petit voyage de printemps (4)

Après notre visite de l’intérieur du château, nous faisons maintenant le tour des douves tout en appréciant l’architecture du château. Les lumières du jour se reflétant sur les façades noires lui donnent parfois des couleurs argentées du plus bel effet. Les cerisiers ne sont malheureusement pas encore en fleurs en ce dernier jour du mois de Mars. Nous les manquons de peu car les bourgeons sont sur le point d’éclore. Tout en écrivant ces quelques billets sur la ville de Matsumoto, je retrouve ci-dessous quelques photos que j’avais pris à mon premier passage en Février 2000.

Nous étions partis à 7 en voiture de location depuis Tokyo en se relayant pour la conduite. Notre première étape était le château de Matsumoto puis nous avions ensuite filé jusqu’à Hida Takayama pour passer la nuit dans un ryokan. Il neigeait et je me souviens très bien du froid dans le ryokan. Notre étape suivante était le village de Shirakawa-go, superbe sous la neige, et beaucoup moins touristique qu’il l’est devenu après. J’avais scanné il y a quelques temps les photos argentiques que j’avais pris pendant ce voyage. Je réfléchis à en montrer quelques unes sur ce blog en les plaçant chronologiquement au mois de Février 2000. En attendant, je montre trois photos ci-dessus qui me font remarquer que j’avais déjà la mauvaise habitude de prendre des photos légèrement penchées. Je prends souvent involontairement des photos légèrement obliques et je les réajuste la plupart du temps avant de les montrer sur ce blog. Ça me rend même fou parfois car je pense que certaines photos que j’ai pris sont légèrement obliques alors qu’elles sont correctement nivelées. Je suis assis sur la droite d’une des photos ci-dessus. J’avais déjà pris l’habitude de faire ce signe si distinctif de la main quand on se fait photographier. J’étais bien jeune et insouciant à cette époque là.

La dernière photographie montre l’ancienne école Kaichi (旧開智学校), se trouvant à quelques centaines de mètres au Nord du château. Ce collège fut construit entre les années 1873 et 1876. C’est une des dernières écoles survivantes du début de l’ère Meiji. Elle a été transformée en musée mais n’était malheureusement pas visitable à notre passage pour cause de rénovation. Nous reprenons ensuite tranquillement la route vers les montagnes avant que la nuit tombe. Nous passerons la nuit dans la petite ville thermale de Bessho Onsen, située dans la périphérie de la ville d’Ueda.

petit voyage de printemps (3)

Après notre pause déjeuner, nous revoici au pied du château pour le visiter. Je ne résiste pas à l’envie de le prendre en photo sous tous les angles tellement il est beau avec son contraste de noir et de blanc. On peut visiter la tour principale appelée Dai-Tenshu. Vue de l’extérieur, on imagine qu’elle se compose de cinq étages, mais il y en a en fait six. Le troisième étage, bas de plafond et sans ouvertures, est un étage caché servant à l’époque d’entrepôt et d’abri pendant les guerres. La tour principale Dai-Tenshu, la tour plus petite sur la droite appelée Inui Kotenshu et le passage qui les relie appelé Watariyagura ont été construits sous les ordres de Ieyasu Tokugawa vers la fin de la période guerrière de Sengoku. On y trouve donc de nombreuses ouvertures sur lesquelles pouvaient être placés des canons. La structure sur la gauche avec deux tours appelées Tatsumi Tsukeyagura et Tsukimi Yagura (tour pour regarder la lune) a été construite 40 années plus tard au début de la période Edo, en temps de paix. Cette partie du château n’a pas été construite comme une structure de défense contre l’ennemi. La combinaison de deux structures, l’une conçue en temps de guerre et l’autre en temps de paix, est une des caractéristiques uniques du château de Matsumoto. Le château a heureusement échappé aux destructions des fortifications féodales qui avaient lieu pendant la période de la Restauration Meiji, sauvé par une figure influente locale et par la population de Matsumoto.

petit voyage de printemps (2)

