アメ横の横の猫

Je continue à marcher tranquillement dans les rues d’Ueno, en particulier à Ameyoko à la recherche d’un magasin de disques comme je le mentionnais dans le billet précédent. Je trouve bien un petit magasin nommé Rythm situé sous les voies de trains. Il a l’air d’être là depuis très longtemps et d’être spécialisé dans le style Enka (演歌), mais sa taille ne semble pas correspondre à un endroit où Sheena Ringo aurait pu y faire un petit boulot. Alors que je m’enfonce dans une allée couverte passant sous les voies, je trouve un magasin vendant des fausses armes à feu. Il est extrêmement désordonné au point où on se demande s’il opère bien. Je crois que le propriétaire ou un vendeur du magasin se trouve assis au fond. J’imagine qu’il doit avoir une idée très précise d’où se trouve chaque objet et que cet apparent bazar n’est en fait qu’une méthode de rangement comme une autre. En passant devant, je me demande si c’est ici que la fameuse photo où Sheena pose hilare avec un pistolet posé sur la tempe a été prise. Si c’est bien le cas, le magasin devait être beaucoup mieux ordonné il y a 22 ans. Le chat (猫) mentionné dans le titre du billet est celui de la dernière photographie. Il s’agit d’une statuette posée dans une vitrine. Cette vitrine ne montre apparemment que des chats car la dernière fois que je suis passé devant, la statuette de chat était différente. Nous sommes à quelques pas de la pâtisserie japonaise Usagiya dont on adore les dorayaki, très certainement les meilleurs de Tokyo (je ne les ai bien sûr pas tous testé).


J’ai beaucoup moins regardé le festival Fuji Rock en cette journée de Dimanche. Comme prévu, je n’ai pas vraiment accroché à la prestation de Japanese Breakfast et j’ai vite zappé, mais la bonne surprise venait d’un groupe math-rock taïwanais appelé Elephant Gym. Ils sont trois sur scène et le son du groupe met en avant la basse dont joue KT Chang d’une manière assez inhabituelle. On se laisse assez vite emporter par le rythme des morceaux, le morceau Finger en étant un bon exemple. Il faudrait que j’écoute un peu plus ce groupe. Un peu plus tard, je découvre le musicien anglais Tom Misch que je ne connaissais pas du tout et dont j’aime beaucoup le jeu de guitare. Je manque la plus grande partie de Mogwai le soir car j’ai été beaucoup plus intéressé par la prestation de Zutto Mayo (ずっと真夜中でいいのに) qui était vraiment captivante. Je ne connais pas beaucoup le groupe que Nicolas m’avait recommandé dans les commentaires d’un ancien billet. Par rapport à la plupart des autres groupes, il y avait un réel sens de la mise en scène, qui prenait un côté cyberpunk avec des instruments fabriqués à partir d’objets du quotidien. ACA-Ne et un autre membre du groupe utilisaient par exemple une guitare faite d’un ventilateur. On voyait aussi des percussions faites d’écrans cathodiques de télévision. Je ne me souviens plus de son nom, mais j’avais déjà vu cet inventeur d’instruments dans une émission de télévision. Les morceaux de Zutto Mayo sont très dynamiques, fidèles à ce que je peux connaître du groupe. Comme prévu également, ACA-Ne ne se montre pas. Elle est bien sur scène mais avec une visière sur le visage et les images qu’on peut voir sur YouTube sont flouées volontairement quand elle est à l’écran. Du coup, je vais écouté un peu plus ce groupe. Le festival m’a donné quelques bonnes pistes musicales.

アメ横の歌姫がいない

Mon billet évoquant le numéro de Mars 2000 du magazine musical GB était un bon prétexte pour aller faire un tour à Ueno et en particulier dans la longue rue commerçante Ameyoko (アメ横) longeant la ligne de chemin de fer surélevée. J’ai recherché distraitement le magasin de disques dans lequel Sheena Ringo a travaillé en petit boulot avant le début de sa carrière, mais je n’ai bien entendu rien trouvé. Il est fort probable que le magasin ait de toute façon fermé depuis longtemps. Mais ce n’était qu’un prétexte car je ne suis pas allé dans ce quartier d’Ueno depuis assez longtemps. Pour un dimanche, il n’y avait pas la foule d’avant la crise sanitaire. Avant Ameyoko, je fais un petit tour dans le parc en passant devant la statue de Saigo Takamori. Un étrange personnage se trouve immobile sur la place à l’entrée du parc. Il ressemble à une sorcière jetant des sorts sur ceux qui osent s’approcher, mais intrigue tout de même les enfants qui tentent de lui susciter une réaction.

