静かに生きる

Les photographies ci-dessus sont prises quelques semaines avant le début de l’état d’urgence à Tokyo, mais montrent déjà des espaces vidés de monde. Si on s’écarte des points névralgiques de la ville et de ses quartiers populaires, le Tokyo des quartiers résidentiels est pratiquement vide de monde même en temps normal. Ce sont ces quartiers que je privilégie en général pour mes photographies. Nous sommes ici au bord de Shibuya et tout près de Nishi Azabu. La première photographie est prise sous la lumière jaune du soir, à l’entrée d’un mini jardin public avec jeux pour enfants tout près du sanctuaire Konnō Hachiman-gū que je montrais il n’y a pas très longtemps. Sur ces photographies, on a même l’impression que les lieux ont été abandonnés précipitamment. En les regardant maintenant alors que j’écris ce billet, après les avoir fait reposer pendant deux mois dans ce billet en mode brouillon, ces photographies me semblent montrer à la fois une atmosphère paisible et inquiétante.

Pendant cette période prolongée à la maison, je passe beaucoup plus de temps sur le balcon pour m’occuper des quelques plantes 🌱 qui prennent une bonne partie de l’espace. Elles envahissent un peu plus chaque jour le balcon et je vais finir par manquer de place pour m’y asseoir. J’écris une bonne partie des textes du blog sur l’iPad assis sur le balcon, chose que je ne fais jamais en temps normal. Mes réflexions à l’extérieur sont régulièrement interrompues par les avions de ligne partant de l’aéroport de Haneda et passant nouvellement au dessus de Tokyo. C’est le nouveau tracé prévu pour les Jeux Olympiques mais je ne comprends pas pourquoi il y a autant de traffic étant donné que les Jeux sont repoussés et que les touristes sont quasiment inexistants en ce moment. Comme les avions ne volent pas tous les jours et toute la journée mais seulement à certaines heures de l’après-midi, j’ai l’impression qu’il s’agit plutôt de vols de vérification.

Un peu plus loin dans les photographies, je tombe sur l’immeuble au plongeoir à Nishi Azabu. Il s’agit de Scala par Atsushi Kitagawara, qui dessine ses immeubles et maisons comme des œuvres d’art. J’aime beaucoup comment l’immeuble vient s’insérer comme un point central sur cette rue et ce carrefour. Quand je marche sur la rue opposée, je ne résiste pas à le prendre en photo dans son contexte. Je suis certain d’avoir pris cette photographie plusieurs fois déjà mais je ne sais pour quelle raison l’envie me prend à chaque fois de répéter la prise. Il doit y avoir dans cette composition urbaine un pouvoir d’attraction visuel ou un équilibre harmonique des choses qui résonnent en moi à chaque passage.

Après le EP Blue, je retrouve le groupe RAY avec leur premier album Pink disponible en écoute dans son intégralité sur YouTube depuis le 15 Avril et sur les plateformes digitales classiques depuis quelques jours. La particularité de RAY est qu’il s’agit d’un groupe d’idoles alternatives dans le genre shoegazing. L’association fonctionne très bien dans l’ensemble car l’esprit du shoegazing est de faire déborder la puissance et le volume des guitares par rapport aux voix des interprètes. Les voix jeunes des quatre filles du groupe apportent un contraste intéressant et inhabituel. L’association fonctionne également bien car le shoegazing n’est pas indépendant d’une idée de mélancolie adolescente. Je connaissais déjà les deux morceaux Butterfly Effect (バタフライエフェクト) et Meteor car ils étaient déjà sur le EP Blue, et ils restent dans les meilleurs morceaux de l’album, mais le morceau que je préfère est le premier de l’album, フェーディングライツ (Fading Lights). Comme Butterfly Effect et quelques autres morceaux de l’album, il est signé par Azusa Suga du groupe For Tracy Hyde, groupe dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog et qui est reconnu dans ce milieu musical shoegaze au Japon. Chaque morceau est associé à des compositeurs d’autres groupes de la mouvance shoegaze, comme Elliott Frazier du groupe américain Ringo Deathstarr sur le morceau Meteor. Certains morceaux, comme 世界の終わりは君とふたりで (The end of the world with you) ou Generation, prennent des accents plus pop, du fait du ton de voix des interprètes, et ne sont pas mes préférés. Ils m’ont demandé un temps d’adaptation, mais l’accroche opère et me fait y revenir régulièrement. Mon attirance va vers les morceaux plus contemplatifs comme ネモフィラ (Nemophilia) où les guitares forment des nappes de sons distordant qui ne sont pas sans rappeler My Bloody Valentine (difficile de faire du shoegaze sans les référencer) et où les voix sont plus languissantes. La qualité des partitions musicales sur chaque morceau est irréprochable, à la fois parfaitement exécutées et intéressantes à l’écoute. Il y a un équilibre qui n’est pas facile à réussir dans le ton des voix, pour à la fois apporter une tonalité légèrement pop (il s’agit tout de même d’un groupe d’idoles) tout en s’inscrivant bien dans le style shoegaze. Certains morceaux comme 星に願いを (Wish upon a star) lorgne un peu trop vers le style ‘idole’ tandis que le juste équilibre semble être trouvé pour des morceaux comme 尊しあなたのすべてを (Everything about my precious you). RAY est une nouvelle formation née des cendres du groupe précédent appelé ・・・・・・・・・(dots tokyo), sous la même agence musicale. Je ne connaissais pas les morceaux de dots tokyo, mais certains titres comme スライド (Slide) ou サテライト (Satellite) sont apparemment repris sur l’album Pink. Ce type de groupes créés de toutes pièces en associant idoles et musiciens reconnus dans le domaine du rock alternatif est peut être une spécialité japonaise, mais je ne suis pas contre lorsque j’y ressens une authenticité et quand les morceaux qui en résultent sont de la qualité de Fading Lights ou de Meteor.

