dans le vert du parc

En passant dans une petite rue près du parc Inokashira, j’entrevois dans une rue perpendiculaire une composition d’objets et de plantes qui semblent volontairement positionnées de cette manière pour attirer mon regard photographique. Il n’y a priori pas de qualité particulière au paysage de rue de la première photographie du billet, mais je suis intéressé par la composition des cadrages, celui de l’infrastructure métallique de la ligne de train derrière ou celui plus léger des tiges vertes servant de guides aux quelques plantations sauvages de cette zone résidentielle. En fait, j’aime dans cet endroit la manière dont la nature foisonnante essaie de prendre le dessus sur l’enceinte de béton, et le contraste avec cette autre nature minuscule gardée en pots bien alignés. La zone qui est sous notre contrôle est minuscule par rapport à celle qui vit derrière, même si on essaie de lui poser des limites. Je me rends compte que ce genre de photographies ne va pas parler à grand monde, mais avec l’architecture, c’est le style de photos que je préfère faire et qui me fait réfléchir quand je les vois. Il doit y avoir quelque chose à voir avec un thème récurrent de l’invasion verte que je construisais dans une ancienne série Over Green City. Les quatre photographies de ce billet datent déjà d’il y a plus d’un mois et font partie du ‘backlog’ de photographies qu’il me reste à commenter sur ce blog. Je suis très loin d’arriver au bout, car il me reste encore 18 billets en brouillon à écrire, ainsi qu’une petite dizaine de morceaux, EPs ou albums dont je voudrais parler ici. Nous n’étions pas allés au parc Inokashira depuis plusieurs mois et l’endroit m’avait manqué. C’est près ou dans ce parc que je situe plusieurs scènes de mon histoire de Kei, Du songe à la lumière dont j’ai écrit cinq épisodes (Ep.1, Ep.2, Ep.3, Ep.4 et Ep.5) pour le moment.

L’aspect paisible de ce paysage urbain m’amène à parler du dernier EP de l’artiste électronique Sapphire Slows, intitulé Emotion Still Remains. C’est un petit bijou de 4 morceaux qui vient juste de sortir il y a quelques jours. Cet EP s’inscrit dans la même série que le EP The role of Purity sorti il y a plus de trois ans, en Mars 2017. Emotion Still Remains mélange l’ambient avec des notes électroniques délicates et retenues, ainsi que quelques voix énigmatiques survolant la composition comme un brin de vent. De ces morceaux, vient naître l’émotion dont parle le titre. C’est juste un peu dommage que le EP soit aussi court, du coup j’écoute également le EP de 2017 à la suite. Il a deux morceaux centraux assez longs d’environ 7 minutes accompagnées en introduction et en conclusion par des plus courts de 2 minutes. Le morceau final After Your Body Fades apporte un rythme un peu différent que j’aurais vraiment voulu voir développer un peu plus.

une image de pureté

La longue série de photographies avec cerisiers en fleurs touche bientôt à sa fin, même si on continue à les apercevoir par-ci par-là. Certains cerisiers en fleurs ont jusqu’à maintenant résisté aux intempéries de cette dernière semaine. Les photographies nous amènent aujourd’hui à Shinagawa Intercity. Au centre de cet ensemble de bureaux plutôt centrés sur les métiers de la technologie, se trouve un parc agrémenté de quelques arbres, dont des cerisiers. Il y a aussi des structures à mi-chemin entre des pièces d’architecture et des sculptures artistiques. Un de ces espaces se place un peu en hauteur et prend la forme d’une terrasse extérieure avec deux murs couverts de miroirs. Je prends une photographie depuis cette terrasse. La vue résultante est intéressante car elle brouille les pistes entre vue directe et vue reflétée. Une fois sur cette terrasse, l’oeil a un peu de mal à identifier la différence.

Nous allons ensuite au Prince Hotel Takanawa. Mari avait vu à la télévision que les jardins de l’hôtel étaient particulièrement jolis en cette période. L’hôtel est gigantesque et ancien, malgré les rénovations intérieures qui lui donnent une nouvelle jeunesse. Je ne soupçonnais pas la présence de cet hôtel car il est un peu à l’écart, en haut d’une pente pleine de courbes devant la station de Shinagawa. J’étais loin de me douter que l’on trouverait un espace aussi agréable dans les jardins de cet hôtel. Bien que ces jardins soient dans un quartier dense de Tokyo, ils donnent l’impression d’une relative quiétude. On se sent, pendant quelques instants, comme coupé du reste de la ville, comme si on avait traversé une porte de teleportation qui nous amènerait dans des lieux paisibles. Au rez-de-chaussée de l’hôtel, un restaurant, ou un lounge peut être, donne une vue directe sur le jardin et ses cerisiers. Dans un coin du jardin, au pied d’une grande tour dépendant de l’hôtel, des espaces particuliers avec kotatsu ont été mis en place pour le déjeuner sous les cerisiers. Ce n’est pas la partie la plus remarquable des jardins, mais ça doit être extrêmement agréable de manger là, même si c’est sous les yeux envieux de tous. Nous traversons ensuite les jardins pour faire un tour vers le Prince Hotel New Takanawa. C’est une partie un peu plus récente de l’hôtel bien qu’aux allures démodées, comme en témoignent ces balcons de formes rondes répétés à l’infini sur la surface blanche de l’hôtel. Je ne soupçonnais pas que ce bâtiment abritait un hôtel aussi élégant. Je me souviens qu’il y a peut être vingt ans de cela, je venais m’asseoir dans le lounge, déjà d’un autre temps à l’époque, avec mon pote Seb pour y discuter de choses et d’autres pendant des heures en buvant du café, parce qu’il y avait un service à volonté pour mille yens et quelques. L’endroit qui avait autrefois un charme un peu désuet a bien changé. J’aime bien ces endroits qui ont perdu de leur splendeur et qui sont devenu un peu désuets avec les années. Une partie de la ville d’Atami, au bord de mer près de la presqu’île d’Izu, a ce charme là.