L’édition 2022 du festival Fuji Rock se déroule ce week-end et les concerts sont retransmis en direct sur trois chaînes YouTube. Je ne pensais pas passer autant de temps devant la télé mais je me suis laisser emporter par le flot des guitares. Je n’avais pas réalisé que Kenichi Asai était sur scène avec son groupe Sherbets (il y était également l’année dernière avec UA pour Ajico), et je n’ai donc pu écouter que la fin. Je voulais voir Snail Mail sur scène mais j’ai été assez déçu par la prestation. J’ai par contre beaucoup aimé Glim Spanky, même s’il ne s’agit pas du style de rock que j’affectionne le plus. Ce n’était pas apparemment leur première fois au Fuji Rock mais ils avaient l’air réellement heureux d’être sur scène et ça se ressentait. Remi Matsuo (松尾レミ) disait qu’elle était particulièrement heureuse de jouer sur la même scène que Jack White quelle écoute depuis sa jeunesse. C’était un bon set et il faudrait que je jette une oreille un peu plus attentive à leur musique. Je me dis que je devrais écouter Glim Spanky depuis un petit moment mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée jusqu’à maintenant. Quel plaisir ensuite de voir Dinosaur Jr sur la même scène. Je suis loin de connaître toute la discographie du groupe mais écouter la guitare experte de J Mascis qui nous ramène vers le rock alternatif américain des années 90 était un vrai plaisir. J Mascis a maintenant 57 ans et a toujours ses cheveux aussi longs mais devenus blancs avec les années. La prestation finale sur une des scènes du Samedi était assurée d’une manière assez exceptionnelle par Jack White. Je n’ai pas beaucoup suivi sa carrière à part un album de sa période avec le groupe The White Stripes. La foule attendait bien entendu le morceau Seven Nation Army en chantant en chœur les quelques notes de basse avant les rappels. Il l’interprètera au final dans les rappels. Jack White a une sacrée présence sur scène et il est complètement emporté dans son jeu. J’aime bien ce genre d’attitude passionnée. Avec la fermeture des frontières, beaucoup de groupes étrangers ne sont pas venus depuis longtemps au Japon, ce qui est bien dommage car le rock japonais peut aussi se nourrir de ce genre de prestations exaltées. A la toute fin du concert, Jack White avait l’air vraiment ému d’être là. Un des avantages quand même de la crise sanitaire est d’avoir démocratisé la diffusion de concerts gratuitement et en direct sur YouTube. J’ai également vu des petits morceaux du Kyoto Jazz Sextet que j’aurais bien voulu voir en entier, et Foals que je n’ai pas écouté depuis très longtemps (je ne connais que quelques morceaux de leurs albums Total Life Forever et Antidotes). J’ai par contre manqué la rappeuse Awich et D.A.N. car elle et ils passaient le Vendredi 29 Juillet. J’aurais peut être l’occasion aujourd’hui de voir Mogwai.

Il y a quelques semaines, Pitchfork diffusait aux heures américaines sur leur site web une série de concerts du festival qu’ils organisaient à Chicago les 15, 16 et 17 Juillet 2022. Je ne connaissais à vrai dire pas beaucoup les groupes présents à l’affiche, sauf Yeule. J’étais assez curieux de voir à quoi pouvait ressembler sa prestation. Je suis en fait tombé par un hasard heureux sur son passage à 6h du matin un samedi. Elle était seule sur scène ce qui était un peu dommage car la scène donnait une impression de vide. Je pense que sa musique fonctionnerait mieux entourée d’installations, artistiques par exemple. Elle termine son set par le morceau Bites on my neck qui est mon préféré de son dernier album. Son passage n’était à vrai dire pas exceptionnel et ne rendait pas toutes les qualités que l’on trouve dans son dernier album, mais j’étais quand même très intrigué de la voir sur scène. En fait, il y avait bien un certain nombre d’artistes que je connaissais comme Mitski, Japanese Breakfast, Toro y Moi, Dry Cleaning, Iceage et dont j’ai déjà parlé sur ce blog, mais le courage de me lever en pleine nuit pour les voir en direct m’avait manqué. Je n’ai de toute façon pas écouté les derniers albums de Mitski et de Japanese Breakfast. Michelle Zauner sera d’ailleurs avec Japanese Breakfast sur la scène de Fuji Rock ce Dimanche 31 Juillet 2022.