Je suis toujours impressionné quand je vois le détail et la méticulosité d’oeuvres comme celles en images ci-dessus par l’artiste basée à Nara, Daisuke Tajima. Elles demandent une dedication immense et de nombreuses semaines de travail, car ces représentations urbaines ultra-denses qu’il dessine à l’encre noire sont pour la plupart de très grande taille. L’illustration sur la deuxième image ci-dessus intitulée Superpower of Eternal (Part 2) fait 3.34 mètres de large pour 2.40 mètres de haut et a demandé environ 3 mois de travail à raison de 7 heures par jour. Dans un style un peu différent, les œuvres de Daisuke Tajima me rappelle celles de Manabu Ikeda pour leur sens excessif du détail. L’illustration de la première image ci-dessus s’intitule Unified Cityscape of today (2017) et est un peu plus petite (1.05 mètres de large pour 75 cms de haut). Elle me rappelle un peu les murs de buildings que l’on peu voir dans le manga Akira (en image ci-dessous) ou les détails un peu bordéliques des rues d’inspiration Hongkongaise dans Ghost in The Shell. La sur-densité urbaine que l’on voit dans les dessins de Daisuke Tajima nous fait penser qu’il s’agit d’une œuvre d’anticipation car on imagine que les villes vont continuer à se densifier à mesure que la population croît et continue à migrer vers les centres urbains. Ces images sont oppressantes mais fascinantes car notre œil regarde les détails jusqu’à s’y perdre. Les lignes de fuite sont même vertigineuses, comme sur la deuxième image. Je pense que l’artiste essaie de nous faire comprendre les limites d’une sur-urbanisation. La répétition d’immeubles massifs écrasent l’humain et l’uniformisation de cette architecture intensifie cette impression de déshumanisation. Ce type d’illustrations m’impressionne car elles demandent une dévotion totale, quitte à sacrifier tout le reste et rentrer dans une certaine solitude. Au final, l’oeuvre vient contrôler l’individu.

Mes billets sur Made in Tokyo ressemblent ces derniers temps à des mini-magazines avec divers sujets abordés en commençant par les photographies de Tokyo, suivi d’un peu de musique, un peu d’architecture ou un peu d’art. J’ai toujours en tête cette idée de fanzine et j’essaies en quelques sorte de m’en approcher un peu mais au format web. Sans me mettre de pression cependant, je ne pense pas continuer systématiquement cette diversité dans chaque billet.

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L’énorme pilier montré sur la deuxième photographie m’a toujours impressionné. Il supporte l’autoroute intra-muros surélevée sur deux étages au croisement de Shin-Ichinohachi près d’Azabu-jūban. Outre sa taille et son aspect massif, ce pilier surprend par son emplacement au beau milieu du carrefour. C’est comme si l’espace urbain était soudainement perforé par un tube digestif venant mourir les entrailles du monstre. Juste derrière l’infrastructure infernal de l’autoroute, se dresse tout en courbe au croisement le building Joule-A par l’architecte Edward Suzuki. Je ne résiste jamais à la contre-plongée quand je passe devant. La façade en métal perforé agit comme un écran protecteur, avec pour objectif de cacher la vue sur l’autoroute et en atténuer le bruit. Je ne suis pas certain que cette surface imagée en forme de nuages vienne vraiment diminuer les sons de l’autoroute depuis l’intérieur des bureaux du building, mais elle a au moins l’intérêt d’ajouter une petite touche poétique à ce carrefour balafré par cette jonction d’autoroutes. On trouve une autre petite touche poétique pas très loin de là sur le mur gris d’un building. Ce sont des dessins enfantins très colorés, certains ressemblent à des petits monstres. Comme je le mentionne sur ma page À propos, un des intérêts principaux de mes marches tokyoïtes est d’y découvrir des instants poétiques dans la confusion des styles qui occupent la ville. J’aime aussi la confusion des styles dans la musique que j’écoute, passant du post-punk de Ms.Machine sur le billet précédent à la pop électronique alternative ci-dessous. Mais il s’opère à chaque fois la même addiction sonore et je ne peux laisser échapper un certain sourire de satisfaction en écoutant ces sons qui ne laissent pas indifférents.