Nous bougeons ensuite vers Gotenyama, car il y a un parc à côté de l’hôtel Marriot avec quelques cerisiers. Le festival Sakura Matsuri est déjà terminé mais une lampe japonaise avec l’inscription Reiwa reste en place. C’est le nom de la nouvelle ère qui démarrera le 1er mai de cette année. Il ne reste plus que quelques jours à l’ère Heisei. Ce n’est pas vraiment triste ni joyeux. J’ai en fait un peu de mal à y imaginer une coupure nette, un changement. L’impression de redémarrage est beaucoup plus marquée au début de chaque année. Avec tout le vacarme médiatique qui commence déjà à accompagner ce changement d’ère, voyons comment ces premières impressions se développent. En sortant du parc de Gotenyama, on tombe sur une rue également bordée de cerisiers. Près du musée Hara, je revois une nouvelle fois une maison en construction dont les façades sont conçue de manière artisanale. Le design en vagues est composé de pierres de formes toutes différentes. J’imagine qu’elles sont toutes taillées à la mains et posées petit à petit, ce qui explique la lente progression des travaux.

Je reviens vers la musique électronique de Sapphire Slows avec le EP The role of Purity qui est très beau surtout le premier morceau de plus de 11 minutes tout en nappes mouvantes. C’est un morceau ambient lent qui se laisse imprégner petit à petit à l’intérieur du cerveau. Le morceau me rappelle, je crois, les premiers morceaux de Autechre au niveau de la partie rythmique. J’aime l’ambiance de mystère qui règne dans ce monde musical et la mouvance lumineuse comme une aurore boréale. Le troisième morceau Mallets & Marbles se compose de battements clairs et de petits scintillements musicaux posés sur une musique de fond imprévisible, comme un animal aquatique évoluant dans des eaux profondes. Le reste du EP est plus rythmé et tout aussi excellent. L’ambiance y est très belle.

l7été(10)

Dernière série de photographies à propos de cette journée chaude du mois d’août à marcher entre Shinjuku et Aoyama. Les deux premières photographies sont prises dans les allées étroites de Golden Gai à Kabukichō, dont je parlais dans le billet précédent. Les étroites baraques à deux étages en plus du rez-de-chaussée ne semblent pas avoir changé depuis des dizaines d’années. Les façades sont la plupart du temps encombrés d’objets et d’affiches montrant leur particularité. Nagune montrait une photographie d’artiste, le bar en photo ci-dessus montre tout de suite son appartenance punk. En marchant plus de 3 heures depuis Shinjuku en direction de Shibuya, le paysage urbain change lorsque l’on traverse le quartier d’Omotesando. Il offre une toute autre ambiance que les rues poisseuses de Kabukichō. J’ai volontairement regroupé ces photographies dans un même billet pour marquer le contraste. J’ai déjà pris maintes fois en photo la devanture courbe de la boutique chic de Comme des Garçons, mais elle était cette fois-ci recouverte d’un dessin de dinosaure enfantin qui me paraissait assez éloigné de l’image que je me fait de la marque. Un peu plus bas dans la rue, je ne prends en général plus en photo le bâtiment Prada de Herzog et De Meuron. Il est tellement devenu une évidence de beauté architecturale qu’il a été pris beaucoup trop de fois en photo aux quatre coins de l’Internet. Mais comme cela fait bien 3 ans que je ne l’ai pas montré ici, je me permets cet écart de principe. Après cette longue sortie à pieds du week-end, la chaleur insupportable reprend sur Tokyo et on atteint les 37 degrés. Comment sortir, marcher et prendre des photos dans ces conditions là… Vivement l’automne.

En attendant que la chaleur tombe, je me refroidis au moins les oreilles avec la musique électronique de l’artiste japonaise Sapphire Slows, le nom de scène de Kinuko Hiramatsu. J’écoute le mini-album de 7 titres intitulé Time sorti sur le label londonien Kaleidoscope en Septembre 2017. La musique de Sapphire Slows joue de nappes brumeuses plutôt sombres sur lesquelles viennent se poser des sonorités électroniques pointilleuses ainsi que la voix vaporeuse de Hiramatsu. Cette voix s’entremêlent en plusieurs couches marquées de reverberation. Le morceau My Garden a quelque chose d’envoûtant quand on s’autorise à se laisser engloutir par les flots en répétition de cet océan électronique. Certains morceaux comme Piece of you ou The edge of my land, certainement le morceau le plus accrocheur de l’album, prennent des accents plus pop lorsque les sonorités se font plus lumineuses. Sur ce morceau, j’aime quand ces sonorités pointilleuses se désynchronisent légèrement ou quand une ligne de sons électroniques dissidente part de son côté pendant le morceau. Ce mini-album fonctionne comme un bloc homogène qu’on écoute sans s’interrompre. Il est disponible sur Bandcamp sur la page du label Kaleidoscope, mais par sur la page de Sapphire Slows étonnement, ce qui m’a induit en erreur en pensant qu’il n’était disponible que sur iTunes. Il y a quelques autres EPs que j’aimerais découvrir un peu plus tard, comme celui intitulé The role of purity qui m’a l’air plus ambiant, ou encore celui intitulé Yubiwa en association avec Hotel Mexico, que je ne connais pas, et surtout Jesse Ruins, dont l’album Dream Analysis, que j’avais découvert en 2011, avait été pour moi une véritable révélation. Du coup, je me mets à réécouter cet album de Jesse Ruins à la suite du mini-album Time de Sapphire Slows.