雑司ヶ谷の姫

Nous visitons beaucoup de sanctuaires et de temples ces derniers temps. Celui que j’ai visité, seul cette fois-ci, dimanche matin dernier se trouve à Zōshigaya (雑司ヶ谷), une des stations de la ligne de métro Fukutoshin, au delà de Shinjuku et tout près d’Ikebukuro. L’envie de visiter cet endroit aurait pu être liée au nom du lieu qui m’intrigue ou au fait qu’il est traversé par un petit tram pittoresque de la ligne Toden Arakawa Line, aussi appelé Tokyo Sakura Tram. Mais je suis venu jusqu’ici pour une autre raison. Je voulais voir de plus près le temple Hōmyōji où a été tournée la vidéo de Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) de Sheena Ringo. La première fois que j’ai vu la vidéo de ce morceau il y a plus de vingt ans, certainement sur la chaîne du câble Space Shower TV que je regardais en boucle à cette époque, j’ai tout de suite été impressionné par l’ambiance qui s’en dégageait, assez déconcertante pour ses tons sombres et pour le flottement continue de l’image comme si Sheena était observée par un spectre qui lui tournerait autour. Le morceau en lui-même laisse une empreinte forte en mémoire lorsqu’on l’écoute pour la première fois, mais la vidéo contribue également beaucoup à l’impact que le morceau nous laisse. J’étais tout d’abord persuadé que la vidéo avait été tournée dans le sanctuaire Hanazono, accolé au petit quartier de Golden Gai à Kabukichō, mais je me suis ensuite rendu compte que ce n’était pas le cas. En fait, je pense que la photo de couverture du single, où l’on voit le visage de Sheena et une des rues de Golden Gai en arrière-plan, m’a initialement fait penser que la vidéo était filmée au même endroit. L’histoire raconte que Sheena a écrit ce morceau après avoir été accostée, alors qu’elle rentrait chez elle, par un rabatteur à Shibuya lui proposant de manière plutôt agressive un job dans un club peu recommandable de Kabukichō. Elle était fraîchement arrivée de Fukuoka et travaillait à cette époque là dans un magasin de disques de Shibuya. L’histoire dit également qu’elle n’a jamais mis les pieds à Kabukichō avant l’enregistrement de Kabukichō no Joō, ce qui est assez intéressant car ce morceau et sa vidéo ont eu une empreinte tellement forte qu’on a fini par associer Sheena Ringo à Shinjuku, ce qui est d’ailleurs à l’origine directe du style Shinjuku-kei dont elle est la seule représente.

Images extraites de la vidéo de Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) par Sheena Ringo sur son premier album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム).

Pour alterner avec les concerts, je me suis mis en tête de regarder les DVDs de la série Seiteki Healing en commençant par le premier (性的ヒーリング~其ノ壱~) sorti le 10 Novembre 1999. La vidéo de Kabukichō no Joō est présente sur ce DVD et la revoir m’a donné l’idée et l’envie de me rendre dans le temple où elle a été tournée. En fait, je sais depuis longtemps que cette vidéo n’est pas été tournée à Kabukichō mais dans un temple quelque part dans l’arrondissement de Toshima. Je n’avais cependant pas poussé la curiosité jusqu’à aller voir le lieu de mes propres yeux. Comme je marche souvent aux mêmes endroits en ce moment, la perspective de découvrir un nouveau lieu m’attirait beaucoup, en plus du fait de partir à la recherche de ce lieu de tournage comme on pourrait partir pour une chasse au trésor. Arrivé à Zōshigaya, je marche directement vers le temple principal de Hōmyōji. L’enceinte est assez vaste et je l’explore méthodiquement à la recherche de la série de torii rouges distinctifs des autels dédiés au renard Inari, que l’on peut voir dans Kabukichō no Joō. Je tourne en rond et ne trouve rien. Je m’approche du cimetière tout en me disant que je fais fausse route. Je décide de faire le tour de l’enceinte du temple pour voir si on peut accéder à d’autres dépendances. Le long d’une allée étroite longeant le cimetière, je tombe finalement sur un chemin étroit coincé entre des habitations et l’enceinte du temple. On y trouve une longue série de torii rouges formant un chemin zigzaguant entre les murs. Je me dis que ça doit été l’endroit que je cherche, mais je n’en ai pas la certitude. En fait, je me souviens très bien d’inscriptions en kanji affichées sur un muret en ciment gris que l’on peut voir dans la vidéo. Mais je ne retrouve pas cet endroit ici. Après avoir marché jusqu’à l’autel Inari, je reviens sur mes pas sans être vraiment convaincu d’avoir trouvé le bon endroit. En sortant du chemin, je continue à faire le tour de l’enceinte du temple, mais la rue que j’empreinte m’en éloigne et je finis par rebrousser chemin. Je refais un tour à l’entrée du temple, explore d’autres recoins mais sans succès. Les inscriptions en kanji ont peut-être été effacées avec le temps. Peut-être étaient elles spécialement écrites pour la vidéo? Cette vidéo a été tournée il y a plus de vingt ans et les lieux ont peut-être changé entre temps, l’espace intérieur du temple a peut-être été modifié. J’ai tout de même du mal à me convaincre de cela car les sanctuaires et temples sont en général des espaces immuables. Le temps passe et il faut bien que je me rende à l’évidence que je ne trouverais pas d’indices ici.

