猫だらけ

豪徳寺には猫だらけ、どこを見ても猫だらけ、目を閉じても猫だらけ、夢の中でも猫だらけ。この猫たちの目を長く見ると一瞬猫になる。

L’apparition soudaine d’une multitude de chats blancs Maneki Neko au temple Gōtokuji, dans la banlieue proche de Tokyo à Setagaya, est à la fois surprenante et angoissante. Une des dépendances de ce temple vaste en superficie est remplie de petits chats blancs sensés être accueillants. C’est un endroit étonnant que je connaissais pour l’avoir vu de nombreuses fois en photo mais sans jamais l’avoir visité. L’occasion s’est présentée un peu par hasard un samedi après-midi d’hiver, sous un ciel bleu mais froid. Nous nous y rendons en voiture mais faisons face à quelques difficultés pour stationner près du temple, situé au milieu d’une zone résidentielle. On se rendra compte plus tard qu’on peut en fait stationner à l’intérieur de l’enceinte du temple, mais ce n’est pas indiqué, peut être pour éviter une trop forte affluence. Nous trouverons finalement un espace où stationner dans le parking du sanctuaire de Setagaya Hachimangu, situé à proximité de la gare de train Miyanosaka sur la ligne Tokyū Setagaya. Par principe, puisque nous utilisons son parking, nous allons d’abord faire une visite du sanctuaire avant de nous diriger vers Gōtokuji. Le sanctuaire est des plus classiques sans particularité vraiment notable, à part celle de jouer en fond sonore une musique traditionnelle d’accompagnement. Dans ce sanctuaire des plus normaux, on remarque tout de même des éléments qui dénotent: tout d’abord, un homme assez jeune parlant tout seul devant une petite cascade près du bassin à l’entrée du sanctuaire. Je ne l’écoute pas mais il semble parler sur le ton de la confession. On voit parfois ce genre de personnes étranges dans les temples et les sanctuaires. Je me souviens l’année dernière où il y a deux ans d’un homme parlant seul devant la porte en bois du temple Engakuji à Kita Kamakura après la fermeture vers 4h de l’après-midi, au moment du Nouvel An. Il s’excusait à voie haute d’être arrivé en retard après la fermeture du temple. Au sanctuaire de Setagaya Hachimangu, une autre vision m’interpelle, celle d’une jeune fille qui a l’air d’une collégienne ou d’une lycéenne en uniforme d’école accompagnée d’un homme plus âgé muni d’un appareil photo. Je pensais d’abord qu’il s’agissait d’un père et de sa fille, mais sa manière habituée et non naturelle de poser devant l’appareil photo me fait dire que la relation est différente. J’ai plutôt l’impression qu’elle posait comme modèle amateur pour un Otaku de la photographie.

Nous marchons ensuite vers Gōtokuji qui se trouve à proximité de la station Miyanosaka. L’endroit est calme et agréable, surtout pour une journée ensoleillée d’hiver. Je me dis que l’hiver est en fait une bonne période pour visiter le Japon, car il pleut assez peu. Du moins, l’hiver est grandement préférable au plein été du mois de Juillet et d’Août où la chaleur, l’année dernière par exemple, était vraiment insupportable pour faire des visites extérieures. Il y a assez peu de monde dans le temple mais principalement des touristes étrangers, à moins que ce soit des étrangers non-touristes comme moi. On ne peut pas faire à priori la différence. En prenant les chats du temple maintes fois en photo, c’était plutôt moi qui avait l’air d’un touriste dans ce temple. Comme je le disais plus haut, les statues blanches de chats Maneki Neko sont toutes disposées ensemble sur des sortes d’étagères dans une partie bien définie du temple. On ne les trouve pas posées dans tous les recoins du temple, mais seulement à cet endroit précis. On peut acheter une petite statuette dans l’enceinte du temple. Il en existe de différentes tailles et prix. Nous nous procurons une statuette de taille moyenne pour 1000 Yens, mais nous ne la disposerons pas avec les autres près du temple. Nous ramènerons plutôt la statuette à la maison pour l’exposer sur une table basse ou un meuble. En fait, il y a tellement de statuettes de chats au temple Gōtokuji, que les gens les mettent parfois à des endroits insolites comme à l’intérieur des lampes de pierre, disposées comme un petite famille de chats.

