Nara ’18/3

Après notre découverte inattendue du sanctuaire Kashihara Jingu, nous reprenons le train de la ligne Kintetsu pour revenir à l’intersection de Yamato-Saidaiji. A partir de là, la voie bifurque pour nous amener à notre destination initiale, la ville de Nara ou plutôt son vaste parc et le colossal Tōdai-ji. Il est déjà midi passé et nous déjeunons d’un bentō aux bords du parc sous un cerisier en fleur. Le cadre est idéal pour un Hanami. Comme la journée est pleine d’imprévus, Zoa ne se sent pas très bien après le repas, et notre marche vers Tōdai-ji se fera très doucement et ponctuée de nombreuses pauses. Connaissant bien le loustic, ça va déjà mieux après une grosse demi-heure et nous reprenons la route avec le sourire.

La mauvaise surprise à Nara, c’est la foule, les cars de tours organisés dans tous les sens. On est bien loin de la sérénité du matin au sanctuaire de Kashihara. Découvrir toute la grandeur du Tōdai-ji nous fait déjà oublier ce désagrément. Il y a du monde certes, mais tout paraît tellement minuscule devant ce monumental temple bouddhiste datant, dans sa forme actuelle, de l’année 1709. Il était initialement beaucoup plus grand dans sa forme originale des années 750, comme on peut le voir en maquette à l’intérieur du temple, mais a subi plusieurs incendies et donc des reconstructions. Tōdai-ji reste tout de même une des plus imposantes structures en bois du Japon et est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il abrite une gigantesque statue de Bouddha de 15 mètres de hauteur et plusieurs autres statues gigantesques dont des gardiens de bois d’une hauteur de 8.5 mètres. On est impressionné par l’espace et par la structure du Tōdai-ji. Les cerisiers sont en pleine floraison à Nara et j’essaie tant bien que mal de superposer les fleurs avec la structure, mais je ne suis pas le seul à essayer de faire de même. Dans un coin de l’enceinte du temple, un des cerisiers est superbe. On pense l’avoir déjà vu filmé pour une des nombreuses campagnes publicitaires JR pour inciter la population à prendre le Shinkansen pour découvrir les chefs d’œuvres historiques de Kyoto et de Nara.

En sortant du Tōdai-ji, on entre très vite dans le parc de Nara. Les biches sont nombreuses et affamées. Le journal télévisé du jour d’avant nous avait prévenu qu’il ne fallait pas les faire patienter quand on leur donne quelque chose à grignoter car elles sont impatientes et peuvent mordre occasionnellement. Les biches ont bien compris que les crackers vendus près du parc leur sont pleinement destinés et qu’il faut mieux ne pas les faire trop attendre. Je ne pensais pas qu’il y avait autant de biches dans le parc, elles sont partout et se laissent approcher et caresser très facilement. Le parc est vaste et riche en cerisiers. On aurait aimé y passer beaucoup plus de temps mais le temps nous presse déjà ainsi que la fatigue de la journée. Nous ne pourrons pas voir le Kasuga Taisha plus loin dans le parc et marchons plutôt vers le temple Kōfukuji situé à son entrée, plus près de la gare de Kintetsu Nara. La pagode à cinq étages datant originellement de 730 mais reconstruite en 1426 est remarquable. Elle mesure 50 mètres de haut et c’est la deuxième pagode la plus haute du pays après celle du temple Tōji à Kyoto. Le grand hall du Kōfukuji était malheureusement recouvert d’échafaudages. Il est en cours de rénovation, mais je pense que nous n’avions de toute façon plus le temps de l’explorer. Nous marchons un peu plus vers le quartier de Naramachi, car Mari avait le souvenir d’une pâtisserie japonaise servant du Kuzu Kiri. Il s’agit d’un dessert en forme de nouilles composées d’une poudre d’amidon provenant d’une plante appelée kudzu, que l’on déguste très froid avec un sirop sucré Kuromitsu. Nous tournons un peu en rond sans succès pour se rendre compte, alors que nous étions prêt à abandonner et à prendre le chemin du retour, que cette pâtisserie se trouve juste devant la gare. Nous avions été très distraits à notre arrivée à Nara quelques heures auparavant. La journée était encore une fois bien chargée, plus de 20000 pas au compteur. Mon exercise personnel journalier à ce propos est de faire plus de 10000 pas par jour.

Kashihara Jingu ’18/2

Pour notre deuxième journée à Osaka, nous allons en fait à Nara qui se trouve à un peu plus d’une heure de train. Nous avons longuement hésité car il y a déjà beaucoup de choses à découvrir sur place à Osaka, mais j’ai beaucoup insisté pour qu’on passe une journée à Nara. Je ne suis jamais allé à Nara. Mari, elle, connaît assez bien le coin, car elle y a passé plus d’un mois quand elle était étudiante aux Beaux Arts de Tokyo. Ça faisait parti de son cursus. J’avais en tête d’aller voir, bien sûr, le monumental Todai-ji, puis continuer dans le parc de Nara pour découvrir d’autre temples et finalement aller découvrir les rues de Naramachi. Le parcours final sera en réalité un peu différent.

