can anybody see the light?

Le gymnase de Yoyogi, chef d’oeuvre emblématique de Kenzo Tange et certainement une des plus belles œuvres architecturales de Tokyo, a été rénové en vue des Jeux Olympiques qui démarreront dans quelques mois. Il y avait foule à l’entrée du gymnase et ma curiosité m’a conduit à aller voir de plus près ce qui s’y passait. Je vois beaucoup de jeunes filles et garçons avec des serviettes bleues marquées des inscriptions « Sixth Sense Story ». Je devine qu’il s’agit d’un concert mais je ne vois pas inscrit le nom de l’artiste. Il me faudra faire une recherche sur Internet pour comprendre qu’il s’agissait de la tournée de Aimyon. En fait, je suis passé à Harajuku pour aller voir l’avancement de la nouvelle station d’Harajuku sur la ligne Yamanote (sur la quatrième photographie). Le nouveau bâtiment de la gare est moderne mais sans personnalité. Quel dommage, pour une station aussi emblématique et fréquentée par les touristes du monde entier, de ne pas avoir conçu une architecture un peu plus remarquable. L’ancienne gare datant de l’ère Taisho, construite en 1924, a bien plus de cachet. Elle est toujours là mais pas pour longtemps car elle sera malheureusement détruite après les Jeux Olympiques cet été, cela malgré les protestations des résidents. Il s’agit de la plus ancienne gare en bois de Tokyo. Je comprends bien que cette vieille station n’est pas aux normes antisismiques actuelles et qu’elle n’est plus en mesure de supporter le nombre de plus en plus important de personnes qui la traversent. Il faut en général attendre un peu avant de pouvoir sortir de la station depuis les quais. Mais l’ancienne station aurait tout de même pu être conservée après des rénovations et renforcements, même sans être utilisée, histoire de sauvegarder un morceau d’histoire et un repère du décor urbain. Ce quartier d’Harajuku qui se trouve dans la zone olympique appelée héritage voit d’autres changements, notamment un nouveau bâtiment pas encore utilisé, qui a la particularité d’avoir une surface couverte d’écrans. On y montre des images mouvantes inspirées d’ukiyoe. J’y reconnais le Mont Fuji rouge de Katsushika Hokusai, qui s’affiche pendant quelques secondes avant d’être remplacé par d’autres images. Ce bâtiment se trouve juste à côté de la résidence Co-op Olympia que je montre sur la troisième photographie. La résidence fut construite en 1965, un an après les premiers Jeux Olympiques de Tokyo, d’où le nom qui en est inspiré. Je l’ai déjà pris plusieurs fois en photo. C’est un immeuble qui est également devenu emblématique du quartier et on parle aussi d’une reconstruction, mais je ne pense pas que ça soit décidé. L’avant dernière photographie montre une partie des quais de la station d’Harajuku où on peut y voir une série d’affiches intrigantes, prenant leur inspiration dans les manga pour adolescentes (shōjo manga). Les messages que font passer ces affiches touchent à la sécurité informatique, en particulier la protection des mots de passe. C’est une manière originale de faire passer des messages importants.