just outside the black hole

En hiver, la lumière du soleil est basse le matin et renforce les ombres se projetant sur les immeubles. C’est intéressant à observer mais c’est également difficile de rendre intéressant en photographie ces ombres imprimées sur les surfaces. Il faudrait que j’observe un peu plus les ombres, car je n’y portais pas grande intention jusqu’à maintenant. Certains photographes se font spécialistes dans la capture des ombres et des impressions qu’elles laissent sur le paysage urbain. Ce billet est d’ailleurs rempli d’impressions mais de styles très différents. L’immense graph représentant deux figures féminines très colorées à Daikanyama sur la première photographie vient comme contraster avec les dessins abîmés de personnages de cartoons sur un mur de jardin public sur la dernière photographie. J’aime toujours autant prendre en photo les stickers sur les murs ou sur les vitrages, surtout quand ils sont regroupés sur un petit espace et qu’ils se chevauchent parfois. C’est une bataille où chaque autocollant essaie de s’imposer sur les autres par des couleurs frappantes ou des illustrations parfois choquantes, le tout pour essayer d’attraper le regard des passants. Je me laisse volontiers attirer par cette forme d’art de rue, façon guérilla urbaine. Dans ce quartier de Naka-Meguro, je retrouve plusieurs fois un visage dessiné aux cheveux noirs courts, que j’avais déjà aperçu et pris en photo près de Ebisu. A Daikanyama, l’agressivité d’une enseigne sur une porte vitrée me surprend. Au Japon, on peut s’attendre à tout en terme d’enseignes écrites en anglais et en français. Le « Love » écrit à l’envers est évidemment un effet de style mais me rappelle également le titre Evol d’un des premiers albums de Sonic Youth. Le sous-titre est plus inquiétant par contre et on se demande si l’anglais utilisé est bien compris vu comme il est angoissant. S’il s’agit d’une entreprise installée derrière cette vitre, on doit moyennement apprécier d’y travailler, à moins d’être de ceux qui acceptent de se tuer à la tâche.