Je décide de repartir vers la gare en empruntant une route un peu différente me faisant découvrir un autre temple. J’apprends très vite qu’il s’agit en fait d’une dépendance faisant partie du même ensemble. Kishimojin-dō (鬼子母堂) fait partie intégrante de Hōmyōji même si ces deux temples ne sont pas directement reliés l’un à l’autre. Par rapport au reste de Hōmyōji, Kishimojin-dō se situe dans un espace beaucoup plus ouvert qui donne une impression de grandeur au bâtiment. Je visite d’abord le bâtiment principal. Une veille dame insiste pour que je prenne un petit livret explicatif car on y trouve toutes les informations nécessaires sur ce lieu. Je ne refuse pas car c’est proposé gentiment. Je dois avoir la tête d’un touriste égaré. En visitant les lieux, j’apprends que ce temple favorise les naissances et que les fidèles voulant avoir des enfants viennent prier ici depuis l’époque Edo. Je pense demander un goshuin mais je n’ai pas amené mon livret. En regardant autour de moi depuis la plateforme surélevée en bois du temple, j’aperçois un peu plus loin une série de torii qui me redonne un peu d’espoir. L’alternance de torii rouges et de tiges métalliques blanches portant des drapeaux rouges ressemble beaucoup plus à ce que j’ai pu voir sur la vidéo de Kabukichō no Joō. L’autel au fond de l’allée ressemble également à celui de la vidéo. L’allée de torii entoure un arbre Ginkgo géant de 6.30m de circonférence et 10m de haut, désigné monument national. J’emprunte l’allée dans un sens et dans l’autre pour essayer de refaire le lien avec la vidéo. En m’écartant un peu de l’allée, je découvre finalement les inscriptions en kanji que je recherchais, inscrites sur un mur de ciment gris. Les kanji sont en partie effacés mais il s’agit bien des mêmes inscriptions que dans la vidéo. Il n’y a pas de doutes, il s’agit bien du lieu de tournage. Alors que je m’approche un peu plus du mur en marchant dans les herbes hautes, un chat noir et blanc fait soudainement son apparition. Il est sorti de nulle part, ou du moins je ne l’avais pas vu jusqu’à maintenant. Il n’a pas peur et vient même à ma rencontre comme pour m’accueillir en ce lieu. Il s’assoit quelque instant près d’un des arbres à l’endroit exact où Sheena était assise guitare en mains dans la vidéo. J’ai à ce moment précis la certitude qu’il s’agit bien de l’endroit que je recherchais. Il n’y a plus aucun doute possible, j’ai enfin trouvé l’endroit où a été tourné Kabukichō no Joō. Je repars vers la gare de Zōshigaya avec un air satisfait, similaire à celui que je peux avoir lorsque je découvre volontairement ou par hasard de l’architecture remarquable aperçue dans des livres ou des magazines.

Images extraites de vidéos du DVD Seiteki Healing Sono Ichi (性的ヒーリング~其ノ壱~) de Sheena Ringo. De haut en bas: les crédits, Remote Controller (リモートコントローラー ) et Memai (眩暈).

Outre Kabukichō no Joō, le DVD Seiteki Healing Sono Ichi (性的ヒーリング~其ノ壱~) contient les vidéos de Kōfukuron (幸福論), Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。), Honnō (本能) ainsi qu’une version alternative de Koko de Kiss Shite. Le point intéressant est que Sheena Ringo y ajoute des vidéos supplémentaires, comme celle de Tsumiki Asobi (積木遊び) qui n’est bizarrement pas annoncée sur le livret accompagnant le DVD mais qui est bien présente à la suite d’un autre morceau. On y voit également des publicités parodiques pour d’autres morceaux de l’album Muzai Moratorium ou des B-sides de single. La courte vidéo du morceau Remote Controller (リモートコントローラー ) en B-side du single Koko de Kiss Shite ressemble à la bande annonce d’un film d’horreur. Ce morceau lui était venu en tête alors qu’elle recherchait en plein stress la télécommande de sa chaîne hi-fi. Ce sentiment est exacerbé dans cette fausse bande annonce. Memai (眩暈), l’autre morceaux en B-side sur Koko de Kiss Shite, a également sa petite vidéo aux couleurs sombres et saturées. Sheena est habillée de la même façon que dans la version alternative de la vidéo de Koko de Kiss Shite donc j’imagine que les vidéos ont été filmées en même temps. Je ne reconnais pas, par contre, les lieux où la vidéo a été tournée, qui ressemblent à une banlieue tokyoïte quelconque. Il y a également une petite vidéo amusante montrant la chaîne de production de CDs de Toshiba EMI, commentée par Sheena avec des expressions de voix volontairement exagérées. Les crédits du DVD s’affichent au dessus d’une vidéo en noir et blanc montrant un corbillard traditionnel japonais roulant dans un tunnel. Ce choix est très particulier mais l’image et l’effet visuel sont très beaux. On ne voit plus beaucoup de corbillards dans ce style traditionnel, aux formes ressemblant à un toit de temple bouddhiste. Il me semble qu’il était beaucoup plus commun d’en voir dans les rues, il y a vingt ans.

Images extraites de la vidéo de Kōfukuron Et de la version alternative de Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。) de Sheena Ringo.

Sur la vidéo de Kōfukuron, on reconnaît tout de suite le parc olympique de Komazawa, construit et utilisé pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Les scènes de la vidéo se déroulent en partie sur la grande place située entre le stade olympique et le gymnase. Sheena est allongée sur le sol, en bas des escaliers donnant sur cette place. J’aime beaucoup ce parc, cette place très étendue et ouverte et la fine tour de contrôle ressemblant à un plongeoir monté sur une minuscule piscine. Je ne reconnais par contre pas les lieux sur les scènes alternatives de la vidéo de Koko de Kiss Shite. On y voit des images d’un collège mais pas assez pour identifier clairement le lieu. En fait c’est plutôt sa tenue et sa coiffure hirsute qui m’intéressent et m’interpellent, car ça me rappelle la mode vestimentaire que l’on pouvait voir à Harajuku et à Shibuya à cette époque, à la toute fin des année 1990. J’imagine que la vidéo a été tournée en 1999. J’aime d’ailleurs beaucoup regarder le compte Instragram du feu magazine Fruits, qui montre jour après jour ses archives photographiques des années 1999 et 2000. Je me souviens bien de ces mélanges vestimentaires volontairement mal coordonnés et multicolores, mais j’avais oublié la mode des dreadlocks que l’on voit sur de nombreuses photos. Je comprends un peu mieux pourquoi Mari était coiffée de cette façon à l’époque, avant que je la connaisse. La mode actuelle est bien différente, beaucoup plus standardisée et donc moins fantaisiste dans son ensemble. Sauf peut être pour la coloration des cheveux qui est en plein boom en ce moment et qui n’était, il me semble, pas aussi étendue à la fin 1990/début 2000.

Image extraite de la vidéo de Tsumiki Asobi (積木遊び) de Sheena Ringo.

On peut dire que Sheena change beaucoup de personnalités dans ses vidéos et brouille les pistes. La vidéo de Honnō en tenue d’infirmière est maintenant devenue iconique. Dans les émissions de radio Etsuraku Patrol, elle s’est d’ailleurs plusieurs fois défendue de voir faire du cosplay. Le kimono est régulièrement de sortie dans les vidéos de Sheena Ringo et Tsumiki Asobi est peut être bien la première video où elle apparait habillée de cette manière. Les tenues et l’image sont très colorées et saturées. Les mouvements de caméra sont tellement rapides que la vidéo donne le tournis. Je pense que c’est la première fois que je la vois, en entier du moins, et je me demande pourquoi le morceau n’était pas annoncé sur la pochette du DVD. A noter également que Sheena y joue du koto. Je parlerais certainement des autres DVDs de vidéos de cette série Seiteki Healing dans des billets suivants, car ils ont tous ce genre de petites particularités qui me donnent à chaque fois l’envie de m’étendre en écriture.

