city scape with film 8
(une énergie)

Ces quelques photographies sur film proviennent d’une pellicule que j’avais démarré il y a plusieurs années et que je n’ai fait développer que récemment. Une des premières photographies de cette pellicule montre l’affiche de l’album Sandokushi de Sheena Ringo posée au coin du Tower Records de Shibuya, ce qui m’indique qu’elle a été démarrée vers le mois de Mai 2019. J’avais dû prendre quelques photos en 2019 puis délaisser cette pellicule pendant plusieurs mois voire années. Ce qui est amusant c’est que je mentionnais déjà cette pellicule noir et blanc dans un billet de Juin 2019 en me demandant quand je pourrais bien la finir. J’étais loin de me douter que ça me prendrait plusieurs années. Je pense l’avoir terminé il y a plus d’un an mais elle est resté près de l’ordinateur sans que j’y touche jusqu’à maintenant. De ce fait, je n’ai plus de souvenirs très précis de ces photographies, et c’est ce qui me plait d’une certaine manière. Je ne suis par contre pas certain de reprendre des photos argentiques avec mon EOS10, car le coût de développement est assez prohibitif, même sur CD comme c’était le cas pour cette pellicule noir et blanc. Il m’a fallu attendre dix jours pour le développement par un petit magasin de photo. On est pour sûr très loin de l’immédiateté du numérique. Ça m’étonne moi-même mais je n’avais pas montré de photos argentiques depuis Octobre 2015, avec une série de sept billets intitulé city scape with film. La présente série en noir et blanc ne fera que deux épisodes mais vient en quelque sorte compléter celle déjà commencée. Pour ce premier billet, on passe par le centre de Shibuya, le parc Inokashira à Kichijōji, celui d’Hibiya, le bâtiment Nissan Crossing à Ginza et pour terminer, un vieil arbre posé dans le parc de La Croix Rouge à Hiroo. Ce grand arbre est tenu par des béquilles mais semble rester fort. Je le regarde toujours quelques instants lorsque je passe devant, histoire d’emprunter un peu de son énergie.

un court passage underground

Les trois premières photographies sont prises près de la gare de Tokyo et à Kanda Sudachō tandis que les suivantes sont prises beaucoup plus loin à Kichijōji. Les maisons sur les quatrième et cinquième photos sont situées dans la même rue à proximité du parc Inokashira. Je les ai en fait déjà montré plusieurs sur ce blog. Celle bariolée de rouge et de blanc est la demeure du mangaka d’épouvante Kazuo Umezu, qui s’habille d’ailleurs lui-même toujours de cette même manière, de vêtements à rayures blanches et rouges. J’aime bien passer la voir de temps en temps lorsqu’on est de passage à Kichijōji. L’autre maison faite de béton est à l’abandon depuis un bon petit moment. Il s’agit pourtant d’une maison conçue par un architecte reconnu, Yōji Watanabe, à qui l’on doit notamment le fabuleux New Sky Building (ou Sky Building No. 3) à Shinjuku que j’avais visité en 2007. La maison Steamer Basket House construite en 1966 à Kichijōji n’est pas aussi impressionnante que le New Sky Building, mais il serait quand même dommage de la voir disparaître si elle ne trouvait pas d’acquéreur prochainement. Je n’avais pas marché seul dans les rues de Kichijōji depuis longtemps, faisant cette fois-ci le tour des petits disquaires que je connais sans but très précis. Lorsque je ne cherche rien de précis, je ne trouve en général rien de précis car je ne me lance que très rarement dans l’achat au hasard de CDs de groupes ou d’artistes que je ne connais pas.

Parmi les quelques découvertes musicales récentes, notons le groupe de rock indé bed avec deux morceaux intitulés Michael Mann et Kare Wa. Ces deux morceaux jouent sur les ambiances plutôt que d’avoir une composition musicale classique faite de couplets et de refrains. Je me demande si le titre du morceau Michael Mann est inspiré de l’ambiance de certains films du réalisateur américain, comme Heat (1995) qui est un film que j’aime particulièrement. Le morceau Kare Wa a un riff de guitare qui accroche immédiatement et comme sur le morceau Michael Mann, les rythmes de batterie et de basse sont des composantes importantes de la trame du morceau. La vidéo de Kare Wa est plutôt anxiogène mais l’ambiance générale est de toute façon assez sombre sur ces deux morceaux. Le morceau Kare Wa fait plus de six minutes et laisse cette ambiance répétitive de guitares s’imprégner dans notre cerveau. J’ai découvert ce groupe, notamment le morceau Kare Wa aux détours des internets il y a plusieurs mois mais je ne retrouve plus où exactement. Je pense que c’était sur le site et compte Instagram Sabukaru (pour Subculture) mais je ne retrouve plus l’article en question. Une courte vidéo sur le compte Twitter Angura (pour Underground) m’y rappelle. L’auteur intitule sa vidéo « the bed phenomenon: a revolution in Tokyo subculture ». La vidéo rend assez bien compte de l’ambiance électrique qui peut régner en concert, mais j’ai par défaut tendance à être assez dubitatif quant aux superlatifs excessifs car j’ai toujours l’impression qu’ils tentent de forcer une opinion à un auditoire sans laisser le choix de désapprouver ou d’avoir des réserves. Le site Sabukaru, que j’aime beaucoup par ailleurs, fonctionne également beaucoup comme ça dans les titrages de ses articles. J’ai parfois la crainte de faire la même chose dans les billets de ce blog lorsque je parle de musique. L’enthousiasme nous emporte parfois et c’est tout à fait naturel. Tout ceci n’enlève en rien l’intérêt d’avoir des sites traitant de la culture underground japonaise, du moins une facette bien précise vue d’un point de vue étranger. Et la musique du groupe indé japonais bed est particulièrement brillante bien que particulièrement sombre.