Depuis que je me suis mis à écouter d’un peu plus près la musique J-POP et le rock japonais à tendance alternative, j’ai entendu maintes fois parler de l’artiste musicienne et compositrice Seiko Oomori 大森靖子. Ça paraissait même tellement une évidence d’apprécier la musique de cette figure de la scène alternative, que je m’en étais volontairement éloigné. En fait, j’avais écouté quelques morceaux par-ci par-là au hasard de ce que l’on peut trouver sur YouTube, mais je n’avais pas été à cette époque particulièrement emballé par cette musique. À vrai dire, bien qu’alternative, je trouvais à priori cette musique comme étant trop proche de ce que l’on peut entendre chez les groupes d’idoles construits de toutes pièces. Je me suis quand même décidé à écouter un album, en l’occurrence celui qui est réputé comme étant son meilleur, TOKYO BLACK HOLE, sorti en 2016. À ma grande surprise, j’apprécie les morceaux que j’écoute au casque en me promenant dans les rues de Shibuya. Il y a beaucoup de morceaux très accrocheurs, à commencer par le premier prenant le titre de l’album TOKYO BLACK HOLE, et qui place tout de suite la barre très haute. Les morceaux jouent assez souvent sur les changements assez imprévisibles de rythme. Il y a ici un talent certain de composition. A vrai dire, les morceaux qui s’enchainent de manière très fluide sont très travaillés musicalement et forment une grande unité malgré leur variété. Le style est dans l’ensemble très pop mais la manière de chanter de Seiko Oomori, parfois un peu nonchalante, parfois enfantine, parfois en complainte parlée, parfois excitée, rend ces morceaux très intéressants à l’écoute et à la réécoute. Le deuxième morceau très théâtral Magic Mirror (マジックミラー) est certainement le morceau le plus abouti de l’album, notamment pour l’émotion crescendo qui s’en dégage, appuyée par un flot inarrêtable d’instruments à cordes. Presque tous les morceaux me plaisent à part ce morceau Dramatic Shiseikatsu (ドラマチック私生活) qui joue trop à mon avis sur le terrain de la pop song d’idole. Enfin, Seiko Oomori a un grand amour pour la culture des idoles, elle a même créé son unité récemment appelée ZOC, et c’est un peu ce qui me gêne car je trouve cette culture inintéressante et rétrograde. Mais Seiko Oomori mélange les styles et brouille les cartes sur cet album, ne serait que par le morceau qui suit Mushusei Romantic ~Encho-sen~ (無修正ロマンティック ~延長戦~), en duo, beaucoup plus mature. On croirait, avec beaucoup de plaisir d’ailleurs, entendre un ancien morceau de Sheena Ringo. Comme je le disais plus haut, cet album parvient à garder une unité, même en mélangeant les influences. La guitare acoustique côtoie des éléments électroniques, mais aussi des poussées de guitares comme sur le morceau ■Kkumi, ■Kkumi (■ックミー、■ックミー). On écoute Tokyo Black Hole dans son ensemble sans s’ennuyer, notamment par des morceaux ultra dynamiques voire un peu poussifs comme Nama kill the time 4 you ♥ (生kill the time 4 you ♡), des morceaux plus sucrés et amusants comme Aishiteru.com (愛してる.com) ou à la limite rappé comme l’excellent SHINPIN. Sur ce morceau, je comprends pourquoi on voit certains rapprochements entre le phrasé de Haru Nemuri 春ねむり et celui de Seiko Oomori. Cette inventivité tant dans l’approche musicale que dans l’interprétation que l’on sent très authentique de ces morceaux, rend cet album très attachant et a très certainement bousculé mes à priori. Ce que pensait être une curiosité se trouve être un excellent album selon mes standards personnels.

NI/O at 3331 Arts Chiyoda

Nous allons l’après midi du dimanche 13 Janvier faire un tour à l’exposition NI/O ayant lieu à la galerie 3331 Arts Chiyoda du 6 au 14 Janvier 2019. À vrai dire, je ne connaissais pas cette galerie avant que Mari m’en parle, mais en regardant d’un peu plus près le site de cette galerie, j’apprends que cet espace était autrefois une école. Il s’agissait du collège Rensei qui a fermé ses portes en Mars 2005. Il faudra attendre cinq ans, en Juin 2010 donc, pour que cette galerie 3331 Arts Chiyoda y démarre ses activités. En fait, bien que je n’y sois jamais allé, cet endroit me dit quelque chose. En me creusant un peu la mémoire, je me souviens qu’une foire d’art indépendante appelé 101TOKYO Contemporary Art Fair avait eu lieu dans une ancienne école en 2008. Il s’agissait de cette école Rensei. A l’époque, cette nouvelle foire d’art se voulait plus indépendante et axée sur les nouveaux talents, par rapport à la foire existante Art Fair Tokyo, qui se déroule au Tokyo International Forum de Yurakucho et qui est beaucoup plus ancienne et établie. La première édition de 101TOKYO fut établie par un petit groupe de personnes à majorité non japonaise, et n’a malheureusement pas tenu les années. L’édition 2009 n’a pas eu lieu dans le même collège Rensei pour des raisons de disponibilité, et ce fut la deuxième et dernière édition de cette foire alternative d’art contemporain, puisque la version 2010 n’a jamais eu lieu. Ceci étant dit, 101TOKYO est en quelque sorte précurseur de la galerie actuelle 3331 Arts Chiyoda.