飲み込んで東京

Les rues que je montre sur les photographies de ce billet sont bordées d’architecture mais je n’en connais pas toujours l’architecte. Je me dis en prenant les deux premières photographies du billet que c’est une bonne idée de laisser des passants intégrer le cadre même si leurs mouvements parfois incontrôlés car non-linéaires m’obligent à réagir vite, ce qui n’est pas toujours mon fort. Mon temps de réflexion prend malheureusement souvent le dessus sur celui de l’instinct. Ce type de composition apporte une dynamique un peu différente. Le bâtiment blanc de forme massive sur la deuxième photographie me fait penser à une forteresse imprenable. Les fines fenêtres ressemblant à des meurtrières de château fort renforcent cette impression. La forme coupée à l’oblique de sa base donne une certaine élégance à l’ensemble et vient laisser un peu de place pour un étroit bassin dans lequel court un filet d’eau. Cette forme oblique et le petit cours d’eau apportent une certaine délicatesse qui vient adoucir l’impression massive de l’ensemble. Il s’agit du building des éditions Shogakukan (小学館ビル) à Jimbocho, conçu par Nikken Sekkei (日建設計).

Même sous la chaleur intenable de l’été, je marche en ce moment beaucoup pendant les week-ends, au point où j’ai tendance à oublier le parcours que j’ai suivi, ces photographies datant déjà d’il y a plusieurs semaines. La troisième et la cinquième photographie me rappellent que je suis passé par Hitotsubashi. On traverse à cet endroit la rivière Nihonbashi (日本橋川) qui diverge de la rivière Kanda un peu plus haut et vient se déverser dans la rivière Sumida après être passée sous le fameux pont Nihonbashi. Cette rivière a le malheur d’être presqu’entièrement recouverte par l’autoroute circulaire métropolitaine. Un jour peut-être, elle retrouvera un ciel. À Hitotsubashi, juste à côté de la station de métro Takebashi, se dressent les 9 étages du Palaceside building conçu par l’architecte Shoji Hayashi pour les quartiers généraux du journal Mainichi Shimbun. Je le montre sur la cinquième photographie prise depuis le bord des douves du Palais Impérial. La dernière photographie est prise dans un tout autre endroit car il s’agit de Minami Azabu. Je suis souvent passé devant cet élégant bâtiment de verre, sans savoir qu’il s’agissait de l’architecture de Tadao Ando. L’oeuvre d’art disposée au dessus de l’entrée est vraiment étrange. Je n’en connais pas l’artiste mais j’ai lu quelque part qu’il s’agirait probablement d’un hommage au Saut dans le vide d’Yves Klein. Derrière les parois de verre et de béton de ce bâtiment appelé Yuan (游庵), se cache un musée privé contenant la collection d’art contemporain du constructeur Obayashi Corporation. Ce musée n’est pas ouvert au public et on ne sait donc pas ce qu’il contient exactement, mais on y trouverait apparemment des œuvres d’Olafur Eliasson et de Tokujin Yoshioka, entre autres. Cet endroit reste bien mystérieux et on n’en saura pas beaucoup plus tant que ce musée restera fermé au public.

