vers l’Izumo Taisha d’Ibaraki

A première vue, on regardant les quelques photographies de ce billet, on pourrait se croire soudainement téléporté jusqu’à la préfecture de Shimane devant le grand sanctuaire Izumo Taisha. Nous n’avons malheureusement pas encore voyagé jusqu’à Shimane et le sanctuaire Izumo Taisha que je montre sur ce billet est en fait une branche installée à Hitachi dans la préfecture d’Ibaraki du grand Izumo Taisha de Shimane (常陸国出雲大社). L’immense corde sacrée torsadée Shimenawa nous rappelle immédiatement celle du sanctuaire original à Shimane, bien que j’aurais du mal à comparer les tailles. Cette branche d’Hitachi est récente. Elle date de 1992. Elle est installée sur une colline en pleine campagne. Après avoir découvert un Nikko Tōshōgu d’Ibaraki il y a plusieurs semaines, voici qu’on y trouve un Izumo Taisha. Cette préfecture d’Ibaraki est décidément pleine du surprise. Juste à côté du sanctuaire, se trouve une galerie d’art. Le plafond du hall de la galerie, nommé Sanki (山鬼ホール), est orné d’un immense serpent créé par l’artiste Tomiyuki Kaneko (金子富之). Cette grande œuvre de 460 sur 640 cm surplombe la totalité du hall, ce qui nous donne l’impression que le serpent observe nos moindres mouvements. Ce grand serpent enroulé a été créé en 2020 mélangeant encre japonaise, aquarelle transparente, acrylique, eau sacrée et peinture dorée sur du papier japonais. Il s’agit d’un Serpent cosmique (宇宙蛇), prenant comme image la Voie lactée que l’on pourrait interprétée comme le corps immense d’un serpent céleste. L’exposition du moment, se déroulant jusqu’au 31 juillet 2025, montre quelques œuvres de l’artiste Junichi Mori (森淳一) faisant partie de la collection du sanctuaire Izumo d’Hitachi. Au centre de la pièce, une étrange sculpture en bois à trois visages nous donne une vision d’effroi. Sa conception suggère une antiquité sacrée mais cette œuvre nommée Trinity date de 2011. La dernière photographie du billet montre une autre sculpture en bois inquiétante de l’artiste de sa série appelée Sally datant de 2014.

Une des raisons pour lesquelles je voulais venir jusqu’à cette branche de Hitachi du sanctuaire Izumo Taisha était de voir le Serpent Cosmique de Tomiyuki Kaneko. Je connais cet artiste depuis plusieurs années, l’ayant découvert en 2016 lors de l’exposition DOMANI qui se déroulait au National Art Center Tokyo (NACT) à Nogizaka. Ses représentations de dieux japonais et asiatiques et les formes de monstres qu’il crée m’avaient laissé une très forte impression. J’avais acheté, à la grande librairie Maruzen de Marunouchi, un livre intitulé In praise of Embodying the Illusions (幻成礼讚) qui regroupe une grande partie de ses œuvres. Je n’en avais bizarrement pas encore parlé sur ce blog. J’ai trouvé dans le sanctuaire mon quatrième carnet Goshuinchō, car celui que j’utilise actuellement se termine bientôt. Ce nouveau carnet utilise deux œuvres de Tomiyuki Kaneko, les tigres Red Tiger (赤虎) et Barong Macan (バロン・マチャン). Tomiyuki Kaneko, tout comme Junichi Mori d’ailleurs, est représenté par la galerie Mizuma Art que j’aime beaucoup.

vers le Tōshōgū d’Ibaraki

Le jour suivant notre visite du Ichihara Lakeside Museum à Chiba, nous reprenons la route pour la préfecture limitrophe d’Ibaraki. Comme je l’ai déjà dit quelques fois, cette préfecture est la moins touristique du Japon mais il y a pourtant tant de lieux intéressants à visiter. Cette fois-ci nous partons vers le sanctuaire Ōsugi (大杉神社), situé à Inashiki, en faisant une halte déjeuner à la station routière Shōnan (道の駅しょうなん てんと) qu’on connaissait déjà. La route est un peu longue jusqu’au sanctuaire d’Ōsugi. Depuis la station routière de Shōnan, le système de navigation routière nous conseille une route longeant le long et large fleuve Tone. J’hésite d’abord une première fois car cette route au plus près du fleuve semble étroite, mais on finit par y entrer, la navigation insistant que cette route est la plus rapide pour notre destination. C’est une route locale bordée d’herbes folles au pied du talus de la rivière. On peut y passer à deux voitures mais il faut ralentir et s’écarter au maximum à chaque rencontre. On reconnaît les habitués qui ont replié en permanence leurs rétroviseurs. J’ai beaucoup apprécié ce trajet naturel qui nous a mené pratiquement jusqu’à notre destination. Le sanctuaire Ōsugi est situé dans un regroupement d’habitations ressemblant à un village, loin des grands axes routiers. On s’interroge sur la présence d’un sanctuaire aussi riche à cet endroit. Le sanctuaire shintoïste Ōsugi a été fondé en 767 et est le sanctuaire principal d’environ 670 autres sanctuaires Ōsugi répartis dans les régions du Kantō et de Tōhoku. Une des particularités de ce sanctuaire est d’être richement décorés de sculptures détaillées et arborer des couleurs vives, ce qui lui vaut le surnom de Nikkō Tōshō-gū d’Ibaraki. On est quand même assez loin de la grandeur du Tōshōgu de Nikkō, mais le hall principal ainsi que la grande porte impressionnent en tout cas le visiteur. J’aime particulièrement les décorations de la grande porte torii placée à une des entrées du sanctuaire.