Le nom de la galerie « 3331 » correspond un rythme traditionnel de frappement de mains appelé Edo Ippon Tejime. On frappe trois fois dans ses mains trois fois de suite espacées par une courte pause, pour conclure sur un unique frappement de mains final. Ce frappement de mains est traditionnellement utilisé lors de célébrations ou pour se féliciter ensemble d’une tâche bien accomplie. Ce rythme datant de l’ère Edo est très naturel au Japon et a une signification très positive. Ce nom utilisé pour cette galerie entend transmettre cette idée de positivité. La galerie a pour ambition de briser les barrières qui peuvent rendre difficile l’accès aux musées. En ce sens, l’entrée de cette galerie est un grand espace ouvert qui facilite grandement son accès. Le fait que cette galerie était autrefois une école et qu’elle en a toujours l’apparence, fait que cet espace s’intègre plus facilement comme un élément à part entière du quartier, un peu comme le musée Hokusai attaché à un jardin public avec des jeux pour enfants.

Pour revenir à notre visite, nous connaissons, sans l’avoir jamais rencontrée, une étudiante de l’école des Beaux Arts de Tokyo Geidai qui expose avec un groupe de 50 élèves de son école pour cette exposition NI/O. Il s’agit de la grande sœur d’un bon copain de classe de Zoa. L’exposition couvrait seulement les œuvres des étudiants de troisième année du département de peinture à l’huile, le même département où étudiait Mari à l’époque. Cette exposition NI/O est en quelque sorte une continuation du travail montré pendant la fête-matsuri de l’école appelée Geisai, que nous avions été voir en automne de l’année dernière. NI/O signifie New Input / Output. Les étudiants artistes organisent leur espace d’exposition comme un mini atelier et viennent y faire développer leurs œuvres en cours de création. Le Input est l’apport amené par le visiteur lors de sa visite et le Ouput est le résultat altéré qui en découle. Je ne suis pas certain quelle est l’influence réelle du visiteur sur les œuvres en cours de création, surtout que les étudiants artistes ne sont bien sûr pas présents en permanence. En fait, un des principes de l’exposition est qu’on donne à chaque visiteur un crayon à papier et un petit carton sur lequel on peut écrire une impression ou un commentaire adressé à un ou une artiste. On accroche ensuite le petit carton près d’une des œuvres ou près du plan de travail de l’artiste. Là est certainement la manière d’interagir avec l’artiste quand il ou elle n’est pas présent. Un peu comme au matsuri Geisai, la qualité des œuvres est variable, mais il y a, je trouve, beaucoup de choses intéressantes. C’est souvent brouillon mais certaines œuvres sont empreintes de la force de la jeunesse. On y trouve des peintures plus classiques comme cette jeune fille endormie sur un sofa jaune qu’on retrouve d’ailleurs placé juste devant l’œuvre, comme s’il était sorti de la toile. Cette association est intéressante. L’étudiante artiste que nous connaissons, Kaneko Mizuki, crée des peintures très délicates représentant des traces d’objets, floues et diluées comme un nuage. Zoa y mettra un petit mot d’encouragement écrit sur un des papiers en carton.

Dans cette exposition, la disposition des œuvres et du plan de travail nous font parfois rentrer dans l’intimité de l’artiste. Certaines des œuvres sont des installations amusantes comme cette bicyclette carénée de lamelles de bois et décorée de petites lumières. Il y a aussi des performances: une artiste debout presque immobile boit verre d’eau après verre d’eau d’une manière tout à fait stoïque, une autre habillée d’une tenue traditionnelle marche dans les salles de l’exposition et interpelle parfois les gens. Zoa se fait surprendre. Quand cette artiste appelée Hada Acre 肌エーカー voit que Zoa la regarde, elle s’arrête brusquement et lui adresse la parole. Elle propose aux visiteurs interpellés de réfléchir à un souhait pour le futur qu’ils pourront écrire eux mêmes sur l’avant bras de l’artiste. L’artiste au visage couvert de blanc scande ensuite quelques mots qui seront sensés concrétiser ce souhait dans le futur. Sa façon de parler laisse penser qu’elle travaille dans un sanctuaire ou un temple à ses heures perdues. On est tout d’abord interloqué par cette démonstration mais ça fait partie de l’interactivité souhaitée pour cette exposition. L’exposition se veut être la représentation d’une ville en mouvement. On trouve un peu cela car certains artistes ont construit leur espace de travail comme des petites maisons en forme de cabane. Mais dans l’ensemble, on a du mal à se représenter cette ville en éternelle mouvement qui est indiquée comme point d’orgue de l’exposition. Il s’agit plutôt d’une combinaison d’espaces artistiques indépendants, mais qui ne convergent pas vraiment vers l’image unifiée d’une petite ville. Ça ne rend pas pour autant l’exposition inintéressante et j’ai apprécié découvrir cette galerie d’un style très particulier.