La musique pop électronique mélangeant des touches de hip-hop de 4s4ki (prononcé Asaki) m’accompagne depuis quelques jours, avec son premier album Omae no Dreamland (おまえのドリームランド). Je ne connaissais pas du tout cette artiste que je découvre donc au hasard des détours de Twitter. En fait, j’étais d’abord attiré par cette étrange composition photographique montrant 4s4ki portant à la main une crosse de hockey avec l’inscription ‘taboo’, entourée d’un cerf zébré et d’un Alien de verre, devant des vieux bâtiments commerciaux d’une autre époque. Ce décor un peu inquiétant de nuit, délabré et peu éclairé, ces personnages monstrueux ou fantaisistes et la tenue rayée de 4s4ki comme un chat du Cheshire (celui d’Alice in Wonderland) ou comme Kyary dans Fashion Monster me font penser à un monde d’Halloween. Cette composition me laisse penser qu’il se cache quelque chose d’un peu décalé dans cet univers musical. iTunes classifie d’ailleurs cet album dans le rayon des musiques alternatives, plutôt qu’électronique bien que ça soit la tendance principale. La musique de 4s4ki est très actuelle mélangeant multiples sonorités électroniques et voix autotunés souvent rappées. L’album est assez court, 32 minutes seulement, et le temps passe un peu trop vite tant on se sent bien à écouter ces morceaux. Il y a de nombreuses collaborations dans cet album, que ce soient pour la voix ou la production. Je ne connais pas la plupart de ces collaborations à part Snail’s House, sur le morceau Lover, dont j’avais beaucoup apprécié son album instrumental L’été il y a quelques années. Ces collaborations font que les styles varient entre chaque morceau tout en maintenant une bonne cohérence. J’aime beaucoup quand l’album part un peu dans l’experimental sonore quand 4s4ki s’associe avec Gu^2, sur deux morceaux プラトニック (Platonic) et サキオはドリームランド (Sakio is Dreamland). Les morceaux à deux voix, féminine et masculine, avec Maeshima Soshi sur Eyes ou Moniko par exemple fonctionnent particulièrement bien. Il y également un certain kawaisme de l’ensemble mais, tout comme l’autotune, il reste à mon avis bien maîtrisé. Le premier morceau おまえのドリームランド (Your Dreamland) reprenant le titre de l’album et étant le premier single sorti accroche très vite à l’esprit, comme la plupart des morceaux, mais en particulier NEXUS ou 風俗嬢のiPhone拾った (I picked up a prostitute’s iPhone). L’ensemble des morceaux est si fluide et maîtrisé qu’on a du mal à penser qu’il s’agisse de son premier album. J’aime beaucoup ce genre de découvertes inattendues, d’autant plus lorsqu’elles ne sont pas immédiatement dans mon lexique musical de prédilection. Ça me donne l’impression de m’ouvrir un peu plus vers d’autres styles.

Écouter la musique de 4s4ki me donne envie d’y associer les images de l’artiste Hiroyuki-Mitsume Takahashi que je suis depuis un petit moment sur Instagram. Le style des deux artistes ne se ressemble pas particulièrement, mais j’y ressens un même sens du détail, sonore d’un côté et graphique de l’autre, et une certaine sophistication. Les images très lumineuses de Mitsume sont extrêmement fouillées, grouillant de détails mélangeant la cybernétique et le grotesque dans un style ultra coloré du plus bel effet, c’est à dire sans saturation inutile des couleurs. Il représente souvent la même figure féminine avec des petites dents de vampires d’Halloween et les cheveux bicolores coupés au carré (comme l’artiste lui-même d’ailleurs). Les personnages qu’ils dessine ont souvent les entrailles ouvertes et des composants électroniques implantés sur le corps. L’univers est à la fois étrange et fascinant à regarder. On ne se lasse pas de parcourir les nombreuses images qu’il a créé, notamment une représentation de ꧁ ༒ Gℜiꪔ⃕es ༒꧂ qu’il a dessiné à deux reprises. Mitsume dessine également des vêtements recouverts complètement de ses personnages. C’est très difficile à porter à moins d’être une figure d’Harajuku.