Le sanctuaire Yohashira (四柱神社) envahi de pigeons se trouve au bout le la petite rue commerçante Nawate que je montrais sur les dernières photographies du billet précédent. Ce sanctuaire fut construit pendant la période Meiji. Son entrée donne sur la petite rivière Metoba que nous traversons pour rejoindre la rue Nakamachi (中町). Pendant la période Edo, cette rue se trouvait au centre de la ville de Matsumoto. L’ancienne route Zenkō-ji Kaido, connectant le temple Zenkō-ji et les villes de Nagoya puis Kyoto, passait à cet endroit, ce qui explique la présence de nombreux commerces. Un grand nombre de bâtiments de cette rue sont anciens et reconvertis en magasins d’artisanat, en cafés ou restaurants. Nous avons déjeuné au restaurant Chikufūdō (竹風堂) situé sur cette rue. Sa spécialité est le riz aux châtaignes qui était délicieux. Le restaurant donne sur un jardin tout en longueur que je montre sur l’avant dernière photographie. Sur la rue principale qui nous ramène ensuite vers la château, on remarque forcément un personnage de manga dessiné sur une palissade blanche temporaire. Celle-ci délimite la zone de construction du futur musée de la ville de Matsumoto qui verra le jour en 2023. Le personnage est dessiné par le mangaka Hiroshi Takahashi (高橋ヒロシ) connu par sa série Crows, adaptée en films par Takashi Miike (entre autres). Le message qui accompagne le dessin à été rédigé par le club de calligraphie d’un lycée de Matsumoto. On nous dit ici: “たまにはがんばらないことも大事だぜ” qu’on pourrait traduire par “Il est parfois important de ne pas faire de son mieux”. D’après le site du mangaka, il y avait de nombreux autres dessins et calligraphies, mais il ne restait que celle-ci à notre passage. Nous nous rapprochons maintenant du château. Il n’y a dans pas grand monde dans les rues de Matsumoto, ce qui confère à cette ville un petit air paisible qui me convenait très bien pour des petites vacances en dehors de Tokyo.

petit voyage de printemps (1)

Je commence là une série de photographies sur nos courtes vacances de printemps à la toute fin du mois de Mars et au début du mois d’Avril. Elles sont courtes car elles n’ont duré que trois jours et deux nuits. Notre objectif premier était d’aller à Matsumoto (松本) pour aller visiter le château, mais nous avons ensuite continué un peu plus loin dans la préfecture de Nagano jusqu’au grand temple Zenkō-ji (善光寺) que je voulais voir depuis très longtemps. J’avais déjà visité le château de Matsumoto il y a 22 ans lors d’une de mes premières années à Tokyo. Il faudrait que je retrouve les photos que j’avais pris à cette époque, en Février 2000 si ma mémoire est bonne. Je montrais déjà quelques photos sur mon site web Okaeri qui existait avant Made in Tokyo. Le château, on pourrait s’en douter, n’a pas beaucoup changé mais mes souvenirs ne sont de toute façon qu’assez peu précis. Il nous a fallu environ trois heures en voiture sur l’autoroute Chuo (l’autoroute que je connais le mieux), sans aucun embouteillage. L’autoroute passe à l’Ouest du lac Suwa (諏訪湖), sur les hauteurs et on peut de ce fait le voir de loin. Je cherche à ce moment là du regard le sanctuaire du film d’animation Kimi no Na Ha (君の名は。), mais je ne le trouve pas. Existe t’il vraiment? En fait, non, le sanctuaire Miyamizu de la famille de Mitsuha dans le film d’animation a été inspiré en partie par le sanctuaire Hie se trouvant à Takayama. Le château de Matsumoto est tellement superbe que je le prends en photo sous tous les angles. Il s’agit d’un château historique dont les origines remontent à l’année 1504. Les tours principales ont été construites plus tard dans les années 1593-1594. On le surnomme “le corbeau” pour sa couleur noire. Mais avant de visiter l’intérieur du château, nous allons faire un tour en ville pour aller déjeuner. Au passage, je remarque un très beau bâtiment de béton conçu par Kiyoshi Sei Takeyama (竹山聖) du groupe Amorphe. Cet immeuble aux formes déstructurées s’appelle Third Millennium Gate et a été construit en 2001. Au même croisement, nous sommes surpris de voir une installation artistique très colorée montrant une grenouille batailleuse. Elle provient de l’école des Beaux Arts de Tokyo et était exhibée pendant une des fêtes de l’école appelées Geisai (芸祭). Nous y sommes allés de nombreuses fois car c’était l’école de Mari et j’ai un très vague souvenir de cette grenouille là. Notre promenade dans les rues de Matsumoto est bien agréable, et je vais la continuer avec d’autres photos dans le prochain épisode.

春休み#4〜Le château de Hamamatsu

Nous arrivons à notre hôtel sur le grand lac Hamanako en pleine nuit. On ne le constatera que plus tard, mais la forme de ce lac est assez compliquée, composée de quelques îlots reliés par des morceaux de terre dont on ne sait s’il s’agit de morceaux rapportés ou de ponts. L’hôtel est placé sur un des îlots à proximité d’un grand parcours de golf. La journée était bien remplie après le voyage en voiture et les visites de Gotemba et de Fujinomiya un peu plus tôt. Je m’écrase assez vite comme une torpille sur le tatami, légèrement amorti par le futon. Et me réveille le lendemain matin à 6h, comme tous les jours de l’année sans exception. Mon horloge interne est extrêmement précise et inaltérable (presque).