en marchant vers l’ellipse

Je retrouve le petit bâtiment Natural Ellipse de l’architecte Masaki Endoh à Maruyamacho dans les hauteurs de Shibuya. Il n’est pas facile à trouver malgré sa blancheur immaculée qui tranche avec le reste du quartier rempli en quasi-totalité de Love Hotels ultra-décorés kitsch. Je le retrouve finalement à un détour de rue, non sans une pointe d’étonnement et de satisfaction. J’avais peur que ce petit bâtiment ait disparu car je ne l’avais pas retrouvé la dernière fois que j’ai marché par ici. En fait, Natural Ellipse est bien là debout comme sortant de terre à un coin de rue et il semble même plus blanc que la dernière fois que je l’ai vu. La surface a certainement été repeinte ou au moins nettoyée. Le building est maintenant entouré de quelques plantes vertes. En fait, on m’a appris récemment dans les commentaires de mon premier billet de 2007 sur ce bâtiment (j’ai réouvert les commentaires sur mes anciens billets) que Natural Ellipse est maintenant disponible en location d’appartement pour des courtes durées.

Je repars ensuite près de la station de Shibuya pour constater l’avancement de la destruction du quartier au Sud de la gare, à proximité du nouvel immeuble Stream. C’est un quartier que j’ai souvent pris en photos, notamment les graffitis et l’énorme illustration en noir et blanc aperçue récemment à l’arrière d’un building voué à une destruction prochaine. Le quartier est désormais complètement condamné, interdit d’accès par des barricades blanches et par quelques gardes par-ci par-là. On ne peut plus approcher la grande illustration au dos du building. Ça fait un drôle d’effet de voir tout un ensemble de bâtiments et de rues rendus complètement inaccessibles. Il s’agit du projet de redevelopment du district 1 de Sakuragaokacho qui sera composé de trois tours et contribuera un peu plus encore à la transformation de Shibuya. L’ensemble devrait se terminer en 2020/2021. Les nouvelles tours A1, A2 et B feront respectivement 36, 15 et 32 étages et seront composées de bureaux, d’espaces commerciaux et d’une zone résidentielle. Les tours A1 et A2 longeront la ligne de train JR Yamanote, tandis que la tour B résidentielle sera en retrait juste derrière.

Tiens, Radiohead sort un nouveau morceau intitulé Ill wind. Ce n’est pas vraiment un nouveau morceau car il s’agit d’une face B de leur dernier album A Moon Shaped Pool sorti en 2016, accompagnant la version vinyl. Je ne sais pas la raison pour laquelle ils ont pris tant de temps à sortir ce morceau en version digitale, mais c’est en tout cas une très bonne nouvelle tant le morceau est superbe, dans la pure continuité de style de A Moon Shaped Pool. Je me demande d’ailleurs pourquoi un morceau d’une telle qualité était relégué en face B. La voix de Thom Yorke y est belle et troublante. La musique est légèrement floue et vaporeuse, ce qui nous donne l’impression de se laisser emporter par ce vent du titre. Il s’agit peut être d’un vent cosmique comme le laisse suggérer la couverture du morceau, que j’allonge volontairement sur l’image ci-dessus. Du coup, je me remets à écouter les albums de Radiohead les uns après les autres, notamment pendant cette promenade d’une bonne heure dans Shibuya à la recherche de l’ellipse.