Je ne pensais pas me lancer dans la collection d’anciens magazines musicaux japonais abordant Sheena Ringo, mais on dirait bien que j’ai posé un pied dans cette direction en trouvant soudainement sur Mercari le fameux numéro du mois de Mars 2000 du magazine Sony Music Gb montrant en couverture Sheena Ringo marchant dans les rues d’Ueno en robe de mariée. Ces photographies prises par Meisa Fujishiro sont particulièrement iconiques et je n’ai pu m’empêcher de l’acheter dès que je l’ai vu en vente. Le magazine n’est pas vraiment facilement trouvable et en général beaucoup plus cher que le prix auquel je l’ai trouvé. Le numéro contient 20 pages de photographies à Ueno et 4 pages d’interview par Yuichi Hirayama, couvrant la sortie récente simultanée des deux singles Tsumi to Batsu (罪と罰) et Gips (ギブス) le 26 Janvier 2000, deux mois avant la sortie de son deuxième album Shōso Strip. Il y a d’ailleurs une publicité pour ces deux singles en double page dans le magazine. La série de photographies en robe de mariée se déroule principalement dans le parc d’Ueno et dans la rue commerçante Ameyoko (アメ横). Quand elle était plus jeune, Sheena avait un petit boulot dans un magasin de disques d’Ameyoko et nous dit dans l’interview être passée voir son ancien patron pendant la prise des photos. Je pense qu’une des photos a d’ailleurs été prise dans ce magasin de disques. L’interview ne donne pas d’explication sur le fait qu’elle porte une robe de mariée, mais nous parle assez longuement des deux nouveaux singles: Tsumi to Batsu et Gips. Elle nous explique que Gips est un morceau assez ancien car elle l’a écrit quand elle avait 17 ans, tandis que Tsumi to Batsu est plus récent. Comme elle l’expliquait également dans son émission Etsuraku Patrol, Sheena a d’abord joué ces morceaux en concert l’année précédente (en 1999) et avait même demandé au public d’écrire à la maison de disques pour faire pression pour sortir Tsumi to Batsu en single. Il semble que l’idée de Toshiba EMI était plutôt de sortir Gips en single en Janvier 2000, après Honnou (本能) sorti en Octobre 1999. Elle a finalement obtenu ce qu’elle souhaitait car le morceau est sortie en single en simultané avec Gips. Elle nous dit dans l’interview qu’elle avait d’abord un avis un peu partagé sur son morceau Gips mais que les arrangements de Seiji Kameda lui ont donné un nouvel attrait qu’elle ne soupçonnait pas. Elle insiste beaucoup dans l’interview sur la venue de Kenichi Asai (aka Benji) de Blankey Jet City pour l’enregistrement de la partie guitare de Tsumi to Batsu, le 13 Juillet 1999. Elle lui a apparemment adressé une lettre de fan quelques mois plus tôt pour lui demander de jouer sur ce morceau en insistant bien sur le fait qu’il n’y a que lui qui pourrait jouer dessus. Il faut se rappeler que Sheena est une fan excessive (et même maladive) de Benji à cette époque. Lire Sheena dans cette interview quand elle parle avec enthousiasme de Benji est particulièrement intéressant et amusant. Benji semble avoir accepté assez facilement son offre, car ça transparaît assez clairement qu’ils s’apprécient mutuellement. Sheena le décrit souvent comme une personne qui vit sa musique plutôt qu’il en joue. Elle le dit quelques fois à cette époque mais elle a une passion proche du fétichisme pour les guitaristes, mais l’histoire ne raconte pas jusqu’où ça va. Sur Tsumi to Batsu, je n’avais pas réalisé que les sifflements à la fin du morceau étaient aussi ceux de Kenichi Asai et qu’ils sont différents, plus longs et accentués, sur la version single par rapport à la version de l’album. Dans les crédits sur le livret du single, Sheena mentionne « 恰好良い電気式ギターと歯笛 » (belle et cool guitare électrique et sifflements entre les dents) à côté du nom de Kenichi « Benji » Asai. Je ne connaissais pas cette méthode du sifflement entre les dents plutôt qu’entre les lèvres. Une autre anecdote est que pendant cette session d’enregistrement, Seji Kameda qui assure la basse en plus de la production, Kenichi Asai et Masayuki Muraishi à la batterie se rendent compte qu’ils sont tous les trois du même signe astral chinois, celui du dragon (ils sont tous les trois nés en 1964). Cette coïncidence leur fait dire, en plaisantant très certainement, qu’ils devraient par conséquent monter un groupe. En continuant cette plaisanterie, l’interviewer ajoute qu’ils auraient pu s’appeler les Dragons. Ceci me fait me rendre compte que je suis du même signe chinois qu’eux, mais plus jeune d’un cycle.