Pour revenir à Kabukichō no Joō, la formation musicale qui interprète ce morceau se nomme Zetsurin Hectopascal (絶倫ヘクトパスカル) et se compose de Sheena au chant et à la batterie, Susumu Nishikawa à la guitare électrique et Seiji Kameda à la guitare basse. Le fait que Sheena joue de la batterie sur ce morceau m’a étonné. J’aime beaucoup les surnoms donnés dans les crédits du morceau sur la pochette du single. Sheena se fait appeler Shiina “Sadist” Ringo Hime (椎名 »サディスト »林檎姫), c’est à dire la princesse sadique, qui j’imagine fait référence directe aux paroles de Kabukichō no Joō où elle prend le rôle de la fille de la reine de Kabukichō, qu’elle deviendra elle-même ensuite. Kameda se fait appeler Kameda “Man Shintan” Seiji Shishō (亀田 »マン・シンタン »誠治師匠). Je ne connais pas le sens de Man Shintan, par contre Shishō veut dire maître. Sur la pochette du single, cette appellation est également sous-titrée en Sensei en hiragana qui signifie professeur. C’est le rôle qu’il joue auprès de Sheena depuis ses débuts. Au hasard de mes recherches Internet, je tombe sur une interview de kameda assez récente datant d’avril 2019 pour une rubrique du journal Asahi en version digitale intitulée Otonatte, Omoshiroi (オトナって、おもしろい). Ce titre signifie en quelque sorte que les adultes qui ont un peu de bouteille et d’expérience des choses de la vie ont des choses intéressantes à nous raconter. Kameda revient 20 ans en arrière à l’époque de ses débuts avec Sheena en tant qu’arrangeur de ses premiers morceaux. L’interview est intéressante car elle donne une bonne idée de la relation entre Sheena et Kameda, le fait qu’elle était vue comme une personne de talent mais aussi comme une pile électrique incontrôlable par la maison de disques (Toshiba EMI). Kameda, qui se fait appelé Kame-chan par la maison de disques, était apparemment la seule personne en mesure de la faire s’épanouir musicalement, tout en jouant les remparts vis-à vis des opinions standardisées de la maison de disques afin de protéger sa vision artistique. Sheena avait 19 ans à cette époque et Kameda, de 14 ans son aîné, devait avoir une plus grande expérience et maturité dans le monde ‘impitoyable’ de la production musicale. Le fait que Sheena se surnomme elle-même comme une ‘princesse sadique’ donne l’idée qu’elle a une grande conscience d’elle-même et reconnaît être difficile à gérer et à priori sans compromis. Kameda a certainement joué le rôle de canalisateur de cette énergie mais également celui de souffre-douleur en allant sur le front face à la maison de disques. Le sadisme est peut être bien là.

林檎さんの件で最初に僕が連絡を受けたのは、1997年の春か夏だったと思います。彼女が所属するレコード会社のディレクターから、「新しい女性アーティストをデビューさせることになったんだけれど、今までになかったような歌詞、今までになかったような曲、そして本人も奇想天外なアイデアを持っていて、我々では手に負えない。でも亀ちゃんだったら彼女のいいところ、僕らがどうしていいかわからないところを引き出してくれるんじゃないか」という相談を受けたんです。
そういう僕の仕事を見ていた方々が、「亀ちゃんだったらこの子と向き合えるだろう」と思ってくれたみたいです。

Je pense que la première fois que j’ai été contacté au sujet de Ringo-san était au printemps ou à l’été 1997. Le directeur de la maison de disques à laquelle elle appartient (Toshiba EMI) m’a consulté à son sujet: « Je suis censé faire les débuts d’une nouvelle artiste féminine, mais elle écrit des paroles comme j’en ai jamais vu auparavant, des chansons comme j’en ai jamais entendu avant, et la personne en elle-même a en plus des idées des plus étranges. Nous n’allons pas parvenir à la gérer nous-même. Mais si c’était toi qui t’occupait d’elle, tu pourrais faire ressortir d’elle ses bons points que nous sommes bien incapables de comprendre pour les faire émerger. » … Les gens qui suivaient mon travail semblaient penser que je serais en mesure de faire face à cette jeune fille.

その後は約1年間、一緒にデモテープを作り続けました。レコード会社からは「もっとこういうふうにして」とか「こうしないと売れないよ」とか、いろんなことを言われましたね。会議にも何度も呼び出されました。
でも僕は「今までにないものだからやるんだ、待っている人がいるから」と言って、一切の雑音をはねのけました。ある意味、林檎さんの盾になった。当時32、3歳の僕がレコード会社を相手にそれをやったわけですから、自分で言うのも変ですが、よく頑張って守ったと思います。林檎さんも、そんな僕を「師匠」と呼んで信頼してくれるようになりました。

Après cela, nous avons continué à faire des cassettes de démo ensemble pendant environ un an. La maison de disques disait diverses choses, telles que «faites plus comme ci ou plus comme ça, sinon ça ne se vendra pas». J’ai été convoqué plusieurs fois en réunion.
Mais j’ai maintenu: «Je vais le faire à sa manière car c’est quelque chose qui ne s’est jamais fait auparavant, et parce qu’elle m’attend au tournant », et j’ai rejeté tout ce bruit autour de moi. En un sens, je suis devenu un bouclier pour Ringo-san. A l’époque, j’avais 32 ou 33 ans, je l’ai fait pour une maison de disques, donc c’est bizarre pour moi de le dire, mais je pense que j’ai fait de mon mieux pour la protéger. Ringo-san m’appelait « maître » ce qui voulait dire qu’elle me faisait confiance.

L’interview nous explique aussi que le courant (électrique) a tout de suite bien passé entre eux car ils ont tous les deux des gouts très éclectiques en musique, comme on peut s’en rendre compte pour Sheena sur son album de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~). En regardant les concerts de Tokyo Jihen, j’ai toujours eu cette image de Kameda comme étant une figure rassurante, un pilier qui maintient solidement le groupe. Ce sont d’ailleurs des sujets dont on parlait intensément et passionnément avec mahl et Nicolas dans les commentaires du long billet “se perdre dans un vert profond”. Dans l’interview, Kameda revient également sur sa coupe de cheveux en iroquois qu’on peut voir sur les premiers concerts jusqu’à Electric Mole, en expliquant que Sheena lui avait demandé, et que ça avait même changé en positif la perspective qu’il a de lui même.