笑いながらデストロイ

Il y a comme une symétrie dans cette série de photographies prises entre Shibuya et Harajuku avec un détour jusqu’à Kita Sando. La symétrie se présente notamment entre la première photographie et la dernière. La jeune fille qui prend toute la place en traversant un carrefour est un peu comme la voie express intra-muros transperçant un des grands carrefours de Tokyo près de la gare de Shibuya. Ce dernier carrefour est d’ailleurs en plein renouvellement car une nouvelle plateforme circulaire blanche est en cours de construction. La tour principale de la gare dessinée par Kengo Kuma est bien avancée, mais les derniers étages sont toujours en construction et on a bien du mal à savoir quelle sera sa hauteur finale. La maison individuelle Wood/berg de la deuxième photographie est également de Kengo Kuma, dans un style avec lamelles de bois immédiatement reconnaissable. Je l’ai souvent prise en photographie, mais j’aime bien la revoir dès que je passe dans le coin. Elle ne semble pas être attaquée par les années. Je repasse aussi devant la bâtiment brut de béton GA Gallery par Makoto Suzuki + AMS Architects. J’aime beaucoup dans ce bâtiment le mélange des vitrages inaltérables et du béton qui prend l’âge et les intempéries petit à petit. Alors que je marche vers Yoyogi pour me rendre jusqu’à Sangūbashi, je trouve malheureusement assez peu d’architecture qui m’intéresse, à part cette autre maison individuelle de la quatrième photographie, élégante toute de noir vêtue. Pour revenir à la pancarte publicitaire de la première photographie, c’est comme si ce personnage féminin allongé sur la rue allait sans crier gare détruire la ville avec un grand sourire.

J’ai découvert Mariko Gotō 後藤まりこ sur son EP Demo sorti récemment en décembre 2018 sous le nom DJ510MARIKO et sous un style électronique. Mais, elle évoluait avant cela au sein de la formation fusion jazz-punk Midori ミドリ fondée en 2003. Le style est assez particulier car il mélange à la fois le piano pour la partie jazz et les guitares et le chant torturé pour la partie punk. J’écoute d’abord l’album Aratamemashite Hajimemashite Midori desu あらためまして、はじめまして、ミドリです sorti en 2008 puis deux albums précédents First ファースト et Second セカンド♥ sortis respectivement en 2005 et en 2007. Que dire de cette musique à part qu’elle détonne franchement. Il suffit d’écouter le deuxième morceau Yukikosan ゆきこさん de l’album Aratamashite… pour se rendre compte de l’intensité sonore de cet assaut vocal et musical. Mariko Gotō commence le morceau par un cri « Destroy! » qui trouve réponse par des cris similaires d’un autre membre du groupe. Ce dialogue hystérique et énervé prend quand même parfois des moments d’adoucissement avec les notes de piano, avec un phrasé presque digne d’une idole et un solo de batterie. Mais ce n’est que de courte durée car le cri de ralliement du morceau reprend de plus bel. C’est vraiment un morceau particulier qui vaut la peine d’être écouté, si on n’a pas les oreilles sensibles bien sûr. Un autre morceau qui vaut le détour, c’est le premier morceau de Second, Doping☆Noise Noise Kiss ドーピング☆ノイズノイズキッス, très mouvementé et torturé. Mariko Gotō et ses musiciens ont clairement du mal à tenir en place en jouant ce morceau. Le reste de ces albums jouent dans un style similaire, mais avec parfois quelques morceaux plus « doux » comme des ballades de santé, le morceau 5 byōshi 5拍子5拍子 par exemple, ou des morceaux qui prennent des rythmes différents comme le morceau A.N.A. sur First. Parfois Mariko Gotō va trop loin dans l’excès vocal comme sur le premier morceau de First, bien que le morceau démarrait plutôt bien. On retrouve dans ces morceaux qui se perfectionnent petit à petit au fur et à mesure des albums, le même mélange du chaud et du froid. Les sauts d’humeur que l’on ressent à l’intérieur des morceaux rendent ces morceaux intéressants et assez imprévisibles. L’attitude et l’ambiance scéniques devaient certainement laisser une forte impression. On a comme l’impression que Midori libère en musique et en paroles une tension trop forte avant qu’elle n’éclate dans les doigts.