L’interview aborde également les morceaux en B-side, notamment Σ sur le single Gips, qu’elle a déjà joué auparavant en concert pendant sa tournée universitaire Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Hisako Tabuchi du groupe Number Girl y joue de la guitare. Sheena precise dans Le magazine qu’elles sont amies depuis longtemps (Number Girl est aussi originaire de Fukuoka). Sheena l’appelle même Chako chan (チャコちゃん) dans l’interview (bien qu’elle soit de trois ans son aînée). Sheena lui aurait demandé du jour au lendemain de jouer sur ce morceau ce qu’elle aurait tout de suite accepté. Hisako serait venue en train le lendemain jusqu’à l’appartement de Sheena pour ensuite partir toutes les deux vers le studio. Elle ne le dit pas, bien sûr, dans l’interview mais il est possible qu’elle habitait à Okachimachi (御徒町) à cette période là, lieu qui est d’ailleurs proche d’Ueno et Ameyoko. L’enregistrement de Σ aurait seulement demandé quelques prises ce qui aurait surpris Hisako car elle est habituée aux enregistrements de Number Girl prenant beaucoup plus de temps. Sheena nous donne ce genre de petits détails et anecdotes dans l’interview. En lisant l’interview, j’imagine très bien sa voix nous expliquant tout cela, celle de l’époque, pleine d’une sorte d’excitation et d’énergie un peu naïve de la jeunesse. Sur le même single Gips, j’adore la reprise du morceau Tokyo no Hito (東京の女) du groupe The Peanuts sorti initialement en 1970. J’avais d’ailleurs récemment repris les dernières paroles de ce morceau comme titre de billet. Le morceau 17 présent sur le single Tsumi to Batsu est également ancien, car elle l’a écrit au lycée alors qu’elle venait d’avoir 17 ans. Elle nous dit que les paroles sont restées inchangées depuis cette époque, à part quelques mots qu’elle a remplacé alors qu’elle était en homestay à Londres. C’est à peu près à cette période qu’elle décide de quitter le lycée. Elle a écrit les paroles en anglais car elle appréciait beaucoup la chanteuse Janis Ian à cette époque. L’anglais donne une impression très mature à son chant sur ce morceau (c’était d’ailleurs ce qu’indiquait Ikkyu Nakajima à propos de ce morceau lors d’une interview ). L’autre morceau du single Tsumi to Batsu, Kimi no Hitomi ni Koi shiteru (君ノ瞳ニ恋シテル), est également chanté en anglais car il s’agit d’une reprise du morceau Can’t Take My Eyes Off You écrit par Bob Crewe et Bob Gaudi pour le chanteur Frankie Valli en 1967. Dans l’interview, Sheena nous dit qu’elle aimait en fait chanter la version du chanteur anglais Engelbert Humperdinck. L’interviewer aborde les paroles du morceau Gips en disant qu’elles ont quelque chose d’effrayant, ce qui me rappelle qu’elles font référence à Kurt Kobain en mentionnant directement les prénoms de Kurt et Courtney et en évoquant l’arrivée du mois d’Avril comme un mauvais souvenir (c’était le mois de son suicide en 1994). Sheena a écrit ce morceau un an après sa mort, quand elle avait 17 ans.

L’interviewer Yuichi Hirayama pose ensuite la question du prochain album Shōso Strip qui n’est pas encore sorti au moment de l’interview mais qui sortira dans quelques mois. Elle ne donne en fait pas le titre de l’album dans cette interview mais donne seulement les initiales SS, tout en indiquant qu’il vient après Muzai Moratorium qui avait les initiales MM. Elle ne l’indique pas clairement dans l’interview mais suggère une logique dans le choix des noms d’albums à travers les initiales choisies. Je me demande s’il ne s’agit pas de M pour Masochisme et S pour Sadisme, car on sait qu’elle utilisait souvent ce dernier qualificatif à son propos au début de sa carrière. La suite est plus mystérieuse car elle indique que MM et SS à eux deux font 24 morceaux (11 sur Muzai Moratorium et 13 sur Shōso Strip) et ça a l’air de beaucoup la satisfaire. Elle explique à l’interviewer qu’elle aime les maths et que pour elle, 24, c’est « ハッサンニジューシ » ou à l’inverse « サンパニジューシ ». L’interviewer, un peu perdu dans cette explication, lui dit qu’il ne comprend pas ce qu’elle veut dire et change donc rapidement de sujet. J’aurais bien aimé écouter une version audio de cette interview à ce moment particulier d’incompréhension. Je me suis aussi demandé ce qu’elle voulait dire. J’ai vite compris que « ニジューシ » correspond à 24, le nombre total de morceaux des deux albums, mais pourquoi « ハッサン » pour 83 et « サンパ » pour 38… Ne trouvant pas d’explications logiques, je fais appel au fiston qui, lui, comprend très vite que ça correspond à 8 multiplié par 3 (ハッサン) ou 3 multiplié par 8 (サンパ). Il s’agit apparemment d’un moyen mnémotechnique pour se souvenir des tables de multiplication. Le mystère est peut être résolu mais ce qui m’intéresse quand même beaucoup, c’est que Sheena accorde une importance certaine à ce genre de chose pour ses albums. Ce détail mathématique vient compléter certaines des propriétés arithmétiques et géométriques de l’album Shōso Strip (symétrie des morceaux, durée de 55mins 55sec) que l’on connaît déjà. L’interview ne fait que quatre pages mais il est riche en information, dont un grand nombre que je ne connaissais pas. J’aime surtout les petites anecdotes qui permettent de mieux comprendre la construction d’un morceau qu’on a déjà beaucoup écouté et qui permettent de l’écouter ensuite avec une oreille un peu différente. Le problème qui découle de ce genre de lecture est que j’ai bien peur d’être parti pour rechercher d’autres anciens magazines de cette époque. En attendant, j’irais bien faire un petit tour dans les rues d’Ueno, à Ameyoko, pour voir si j’y trouve la trace du vendeur de disques dans lequel elle aurait travaillé.