「師匠、もしかしたら……モヒカンとかお似合いかも」

«Maître, peut-être… peut-être que ça t’irait bien si tu te coiffais en iroquois ou quelque chose dans le genre. »

Ceci me laisse penser qu’ils travaillent bien ensemble et pendant aussi longtemps car ils ont des influences et une culture similaires mais aussi des approches complémentaires, notamment dans leurs manières d’être. On ressent à travers les propos de Kameda dans cet interview une grande inspiration mutuelle.

Et en parlant de Kameda, je viens de me rendre compte récemment à travers un message qu’il a publié sur Twitter qu’il est l’arrangeur de tous les morceaux de AiNA The End sur son premier album The End sorti le 3 Février. C’est amusant car, comme je le mentionnais déjà, j’avais indiqué le nom d’AiNA à la question de l’enquête du fan club Ringohan nous demandant de donner des idées d’artistes pour lesquels Sheena pourrait écrire des chansons. Je ne savais pas à ce moment là que Kameda était autant impliqué dans la production de l’album d’AiNA. Ça augmente tout d’un coup la probabilité que mon pronostic se réalise un jour. C’est un sujet à suivre. Sur son compte Twitter, Kameda fait un retweet d’une petite vidéo montrant AiNA devant un mur d’écrans géants affichant des extraits de ses vidéos récentes. La scène se passe dans la gare de Shibuya et je n’ai pas pu m’empêcher d’aller voir par moi-même le soir même et de prendre quelques photos. Je commence juste à écouter son album, morceau par morceau, mais pas encore en totalité. J’aime beaucoup pour l’instant les morceaux que j’ai pu écouter mais on n’atteint pas cependant l’intensité émotionnelle et visuelle du morceau Niji dont je parlais auparavant. J’aime beaucoup un morceau comme NaNa dont la musique me fait d’ailleurs un peu penser à l’ambiance musicale de Sheena Ringo. Ça doit être la touche Kameda. La voix voilée (Husky voice, comme on dit) d’AiNA The End est pourtant très différente et n’atteint pas les sommets de ce qu’on peut entendre chez Sheena. Mais j’ai le sentiment qu’AiNA admire Sheena et voudrait marcher sur ses traces. L’album est très orienté balades et certains morceaux sont un peu trop calmes et doux à mon goût, mais il faut lui reconnaître un très bon sens de la mélodie et une voix très attachante. J’y vois aussi un côté reposant qui me plait bien finalement. Il faut savoir qu’elle a écrit les paroles et la musique de tous les morceaux et que certains datent d’il y a plusieurs années. Je me demande comment les amateurs de BiSH réagissent à cet album solo d’AiNA. Je trouve personnellement que les ambiances sont très différentes et que l’album The End est plus posé que ceux qu’on connaît de BiSH qui peut partir parfois dans les extrêmes. Il est forcément plus personnel et cette ambiance me plait beaucoup.

まだ始まらないふりにして

Avant d’écrire mon premier billet pour la nouvelle année qui démarre, j’ai pris l’habitude de jeter un œil sur les billets que j’ai écrit les années précédentes. Ils sont en général longs et détaillés en commençant par un passage en revue de l’émission de la NHK Kōhaku Uta Gassen. Je fais le même genre de long billet depuis Janvier 2017 et j’ai même tendance à répéter les mêmes choses. Ce début d’année est plus calme que d’habitude et la principale différence est que nous ne l’avons pas passé près de Kamakura suite au déménagement de la mère de Mari à Tokyo. Nous restons donc à Tokyo cette année et nous ne nous déplacerons pas beaucoup. Au début de l’année, je me pose toujours la question de ce que je devrais changer dans ma manière d’écrire ce blog. J’ai l’impression que les marches de manœuvre sont de toute façon assez limitées, donc je ne me formalise plus beaucoup sur ce genre de réflexion. J’aimerais quand même reprendre la création de morceaux électroniques, reprendre mes illustrations ou écrire de nouveaux épisodes de ma série sur l’histoire de Kei. Je suis d’ailleurs en train d’écrire le sixième épisode de cette histoire depuis un petit moment. L’écriture d’une fiction me prend beaucoup de temps, mais j’adore passer ce temps à imaginer petit à petit le déroulement de cette histoire. Parfois, j’aimerais transformer ce blog entier en une œuvre de fiction. Sans aller aussi loin, je vais quand même essayer de regrouper ces textes que j’ai commencé à écrire en 2017 sur une page du blog pour qu’ils puissent être lus dans la continuité.

Je vais aussi continuer ma revue des concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen, le prochain sera Just Can’t Help It. Sur la vingtaine qu’il existe en tout, j’ai déjà écrit un billet sur plus de la moitié d’entre eux et il me reste huit concerts à couvrir sur ce blog. Parmi ces huit concerts, il y en a trois que je ne possède pas encore en DVD ou Blu-ray. Je ne sais pas s’il existe un autre groupe ou artiste qui a sorti autant de concerts en vidéo. J’éprouve en tout cas toujours le même plaisir à les regarder et les commenter ensuite. Je ne pense pas, par contre, m’étendre autant que j’ai pu le faire sur Electric Mole, dans mon dernier billet sur ce sujet. Tokyo Jihen a également été très actif ces derniers mois avec des nouveaux morceaux et des passages dans les émissions musicales télévisées de fin d’année, pour mon plus grand plaisir, que ça soit sur les émissions FNS ou Music Station que j’ai déjà brièvement mentionné ou lors de l’émission Kōhaku du 31 Décembre. Comme je le mentionnais dans un billet précédent, ils ont joué une version modifiée du morceau Uru Uru Urū (うるうるうるう) sous le nom de Uru Uru Urū ~ Nōdōteki Urū Shime Hen (うるうるうるう~能動的閏〆篇~ ). Le groupe était habillé en yukata avec logo de paon et jouait dans un studio séparé, entouré d’écrans similaires à ceux qu’on pouvait voir pendant les concerts de la tournée News Flash. On peut d’ailleurs acheter ces yukata sur la boutique de Ringohan, mais il faut à priori aimer se faire remarquer. Leur prestation était beaucoup plus posée que celle de Music Station où Sheena était habillée en boxeur, mais pas pour autant moins mémorable. La mise en scène était travaillée avec des danseuses Awaodori intervenant à la fin du morceau et une chorégraphie de MIKIKO. L’émission Kōhaku semblait plus courte que d’habitude, peut être parce qu’elle se passait sans public dans la salle du NHK Hall. La nouvelle année arrive enfin et on est bien content de faire notre adieu à l’année précédente bien qu’elle n’a pas été aussi mauvaise que cela sur de nombreux points, au moins pour ce blog. J’ai quand même pu prendre beaucoup (trop) de photos l’année dernière et on a démarré des activités que nous n’avions pas fait auparavant. J’aurais un certain nombre de photographies de la fin Décembre à montrer un peu plus tard, mais j’hésite un peu. Ou alors, il me faudra être plus sélectif dans les photographies que je montre. Celles de la série ci-dessus sont prises dans le quartier de Naka-Meguro et Ebisu dans les tous premiers jours de cette année (hier en fait). Les troisième et quatrième montre une maison aux formes très intéressantes. Il s’agit de SRK par ARTechnic Architects.