future and the arts

Comme beaucoup de lieux de rassemblements, le Mori Art Museum est fermé pour deux semaines jusqu’au 13 mars pour raison de Coronavirus. Nous y sommes allés quelques jours avant cette fermeture temporaire, le lundi 24 Février qui était un jour férié. Il y avait assez peu de monde dans le musée par rapport à l’habitude bien que l’affluence dépend toujours de l’exposition en elle-même. L’exposition que nous sommes allés voir et qui se terminera le 29 Mars s’appelle Future and the Arts: AI, Robotics, Cities, Life. Elle a pour ambition de montrer ou du moins donner des pistes sur les modes de vie que l’humanité sera amené à suivre dans le futur. Le sujet de l’intelligence artificielle, très populaire en ce moment, y est bien entendu abordé, mais on nous parle également de biotechnologie et de réalité augmentée à travers des installations artistiques et des images ou vidéos essayant de nous décrire les modes de vie futur dans les 20 ou 30 ans qui vont venir. Fort à parier qu’on ne verra pas dans 30 ans la moitié de ce qui est montré dans l’exposition, mais l’exposition n’est pas non plus déconnectée des avancées récentes, comme l’utilisation de la robotique personnelle, et des préoccupations actuelles, notamment environnementales. L’exposition démarre en nous montrant des propositions originales d’organisations urbaines, où les villes se déplacent sur les océans ou s’intègrent complètement avec la végétation. On nous montre des exemples d’immeubles organiques (une vision de Paris en 2050 par Vincent Callebaut par exemple) et des structures construites sur imprimantes 3D se mélangeant avec des éléments de végétation. La septième photographie ci-dessus montre ce genre de bio-structure qui s’appelle tout simplement H.O.R.T.U.S. XL Astaxanthin.g par ecoLogicStudio. Ces grandes propositions urbaines nous rappellent les villes imaginées dans les années 1960 par les architectes et urbanistes japonais du groupe Métaboliste. L’exposition y fait d’ailleurs référence mais en évoquant la notion de Neo-Métabolisme, car ces nouvelles villes prennent en considération l’aspect environnemental et la coexistence avec le naturel, qui étaient absents du mouvement original.

Dans la section suivante, on aborde les changements possibles de notre style de vie intégrant la robotique et la réalité augmentée ou les innovations en terme de design, notamment vestimentaires. Il y a un stand où on peut tester un casque VR en conduisant une voiture du futur, mais cela reste assez peu convainquant et pas forcément à sa place dans une exposition d’art. On aborde ensuite les questions d’éthique liées à ces avancées technologiques, par exemple l’augmentation des capacités humaines par la biotechnologie. La place de l’humain sera également amené à évoluer dans un environnement qui se robotisera de plus en plus. L’exposition devient à mon avis un peu désorientante à partir de ces dernières sections et j’ai eu un peu de mal à maintenir le fils car certains concepts sont abstraits et l’exposition peine un peu, je trouve, à les expliquer clairement. On se trouve parfois à regarder une installation sans vraiment comprendre ce qu’elle veut démontrer. C’est le cas par exemple d’une installation appelée Architecture of Moods de François Roche, que j’aurais aimé mieux comprendre. Un peu plus loin dans les salles du musée, je suis amusé de revoir les personnages mi-hommes mi-animaux conçus de manière très réaliste par l’artiste australienne Patricia Piccinini. Nous avions vu une exposition de ses œuvres au musée d’art contemporain Hara près Shinagawa en 2004. Ces représentations imaginaires de ce que pourraient être les affres des manipulations génétiques sont à la fois effrayantes et touchantes. On nous montre ici un seul mannequin mi-femme mi-singe, intitulé Kindred, tellement réaliste qu’on arrive pratiquement à ressentir ses émotions.

Une petite salle fermée par un rideau de plastique noir attire ensuite mon attention car on y joue une musique alternative pop qui m’est un peu familière. La pièce sombre montre une boîte étanche médicale de verre dans laquelle sont disposés des tubes à essais. Je ne reconnais pas tout de suite cette voix chantant à répétition 止めて止めて進化を止めて (Arrêtez Arrêtez Arrêtez l’évolution), semblant prôner la décroissance. Il s’agit de la voix d’Etsuko Yakushimaru, dont j’ai déjà parlé quelques fois ici. L’approche de cette installation musicale intitulée わたしは人類 (Je suis l’humanité) est plus intéressante qu’elle n’en a l’air. Ce projet réfléchit au concept de musique post-humaine, au méthode d’enregistrement et de transmission de la musique à travers les décennies qui viennent. La musique est actuellement enregistrée et transmissible à travers différents supports comme les formats vinyls, digitaux sur CD ou format MP3, mais qu’en sera t’il dans des dizaines ou centaines d’années? Ces formats auront grandement évolué ou auront même disparu. La musique dont on disposait sur CD ou lecteur MP3 ne sera certainement plus écoutable sur ces supports. Cette réflexion amène Etsuko Yakushimaru à imaginer une transmission de la musique par les gènes. Elle utilise pour cela une séquence nucléique de cyanobactéries. L’information musicale est convertie en code génétique utilisée pour créer une séquence ADN artificielle incorporée dans les chromosomes d’un microorganisme. Par cette méthode, pas forcément aisé à comprendre, le microorganisme génétiquement modifié contient dans son ADN une partition musicale. Comme cet organisme se réplique lui-même continuellement, il maintiendra son existence même si l’humanité venait à disparaître, en attendant qu’une nouvelle espèce post-humaine parvienne à décoder son code musical. Tout ceci est bien entendu très utopique, mais la question initiale de faire perdurer la musique au delà des supports actuels qui seront forcément amenés à disparaître avec les années, est très intéressante et la solution imaginée est plus qu’étonnante. De retour à la maison, je m’empresserais d’acheter ce morceau I’m humanity sur iTunes.