prier pour les patates douces

Après notre visite du parc Hitachi Seaside, nous nous sommes rapprochés de l’Océan Pacifique jusqu’à la plage d’Ajigaura. En remontant ensuite sur quelques dizaines de mètres, nous arrivons aux sanctuaires Horide (堀出神社) et Hoshiimo (ほしいも神社) qui étaient notre destination, avant de retourner vers Tokyo. Depuis les hauteurs de ces deux sanctuaires, nous avons une assez belle vue sur l’océan. L’origine du sanctuaire Horide remonte à l’an 1663, tandis que le sanctuaire Hoshiimo, établi juste à côté et faisant partie du même domaine, est beaucoup plus récent car datant de 2019. La patate douce hoshiimo (干し芋) est séchée. La préfecture d’Ibaraki est la plus grande productrice de cette patate douce au Japon, et Hitachinaka où se trouve le sanctuaire est la région qui en prospère le plus. Ceci explique donc l’implantation de ce sanctuaire assez inattendu. La particularité du sanctuaire Hoshiimo est la présence d’une série de portes Torii dorées et c’est ce qui nous a intrigué et attiré jusqu’ici. Ce n’est cependant pas le seul sanctuaire à avoir des portes Torii jaunes ou dorées, mais cette couleur se justifie ici car la patate douce hoshiimo a cette même couleur. On peut traverser les deux rangées de Torii dorés menant jusqu’à un petit autel, où on peut bien sûr prier pour une production abondante de patates douces séchées, bien que personnellement je n’en raffole pas. Cet alignement de portes dorées vaut en tout cas un petit détour, surtout quand la lumière du soir vient les faire briller. Elles ont été conçues par un designer réputé, Taku Satoh (佐藤卓), qui a dessiné de très nombreux produits pour divers marques. Dans l’enceinte du sanctuaire, on trouvera bien sûr un distributeur automatique de hoshiimo, et une très longue série de photos prises lors de passages de personnalités télévisées tapissant les murs intérieurs d’une petite salle de repos. La présence d’un gros scooter doré et d’un jet-ski marqués du nom du sanctuaire laisse quand même interrogateur. Ce petit passage dans les domaines divins de la patate douce a tout de même était pour moi l’occasion de goûter à des barres de hoshiimo recouvertes en partie de chocolat noir, et j’ai tout de suite été convaincu.

les nemophila du parc Hitachi Seaside

Nous avons fait le déplacement pour aller voir les fleurs bleues nemophila du grand parc Hitachi Seaside (国営ひたち海浜公園), situé en bord de mer à Hitachinaka dans la préfecture d’Ibaraki. Il nous a fallu environ 1h40 en voiture pour y arriver sans trop d’embouteillages à part à l’entrée du parking du parc. Nous savions qu’il y aurait foule car l’endroit est réputé et les fleurs sont au pic de leur floraison. Nous sommes arrivés au parc un peu tard vers 15:00, ce qui n’était pas une mauvaise idée car certains visiteurs commençaient à rentrer tranquillement. J’aime de toute façon aller dans ces parcs fleuris en fin de journée pour les lumières basses venant éclairer les fleurs. Je garde en tête un excellent souvenir d’une série récente de photographies au Showa Memorial Park (昭和記念公園). Le problème est que les parcs japonais payants comme celui-ci ferment leurs portes à 17:00, et le temps nous est donc limité. La plupart des visiteurs se dirigent bien sûr vers la grande colline au nemophila. On dit que les fleurs bleues nemophila se comptent au nombre de 5.3 millions, mais je n’ai pas vérifié. Son nom entier est Nemophila menziesii, également appelé baby blue eyes, et il s’agit d’une fleur originaire d’Amérique du Nord. Pas facile de faire abstraction de la foule qui nous entoure et de trouver un angle photographique évitant les groupes de personnes. Je me suis en fait amusé à essayer d’isoler certains groupes pour les faire contraster avec l’uniformité visuelle des champs de fleurs bleues. L’espace vallonné couvert de fleurs est immense mais j’avais la fausse idée qu’il était encore plus étendu. Ça doit être la magie des photos sur Instagram qui nous fait croire qu’on sera les seuls présents dans un vaste espace. Certaines personnes se sont préparées pour leur visite en venant en costume pour des sessions de cosplay. Beaucoup ont eu l’idée de venir habillés d’une chemise ou d’un chemisier bleu clair pour se fondre dans le paysage. La manière par laquelle cette colline bleutée vient se fondre dans le bleu du ciel est quand même impressionnante. Dans quelques mois, on pourra voir sur ces mêmes collines un autre type de fleurs, les kochia qui sont également très populaires lorsqu’elles prennent une couleur rouge écarlate au mois d’Octobre. Le parc contient également un grand espace couvert d’environ 260,000 tulipes que nous avons également parcouru sous la lumière couchante, juste avant la fermeture du parc. Il nous aurait-il fallu une heure de plus pour parcourir d’autres parties du parc. Nous ne rentrons pas tout de suite et faisons un petit détour près de l’océan pacifique.

