from sky (deu#ce)

La deuxième descente depuis les avions survolant Tokyo nous fait tomber à côté du nouveau parc Miyashita à Shibuya, entièrement rénové pour la deuxième fois. Il n’était pas encore ouvert au moment de mon passage il y a quelques semaines. Un nouvel hôtel est placé à une des extrémités du parc et un de ses étages y est directement relié. Je reviendrais très certainement un peu plus tard avec d’autres photographies du parc. Sur l’avant dernière photographie du billet, je montre une publicité pour la Porsche Taycan affichée en dix vignettes près du parc Miyashita. La particularité de ces affiches est que la personne posant à côté des voitures de sport est un personnage virtuel japonais appelé Imma.

On peut suivre Imma sur Instagram depuis Juillet 2018 et j’ai d’ailleurs commencé à la suivre depuis ce moment là, intrigué de voir jusqu’à quel point ses créateurs pourront la rendre réelle. Le résultat est à la fois fascinant et effrayant de réalisme. La qualité visuelle et la personnalité que ses créateurs lui ont donné nous font douter de sa non-existence humaine. Les expressions et la texture de son visage sont très réalistes même s’ils nous donnent parfois une légère impression d’objet artificiel. Mais les notes liées aux photos Instagram où elle décrit ses activités et même parfois ses opinions brouillent vraiment les pistes. S’il n’était pas écrit dans la bio d’Imma qu’elle était virtuelle, on ne s’en rendrait certainement pas compte par nous-même. Le fait qu’elle pose parfois en photo avec des personnes réelles, par exemple des personnalités du mode de la mode comme Kozue Akimoto (que je suis également sur Instagram d’ailleurs), contribue fortement à donner une réalité au personnage, d’autant plus que ces personnalités jouent le jeu en commentant les photos sur Instagram ou Twitter. Imma emprunte d’ailleurs à Kozue Akimoto cette coupe de cheveux coupée droite, sauf que la coupe est au carré et d’une couleur rose. Ce style contribue d’ailleurs à rendre ce personnage emblématique, au point où Imma est utilisée pour des affiches publicitaires comme celles de Porsche. On l’avait déjà vu en grand sur la vitrine du magasin Shel’tter du Tokyu Plaza à Omotesando posant pour la marque Puma, ce qui avait d’ailleurs fait réagir l’observateur de la culture pop japonaise Patrick Macias. En association avec l’illustrateur Hiroyuki-Mitsume Takahashi (dont j’avais parlé dans un billet précédent), il avait écrit un texte assez court intitulé « There’s no more tomorrow (today) » sur ce phénomène de l’utilisation de modèles virtuelles (VM) dans le monde de la mode et l’aliénation potentielle que ça peut créer. Personnellement, ces personnages virtuels ne me dérangent pas beaucoup dans la mesure où on ne cultive pas l’ambiguïté sur leur existence. Alors qu’Imma est presque parfaite en photo, elle bouge de manière beaucoup moins naturelle et ses créateurs limitent volontairement ses mouvements à des courts clips, comme sur Tiktok pour éviter, je pense, de casser son image et une certaine magie. Il y a bien d’autres personnages virtuels au Japon, comme la chanteuse Hatsune Miku ou la YouTubeuse Kizuna AI, mais elles prennent la forme de personnages de manga, ce qui facilite grandement l’animation. Dans la famille d’Imma, créée par Aww Inc qui se désigne comme étant une agence d’humain virtuel, on trouve également le frère d’Imma appelé Plusticboy que je trouve beaucoup moins réaliste (quoiqu’il ressemble à un chanteur K-POP), et Ria qui est juste un petit peu trop parfaite pour qu’on puisse y croire (elle ressemble un peu à Yuka Mannami, peut être encore pour la coupe de cheveux).

Dans les hashtags des photos publiées sur Instagram par Imma, elle mentionne régulièrement les phrases #あたしCGらしい (I think I’m CGI) nous faisant croire qu’elle comprend elle-même sa condition de création graphique, comme si elle accédait à l’état d’intelligence artificielle. Ce n’est pas sans me rappeler Ghost in the Shell, que j’aperçois d’ailleurs affiché pas très loin des affiches de Porsche, car Subciety a sorti une ligne de vêtements reprenant l’image du major Kusanagi dans la dernière série sorti sur Netflix, SAC_2045. J’ai d’ailleurs commencé à la regarder mais l’ambiance graphique est un peu décevante sauf le personnage de Motoko Kusanagi que je trouve plus réussi que dans les films de Mamoru Oshii. On trouve des images de Hong Kong rappelant assez le premier film animé Ghost in The Shell dans la courte vidéo d’une autre artiste virtuelle japonaise appelée Te’resa. Comme Imma, elle possède également un compte Instagram mais chante également dans des vidéos sur YouTube, notamment le morceau électronique Youthful Strangers composé par Hideya Kojima. On voit l’artiste virtuelle Te’resa évoluée dans des décors de nuits tokyoïtes, parfois au milieu de salles d’arcades et parfois en chute libre entre des rangées d’immeubles d’habitation de style hongkongaises. Ce mélange des styles urbains très denses me rappelle l’ambiance cybernétique de Ghost in the shell. On reste cependant plus proche du film d’animation en images de synthèse que d’une tentative d’élaboration d’une véritable artiste virtuel. Ceci étant dit, les images de Te’resa (les trois en série ci-dessus) sont tellement réalistes, un peu androgynes même, que j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une vraie personne. Ceci me rappelle d’ailleurs que Grimes avait également dans l’idée de créer un personnage virtuel appelé War Nymph pour la remplacer sur la scène des réseaux sociaux quand ceux-ci deviennent trop violents. Je ne sais pas exactement ce qu’il en est de cette conception virtuelle, que je trouvais particulièrement baclée d’ailleurs, mais Grimes l’utilise apparemment déjà dans ce sens comme avatar sur Twitter. On peut lire dans quelques tweets: “Btw I am a digital baby. Any and all opinions are my own and not a reflection of any flesh humans”. “This is fun haha I can’t debate like this in the grimes account due to simplified and bad takes ending up in the media [..]”.

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