L’exposition se termine par un bloc monolithique de 5 mètres de haut sur lequel se déroulent des images ultra-rapides sur des sons sourds post-industriels. On reste comme hypnotisé devant ces images qui défilent. J’imagine ces images défilantes comme une immense base de données enregistrant la vie humaine. Cette œuvre intitulée DATAMONOLITH par Ouchhh est vraiment impressionnante et termine excellemment l’exposition, que j’ai pourtant trouvé inégale dans son ensemble.

TOKYO par NAKANO

Le photographe Masataka Nakano expose en ce moment au Musée de la photographie de Tokyo, à Yebisu Garden Place. Je connais très bien deux de ses séries, certainement les plus connues, Tokyo Nobody et Tokyo Windows car j’ai les photobooks à la maison. Mari me les avait offert pour mes trente ans et je les ai souvent feuilleté. Je dirais même que les photographies de Nakano m’inspirent toujours beaucoup maintenant, dans le sens où mes photographies amateurs cherchent parfois à fuir la présence humaine, sans pour autant aller dans les extrêmes de la série Tokyo Nobody. Les photographies de Masataka Nakano se concentrent plus sur les constructions humaines que sur la présence de leurs créateurs, et cette approche m’est assez familière.

Dans les pièces de la galerie, les photographies sont imprimées en très grands formats et couvrent Tokyo pendant une période de 30 à 40 ans. C’est très intéressant de constater les changements urbanistiques de la ville, comme ceux que l’on peut voir actuellement à Shibuya. Même si ce n’est pas si vieux que ça, je revois l’ancienne gare de Shibuya en photo avec une certaine nostalgie. Nakano nous dit la chose suivante au sujet de cette ville en éternel changement: « I cannot quite decide, to be honest, whether to take a positive or negative stance toward the transformation which Tokyo is currently undergoing. I have always shot my images of Tokyo from a contradictory perspective with love and hate in equal measures. The idealized vision of a city I have in mind is of a space where retro buildings, with the cachet they offer, coexist with cutting-edge structures in a nice balance – and yet, Tokyo has already demolished things of great importance irreversibly. » J’ai les mêmes sentiments contradictoires entre amour et haine en prenant mes photographies des rues de Tokyo, sentiments qui sont, je pense, dû à la nature hétéroclite de l’espace urbain. J’aime tout autant photographier les anciens bâtiments que les nouvelles structures. Le paradoxe est que le fait que Tokyo soit toujours en évolution rend cette ville continuellement intéressante à photographier, mais on regrette en même temps de voir disparaître des quartiers tout entier au prétexte de la modernité (et des obligations de mettre aux normes antisismiques adéquates). À Tokyo, la photographie joue le rôle de mémoire de la ville. Je suis moi-même assez conscient de cela lorsque je prends mes photographies de Tokyo, car je sais qu’un grand nombre de bâtiments ne subsisteront pas éternellement.

La série Tokyo Nobody est toujours impressionnante à regarder, notamment en grand format. Voir des lieux qui grouillent normalement de monde, comme Ginza ou Shibuya, soudainement totalement vide de monde surprend. On imagine que la ville a été soudainement désertée. Mais on comprend aussi que les photographies on été prises très tôt le matin et certainement pendant des jours fériés. On devine cela sur certaines photographies où les drapeaux japonais sont sortis dans les rues, ce qui symbolisent une fête nationale. Nakano explique d’ailleurs que l’idée lui est venue de montrer Tokyo vide de gens alors qu’il était resté seul dans Tokyo au moment des congés du premier de l’An, alors que tous ses amis étaient retournés dans leurs villages natals. C’est moins vrai ces dernières années, mais l’activité commerciale est quasi nulle pendant les tous premiers jours de l’année, les magasins étant fermés et les gens restant chez eux au chaud. J’ai quand même une attirance pour la série Tokyo Windows qui montre des vues sur Tokyo à partir de fenêtres d’appartements, de salles de bureau, entre autres. Les vues sont parfois impressionnantes comme celle depuis une chambre montrant la goutte d’or de Philippe Starck sur l’immeuble Asahi Beer Hall à Asakusa. Comme les photographies de Nakano montrent volontairement une partie d’espace intime près des fenêtres, on se met en situation. On s’imagine vivre dans cet espace, dans cette chambre, et profiter en silence de la ville avec cette vue qui nous coupe le souffle. Ces photographies me donnent la même impression que lorsque je visite un château médiéval et que je m’imagine y vivre pendant quelques instants.