Le premier jour de cette année, je surveillais également ma boîte email, car je m’entendais à recevoir une annonce de Tokyo Jihen. L’année dernière, ils avaient annoncé leur réformation le 1er Janvier. Je me suis donc dit qu’il pourrait également y avoir une annonce le 1er Janvier 2021, peut être une nouvelle tournée ou un nouvel album. C’est certainement beaucoup trop tôt pour lancer sereinement une nouvelle tournée. Tokyo Jihen a plutôt annoncé un nouvel album en préparation sans donner de date précise, sous le nom de code 2O2O+X. Le court teaser pourra difficilement nous faire patienter et j’espère qu’une date sera bientôt annoncée. Toujours pour nous faire attendre, le groupe partage une photo, celle ci-dessus, toujours avec un brin d’extravagance dans leur accoutrement (apparemment totalement en Gucci).

Ces dernières semaines, j’ai un peu moins parlé des découvertes musicales que j’ai pu faire mais j’ai quand même écouté de très belles choses. Avec le début d’année, de nombreux blogs ou sites musicaux que je suis attentivement font leur top 10 ou 100 des meilleurs albums de l’année 2020. Je ne me lancerais pas à lister le mien car il donnerait une vue très partielle de l’année 2020, mais j’aime beaucoup lire ceux des autres en gardant un regard critique, voire très critique parfois, ce qui fait partie du plaisir de découvrir ces classements. Je me questionne souvent sur la justesse des goûts musicaux des personnes faisant ces classements, mais je me rends compte aussi qu’il est très difficile d’avoir une influence sur son public. Je me pose souvent la question du nombre de personnes qui ont découvert un nouveau groupe ou un/une artiste grâce à mon blog. Je pense qu’on a tendance à s’aventurer vers des noms que l’on connaît déjà mais qu’il est plus difficile, à travers la simple recommandation d’un blogger ou d’un tweet, de se plonger naturellement dans la découverte d’un nouvel artiste dont on n’a jamais entendu parler. C’est certainement une question de temps disponible. Quand un blogger nous donne une liste de 100 albums, on a guère le temps ou le courage de se mettre à les écouter un à un. En ce qui me concerne, la couverture d’un album peut être un déclencheur. Il est rare que j’apprécie un album si je déteste la couverture. Cela fait partie d’un tout et si la couverture du disque me déplaît, c’est souvent parce que l’univers de l’artiste ne correspond pas exactement à ce que je recherche. Il y a de nombreuses exceptions et beaucoup de couvertures d’albums qui sont beaucoup plus fades que leur contenu. Mais le mauvais goût graphique est souvent synonyme pour moi d’une insuffisance qualitative de la musique. Dans les listes de fin d’année, je suis en général très attentif à celle de Pitchfork, sauf cette année. En fait, j’ai inconsciemment pratiquement tourné le dos à la musique occidentale pendant toute l’année dernière. Dans les 20 premiers albums du classement 2020 de Pitchfork, je n’en ai écouté aucun et aucun de ces albums ne me fait vraiment envie. J’ai certainement tord mais je me suis un peu déconnecté de la musique occidentale en 2020, un peu de la même manière qu’en 1999/2000 à mon arrivée à Tokyo où je n’écoutais également que de la J-Pop (terminologie qui ne veut rien dire). Je suis persuadé que les goûts fonctionnent par cycles, d’où parfois la difficulté de conseiller un artiste ou un album à quelqu’un. La découverte doit se faire au bon moment, qui correspond à une situation personnelle adaptée. En 2020, j’ai tout de même eu le plaisir de découvrir les nouveaux albums de Grimes, Autechre ou encore Thurston Moore.