Nous passerons la journée à Hamamatsu, notamment pour visiter le château. Il ne s’agit pas d’une construction très ancienne car il a été reconstruit en 1958, comme beaucoup de châteaux de ce type au Japon. La construction originale datait de 1532 et se nommait Château de Hikuma sous la régence du clan Imagawa. Le territoire de Hamamatsu passe sous la main de Ieyasu Tokugawa 徳川家康 (1543 – 1616) après la chute du clan Imagawa en 1568. Ieyasu Tokugawa, plus tard shogun de la période Edo, y passera 17 années à partir de l’an 1570. Le château sera grandement étendu à cette période, mais détruit beaucoup plus tard pendant la restauration Meiji de la deuxième partie du 19ème siècle. Le terrain sera transformé en parc et un nouveau donjon de trois étages fait de béton sera construit en 1958 au dessus du mur d’origine en pierre mis en place par Tokugawa. Ce mur de pierres est intéressant car il semble fragile d’apparence mais a pourtant traversé les années. Comme souvent à l’intérieur des châteaux japonais, on y trouve un musée avec divers objets historiques ou plus touristiques. C’est souvent un mélange hétéroclite d’objets montrés au visiteurs. On est intéressé par une grande carte du Japon avec des photos et emplacements des principaux châteaux du Japon. On y vend même un petit livret avec une liste des principaux châteaux japonais. On énumère ceux que l’on a déjà visité et se disant qu’on devrait essayé de tous les visiter un jour.

Je me souviens du château de Matsumoto que j’avais visité il y a 19 ans le 12 février 2000. Les deux photographies ci-dessus sont prises avec un petit appareil APS dont j’ai perdu la trace, mais qui m’accompagnait pendant mes premières années au Japon. C’est un château élégant entouré de douves et contrairement au château de Hamamatsu, le château de Matsumoto est historique, c’est à dire qu’il a conservé sa structure depuis sa construction en 1594. Nous l’avions vu sous la neige. C’était une étape de notre voyage vers Takayama et le village de Shirakawa-go classé au patrimoine mondial de Unesco. Le château de Matsumoto est surnommé « le Corbeau » en raison de sa couleur noire. Il est de toute beauté et j’aimerais le revoir un jour.

Pour revenir vers Hamamatsu, après la visite du château, nous sommes ensuite repartis aux alentours du lac Hamanako à la recherche d’un sanctuaire perdu s’appellant Hachisaki. Avant de partir, Mari avait lu que ce petit sanctuaire au bord d’une forêt est désigné comme un « power spot », c’est à dire que l’endroit dégage une force particulière. C’est bien entendu difficile à confirmer une fois sur place, mais je suis personnellement très curieux de découvrir ce genre de lieux car on y découvre parfois des choses particulières. La valeur de ce sanctuaire est historique car il s’agit de l’endroit où avait été déposé le seul document portant la signature de Ii Naotora 井伊 直虎 (date de naissance inconnue – 1582).

Ii Naotora est la fille unique du chef de clan Ii Naomori, vassal du clan Imagawa, pendant la période de Sengoku. A la mort de son père, elle devient daimyō, seigneur de domaine, et seigneur de guerre combattant aux côtés du clan Tokugawa. C’est une situation particulièrement rare pour une femme à cette époque. Le document portant la signature stylisée de Ii Naotora (en image ci-dessus à droite) est désormais conservé au musée de la ville de Hamamatsu. A cette époque, ce type de signature stylisée, appelée Kaō, n’était utilisée que par les hommes d’un certain statut. Ce document a une importance historique particulière, d’autant plus que l’histoire a été portée à l’écran dans un drama de la NHK intitulé Onna Jōshu Naotora (おんな城主 直虎), que l’on peut traduire par « Naotora, la femme seigneur de guerre ». Comme beaucoup de séries télévisées historiques de la NHK, ce drama mené par l’actrice Kō Shibasaki dans le rôle de Ii Naotora était très populaire. Je ne l’ai pas regardé à l’époque mais je le souviens très bien de l’affiche ci-dessus d’où se dégage une grande force, je trouve. Cette affiche m’avait d’une certaine manière marqué. Quand au sanctuaire de Hachisaki, il ne paît pas de mine et il est même assez abîmé par les années. Derrière le sanctuaire, un cerisier en fleur domine la colline. Nous étions au mois de mars et la pleine floraison n’avait pas encore commencé. Devant le sanctuaire, le terrain couvert de mousses et de racines effleurant à la surface semblent être à l’identique depuis la nuit des temps. Je ne sais pourquoi mais regarder le sol devant ce sanctuaire m’amène des centaines d’années en arrière. Si je levais les yeux à ce moment précis, j’apercevrais peut être la femme daimyō le temps d’un instant d’égarement. Je garderais cependant mon regard vers ces racines aux formes compliquées encore quelques instants.