Masataka Nakano montre bien sûr d’autres séries dans cette exposition, notamment une sur la tour de Tokyo. Il nous dit d’ailleurs à propos de cette tour: “The tokyo Tower stands as what I would consider to be the symbol of Tokyo even now with the construction of the Tokyo Skytree. […] To me, a symbol is something that is somehow soothing and gives me a curious sense of relief when it comes into view, regardless of my emotional state or physical location.” C’est intéressant de remarquer que la nouvelle grande tour SkyTree n’a pas remplacé la vieille tour de Tokyo dans le coeur des gens. Nakano nous dit qu’il se sent rassuré lorsqu’il aperçoit la tour de Tokyo dans le paysage urbain, de la même manière que la plupart des japonais s’exclame en apercevant au loin le Mont Fuji lorsqu’il décide de sortir des nuages. Je comprends cet enthousiasme car il m’a également gagné, mais il s’agit de l’exact même sentiment que lorsqu’on aperçoit la tour Eiffel à Paris. Les photographies de Masataka Nakano montrent aussi le Tokyo métaboliste, en particulier les zones urbaines de Ariake et Odaiba, construites sur des espaces initialement déserts gagnés sur la mer et sur lesquels l’architecture a poussé subitement jusqu’à la fin de la bulle économique. Les photographies nous montrent ces espaces en construction. Ils semblent parfois irréels comme sur les photographies montrant la nouvelle ligne Yurikamome avec ces stations aux formes futuristes desservant des zones qui sont encore vide. La série Tokyo Float visite les canaux de Tokyo, ceux recouverts par l’autoroute intra-muros et qu’on pourrait presqu’oublier tant ils sont dissimulés derrière les murs de béton et l’infrastructure autoroutière. A travers l’oeil du photographe, on redécouvre ces espaces oubliés. Il y a une autre série un peu différente au fond des salles d’exposition intitulée Tokyo Snaps. Elle est différente car les photographies se concentrent sur la foule, la présence humaine en mouvement. Cette dernière série m’intéresse un peu moins. Pour les photographies capturant l’activité humaine, je préfère celles de Daido Moriyama. Je repasse alors voir les séries que je préfère, car on ne s’en lasse pas. Je vois une jeune femme assise sur une des deux banquettes de la salle et elle regarde d’un air rêveur les murs de photographies devant elle. Je l’envie car j’aimerais bien aussi prendre un peu de temps pour rêver assis sur ces banquettes, mais le temps m’est déjà compté. 二時間だけのバカンスでした。

L’exposition retrospective des photographies de Masataka Nakano se déroule jusqu’au 26 janvier 2020 au Tokyo Photography Art Museum de Yebisu Garden Place. Les photographies sont autorisées à l’intérieur de la galerie.

Daikan 1

Je ne vois pas beaucoup d’intérêt dans Instagram sauf quand il me fait découvrir des nouveaux lieux, des nouvelles architectures intéressantes à Tokyo ou des expositions à aller explorer. Après une exposition à Hong Kong et Melbourne, l’artiste Shohei Ōtomo annonce sur Instagram une exposition soudaine au Tsutaya T-site de Daikanyama. Je me précipite donc le lendemain, un samedi matin, pour aller voir de mes propres yeux ses illustrations à l’encre, notamment Heisei Mary, dont il nous montrait dernièrement les étapes de création sur son compte Instagram. Les posters de l’oeuvre étaient malheureusement déjà en rupture de stock, mais je ne pense pas que Mari m’aurait de toute façon autorisé à l’afficher dans le salon ou au dessus de l’ordinateur. Cette figure féminine est intéressante car elle est tatouée de divers dessins représentant des images de la culture populaire japonaise et américaine. On reconnaît les personnages de Street Fighter, Dragon Ball, Death Note, Godzilla, Sailor Moon, Evangelion ou encore Kitty Chan et Pokémon du côté japonais. Du côté américain, Dark Vador se dresse à côté du Joker, de personnages de Matrix, de Harry Potter et du Pirate des Caraïbes, à côté des tours du World Trade Center en feu. Les ambiances sont mélangées car la reine des neiges côtoie la princesse Peach de l’univers Nintendo, Nausicaa de Hayao Miyazaki et les petites fleurs colorées de Takashi Murakami. Une colombe blanche, signe de paix au milieu de ces cohabitations improbables, surplombe une explosion nucléaire semblable à celle que l’on voit dans Akira de Katsuhiro Ōtomo, le père de Shohei. Il y a beaucoup de talent dans cette famille. L’exposition est malheureusement assez limitée car on ne peut y voir que quelques œuvres, notamment les figures détournées de policiers et le spectre dont je parlais déjà dans un billet précédent. J’aurais aimé en voir plus et pouvoir acheter un art book de ses œuvres, mais il n’existe pas encore. Shohei Ōtomo reste pour moi un artiste à suivre de près.