Je partage ci-dessous une petite playlist de 8 morceaux à l’esprit rock, se composant exclusivement de morceaux intitulés Tokyo ou 東京. Les trois images ci-dessus sont extraites des vidéos YouTube de trois des morceaux de cette playlist: De haut en bas, PEDRO, Kinoko Teikoku (きのこ帝国) et Kuwata Keisuke (桑田佳祐).

1. Tokyo par SCANDAL
2. 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり)
3. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国)
4. 東京 par PEDRO
5. 東京 par Quruli (くるり)
6. TOKYO par Sheena Ringo (椎名林檎)
7. 東京 par Yazawa Eikichi (矢沢永吉)
8. 東京 par Kuwata Keisuke (桑田佳祐)

Allez savoir pourquoi, l’idée m’est soudainement venue de construire une playlist avec uniquement des morceaux de musique japonaise dont le titre est Tokyo (ou 東京). En fait, il y a un morceau de Keisuke Kuwata (桑田佳祐) prenant ce titre que j’écoute régulièrement, une fois de temps en temps quand l’envie me prend soudainement. Il est sorti en 2002 et je me souviens l’avoir acheté en digital peu de temps après sa sortie. Je n’ai pourtant aucune attirance pour la musique de Keisuke Kuwata ni pour celle de son groupe Southern All Stars (サザンオールスターズ), bien qu’il me soit déjà arrivé plusieurs fois quand j’étais plus jeune de chanter en groupe le morceau Tsunami de Southern All Stars. Ce morceau était extrêmement populaire à sa sortie le 26 Janvier 2000 (tiens, le même jour que la sortie de Gips et Tsumi to Batsu). Tokyo de Keisuke Kuwata m’a beaucoup impressionné dès la première écoute, notamment en raison de sa manière de chanter très lente et insistante. Ce morceau accompagnerait bien un film noir avec une histoire d’amour compliquée, car je lui trouve une ambiance de passion toute cinématographique. Le morceau n’a pas, à ma connaissance, été utilisé pour un film mais Kuwata dit lui même de ce morceau qu’il a une atmosphère de drama à suspense (サスペンスドラマ的な雰囲気). Réécouter ce morceau m’a rappelé que j’ai dans ma librairie iTunes plusieurs morceaux prenant le titre de Tokyo, et m’a donc donné envie de faire une petite playlist. On trouve bien entendu dans cette playlist le morceau TOKYO se trouvant en position centrale sur le dernier album de Sheena Ringo, Sandokushi. C’est un de mes préférés sur l’album. L’intensité du chant et la beauté impressionnante de la partition de piano y sont pour beaucoup. Le titre de ce billet est en fait la dernière phrase des paroles de ce morceau. Tout comme sur Tokyo no Hito (東京の女), le morceau se termine sur le mot Tokyo s’allongeant longuement pour évoquer peut être la taille gigantesque de cette ville. Ma playlist est très variée mais a quand même clairement une tendance rock. Elle démarre par un morceau du groupe de filles, originaires d’Osaka, SCANDAL. Le Tokyo de SCANDAL est plein d’une énergie puissante en guitares mais conservant une certaine légèreté dans son approche très pop. Je ne connaissais pas vraiment ce groupe et je découvre ce morceau récemment. Je m’étais toujours dit qu’il s’agissait d’un groupe monté de toute pièce, mais en fait non, les quatre membres de SCANDAL se sont en fait rencontrées au lycée et ont commencé leur carrière musicale en jouant des live de rue avant de se faire rapidement remarquer par un label de rock indé. Le morceau qui suit dans ma playlist est 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり). Il est beaucoup plus sombre et introspectif. J’avais déjà parlé de cette version de ce morceau, légèrement