Quant aux quatre découvertes musicales ci-dessus, ce ne sont pas des artistes ou des groupes que je ne connaissais pas mais plutôt des nouveaux morceaux ou albums d’artistes que je suis déjà depuis un petit moment et dont j’ai déjà parlé sur made in tokyo. 4s4ki sort le 16 Décembre 2020 un nouvel album intitulé Hyper Angry Cat qui s’avère en fait être une compilation incluant son album précédent Your Dreamland (おまえのドリームランド) sorti en Avril 2020 et d’autres morceaux, nouveaux ou inclus dans des EPs précédents. Je réécoute assez régulièrement Your Dreamland, dont je parlais ici l’année dernière et qui est un des albums que je préfère de l’année 2020. De Hyper Angry Cat, je n’écoute pour l’instant que trois morceaux dont le morceau titre de l’album Hyper Angry Cat (超怒猫仔) en collaboration au chant avec Mega Shinnosuke et Nakamura Minami. On retrouve le style hip-hop et les sons électroniques que l’on connaît sur Your Dreamland mais en beaucoup plus agressif et détonnant. Il y une multitude de sons 8bits, de glitches, de voix qui partent dans tous les sens et c’est particulièrement inspiré. Les associations de voix fonctionnent très bien, et c’est un plaisir d’écouter ce morceau en boucle. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai le sentiment que 4s4ki est en avance sur son temps musicalement, pas spécialement pour la nouveauté des sons, mais pour sa mise en forme qui donne un ensemble extrêmement cohérent alors qu’il se base sur une cacophonie apparente de sons. Je pense que sa voix plus douce vient lier tous ces éléments d’une manière cohérente. J’écoute ensuite le troisième morceau Cat Jesus Cat (猫Jesus猫) qui a des apparences plus calmes, jusqu’à ce que les machines électroniques se réveillent. J’écoute aussi depuis plusieurs semaines le morceau 35.5, au rythme très soutenu, proche de l’EDM. C’est un morceau particulièrement prenant, et dès qu’on met une oreille dedans, il est difficile de s’en échapper. Le reste des morceaux de cette petite playlist peut paraître un peu fade par rapport à la musique de 4s4ki qui provoque une certaine addiction, mais continuons quand même car il faut bien varier les styles. Revenons vers le rock avec le morceau I want to touch you and be sure (触れたい 確かめたい) de Asian Kung-Fu Generation en duo avec Moeka Shiozuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà parlé ici de Ajikan (diminutif indispensable pour les groupes de rock alternatif japonais qui ont l’idée saugrenue d’avoir des noms à rallonge) mais j’aime beaucoup leur album de 2004, Sol-fa (ソルファ). Ce morceau en duo de voix ne révolutionne pas le genre mais reste très accrocheur. Cela me rappelle que Hitsuji Bungaku a également sorti un nouvel album récemment et il faut que j’y jette une oreille. Ensuite, je reviens encore sur l’album de AiNA The End qui sortira le 3 Février 2021 et qui s’annonce comme un très bel album, du moins à l’écoute des deux premiers morceaux disponibles. Osmanthus (金木犀), qui vient juste de sortir, n’est pas aussi prenant et viscéral que le précédent Niji (虹) mais reste un très beau morceau surtout lorsque AiNA laisse filer sa voix légèrement voilée. Pour terminer cette petite série, on change encore de registre en passant à l’electro de Utae sur un nouveau morceau intitulé Just a Dream? (夢だとおもうの?). Elle crée ses nouveaux morceaux au compte-gouttes et j’en parle presqu’à chaque fois ici, car j’y trouve une certaine sérénité et un apaisement qui fait du bien. La voix de Utae joue dans ce sens, ainsi que les nappes électroniques qui évoluent doucement en changeant légèrement de rythme en cours de route. Je me rends compte en écrivant ces lignes que je couvre des styles très opposés dans cette playlist… Et au fait, une très bonne et heureuse année 2021 aux fidèles lecteurs de made in tokyo ainsi qu’aux plus occasionnels. Espérons que je maintienne le même rythme pour cette nouvelle année.

se perdre dans un vert profond

Les quelques photographies ci-dessus sont prises entre Ebisu et Shirogane. J’ai en général une attirance pour les tuyauteries compliquées cachées à l’arrière des buildings, mais je ne montre pas toujours ce genre de photographies. A part l’apparition inattendue d’un puit dans une ruelle trop étroite pour les voitures dans un quartier de Shirogane, ces photographies n’engagent pas beaucoup aux commentaires. Il s’agit tout simplement d’un nouveau témoignage photographique de la complexité urbaine tokyoïte qui n’est pas toujours visible si l’on reste sur les grandes artères. Mais ces photographies ont au moins l’intérêt de me rappeler l’existence du blog de Jocelyn Prud’homme basé à Osaka, mais qui n’a plus l’air actif depuis deux ans. Montrer la complexité urbaine dans les moindres détails (les tuyauteries, l’acier, le béton des autoroutes) … est un des sujets de ses photographies et il le faisait très bien. C’était un de ces blogs sur le Japon qui ne ressemblaient pas aux autres et qui ne s’adressaient pas aux voyageurs, mais plutôt aux amateurs de la matière urbaine. C’est toujours dommage de voir un blog s’arrêter et il suffit parfois de peu de choses pour que ça arrive. Pour continuer, il faut se dire qu’avoir des visiteurs est un plus, mais pas une raison d’être. Un blog doit vivre pour lui même ou du moins pour son auteur.

Mais la réalité est que je regarde régulièrement le tableau de bord WordPress de Made in Tokyo pour voir dans les statistiques quels sont les billets les plus regardés. Il s’agit en général des derniers billets publiés sur le blog ainsi qu’un certain nombres de mes billets couvrant l’architecture tokyoïte. J’y vois régulièrement apparaître des billets plus anciens, ce qui m’amène souvent à les relire avec souvent un brin de nostalgie. J’ai toujours pensé que la raison principale pour laquelle je maintenais ce blog était de pouvoir revenir sur mes écrits et photographies plusieurs années après, pour me remémorer l’état d’esprit dans lequel j’étais à l’époque où je les ai écrit. Récemment, un ou plusieurs visiteurs ont consulté un ancien billet de Juillet 2004 sur lequel j’évoquais la musique d’Ajico sur l’album Fukamidori (深緑), sorti quelques années plus tôt en 2001. Je n’ai pas réécouté cet album depuis très longtemps et relire mon billet me donne envie de me replonger dans cette musique rock plutôt mélancolique. Je me souvenais bien qu’Ajico était un projet de UA, mais j’avais un peu oublié que Kenichi Asai (浅井健一) du groupe rock Blankey Jet City faisait également partie du groupe, à la guitare électrique et au chant. En fait, je savais que c’était un bon album mais j’avais oublié à quel point son écoute était prenante. Les accords de guitare purs comme du cristal sur le premier morceau prenant le titre de l’album restent très présents en tête après avoir écouté l’album en entier. Ce premier morceau est marquant mais on aurait tord de s’arrêter là, tant la totalité de l’album est riche en émotions. La voix très typée de UA y est pour beaucoup mais se complémente très bien avec celle de rockeur de Kenichi Asai. C’est également une voix très marquée que je découvre maintenant sous un autre jour et qui me plait vraiment beaucoup. En fait, les morceaux où ils chantent tous les deux en duo fonctionnent très bien comme le cinquième morceau Aoi tori ha itsumo fumange (青い鳥はいつも不満気). Le ton de l’ensemble de l’album est très mélancolique et il faut donc être dans de bonnes conditions pour l’écouter (j’ai l’impression que c’est un commentaire que je fais souvent). Je pense par exemple au deuxième morceau Suteki na Atashi no Yume (すてきなあたしの夢), qui s’avère être un des meilleurs morceaux de l’album. La manière de chanter de UA est particulièrement poignante et on ressent qu’elle vit les morceaux qu’elle interprète. Kenichi Asai a lui une voix plus torturée et je dirais même sauvage par moment. Mais si les voix des interprètes sont un des points d’accroche principaux du groupe Ajico, la qualité de la partition musicale, notamment des guitares n’est pas en reste. J’ai l’impression de redécouvrir cet album comme au premier jour.

