l’intemporalité du Mingeikan

Nihon Mingeikan (日本民藝館) se trouve dans un quartier résidentiel à Komaba dans l’arrondissement de Meguro, près d’un des campus de l’Université de Tokyo. Il s’agit d’un musée sur l’artisanat folklorique japonais, établi en 1936 par Yanagi Sōetsu également nommé Yanagi Muneyoshi. Yanagi était un écrivain, penseur et critique d’art, fondateur en 1925 du mouvement Mingei qui a revalorisé l’artisanat populaire japonais et coréen. Ce mouvement Mingei a mis en lumière l’artisanat des objets de tous les jours, principalement des objets en céramique mais pas uniquement, conçus par des artisans dévoués à leur tâche, perpétuant une longue tradition en répétant les mêmes gestes jusqu’à arriver à une certaine perfection. Wikipedia donne une explication du style Mingei sur lequel Yanagi a théorisé: « Il doit être modeste mais non de pacotille, bon marché mais non fragile. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets Mingei doivent au plus haut point éviter : ce qui est naturel, sincère, sûr, simple, telles sont les caractéristiques du Mingei ». Je comprends de cela qu’il s’agit d’objets fonctionnels possédant une beauté qui relève plus de leur qualité de fabrication que sur des fioritures inutiles.

On trouve à l’intérieur de Mingeikan une partie de la collection de Yanagi. La beauté des lieux, du musée en lui-même, contribue de moitié à l’interêt de la visite. Le bâtiment était fermé pendant quelques temps pour rénovation et a réouvert récemment. On ne constate pas vraiment les rénovations à l’intérieur du musée, mais c’était de toute façon la première fois que je m’y rendais. Il y a bien une dépendance plus récente à l’arrière, mais à part cela, on a vraiment l’impression de changer d’époque lorsqu’on parcourt les pièces en parquet du musée. Ces lieux sont comme une échappée temporelle dès qu’on entre à l’intérieur. On ne pouvait malheureusement pas prendre de photos à l’intérieur du musée. Il faut mettre des petits chaussons en entrant après avoir poussé les portes coulissantes en bois. On remarque tout de suite le grand escalier se divisant en deux jusqu’à l’unique étage. On apprécie l’espace ouvert depuis l’étage et j’aurais voulu pouvoir m’asseoir quelques instants pour m’imprégner un peu plus de l’ambiance des lieux, et imaginer la vie des propriétaires. Yanagi ne vivait pas dans ce bâtiment qui sert de musée, mais dans une autre demeure construite en partie dans le même style, de l’autre côté de la rue. Je la montre sur la troisième photographie. On ne peut malheureusement pas visiter ce bâtiment là, mais une émission télévisée montrait l’intérieur récemment. Il me semble qu’elle sera ouverte quelques jours seulement aux visiteurs. Je pense que j’ai d’autant plus apprécié le musée qu’il n’y avait pas grand monde à l’intérieur, moins d’une dizaine de personnes en tout pendant notre visite. Je pensais qu’on l’avait visité en semaine mais la mémoire de mon iPhone me dit qu’il s’agissait plutôt du dernier dimanche du mois de Mai, en milieu d’après-midi. Ces photographies datent déjà d’il y a plus d’un mois et j’approche déjà à la limite de mes souvenirs. L’intemporalité des lieux a dû affecter ma mémoire.

渋谷ウォーク❷

En s’éloignant du centre de Shibuya au delà de l’imposante autoroute surélevée survolant une partie de la route 246, on trouve quelques zones vertes autour des sanctuaires. Le sanctuaire Konnō Hachiman-gū, où se trouvait autrefois le château de Shibuya, et celui de Hikawa se situent tous les deux à proximité de petites rues parallèles à l’avenue Meiji. Depuis l’extérieur, en dehors de l’enceinte de ces sanctuaires, on a l’impression d’être devant des petites forêts denses. Seule une porte torii nous laisse comprendre qu’il s’agit d’un sanctuaire. J’aime beaucoup traverser ces deux sanctuaires qui permettent de s’extraire de l’environnement urbain pendant quelques minutes revigorantes. Je montre souvent le sanctuaire Hikawa en photo car j’aime beaucoup sa configuration spatiale en haut d’une petite colline. On y accède par une route pavée et un escalier de pierre. C’est dommage que l’endroit soit aussi sombre le soir. Même s’il n’y a pas grand chose à y craindre, j’aurais aimé qu’on y ajoute des lampes à la lumière chaude. Le sanctuaire de Konnō Hachiman-gū est au contraire toujours très éclairé et ses lumières mettent le bâtiment principal en valeur. À chaque fois que je passe devant sa porte, je me sens invité à y pénétrer. J’aime entrer dans ces sanctuaires en plein été car on a l’impression qu’on y trouvera un peu de fraîcheur sous les arbres. Ce n’est malheureusement pas le cas même si on y pense très fort. On peut simplement supplier les dieux pour qu’ils nous accordent une période estivale supportable. L’été japonais qui approche très bientôt a quelque chose d’à la fois très attirant et insoutenable. Quand je repense à mes toutes premières années au Japon, j’ai le sentiment qu’il ne me reste en tête que des images d’été, peut-être parce que le premier contact s’est passé pendant un mois de Juillet. C’est peut-être tout simplement parce que je suis le fils d’un été chaud, d’une canicule même qui me poursuit encore maintenant jusqu’à Tokyo. J’ai l’impression d’avoir été préparé depuis toujours à affronter ces chaleurs estivales.

Le nouvel album Ethernity du groupe rock indé japonais For Tracy Hyde est sorti un peu plus tôt cette année en Février mais je ne me décide à le découvrir que maintenant. Comme sur les albums précédents, tous les morceaux du groupe ne me plaisent pas forcément mais il y en a toujours quelques uns qui me touchent plus particulièrement. C’est le cas du troisième morceau de l’album Interdependence Day, Pt. I qui me plait beaucoup. Les morceaux de For Tracy Hyde fonctionnent particulièrement bien lorsque la voix assez haut perchée d’Eureka vient se confronter à des marées de guitares bruyantes façon shoegazing. Le morceau garde un côté pop intervenant dans le refrain procurant toute l’accroche. Musicalement, c’est très beau et travaillé comme toujours d’ailleurs chez For Tracy Hyde, qu’on peut considérer comme un des groupes importants de la scène rock indé japonaise. Dans un style complètement différent car plus apaisé mais très rythmé, je découvre avec plaisir la musique de Samayuzame, dont je n’avais pour l’instant jamais entendu parlé. Sur un un rythme electro, elle chante sur le morceau intitulé Nenashigusa (根無草) d’un parlé quasi rappé et murmuré qui me rappelle un peu par moment la voix de Daoko (sans le côté kawaii qu’on peut entendre chez Daoko). J’aime particulièrement les passages où elle répète d’une voix faible en murmure le titre du morceau au dessus d’ondes électroniques mouvantes. Cette composition est vraiment très belle. Sa manière de chanter prenant un rythme découpant les syllabes est également très intéressante et accrocheuse à l’écoute. Je n’ai pas l’impression que l’ensemble de son album Yadorigi sorti l’année dernière soit dans le même esprit, mais l’ambiance de ce morceau me donne envie de découvrir un peu plus ses autres morceaux.