don’t know the fever that’s so deep in me

Je continue les mélanges de lieux sur le quatrième épisode de cette petite série en noir et blanc qui vient s’intercaler entre les épisodes habituels en couleurs. Je ne suis pas sûr que ça se remarque mais il y a un très léger effet de flou volontaire sur les photos de cette série. J’ai récemment un peu modifié mon traitement habituel des photographies en couleurs en leur donnant plus de contraste que d’habitude. Je pense que ce traitement plus contrasté convient bien à la lumière estivale. Il est possible que je modifie une nouvelle fois mon traitement photographique une fois l’hiver arrivé. J’ai également modifié mon approche du noir et blanc au début de l’été avec la série Shirokuro ni naru Tokyo (白黒になる東京) qui introduisait ce léger effet de flou que l’on trouve sur les photographies de ce billet. Il retransmet à mon avis assez bien la chaleur ambiante qui continue encore maintenant au mois de Septembre. J’étais adepte des très forts contrastes jusqu’à la saturation des couleurs dans les premières années du blog. Sans aller aussi loin qu’à mes ‘débuts’ photographiques, il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources (原点回避) qui s’opère maintenant. Ce léger effet de flou et le noir et blanc ne conviennent pas à toutes les photographies mais s’accordent particulièrement bien avec l’architecture de béton, peut-être parce qu’elle est à la fois dure et intemporelle. Le noir et blanc contrasté vient accentuer les aspérités du béton, tandis que le léger flou vient le rendre plus doux. Il s’agit ensuite de bien doser. Quand aux lieux sur les photos, mon souvenir est vague mais la première montre une résidence appelée TMK PLUS+ dont je ne connais pas l’architecte à Kami Meguro tandis que la dernière photographie a été prise à Kichijōji.

Il suffit que je mentionne brièvement AiNA The End pour qu’elle sorte immédiatement un nouvel EP. Je n’ai bien sûr pas ce pouvoir d’influence mais je ne suis pas mécontent de pouvoir écouter des nouveaux morceaux de AiNA, surtout quand ils sont aussi excellents que les quatre morceaux qu’on peut écouter sur ce nouvel EP Born Sick. Le nom du EP nous laisse tout de suite deviner qu’on ne va pas soumettre nos oreilles à des ballades tranquilles. Le premier morceau Retire a l’ambiance la plus rock alternatif de l’ensemble. C’est aussi celui où elle vient le plus mettre à l’épreuve sa voix. J’ai toujours un peu peur qu’elle finisse par perdre sa voix quand elle la pousse un peu trop, jusqu’aux cris comme ça peut être le cas sur ce morceau. Elle a déjà eu des problèmes vocaux dans le passé l’obligeant à faire une longue pause. La qualité de ce type de morceaux et surtout l’interprétation sans compromis qu’en fait AiNA me fait tout d’un coup réaliser la fragilité d’une voix. Ce qui me fait plaisir sur ce EP, c’est qu’elle ne choisit pas la facilité et s’éloigne volontairement de recettes toutes faites qui pourraient pourtant lui apporter plus de succès commercial. Elle se place volontairement dans un terrain plus compliqué à appréhender pour un nouveau venu mais aussi plus personnel. J’ai le sentiment qu’elle se donne une totale liberté, sans trop se soucier de ce qui pourra marcher ou pas pour le public. Le deuxième morceau Katei Kyōshi (家庭教師) est certes plus pop mais s’inscrit quand même dans les meilleurs morceaux qu’elle ait écrit jusqu’à maintenant. Blood of Romance (ロマンスの血) ensuite est somptueux. Le morceau est plus symphonique et prend donc plus d’ampleur. On se laisse complètement accrocher par sa voix qui décroche un peu sur les fin de phrases et par la trame musicale ponctuée par des cuivres qui viennent taper comme des poings. Une vidéo qu’elle chorégraphie elle-même comme d’habitude est d’ailleurs sorti pour ce morceau il y a quelques jours. Elle était montrée en avant-première suite à une vidéo live sur YouTube où AiNA présentait ce nouvel EP. J’étais d’ailleurs connecté à ce moment là, par chance et par le hasard qui fait parfois bien les choses. Le dernier morceau Pechka no Yoru (ペチカの夜) est aussi très beau mais souffre forcément un peu d’être placé juste après Blood of Romance, du moins au début car il prend assez vite en ampleur émotionnelle lorsque les violons interviennent doucement. Le morceau est également intéressant par la manière par laquelle AiNA alterne ses voix d’une manière presque schizophrénique. Une voix douce et enfantine intervient à un moment du morceau avant de se transformer en éclats quelques secondes plus tard. J’aimais beaucoup son premier album (bien qu’inégal) dont j’ai déjà parlé et quelques morceaux sortis après, en général les plus dérangés, mais je trouve que ses morceaux sont au fur et à mesure de plus en plus aboutis et gardent une forte empreinte personnelle. Ce qui est également intéressant avec ce EP, c’est que je me force à ne pas trop l’écouter en boucle pour ne pas l’épuiser trop rapidement. Toujours est-il qu’elle sort ses nouveaux titres comme s’il y avait urgence car un nouvel album intitulé The Zombie est déjà prévu pour le 24 Novembre 2021, précédé par un autre EP de quatre titres intitulé Dead Happy qui sortira le 25 Octobre. Tout un programme.

