la brutalité architecturale de la jonction de Hakozaki

J’ai toujours considéré l’infrastructure autoroutière intra-muros de Tokyo comme la plus impressionnante œuvre architecturale de la ville. Ces embranchements prennent parfois des allures de monstres à plusieurs têtes. On dit de la junction de Hakozaki qui fait se rejoindre l’autoroute métropolitaine 6 de la ligne Mukojima et la 9 de la ligne Fukagawa, qu’elle évoque le légendaire dragon à huit têtes Yamata no Orochi (八岐大蛇). J’ai beau compter plusieurs fois le nombre de voies, je n’en dénombre que six, mais je pense que l’on saisit bien l’image lorsqu’on se trouve au pied de la jonction comme sur la deuxième photographie. Les voies partent dans tous les sens et sur trois niveaux dans une utilisation optimale de l’espace. Elles sont certes brutales, mais il y a une élégance certaine dans ces formes courbes s’échappant comme des tiges végétales. L’ensemble est massif mais n’exclut pas une impression de légèreté lorsque l’on regarde en l’air au dessus de nos têtes ces lignes suspendues dans les airs. Cette jonction a ouvert le 5 Février 1980 et date donc de plus de quarante ans. Elle est venue compléter le réseau autoroutier intra-muros de Tokyo qui s’est principalement développé en 1964 avant les Jeux Olympiques de Tokyo et qui continue encore de se développer. L’approche des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 dans moins d’un mois m’avait donner envie de venir voir cette intersection spectaculaire. Ce n’est pas la seule jonction remarquable de Tokyo. Elles sont nombreuses mais ma préférence reste tout de même pour celle d’Ikejiri Ohashi que j’avais pris en photo pour la première fois en Octobre 2012 alors qu’elle était toujours en construction. Cette jonction a une forme très différente de celle de Hakozaki car elle forme une spirale couverte de béton. La brutalité architecturale, que j’affectionne particulièrement, est bien présente sauf qu’elle est recouverte d’un improbable parc. Ces structures qui semblent exagérées leur complexité nous rappelle que le cyberpunk que l’on mentionne régulièrement au sujet de Tokyo existe vraiment, même sans lumières bleutées à la Blade Runner. J’écris cela avec une plume un peu piquante mais certains photographes saisissent des vues intéressantes de Tokyo la nuit avec une vision bleutée. C’est le cas de la série Nihon Noir 2099 du photographe australien Tom Blachford, que je découvre sur le site web de la version internationale du magazine japonais Pen. À travers leur newsletter à laquelle je me suis abonné, le site web de Pen me fait souvent découvrir de très belles choses. Je vous conseille fortement la visite car il y a peu de site web de cette qualité, d’autant plus en français. Un des articles récents du site nous parle de la photographie de Masahisa Fukase et me rappelle qu’il faudra bien un jour que je me procure un de ses ouvrages, même si c’est un peu compliqué de dépenser dix milles yens pour le livre Ravens, qui m’impressionne pourtant énormément. Pour revenir et terminer sur l’autoroute intra-muros de Tokyo, c’est loin d’être la première fois que je la prend en photo, parfois en lui imaginant des voies fantaisistes ou d’autres fois en essayant de saisir sa mécanique en gros plan. Ce dernier billet pris la nuit près d’Akasaka en Juin 2008 pendant la saison des pluies, me rappelle que les commentaires étaient nombreux à cette époque sur chaque billet de ce blog. Ce genre d’interactions me rend un peu nostalgique car ils s’agissait souvent de personnes qui ont fait un long chemin en suivant ce blog et en commentant régulièrement, mais qui se sont éloignées à un moment donné. J’ai parfois le sentiment que ce blog est un hôtel tokyoïte où les voyageurs virtuels viennent s’installer quelque temps pour discuter de cette ville, puis repartent après quelques semaines ou plusieurs mois vers d’autres horizons. Je me demande parfois ce que certains ou certaines de ces visiteurs deviennent. Cette époque me paraît malheureusement bien loin maintenant et n’est en rien remplacée par les réseaux sociaux.

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