De gauche à droite, les albums Fukamidori (深緑) d’Ajico (2001), Jet CD de PUFFY (1998) et C.B.Jim de Blankey Jet City (1993).

Le nom de Kenichi Asai m’est familier depuis un petit moment déjà. Lorsque j’ai fait en octobre 1999 sur mon site web Okaeri (l’avant Made in Tokyo) une petite liste sur la musique japonaise que je préfère, j’y avais inscris le groupe PUFFY et leur album le plus connu, Jet CD sorti en 1998, dont le titre est inspiré du nom du groupe de Kenichi Asai. Blankey Jet City est mentionné comme influence du côté rock d’Ami et Yumi sur PUFFY. Je ne réécoute pas très souvent Jet CD mais j’y reviens quand même de temps pour la bonne humeur qui s’en dégage (カニ食べ行こう🎶). On ne perçoit pas trop l’influence du son de Blankey Jet City sur la musique de PUFFY, mais parmi la multitude de morceaux pop, on y trouve tout de même un esprit rock, avec même des sons de guitares très lourds et sombres, comme sur Shoubijin (小美人) qui est le morceau que j’aime réécouter le plus souvent. En relisant cette page écrite en Octobre 1999 sur mes artistes japonais préférés, je me rappelle en lisant ce que j’écrivais sur PUFFY, qu’on avait même eu dans l’idée avec mon copain SeB d’écrire un morceau pour le groupe. Il faudrait que je retrouve une trace des paroles qu’on avait écrit à cette époque bien que je suis certain que ça ne devait pas être très brillant et hautement improbable. En réécoutant ces morceaux de PUFFY, me reviennent ces souvenirs d’il y a plus de vingt ans. Dans cette liste d’Octobre 1999, il y a des artistes que j’écoute encore maintenant comme Sheena Ringo (il me semble avoir déjà parlé de cette artiste récemment), Utada Hikaru ou LUNA SEA, avec une ferveur identique à celle d’il y a vingt ans, mais d’autres pour lesquels mon intérêt a complètement disparu. Je mentionnais par exemple L’Arc~en~ciel, Spitz ou Mr Children que j’écoutais beaucoup à l’époque mais que j’ai beaucoup de mal à ré-apprécier maintenant. Comme j’aime bien identifier les liens entre les artistes que j’apprécie et pour revenir à PUFFY, rappelons nous que Sheena Ringo a écrit un morceau pour le duo en 2009. Ce morceau intitulé Hiyori Hime (日和姫) est sorti en single et été ré-interprété par Sheena sur la première compilation Reimport, Gyakuyunyū: Kōwankyoku. J’aime d’ailleurs beaucoup la photo de la pochette de ce single de PUFFY car Ami et Yumi sont représentées comme des poupées Hina en kimono avec chacune une mèche blonde sur le côté. Je trouve dans cette image un lien certain avec l’univers de Sheena Ringo, notamment dans l’imagerie utilisée sur ces compilations de la série Reimport.

En fait, le nom de Kenichi Asai m’était surtout familier car il est mentionné dans les paroles de Marunouchi Sadistic, mais sous son surnom « Benji ». Dans les paroles de ㋚, Sheena nous dit que Benji la frappe avec sa guitare Gretsch (そしたらベンジー、あたしをグレッチで殴って). On imagine qu’il s’agit d’une expression imagée et qu’elle est plutôt frappée dans son fort intérieur par le son de la guitare de Kenichi Asai. Ils ne doivent pas être en mauvais termes, car ils ont interprété ensemble le morceau Kiken sugiru (危険すぎる) sur Ukina, morceau principalement interprété par Kenichi Asai mais sur lequel Sheena fait des interventions très contenues dans les chœurs. Tout comme Number Girl, je pense que Blankey Jet City a joué une influence sur l’approche agressive des morceaux rock de ses débuts. Ma curiosité grandissante m’a amené à découvrir la musique de Blankey Jet City en commençant par l’album C.B.Jim sorti en Février 1993. Je ne suis pas déçu. On y trouve une énergie rock assez folle et immédiate avec des guitares rapides et incessantes, techniquement très pointues. La manière de chanter de Kenichi Asai, ponctuant certains mots avec insistance, y est très incisive à la limite entre le punk rock et le rockabilly. Il y a un côté assez jubilatoire à écouter ses paroles nous parlant d’histoires de mauvais garçon. Je pense continuer encore un peu l’écoute d’autres albums du groupe, mais le choix semble difficile car ils ont sortis plus d’une dizaine d’albums. Je n’aime en général pas beaucoup les albums best off car c’est souvent en dehors des singles que je trouve les morceaux que je préfère, mais je vais peut être faire une exception cette fois-ci en écoutant la compilation Complete Single Collection, l’album avec un chat noir en couverture.

Deux images extraites de la vidéo du morceau Niji (虹) de AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) sorti le 3 Décembre 2020.

Sur le site web Ringohan, une enquête est lancée depuis le 3 Décembre auprès des fans, comme l’année dernière, pour connaître notamment quels sont les morceaux ou les albums préférés de Sheena Ringo et Tokyo Jihen. J’y participe cette fois-ci, un peu par curiosité pour voir quels types de questions sont posées. Les résultats pour certaines questions sont mis à jour en temps réel. On apprend donc sans grande surprise que Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック) et Gunjō Biyori (群青日和) sont les morceaux préférés des fans pour SR et TJ respectivement. Dans les statistiques, je remarque également qu’il y a une majorité de participation féminine à cette enquête (de 60% à 70%), ce qui doit à mon avis représenter la proportion réelle des fans et ce qui ne m’étonne en fait pas beaucoup. Parmi les questions, Sheena demande aux fans leur avis sur les futurs collaborations qu’ils ou elles voudraient voir avec d’autres artistes, quels sont les artistes qui montent et ce qu’on a fait de particulier ou de différent pendant cette période de pandémie. Je ne vais pas donner toutes les réponses que j’ai personnellement donné à chaque question. Pour l’artiste en voie de reconnaissance, j’ai mentionné Shohei Otomo, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois ici, car je serais très curieux de voir une illustration de sa part adaptée à l’univers de Sheena Ringo. J’y vois une certaine comptabilité car elle a déjà utilisé des illustrations pour des couvertures d’albums (sur Ukina par exemple). Il y a également une question demandant notre avis sur l’artiste pour lequel ou laquelle on voudrait que Sheena compose un morceau. J’ai mentionné AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) car je pense qu’elle a la capacité vocale adéquate pour chanter des morceaux à la structure complexe que pourrait lui créer Sheena. J’y pense aussi car AiNA a déjà fait une reprise assez convaincante de Tsumi to Batsu (罪と罰). Elle a d’ailleurs sorti un nouveau morceau en solo intitulé Niji (虹) qui sera inclus dans son futur album The End qui sortira le 3 Février 2021. Je trouve ce morceau, comme la vidéo d’ailleurs, impressionnant. Le morceau est très satisfaisant car il correspond exactement au style non-apaisé que je voulais entendre de sa part. Connaissant Wack, qui reste derrière cette entreprise solo, il est très possible que l’ensemble du futur album parte dans des directions très différentes, comme sur les albums de BiSH, mais on peut penser que ça restera résolument rock. AiNA joue bien les rôles tourmentés, comme on peut le voir dans la vidéo et l’entendre dans les paroles. J’imagine qu’elle signe les paroles et la chorégraphie, qui là encore reste bien dans la ligne de ce qu’elle montrait pour BiSH. Ce futur album est très prometteur mais il va falloir attendre presque deux mois avant de le voir arriver. J’imagine qu’il y aura d’autres singles en attendant. Quand à mes prédictions sur l’enquête SR/TJ, on verra bien si elles se concrétisent un jour. Je trouve en tout cas assez intéressant qu’un artiste demande l’avis aux fans sur ce genre de choses. Je pense que ça doit aider à la réflexion.