strength through fragility

Quand arrive la période des sakura, je me pose toujours la question de comment je vais les représenter sur ce blog. L’année dernière était particulière car je n’ai pris que peu de photos des cerisiers en fleurs. Cette année marque un retour à la normale d’une certaine manière, car j’ai pris beaucoup plus de photos qu’il me faudra montrer petit à petit sur plusieurs billets. Nous avons volontairement évité les zones que l’on savait encombrées ou alors nous y sommes allés en dehors des heures de grande fréquentation. J’ai toujours trouvé difficile de rendre justice en photo à la beauté des cerisiers en fleurs car les voir en réalité donne un effet beaucoup plus saisissant que lorsqu’on les cadre dans une photo. C’est certainement dû au fait que cette beauté vient de la continuité des cerisiers posés les uns à la suite des autres, et cette continuité est difficile à retranscrire dans le format restrictif d’une photographie. Je m’y essaie tout de même en m’efforçant à les montrer en perpective, comme je le fais pour une photo d’architecture. C’est notamment le cas sur les photographies que j’ai pris à Meguro et sur la rue Meiji, que je montrerais plus tard sans d’autres billets. J’aime beaucoup représenter les cerisiers en milieu urbain pour le contraste entre la légèreté et l’éphémère du sakura et la massivité des buildings. En voyant la manière à laquelle ces fleurs si fragiles monopolisent toute l’attention de la population pendant quelques semaines démontrent une force beaucoup plus puissante que toutes ces encombrantes constructions humaines. Sur les quelques photos ci-dessus, nous allons à Akasaka autour de Ark Hills. C’est un de nos passages obligatoires tous les ans. L’année dernière nous n’y sommes passés qu’en voiture. Le tunnel de cerisiers a un peu perdu de sa splendeur au fur et à mesure des années, car des branches ont été coupées. Les cerisiers plantés plus récemment derrière Izumi Garden prennent maintenant la relèvent. Les deux dernières photos du billet sont prises ailleurs, autour du parc Inokashira à Kichijōji. J’aime beaucoup la manière par laquelle le cerisier de la dernière photographie impose sa présence sans laisser aucun choix aux habitants de cette rue. Je ne parle pas de musique dans ce billet mais elle m’accompagne pourtant pendant tout le développement numérique de ces photographies sur ordinateur.

真夏.6

(ハ) Shinjuku (新宿): Vue sur l’élégance d’un cycliste bravant les automobiles sur leur propre terrain. (ヒ) Shibuya (渋谷): Vue depuis le parc sur les danseurs dessinés sur la vitrine d’un immeuble de verre. (フ) Kichijōji (吉祥寺): Vue sur la délicate fleur d’orchidée vivant dans la pénombre et la fraîcheur d’une pièce de tatami. (ヘ) Marunouchi (丸の内): Vue sur des pois de différentes tailles sur la robe d’une passante sous ombrelle et sur les rebords de la vitrine d’une boutique de Rei Kawakubo. (ホ) Shibuya (渋谷): Vue sur la prédiction d’une éclaircie sur un écran digital et sur une paroi de verre. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de Eastern Youth, 自由 et 世界は割れ響く耳鳴りのようだ de leur album 其処カラ何ガ見エルカ sorti en Mars 2003.