différente de l’originale, lorsque je l’avais découvert, il y a quelques années de cela. Il y a dans ce morceau une tension musicale et vocale très forte et prenante, brute et instinctive surtout dans sa deuxième partie et sur le final. Je me demande rétrospectivement si ce n’est pas le morceau que je préfère de Haru Nemuri, peut-être plus que les morceaux de Haru to Shura. J’y trouve une intensité émotionnelle que je ne retrouve pas dans les derniers morceaux qu’elle compose. Ce morceau me rappelle tout l’enthousiasme que j’éprouvais pour la musique de Haru Nemuri à sa découverte. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国) est également un morceau rock indé chargé d’émotions. Je le découvre également récemment alors que j’avais beaucoup écouté les premiers albums du groupe, notamment Eureka, que j’avais déjà évoqué sur ce blog. Chiaki Satō, qui mène le groupe au chant et à la guitare, est une de ces interprètes qui vivent la musique avec passion. On le ressent également sur ce morceau qui est le premier de l’album Fake World Wonderland sorti en 2014. Le 東京 qui suit est interprété par le groupe PEDRO, composé entre autres d’Ayuni D de BiSH à la basse et au chant et d’Hisako Tabuchi à la guitare électrique. J’ai déjà parlé de PEDRO ici. Je n’aime pas tous les morceaux du groupe mais celui-ci me plaît beaucoup. Une des conditions est d’accepter la voix d’Ayuni qui part volontiers vers les aigus. J’aime beaucoup l’atmosphère rock du morceau et les petits sursauts de voix d’Ayuni à la fin des refrains. 東京 par Quruli (くるり) est également un morceau dont j’ai déjà parlé sur Made in Tokyo alors que je découvrais l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en 1999. Comme je l’évoquais précédemment, ce morceau évoque le départ de sa ville natale pour aller vivre à Tokyo en laissant une personne aimée derrière soi. C’est ce qu’on appelle le jōkyō (上京), le départ vers Tokyo, en japonais. Il faut noter que tous les groupes, compositeurs, compositrices et interprètes de cette playlist ont fait ce départ vers Tokyo, ce qui explique certainement ce besoin de prendre Tokyo comme thème d’un morceau. Quruli est par exemple un groupe originaire de Kyoto. SCANDAL, je le mentionnais vient d’Osaka. Haru Nemuri est originaire de Yokohama. Chiaki Satō de Kinoko Teikoku vient de la préfecture d’Iwate. Ayuni D de PEDRO est originaire de Sapporo tandis qu’Hisako Tabuchi vient de Fukuoka, tout comme Sheena Ringo. Keisuke Kuwata est né à Chigasaki dans la préfecture de Kanagawa, tandis que Yazawa Eikichi (矢沢永吉) est originaire d’Hiroshima. Je n’ai pas encore évoqué Yazawa Eikichi dont le morceau Tokyo, datant de 1993, fait également partie de ma petite playlist. Yazawa Eikichi est un monstre sacré au Japon fêtant tout récemment ces 50 années de carrière musicale. Il n’est pas rare d’apercevoir dans tout le Japon des voitures ou des camions décorés d’autocollants du logo de Yazawa. A vrai dire, je n’ai pas l’habitude d’écouter sa musique, mais j’ai tout de suite été saisi par celle-ci. Comme pour le morceau de Keisuke Kuwata, on y ressent une atmosphère cinématographique. Le Tokyo de Yazawa Eikichi a en fait été utilisé pour un drama policier. Je ne suis pas sûr de poursuivre l’écoute avec d’autres morceaux de Yazawa Eikichi, mais j’aime beaucoup le fait que cette petite série prenant pour titre Tokyo, m’a ouvert quelques nouveaux horizons.