Je reprends ensuite la route dans les rues de Daikanyama en gardant un œil sur l’occupation végétale au sol et l’occupation graphique sur les murs. Cette fois-ci, deux stickers m’intriguent sur un poteau électrique, notamment un étrange casque de couleur rose inspiré de Neon Genesis Evangelion. Un lien mentionné sur le sticker pointe vers le compte Instagram d’un artiste tatoueur taïwanais appelé Che-Wei. Alors que Shohei Ōtomo dessine des tatouages de personnages du monde de l’animation sur le corps imaginaire de Heisei Mary, Che-Wei tatoue des personnages assez similaires dérivés du manga sur des personnes réelles et nous montre les résultats sur son compte Instagram. Les couleurs sont très vives et le rendu de certains tatouages est assez impressionnant. Je suis très loin d’être spécialiste ou d’avoir un quelconque intérêt pour le tatouage, mais ceux-ci m’ont l’air d’être très évolués. Après je me pose quand même toujours la question des regrets éventuels, à posteriori, d’avoir gravé un pikachu sur le bras pour toute la vie, même si celui-ci est extrêmement bien exécuté.

Je n’avais vu jusqu’à maintenant qu’un seul film de Shinya Tsukamoto, Tokyo Fist. Le film était sorti en 1995 mais je ne l’ai vu que bien après, il y a 16 ans en DVD. Ce film m’avait laissé une forte impression, mais ce n’était pour sûr pas un film facile d’approche. Je me décide maintenant à regarder un autre film de Tsukamoto, grâce aux hasards des recherches Netflix. J’étais assez surpris d’y trouver un des ses premiers films, Tetsuo: The iron man (鉄男), sorti en 1989. Tetsuo est un film à part qui ne ressemble à aucun autre, singulier et décalé. Le film en noir et blanc nous raconte l’histoire d’un salary man qui voit soudainement grandir en lui des morceaux de métal. La raison reste inexpliquée et le scénario n’est pas d’une compréhension immédiate, mais on comprend tout de même une relation psychique avec un autre homme, fétichiste du métal (si on veut bien imaginer ce que ça peut bien vouloir dire) qui le poursuit inlassablement, au fur et à mesure que le salary man développe sa transformation progressive et irrémédiable en homme-machine. Le film est conceptuel et expérimental, et n’est clairement pas adressé à un large public. L’ambiance s’apparente aux films de style cyberpunk, mais sans les effets spéciaux numériques actuels, car tous les effets spéciaux sont mis en images de manière artisanale. La manière de filmer les scènes rapides dans les rues de banlieue tokyoïte en une succession d’images coupées et séquencées, ajoutent à l’étrangeté générale de cet objet cinématographique. Le film n’est pas facile, il faut accepter une violence certaine des images, mais je suis resté scotché à l’écran pendant les 67 minutes du film. Je pense que, comme pour Tokyo Fist, Tsukamoto traite dans Tetsuo le sujet de l’aliénation humaine face à la sur-urbanisation. En pensant au titre du film, je ne peux m’empêcher de repenser au Tetsuo du manga Akira de Ōtomo sorti quelques années auparavant en 1982. De la même manière, les personnages perdent leur forme humaine et se transforment en monstre d’une manière grotesque. La différence est que le Tetsuo de Akira prenait des formes organiques tandis que le salary man du film Tetsuo voit des pièces métalliques sortir de son corps. Quoiqu’on en pense, le film ne laisse pas indifférent et je dirais même qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre, à la fois inquiétant, effrayant et choquant, mais complètement passionnant à regarder.