見えなくても光る

Le billet précédent à Shibuya s’accompagne des photographies ci-dessus prises un peu avant chronologiquement, en route vers le centre de Shibuya. Après ces vacances en France, j’avais envie d’aller voir l’avancement des travaux à côté de la tour Shibuya Stream. Les travaux sont gigantesques mais les nouvelles tours qui vont naître ici bientôt n’ont pas encore poussé. La tour centrale de la station de Shibuya est par contre presque terminée et ouvrira le 1er novembre 2019. Elle a maintenant un nom affiché sur les façades, il s’agit de Shibuya Scramble Square. Le toit de la tour, à 230m de haut, sera ouvert sur l’extérieur, ce qui devrait donner une belle vue sur Shibuya. On peut être sûr par contre que l’accès sera payant.

Je découvre le morceau Hikari no Hate (光の涯) de Sugizo (de LUNA SEA) avec AiNA The End (de BiSH). Sugizo assure la partition musicale et AiNA le chant. Le morceau semble être destiné à la bande sonore d’un film d’animation Gundam appelé Origin. Je ne suis pas du tout familier de l’univers de Gundam (Je devrais peut être regarder à l’occasion). Une recherche rapide sur Wikipedia m’indique qu’il s’agit d’une série pour la télévision diffusée sur NHK en 13 épisodes du 29 avril au 12 Août 2019 sous le titre Mobile Suit Gundam: The Origin – Advent of the Red Comet (機動戦士ガンダム THE ORIGIN 前夜 赤い彗星). Ce morceau est le thème de fin du dernier épisode de la série. Sugizo a en fait produit tous les morceaux de cette série animée mais avec une collaboration différente pour chaque morceau, comme KOM_I de SuiKan, la chanteuse Miwa, le groupe rock Glim Spanky. Le morceau avec AiNA est en fait une reprise d’un morceau composé avec MORRIE pour l’album Oneness M de Sugizo sorti en 2017. Je ne connaissais pas MORRIE, leader et chanteur du groupe Dead End qui était actif dans les années 80 (ils se sont reformés des années plus tard apparemment). C’était un groupe metal-hard rock japonais qui influencera le style Visual Kei, dont LUNA SEA faisait d’ailleurs partie à une période donnée. Je préfère la voix de AiNA à la version masculine de MORRIE, mais l’instrumentation des deux morceaux est assez proche. Cette version de 2019 est cependant plus aboutie. J’aime énormément ce morceau, qui a une vertu apaisante que l’on a envie de prolonger en repassant le morceau ad repetitam. La guitare acoustique en fingerpicking de Sugizo est sublime et me replonge dans l’atmosphère, non dénuée d’un certain mystère, des morceaux de LUNA SEA. Je l’ai certainement déjà mentionné auparavant mais mes premiers contacts avec la musique rock japonaise se sont fait en découvrant quelques morceaux de ce groupe, alors que j’étais encore étudiant en France. Lors de mon premier voyage au Japon en 1998, j’avais ramené un single, celui du morceau de I for You, que j’ai beaucoup écouté. Le style était assez différent de ce que j’écoutais à l’époque en France entre le rock indépendant américain et le trip-hop de Bristol. Je me souviens avoir mis un peu de temps à apprécier la voix de Ryuichi Kawamura, empreinte de romantisme mélangé à la flamboyance androgyne du style Visual Kei. Mais à l’époque où j’écoutais ces morceaux de LUNA SEA, à la fin des années 90, le style Visual Kei était déjà en phase de déclin et en 1999, il n’y avait plus beaucoup de traces visibles de ce mouvement à la télévision à part quelques exceptions comme Shazam (avec Izam), ou des groupes formés un peu plus tardivement comme Dir En Grey que je ne connais pas du tout. À l’époque, j’écoutais aussi beaucoup L’Arc~en~Ciel, un autre groupe à tendance Visual Kei. Autant j’aime beaucoup réécouter LUNA SEA maintenant, avec une pointe de nostalgie de la fin des années 90, autant j’ai beaucoup de mal à réécouter les morceaux de L’Arc~en~Ciel, à part peut-être quelques morceaux de l’album Heart de 1998. Le morceau Hikari no Hate de Sugizo m’amène donc à écouter son album Oneness M de 2017, mais je le trouve très inégal. Chaque morceau est interprété par un chanteur différent, souvent de l’ex-scène Visual Kei d’ailleurs comme Kyo de Dir En Grey, Teru de GLAY ou Kiyoharu de Kuroyume, mais également de groupes plus récents comme Yoohei Kawakami de [Alexandros]. En fait, je n’aime sur cet album que trois morceaux dont le fabuleux Towa (永遠) avec Ryuichi au chant, et les deux derniers de l’album dont le morceau VOICE avec Kiyoharu et le Hikari no hate avec MORRIE. En fait, alors que j’écoute plusieurs fois ce morceau en écrivant ces lignes, j’en viens à l’apprécier tout autant que la version avec AiNA. Les écouter à la suite, l’original puis la nouvelle version, me fait apprécier leurs différences.