Assez tôt le matin, nous embarquons sur la ligne de train Kintetsu depuis la station de Tsuruhashi dans le centre d’Osaka et en direction de Nara. En cours de route, alors que nous arrivons à la station de Yamato-Saidaiji, les messages automatiques du train annoncent les correspondances. La station de Kashihara-Jingu-Mae est mentionné et Mari se souvient soudainement que c’est un lieu à voir absolument, car il est mentionné comme un important « power spot » dans son magazine de Fengsui. Nous avons seulement quelques secondes pour nous décider: aller à Nara comme prévu ou partir à la découverte de cette nouvelle destination imprévue qu’est le sanctuaire shinto Kashihara Jingu, dont je n’ai d’ailleurs jamais entendu parlé? Mari a de temps en temps des idées au dernier moment, ce qui peut être parfois un peu agaçant quand on a déjà décidé d’un programme. En même temps, elle a un don pour déceler des choses intéressantes ou des lieux qui vont nous intéresser, et je ne résiste en général pas longtemps à son enthousiasme communicatif. Nous sautons donc du train à la station de Yamato-Saidaiji pour partir sur une autre ligne Kintetsu à la perpendiculaire et s’enfoncer un peu plus dans la région historique du Yamato, toujours dans la préfecture de Nara mais un peu plus en direction des montagnes de Yoshino. Il faudra environ 20 minutes pour arriver à la station de Kashihara-Jingu-Mae. Je pensais que ça aurait pris le double, mais on a apparemment embarqué par chance sur une ligne rapide.

Depuis la station de train Kashihara-Jingu-Mae, il faut marcher une dizaine de minutes jusqu’à l’enceinte du sanctuaire. On est tout de suite impressionné par l’immense torii qui nous accueille dans ces lieux sacrés. Une longue allée de graviers blancs nous amène vers le vaste espace du sanctuaire. On est tout de suit saisi par l’ambiance paisible qui y règne et une certaine majestuosité des lieux. On comprend mieux l’importance de ce sanctuaire quand on lit son histoire. Le sanctuaire actuel Kashihara Jingu fut construit en 1890 sur le site de l’ancien Kashihara-gū où le premier empereur du Japon, l’empereur Jimmu, descendant de la Déesse du Soleil Amaterasu, a accédé au trône le 11 février de l’année 660 BC. Le 11 février est de nos jours un jour février où l’on fête la fondation du Japon, en ces lieux donc au sanctuaire shinto de Kashihara. Il s’agit donc ici d’un sanctuaire important dans l’histoire de la nation japonaise, comme pourrait l’être par exemple le sanctuaire Ise Jingu. Kashihara Jingu me rappelle sous certain aspect celui de Meiji Jingu à Tokyo dans sa composition, sa taille et bien sûr la sobriété shinto de l’architecture. Il est entouré de nature et on a l’impression d’être quelque part hors du temps et des précipitations de la vie. Il y a assez peu de visiteurs et encore moins de touristes, ce qui est le bienvenu pour apprécier les lieux. Un groupe de dames en kimono marchant à petits pas devant un cerisier en pleine floraison ajoute un certain charme. Je m’approche discrètement pour tenter une photographie. Nous parcourons l’espace de long en large sous le soleil de la déesse qui nous a gâté pour ce voyage dans l’ancienne province de Yamato. Je ne lasse pas d’admirer l’architecture du sanctuaire, les courbes si élégantes et l’agencement parfait des lampes accrochées aux plafonds des couloirs de l’enceinte. Et l’inclinaison de ce matsu, un pin japonais. Mari avait donc eu raison, une fois de plus, de nous guider vers ce sanctuaire. Il n’est pas très ancien mais il a quand même un peu plus de 100 ans. Il est en tout cas extrêmement bien entretenu.

On se sépare de ces lieux en passant devant un étang aménagé au bord du sanctuaire. Il y a aussi quelques cerisiers en fleurs. Un musée à l’entrée du sanctuaire nous explique l’histoire de l’empereur Jimmu et de Kashihara Jingu. Après avoir visité Ise Jingu en Novembre 2013, et Kashihara Jingu cette année, on se rappelle qu’il nous reste Izumo Taisha dans la préfecture de Shimane à aller voir. C’est sur notre programme, le tout est de trouver le moment d’y aller. Peut être l’année prochaine. Tout en redescendant vers le centre de la petite ville de province de Kashihara, nous revoyons notre programme de la journée. Nous irons quand même à Nara voir le Todai-ji, mais le temps nous sera bien entendu compté.

Osaka ‘18/1

Des vacances de trois jours étaient prévues au tout début de ce mois d’avril, et comme souvent, on s’y prend un peu à la dernière minute pour se décider de notre destination. Ce sera Osaka. Je connais un peu la ville pour y avoir été au moins cinq fois mais jamais en touriste et toujours pour des aller-retours dans la même journée. Nous allons prendre cette fois-ci un peu plus de temps pour découvrir cette ville, qui me semble aux vues de ces quelques jours, plus dense et bavarde que Tokyo.