Je continue avec un autre film difficile (décidément), mais dans un tout autre style que Tetsuo même s’il y a un point commun, la présence de Shinya Tsukamoto mais en tant qu’acteur. En fait, je voulais voir un film de Takashi Miike et je me suis mis à chercher ce qui était disponible sur Netflix. Je tombe sur Ichi The Killer (殺し屋1) sorti en 2001. Il s’agit d’un film de yakuza ultra-violent, et même parfois difficile à regarder mais pas de la même manière que The Forest of Love de Sion Sono, dont je parlais auparavant, car la violence ici n’est pas psychologique mais visuelle. Takashi Miike sait s’arrêter avant que la scène devienne insoutenable. Le personnage principal est un chef de gang appelé Kakihara du clan Anjo, excellemment joué par Tadanobu Asano, à la recherche de son patron qui a mystérieusement et soudainement disparu avec la caisse. On soupçonne d’abord un kidnapping par le clan rival, mais il s’avère qu’un mystérieux tueur appelé Ichi est derrière tout cela. On découvre assez vite que Ichi est un être faible psychologiquement, manipulé par un homme de l’ombre aux apparences inoffensives pour éliminer les membres des syndicats du crime en les montant les uns contre les autres. Le film s’en sort grâce à son humour pince-sans-rire, surtout celui de Kakihara, personnage sadomasochiste aux tenues exubérantes, aux cheveux teints en blond et au visage balafré. Le film ‘pince’ fort tout de même, jusqu’à la torture parfois. L’acteur fétiche de Kitano, Susumu Terajima, jouant le yakuza Suzuki doit en savoir quelque chose. Là encore, le film n’est pas pour les âmes sensibles et était même controversé à sa sortie pour ses scènes de violence souvent grotesques. Mais le scénario est habile et le jeu des acteurs très bons, dans l’excès et l’irréalisme par moment car rappelons que le film est tiré d’un manga (de Hideo Yamamoto). Je ne suis pas particulièrement amateur de films violents, mais j’aime les films de genre qui ne laissent pas indifférent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce film montrant des yakuza avec toutes leurs attitudes excessives, ne laisse pas indifférent. En regardant le film, je me suis même dit que c’est le genre de films qui doit plaire à Quentin Tarantino. Les scènes du film se passent dans leur totalité dans le quartier chaud de Kabukichō et derrière Nishi Shinjuku, car on aperçoit souvent le bâtiment de la mairie au loin. Nishi Shinjuku me rappelle le roman déjanté de Ryu Murakami, Les Bébés de la Consigne Automatique. Takashi Miike a d’ailleurs déjà réalisé un film d’après un roman de Ryu Murakami, Audition. Je lis dans une interview de Miike sur le site consacré au cinéma japonais Midnight Eye qu’un projet pour adapter Les Bébés de la Consigne Automatique avait été lancé mais abandonné faute de financement. Peut-être que ce projet pourrait prendre un jour vie grâce à Netflix, quand on voit comment cette plateforme devient un dernier recours pour développer certains films pour lesquels les producteurs classiques restent frileux (l’excellent Irishman de Martin Scorsese par exemple). Midnight Eye est un site de référence sur le cinéma japonais mais est malheureusement devenu inactif, même si on peut toujours consulter les archives. On y trouve de nombreuses critiques de films et des interviews. Les critiques couvrent d’ailleurs beaucoup de films non conventionnels, dont ceux de Takashi Miike, mais Ichi The Killer n’y est bizarrement pas revu. Ce film me donne d’ailleurs envie de revoir les films de Hong Kong de John Woo, ceux avant sa carrière américaine comme The Killer et Hard Boiled avec son acteur fétiche Chow-Yun Fat ou encore Bullet in The Head avec Tony Leung. Et quand je pense à Tony Leung, me revient l’envie de revoir Chungking Express de Wong Kar-Wai, puis Fallen Angels du même réalisateur. Il faut que je me refasse un cycle sur le cinéma de Hong Kong des années 90.

Mais pour l’instant et pour changer de style en allégeant un peu l’ambiance, je regarde le film River’s Edge (リバーズ・エッジ) d’un réalisateur originaire de Kumamoto que je ne connaissais pas, Isao Yukisada. Le film, également disponible sur Netflix, est également basé sur un manga du même nom de Kyoko Okazaki. Je ne connaissais pas non plus les deux acteurs principaux à savoir Fumi Nikaidō jouant le rôle de Haruna Wakakusa et Ryō Yoshizawa dans le rôle de Ichiro Yamada. Ils sont tous les deux lycéens dans une banlieue quelconque près d’une rivière, dans la deuxième moitié des années 90, cette période où on n’avait pas encore de téléphone portable et de smartphone. J’ai d’ailleurs tendance à penser que les films sont plus intéressants sans smartphone, car ces objets ont souvent le pouvoir de simplifier les intrigues, en supprimant la possibilité du hasard et les situations de personnages seuls livrés à eux même. L’histoire de River’s Edge est en fait assez noire et certaines scènes sont assez crues. Les personnages sont des lycéens un peu paumés, à la recherche de repères dans leur vie. On ne peut pas dire que le film se base sur une histoire forte ou un scénario compliqué. L’interêt du film tient plus dans le jeu des acteurs et actrices, essayant de faire la part des choses entre amour et amitié. Les rapports entre les personnages sont d’ailleurs volontairement ambigus. On ressent l’amour non déclaré, qui n’est peut être qu’un très fort lien d’amitié, entre Wakakusa et Yamada, mais on apprend très vite que c’est une situation compliquée car Yamada est homosexuel et qu’il subit les harcèlements répétés et les coups d’une bande de garçons menés par le copain de Wakakusa, un grand garçon assez beau gosse aux cheveux longs appelé Kannonzaki. A ce trio, vient s’ajouter une autre lycéenne appelée Kozue Yoshizawa, modèle aux cheveux courts, poussée par ses parents dans cette voie mais qui ne croit pas en elle. Les liens qui relient Yoshizawa à Wakakusa jouent aussi beaucoup sur l’ambiguïté. Les histoires personnelles de ces lycéens et lycéennes se relient au bord de la rivière autour d’un secret macabre, mais je n’en dirais pas plus. Le film est interrompu par des interviews des personnages dans le film, comme s’il s’agissait d’interrogatoires menés par un conseiller psychologique. Ces scènes restent indépendantes du reste de l’histoire et on se demande quelle est la finalité de cet aparté. Au final, le film fonctionne grace à ses personnages et on finit par s’accrocher à cette histoire dont on ne sait pas trop où elle nous mène.