Une playlist partagée sur Twitter par l’artiste Yeule incluant le morceau Strangers de Portishead sur l’album Dummy me rappelle le mouvement musical des sound systems de Bristol qu’on appelle Trip-hop. Dans la deuxième partie des années 90, après ma phase rock américain (Pixies, puis Nirvana, puis Sonic Youth, puis Smashing Pumpkins, entre autres), je me suis mis à écouter intensivement et presque exclusivement cette musique Trip-hop qui nous transportait dans d’autres mondes, dans des associations de sons mélangeant les samples et les voix soul, dans une musique que je n’étais pas habitué à écouter à cette époque où je ne jurais que par les guitares. Le Trip-hop a pour sûr grandement ouvert mon champ musical en m’éloignant un peu de ces guitares. Dummy (1994) de Portishead était la porte d’entrée vers ce mouvement avec le morceau Glory Box où on découvrait la voix tourmentée de Beth Gibbons posée sur un univers musical froid, ambiance qu’on imaginait bien s’accorder avec les décors pluvieux de l’Angleterre de Bristol. La musique de Dummy jouait de mélancolie et était entrecoupée de scratchs et autres altérations musicales qui seront la marque de fabrique du Trip-hop. Je découvre ensuite assez vite Massive Attack, trio constitué par Robert Del Naja alias 3D, Grant Marshall alias Daddy G et Andy Vowles alias Mushroom, avec l’album sorti également en 1994, Protection. Le morceau titre chanté par Tracey Horn du groupe Everything but the Girl fut une révélation qui me poussa à découvrir plus avant la discographie de Massive Attack faite de nombreuses collaborations. Le premier album Blue Lines (1991) du collectif The Wild Bunch qui deviendra Massive Attack est certainement l’album que je préfère écouter maintenant. Il y a de nombreux morceaux forts, notamment ceux portés par la voix de Shara Nelson comme Safe from Harm ou Unfinished Sympathy. C’est aussi sur cet album que la symbiose entre les trois voix masculines de Massive Attack et celle de l’invité presque permanent Tricky opèrent le plus naturellement. On peut prendre pour exemple des morceaux comme Blue Lines ou Five Man Army. A travers Massive Attack, je découvre donc Tricky (Adrian Thaws de son vrai nom) qui sortira son premier album et chef-d’œuvre Maxinquaye (1995). Martina Topley-Bird, sa compagne à l’époque, assure le chant sur la plupart des morceaux. La musique y est plus sombre, plus torturée et fait parfois le lien avec la musique rock que j’écoutais au début des années 90, comme sur le morceau Pumpkin qui reprend un sample de Suffer du premier album Gish des Smashing Pumpkins. C’est peut être depuis ce morceau que j’aime déceler les liens entre les musiques et musiciens/musiciennes que j’aime, comme j’en parlais dans un ancien billet. Tricky joue beaucoup sur les associations lorsque, par exemple, il réutilise sur le morceau Hell Is Round the Corner le même sample de Isaac Hayes que Portishead sur son morceau emblématique Glory Box, ou quand il repense complètement le morceau Karmacoma qu’il interprète avec Massive Attack sur Protection, pour Maxinquaye sous le titre Overcome. Je suis resté très accroché à la musique de Tricky, même quand il partait vers des terrains plus difficiles comme ceux des deux albums sortis en 1996, Nearly God et Pre-Millenium Tension. Nearly God multiple les collaborations, notamment avec Björk et Neneh Cherry (souvenons-nous de son morceau Manchild), mais c’est quand il s’associe avec Martina Topley-Bird sur le morceau Black Coffee qu’il signe à mon avis le meilleur morceau de l’album. Pre-Millenium Tension est plus bizarre et part sur des univers plus sombres encore. De cet album qui entend matérialiser les craintes d’avant le passage vers un nouveau millénaire, je retiens le morceau Tricky Kid notamment pour ses voix rappées menaçantes. A cette époque, Tricky avait pris pour moi le statut d’artiste culte. Je me souviens avoir fait le déplacement depuis ma résidence universitaire d’Angers pour aller le voir en concert à Nantes lors d’un festival des Inrockuptibles. C’était le 12 Novembre 1996 à la Salle de L’Olympic de Nantes. Ce soir là, Placebo jouait également dans la pénombre sur cette scène juste après Tricky, ce qui donnait une bien belle affiche. Et une fois le concert terminé, il fallait que je reprenne l’autoroute pour rentrer à Angers. Je n’ai pourtant pas suivi Tricky sur ses albums suivants, peut être à cause de sa voix qui se détériorait petit à petit. Je suis plutôt allé voir d’autres nouveaux groupes comme Archive sur son premier Londinium (1996). C’est un très bel album qui n’est pas assez connu. Sur certains morceaux, le son électronique perce comme une étoile polaire qui brillerait intensément (mais je m’égare). Je continue ensuite avec Morcheeba sur l’album Who can you trust? (1996) et Alpha sur Come from Heaven (1997), premier album du label Melankolic de Massive Attack. De cet album d’Alpha, je retiens surtout le morceau Sometime Later pour l’intensité émotionnelle de la voix de Martin Barnard. C’est un morceau exceptionnel qui donne les larmes aux yeux quand le flot des violons monte en intensité et quand la voix de Banard est au bord de craquer. Je connais peu de morceaux qui ont cette intensité. Du mouvement Trip-Hop, j’ai continué à suivre Massive Attack sur leur album Mezzanine (1998) dont l’esthétique générale devenant plus sombre me plaisait beaucoup. Alors que les deux premiers albums s’apparentaient plutôt à de la musique soul urbaine, Massive Attack se dirige plutôt vers des influences new wave sur Mezzanine, ce qui n’était pas du goût de tous les membres du groupe d’où le départ de Andy Vowles (Mushroom). Cet album ressemble peu au Massive Attack des débuts. 3D y reste principalement aux manettes. Quoi qu’il en soit, il y a beaucoup de pépites dans cet album comme les singles Risingson et Teardrop, avec sur ce dernier morceau Elizabeth Fraser de Cocteau Twins au chant. Mais j’ai toujours eu une préférence pour l’avant-dernier morceau Group Four, toujours avec Fraser, pour sa partie finale envoûtante. Et puis ensuite, je suis parti pour Tokyo et d’autres horizons musicales se sont ouvertes à moi. J’ai pourtant continué à suivre Massive Attack sur leur album de 2003, 100th Window, mais la passion avait un peu disparu. Sorti en 2009, le morceau Psyche (Flash Treatment) avec Martina Topley-Bird (qui est décidément une figure emblématique du trip-hop) sur le EP Splitting the Atom est à mon avis un des plus beaux morceaux du groupe. J’avais été très déçu que cette version pourtant si forte ne soit pas conservée sur l’album qui suivra en 2010, Heligoland. La version de Psyche sur Heligoland n’est pas très intéressante et m’avait complètement détourné de cet album que je n’ai jamais écouté en entier. Depuis le déclencheur que fut le morceau Strangers de Portishead sur la playlist de Yeule, je me suis mis à réécouter la plupart de ces disques les uns après les autres. C’était en quelque sorte une petite cure de jouvence.