Bavarde, on avait quand même recherché cet aspect en nous rendant dès notre arrivée tôt le matin à Osaka, vers le quartier de Namba où se trouve le Yoshimoto Grand Kagetsu, une grande salle pour spectacles de comédie stand-up par l’agence ultra-dominante Yoshimoto, originaire d’Osaka. Nous avions déjà assisté à ce type de spectacle à Shinjuku, dans une salle du Department Store Lumine 2, avec des comédiens de cette même agence Yoshimoto, mais de la branche de Tokyo. Il s’agissait d’une dizaine de courts sketches par différents comédiens en groupe de deux. C’est la configuration typique du manzai. La qualité est variable selon les groupes de comédiens, mais le tout est en général de bonne qualité. J’aime notamment quand les sketches tournent à l’absurde et c’était le cas dans cette salle de Shinjuku. Le spectacle à Osaka était lui aussi composé de sketches du style manzai, mais aussi par une petite pièce de théâtre comique. J’avoue que j’ai eu beaucoup plus de mal à accrocher et même à comprendre parfois en raison de l’accent du Kansai auquel je n’ai pas l’habitude. Il y avait quelques bons moments, notamment lorsque les comédiens tournent en dérision les particularités d’Osaka, comme les obasan d’Osaka, ces dames d’un certain âge au language assez rude et affectionnant les vêtements avec impressions tigrées (Je n’en ai pas aperçu dans les rues d’Osaka cette fois-ci cependant). Il y avait d’autres sketches par contre qui m’ont profondément ennuyés quand il s’agit de comique de répétition jouant toujours sur une même chansonnette entêtante et assez bête. Il y avait donc du bon et du moins bon, mais ça ne nous a pas empêché d’y retourner le soir pour un autre spectacle d’une heure environ, avec cette fois des jeunes comédiens moins confirmés et peu connus. J’ai beaucoup plus apprécié l’énergie qui se dégageait de cette scène et les efforts pour accrocher la salle, qui y répondait d’ailleurs très bien. Nous ne connaissions aucun des comédiens à part Yutaro Hamada, que nous étions venu voir en particulier. Nous le connaissions car il a récemment remporté le grand prix R-1 de comédie en stand-up. Sa particularité est qu’il est aveugle de naissance et qu’il joue d’auto-dérision sur son handicap, au point qu’au delà de la comédie qu’il dégage par ses mots et ses traits d’humour sur les nombreuses difficultés qu’il rencontre dans la vie quotidienne, on est également toucher par la personne.

Dense, à certains endroits près de Namba que nous explorons un peu après la sortie du premier spectacle, la ville me semble plus dense que ce que j’ai pu voir à Tokyo, pas spécialement pour la foule qui envahie les rues mais pour cet impression de remplissage saturé de l’espace. On retrouve cela à Tokyo dans certains quartiers, mais la densité me donne la sensation d’être plus forte ici. Bien sûr, le quartier de Dōtonbori joue de ce trop plein pour attirer l’oeil des visiteurs, des touristes que nous sommes pendant ces trois jours. Certains espaces urbains, comme Namba Parks développé par Jerde normalise l’espace en surface lisse. Cet immense complexe de bureaux et de magasins me rappelle Roppongi Hills à Tokyo à certains égards, peut être par la présence d’une grande tour centrale et par l’aménagement urbain au sol en pierres jaune orange. Les formes très arrondies de cet espace sont élégantes. Elles me font penser à celles du canyon d’Antelope en Arizona aux USA. Dans un coin un peu plus tranquille de Namba, nous tombons un peu par hasard sur le petit temple Hozenji et sa statue couverte de mousse appelé Mizukake-Fudo. L’histoire est qu’il y a plus de 80 ans une personne ayant fait un vœu devant la statue en l’aspergeant d’eau a vu son vœu s’exaucer. Depuis, les habitants du quartier font de même, imités par les nombreux visiteurs. Nous regagnons ensuite les grandes artères pour ensuite bifurquer vers le quartier de America Mura. Nous n’avons pas exploré toutes les rues de ce quartier, mais au moins celle avec une immense fresque d’un homme oiseau dessiné sur le mur blanc d’un vieux building. La boutique de t-shirts en vrac devant me rappelle ce que l’on peut voir à Harajuku le long de la rue Takeshita. Et tout d’un coup, cette boutique me remet en tête la musique hip-hop des Beastie Boys sur leur album Paul’s Boutique. Nous logions pour deux nuits à quelques pas du château d’Osaka. Ce n’était pas volontaire, mais nous avons eu la chance de tomber pendant la période des cerisiers en fleurs. Ils semblent beaucoup moins omniprésents qu’à Tokyo, mais il y avait une concentration le long de la rivière près du château. Le soir, après un peu de repos sur le tatami de la chambre d’hôtel, nous reprenons la route de retour à Namba pour le deuxième spectacle Yoshimoto dont je parlais ci-dessus. En marchant, nous dégustons sur le pouce les takoyaki d’un minuscule vendeur de rue et traversons ensuite le marché couvert de Kuromon. La première journée bien remplie de notre périple dans le Kansai se termine par des okonomiyaki pour le dîner. Une fois rentré à l’hôtel, je tombe rapidement de fatigue.