le paon du temple Amabiki Kannon

Dès que l’occasion se présente, nous essayons de sortir de Tokyo pour profiter des montagnes et de la nature revivifiante à une ou deux heures du centre ville. La destination de ce dimanche est le temple Rakuhōji sur la montagne Amabiki (雨引山楽法寺) qui se fait aussi appeler Amabiki Kannon (雨引観音). Cette montagne est située près de la petite ville de Sakuragawa (桜川市) dans la préfecture d’Ibaraki. D’après son appellation, cette montagne appellerait la pluie mais nous avons heureusement été épargnés lors de notre passage. Au tout début du mois de Juillet, les nombreuses hortensias (アジサイ) présentes sur le domaine du temple sont en fleurs, et se déroule même un festival les célébrant. Nous n’étions pas les seuls à avoir fait le déplacement pour venir les voir et la montée par l’étroite route de montagne jusqu’au temple Amabiki Kannon nous a pris une bonne demi-heure d’embouteillages en voiture. Une fois sur place, la foule se disperse heureusement car le domaine du temple en haut de la montagne est assez vaste. Après la première porte, on peut accéder à des allées zigzaguant entre les hortensias. Certaines parties du domaine sont entourées d’un enclos fait d’un petit grillage et d’une porte qu’on nous demande de bien refermer après nous. A l’intérieur de l’enclos, vivent quelques chèvres qui n’ont pas l’air d’être très perturbées par les visiteurs. Je voulais personnellement surtout voir les paons, car je n’en ai pas vu depuis très longtemps (et pour une autre raison qui n’échappera pas aux visiteurs de ce blog). Nous avons assez vite trouvé le paon mâle qui se promenait dans les allées du temple escorté par une armée de photographes qui nous avons aussitôt rejoins. Il n’a malheureusement pas fait la roue malgré nos supplications insistantes. La femelle paon se trouvait un peu loin et attirait tout autant l’attention. Une des particularités du temple pendant le festival est la disposition d’un tapis de fleurs d’hortensias sur un bassin au pied des halls du temple. Cette disposition étonnante attire bien entendu la foule, d’autant plus que des canards blancs ont la bonne idée de venir se reposer dessus ce tapis de fleurs.

Après avoir admiré la vue sur les plaines du Kanto devant nous, nous reprenons la route pour la station routière la plus proche, celle de Mashiko (道の駅 ましこ) qui se trouve dans la préfecture limitrophe de Tochigi. C’est quasiment devenu pour nous une routine de passer par une station routière pour manger ou acheter des légumes, fruits ou plantes locaux avant de reprendre la route vers Tokyo. Les stations routières se sont beaucoup développées ces dernières années, souvent installées en plein milieu de champs mais souvent proches des sorties d’autoroutes. Celles récentes ont assez souvent des architectures intéressantes, comme celle de Mashiko par Mount Fuji Architects Studio (マウントフジアーキテクツスタジオ). La structure des toits de la station routière vient imiter les montagnes environnantes, comme un symbole des lieux. L’intérieur reste un large espace ouvert délimité par d’immenses baies vitrées donnant une vue sur les rizières. Les formes de cette toiture me rappellent un peu la station routière Shōnan (道の駅しょうなん) par le studio NASCA, à Kashiwa (Chiba), mais la conception est en fait assez différente. Du studio Mount Fuji Architects, j’avais déjà découvert quelques unes de leurs créations comme le superbe toit incliné du Rooflag (ルーフラッグ) à Shinonome, le temple moderne Sengyō-ji (仙行寺) et hôtel Siro aux escaliers étranges à Ikebukuro, les maisons individuelles Sakura et M3/KG à Meguro.