4 commentaires

  1. Et bien, j’étais loin de me douter que la résidence (3ème photo) avait cette portée emblématique ! En voyant cette photo, tu as fait ressurgir un souvenir qui aurait pu rester endormi (il se trouve que l’arrière de ce bâtiment était sur mon parcours lorsque je me rendais à mon travail…). Je n’ose pas imaginer tous ces aspects architecturo-historiques qui nous échappent lors de nos promenades !

  2. Bonjour Nicolas, j’aime tout particulièrement rechercher ces informations architecturo-historiques lorsqu’elles existent (et que j’ai le courage de chercher) car tous les bâtiments ne sont pas remarquables. Sur ce bâtiment, je trouve que c’est l’arrière justement qui est le plus intéressant avec sa forme en escaliers et entonnoir.

  3. C’est intéressant que tu partages ces points de vues (au sens propre comme au sens figuré), ça aiguise petit à petit ma sensibilité de rat des villes. D’ailleurs, comment tu t’y prends pour dénicher ces infos sur les architectes ?

  4. Salut, je trouve souvent les informations sur Internet, mais la plupart du temps, ce sont des buildings que j’ai vu dans les magazines d’architecture japonais en librairie. Il m’arrive régulièrement de tomber par hasard sur un bâtiment que j’avais déjà vu dans un magazine. Je note parfois le nom du building quand je ne le connais pas et essaie de trouver des infos sur Internet. Mais c’est parfois compliqué de trouver des infos quand il s’agit de résidence individuelle pour raison de protection de la vie privée.

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