces « strategies », ne peuvent voir le jour si Tokyo continue de se construire de facon anarchique. Ne pensez-vous pas ?

  4. C’est clair que les constructions se développaient de manière anarchiques pendant la bulle économique, et les soucis écologiques n’étaient pas dans l’air du temps à l’époque. Un certain nombre des stratégies ci-dessous semblent réalisables sans bouleverser la ville (l’étude donne aussi une idée des coûts pour certains projets) et ca ferait plaisir à voir. A verifier dans le futur si le « vert » devient une priorité, un argument d’attraction du public, comme on peut le remarquer dans le nouveau grand complexe Tokyo Mid-Town (l’étendue végétale est assez importante).

    Pour le Plan d’occupation du sol au Japon, je sais les normes strictes mais je n’ai pas beaucoup de détails. A creuser dans un prochain numéro.

  5. Cet article est vraiment formidable et ravive mes souvenirs d’études (CAPES d’histoire avec option lourde en Geo sur les structures d’urbanisation et la grande ville mondiale et ses modèles^^).

    Serait-ce possible que je citasse (uh!) le passage résumé du projet Green Fingers sur ma page web ?

    Le tout crédité, avec lien vers l’article et mention du copyright bien sûr.

  6. Je n’avais pas laissé de commentaires depuis assez longtemps..
    Je suis totalement sous le charme de cet article. je ne reconnais pas le passage entre Shibuya et Ebisu, je passais pourtant presque tout les jours dessus…
    Ca me semble un peu trop utopique dans l’ensemble, mais bon… l’archi c’est aussi fait pour ça, pour rever… (Oo je me surprends toujours quand je dis des trucs comme ça… )

    ha sinon, merci pour m’avoir laisser utiliser vos images. Il y a quelques morceaux de ma collection sur mon myspace. (oui ca date, mais l’exam est enfin passé!)

    bonne continuation

  7. Il faudra que tu me montres une de tes compositions (à partir d’une de mes photos), je n’en ai pas vu sur ton myspace.

  8. Bonjour, tres interessant projet de gestion de l’espace urbain. L’exemple sur la riviere betonnee de Shibuya me renvoit a ce qu’a fait dernierement la mairie de Seoul (ou je vis)avec la restauration du ruisseau de Cheonggyecheon. A l’origine il s’agissait d’un petit cours d’eaux evacuant les eaux sales du centre ville. Puis au non du developpement de l’automobile, le ruisseau disparait et est remplace par une importante penetrante avant que finalement la mairie decide de detruite cet axe majeur de circulation pour restaurer le cours d’eau, multipliant autour les jardins et les effets de lumiere. Le site est magnifique et a permis de rendre un visage plus convivial au centre de Seoul.

  9. C’est un exemple très intéressant et impressionant par l’énormité des travaux (enlever une voie express suspendue). On retrouve cette configuration dans Tokyo (ou Yokohama) où des voies express similaires recouvrent presque complétement les rivières de la ville. Espérons que ce bel exemple à Seoul aux effets positifs sur l’environnement urbain, soit suivi à Tokyo…

  10. D’apres une etude de la mairie de Seoul, la restauration du ruisseau de Cheonggyechon a permis de limiter la pollution du centre-ville, de reduire l’amplitude thermique entre l’hiver (glacial) et l’ete (suffocant) et d’une maniere generale de redynamiser commercialement et culturellement un quartier qui demeurait continuellement dans l’ombre des gaz d’echappement. Comme tu le dis, il faudrait que cela soit suivi a Tokyo ou a Yokohama et si je me souviens bien de mon sejour, a Osaka egalement…

  11. ^^
    C’est parce ce qu’elles sont tres bien cachées ^^ J’ai beaucoup joué avec photoshop.
    Il faut aller dans « mes images », sous ma photo. Par contre, si tu n’as pas de myspace, tu ne peux pas les voir. (c’est le probleme de myspace)
    J’ai utilisé d’autres images pour mettre en rapports avec des textiles, mais c’est pas sur le net.
    J’aurai mes résultats demain… Je pense que ca ira. Quoiqu’il en soit, j’ai un emploi à mi temps à tokyo dès la rentrée.

  12. Je trouve ce projet super intéressant. Il fait pas mal la synthèse de toutes les approches à l’urbain contemporain. C’est un parfait exemple de planification sensible.
    En tout cas ton site est devenu une vrai source d’information pour moi. Merci!

  13. Bonjour,je suis étudiant diplomant à l’ecole d’architecture de Grenoble, et je voudrai effectuer un satage au japon pour mon HMO. J’ai vous êtes pas mal renseigner sur les archi du Tokyo, donc j’aimerai savoir de discuter ensemble pour avoir des information sur les possibilité de stage à Tokyo. Mon mail c’est sayoubatiemtore,et je serai content de vous lire. Merci pour votre soutien
    Je félicite votre travail, c’est très interressant,je consulte regulièrement.

  14. Bonjour, je ne pourrais pas beaucoup vous aider, n’ayant aucun lien avec le milieu de l’architecture, je peux seulement vous recommander de contacter les architectes/sociétés à travers leurs sites web…

  15. Bonsoir

    Merci effectivement pour la précision de vos informations, c’est très louable, je suis à Tokyo en résidence (art) et souhaiterai
    vous rencontrer.
    Je filme beaucoup cette ville, qui me passionne bien entendu.
    Je suis en train de réaliser un travail ( images et interviews)

    Dans l’attente d’une réponse de votre

    Cordialement

    P.

  16. Bonjour , je m’intéresse à la question des espaces vert dans la ville de tokyo et son rapport à l’architecture. y a -t-il des références à ce sujet ?

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